PROCTOR-SILEX CANADA INC.

Décisions


PROCTOR-SILEX CANADA INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-92-225

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 11 janvier 1994

Appel no AP-92-225

EU ÉGARD À un appel entendu le 22 juin 1993 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 5 novembre 1992 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

PROCTOR - SILEX CANADA INC. Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est rejeté.

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre présidant

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant importe les marchandises Hot Air Popcorn Pumper. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8516.79.00 à titre d'autres appareils électrothermiques pour usages domestiques, comme l'a prétendu l'intimé, ou doivent être classées dans le numéro tarifaire 8509.80.00 à titre d'autres appareils électromécaniques à moteur électrique incorporé, à usage domestique, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est rejeté. De l'avis du Tribunal, le caractère essentiel des marchandises en cause réside dans la fabrication du maïs éclaté ou dans leur propriété électrothermique. Il convient donc de classer les marchandises en cause dans la position qui énonce leur caractère essentiel conformément à la Règle 3 b) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé et la Note 3 du Chapitre 85 des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 22 juin 1993 Date de la décision : Le 11 janvier 1994
Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Michael Kaylor, pour l'appelant Gilles Villeneuve, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 5 novembre 1992 au sujet d'une demande de réexamen déposée conformément à l'article 63 de la Loi.

L'appelant a importé des marchandises connues sous l'appellation Hot Air Popcorn Pumper qui se composent des éléments suivants : un réchauffeur d'air, un capot de refoulement de ventilateur, y compