HARRY M. GRUENBERG, LA CIE. SYNODA CO.

Décisions


HARRY M. GRUENBERG, LA CIE. SYNODA CO.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-252

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 5 avril 1994

Appel n o AP-92-252

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 mai 1993 et le 12 janvier 1994 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 25 septembre 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

HARRY M. GRUENBERG, LA CIE. SYNODA CO. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie.

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national qui a eu pour effet de rejeter la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire faite par l'appelant aux termes de l'article 120 de la Loi sur la taxe d'accise. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a droit au remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire pour diverses pièces électroniques, notamment des marchandises comme des câbles, des disques, des claviers, des moniteurs, des modems, des traceurs et des cartes.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. En se fondant sur le témoignage de l'appelant qui a déclaré que 80 p. 100 de l'inventaire en cause était vendu «tel quel» et n'était pas destiné à un complément d'assemblage avant d'être vendu, le Tribunal conclut que 80 p. 100 de l'inventaire de l'appelant est admissible au remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire et il renvoie l'affaire au ministre du Revenu national pour qu'il détermine le montant du remboursement.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 21 mai 1993 et 12 janvier 1994 Date de la décision : Le 5 avril 1994
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Arthur B. Trudeau, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Harry M. Gruenberg, pour l'appelant Stéphane Lilkoff, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national (le Ministre) qui a eu pour effet de rejeter la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) à l'inventaire au montant de 2 562,60 $ faite par l'appelant. L'appel concerne le traitement fiscal de l'inventaire pendant la période de transition entre le régime de la TVF et celui de la taxe sur les produits et services (TPS). La détermination du Ministre a été rendue sur le motif que les marchandises en cause n'étaient pas disponibles pour la «fourniture taxable [...] par vente ou location à d'autres dans le cours normal de l'entreprise de [l'appelant]». Le Ministre a déterminé que les marchandises déjà intégrées dans des marchandises fabriquées ou produites ne sont pas des «marchandises libérées de taxe». L'appelant s'est opposé à la détermination, laquelle a été ratifiée par un avis de décision du Ministre.

L'appelant vend, assemble et assure l'entretien d'ordinateurs. Les marchandises en cause sont diverses pièces électroniques destinées à la vente, à un complément d'assemblage ou à l'entretien d'ordinateurs et comprennent notamment des câbles, des disques, des claviers, des moniteurs, des modems, des traceurs et des cartes.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a droit, aux termes de l'article 120 de la Loi [2] , à un remboursement de la TVF à l'inventaire relativement aux marchandises en cause.

Lors de l'audience, l'appelant, M. Harry M. Gruenberg, a estimé que jusqu'à 80 p. 100 des pièces électroniques figurant à l'inventaire au 1er janvier 1991 ont été vendues telles qu'importées. À cet égard, l'appelant, qui revendait les pièces électroniques qu'il importait, agissait à titre de distributeur de ces marchandises. Pour étayer cette affirmation, l'appelant a déposé plusieurs factures montrant que certaines des pièces électroniques étaient vendues «telles quelles». De plus, M. Gruenberg a soutenu avoir versé la TVF sur tous les articles figurant à l'inventaire au 1er janvier 1991.

L'avocat de l'intimé a reconnu que l'appelant a droit à un remboursement de la TVF à l'inventaire relativement aux marchandises figurant à l'inventaire qui ont, par la suite, été revendues sous la même forme. Cependant, l'avocat a soutenu que l'appelant n'a pas fourni de preuve suffisante pour établir lesquelles des marchandises figurant à l'inventaire entraient dans cette catégorie. L'avocat a admis que le Ministre avait rejeté la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire relativement à toutes les marchandises figurant à l'inventaire au moment pertinent.

L'avocat de l'intimé a entrepris de ventiler l'inventaire en deux catégories, les marchandises destinées à la revente sous la même forme et les marchandises destinées à un complément de fabrication, et d'en aviser l'appelant par écrit. L'avocat a plaidé que la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire doit être rejetée relativement à la partie des marchandises qui figurent à l'inventaire destinée à un complément de fabrication.

À la conclusion de l'audience, reconnaissant que les éléments de preuve étaient clairs et conformes à un certain nombre de causes déjà entendues, le Tribunal a déclaré qu'une ventilation de l'inventaire n'était pas requise et il a annoncé son intention d'admettre l'appel. Il a indiqué qu'il rendrait ses motifs publics dans les meilleurs délais.

Le Tribunal a toutefois dû faire face à des circonstances exceptionnelles. Le 10 juin 1993, après l'audience et avant la publication de la décision et des motifs, des modifications à l'article 120 de la Loi [3] , les dispositions sur le remboursement de la TVF, ont été revêtus de la sanction royale. Ces modifications étaient réputées entrées en vigueur le 17 décembre 1990 [4] .

Le Tribunal, qui a été établi aux termes d'une loi, n'a que les pouvoirs qui lui sont expressément conférés par sa loi constitutive [5] . Lorsque ces pouvoirs ont été exercés et que le Tribunal a publié une décision, il est dessaisi [6] de la cause. Les pouvoirs du Tribunal en matière de publication de décisions sont décrits au paragraphe 81.27(3) de la Loi qui stipule qu'une «décision du Tribunal sur l'appel doit être consignée par écrit et comprendre les raisons de la décision; une copie de cette décision doit être envoyée sans délai aux parties à l'appel». Par conséquent, tant que la décision du Tribunal n'a pas été consignée par écrit, ce dernier demeure saisi de l'affaire.

La Cour d'appel fédérale a conclu que, lorsqu'une décision doit être consignée et qu'il n'existe aucune disposition précise concernant les jugements oraux, l'expression orale de l'intention de trancher une question d'une façon donnée n'est pas déterminante et peut être reconsidérée [7] . En rendant cette conclusion, la Cour d'appel fédérale a déclaré s'attendre à ce que l'expression orale d'une telle intention ne soit modifiée dans une décision écrite uniquement dans des circonstances extraordinaires [8] . La Cour d'appel fédérale n'a toutefois fourni aucune indication de ce qui constitue des circonstances extraordinaires.

Conformément à ces principes généraux et considérant que les modifications apportées à la Loi constituaient des circonstances extraordinaires, le Tribunal a conclu qu'il doit, avant de consigner sa décision par écrit, reconsidérer l'appel en fonction des modifications apportées aux dispositions sur le remboursement de la TVF à l'inventaire.

Dans une lettre datée du 15 novembre 1993, le Tribunal a informé les parties que les modifications étaient réputées entrées en vigueur le 17 décembre 1990 et il a donné l'occasion aux parties de déposer, avant le 10 décembre 1993, d'autres exposés écrits portant sur l'incidence, le cas échéant, de ces modifications sur l'appel.

L'appelant et l'intimé ont déposé des exposés écrits complémentaires le 25 novembre et le 10 décembre 1993 respectivement. L'appelant, dans son exposé supplémentaire, a déclaré qu'après avoir pris connaissance des modifications, sa position demeurait inchangée. Il a convenu que [traduction] «les pièces et les composants destinés à être intégrés dans des marchandises finies qui seront vendues ne seront pas admissibles au remboursement à l'inventaire». Il a toutefois fait valoir que [traduction] «le simple fait que son inventaire compte des pièces et des composants ne doit pas en empêcher la vente sur une base distincte en tant que marchandises finies».

Dans son exposé supplémentaire, l'intimé a souligné que les éléments de preuve soumis par l'appelant n'indiquent pas si les marchandises figurant à l'inventaire sont destinées à être vendues ou louées séparément et que, selon l'inventaire de l'appelant (pièce A-7), bon nombre des marchandises figuraient à l'inventaire en vue d'un complément de fabrication ou d'assemblage, ou pour être intégrées avec d'autres marchandises à la fabrication d'ordinateurs.

En prenant sa décision, le Tribunal a réexaminé les documents et les exposés déposés auprès du Tribunal avant l'audience du 21 mai 1993, les documents et les exposés présentés lors de l'audience et les exposés présentés les 25 novembre et 10 décembre 1993 et qui portaient sur les modifications à la Loi.

Le Tribunal constate qu'en vertu d'un principe de longue date du droit canadien, toute loi promulguée après le début d'une cause s'applique à cette cause lorsqu'il est évident, dans le libellé de ladite loi, qu'elle aura un effet rétroactif au moment de son adoption [9] . L'article 6 de la Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise [10] porte sur les remboursements de la TVF à l'inventaire et est donc pertinent aux fins du présent appel. Le paragraphe 6(7) de cette loi stipule que «[l]es paragraphes (1) à (6) sont réputés entrés en vigueur le 17 décembre 1990». De l'avis du Tribunal, le libellé du paragraphe 6(7) indique clairement que les modifications seront rétroactives au 17 décembre 1990 et qu'elles doivent, par conséquent, s'appliquer au présent appel.

La définition de l'expression «inventaire» aux termes du paragraphe 120(1) de la Loi est au centre du différend entre les parties. Avant les modifications à la Loi, l'expression «inventaire» était définie, en partie, comme suit :

«inventaire» état descriptif des marchandises libérées de taxe d'une personne à un moment donné qui figurent à l'inventaire de la personne au Canada à ce moment et qui, à ce même moment, selon le cas :

a) sont destinées à la fourniture taxable (au sens du paragraphe 123(1)) par vente ou location à d'autres dans le cours normal de l'entreprise de la personne.

Cette définition a été modifiée par le paragraphe 6(1) de la Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et est ainsi formulée :

«inventaire» État descriptif des marchandises libérées de taxe d'une personne à un moment donné qui figurent à l'inventaire de la personne au Canada à ce moment et qui, à ce même moment, selon le cas :

a) sont destinées à être vendues ou louées séparément pour un prix ou un loyer en argent, dans le cours normal d'une activité commerciale de la personne.

En se fondant sur cette définition modifiée, pour que l'appelant ait droit au remboursement de la TVF à l'inventaire, les marchandises figurant à l'inventaire doivent avoir été destinées à être vendues séparément pour un prix dans le cours normal de l'activité commerciale de l'appelant.

Lors de l'audience, le Tribunal a demandé à l'appelant s'il avait incorporé certaines des pièces électroniques figurant à l'inventaire à d'autres marchandises finies. Il a affirmé qu'environ 80 p. 100 de l'inventaire était vendu séparément «tel quel» et n'était pas destiné à un complément d'assemblage avant d'être vendu. Il a témoigné du fait que le 20 p. 100 restant était aussi «prêt à être vendu». L'appelant n'a pas soumis d'autres éléments de preuve à cet égard dans son exposé supplémentaire.

Le Tribunal conclut que la partie des marchandises qui figurent à l'inventaire de l'appelant destinée à être vendue «telle quelle» et qui n'est pas destinée à un complément d'assemblage avant d'être vendue est destinée à être vendue séparément pour un prix dans le cours normal de l'activité commerciale de l'appelant. En se fondant sur le témoignage de l'appelant qui a déclaré que 80 p. 100 de l'inventaire en cause était vendu «tel quel» et n'était pas destiné à un complément d'assemblage avant d'être vendu, le Tribunal conclut que 80 p. 100 de l'inventaire de l'appelant est admissible au remboursement de la TVF à l'inventaire.

En conséquence, l'appel est admis en partie et l'affaire est renvoyée au Ministre pour qu'il détermine le montant du remboursement.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L.C. 1990, ch. 45, art. 12.

3. Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur l'accès à l'information, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les douanes, la Loi sur la Cour fédérale, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, la Loi sur la cession du droit au remboursement en matière d'impôt, la Loi sur l'assurance-chômage et une loi connexe , L.C. 1993, ch. 27.

4. Ibid. , s. 6(7).

5. Panagiotis Grillas c. Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration , [1972] R.C.S. 577.

6. Voir, par exemple, Chandler c. Alberta Association of Architects , [1989] 2 R.C.S. 848; et Siavash Vatanabadi c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration , [1993] 2 C.F. 492. « Functus officio » (dessaisi) est ainsi défini : « [L. having discharged one's duty] Describes an arbitrator or judge who has made an award or order or given a decision which exhausts the authority of that office » [traduction] [L. s'être déchargé de ses responsabilités] Décrit un arbitre ou un juge qui a rendu un jugement arbitral ou une décision qui découle de l'autorité de cette fonction), The dictionary of Canadian law , Scarborough, Thomson Professional Publishing Canada, 1991 à la p. 427, et « Having fulfilled the function, discharged the office, or accomplished the purpose, and therefore of no further force or authority » ([traduction] s'être acquitté des fonctions, avoir exercé les fonctions ou avoir mené une tâche à bonne fin et, par conséquent, ne plus avoir autorité), Black's Law Dictionary , 5 e éd., Minnesota, West Publishing Co., 1979 à la p. 606.

7. John Shairp c. Sa Majesté la Reine , [1989] 1 C.F. 562 à la p. 567.

8. Ibid .

9. Voir, par exemple, John J. Williams v. The Hon. George Irvine , [1893] 22 R.C.S. 108; et Western Minerals Ltd. v. Gaumont and Western Minerals Ltd. v. Brown, [1953] 1 R.C.S. 345.

10. Supra , note 3.


Publication initiale : le 3 juin 1997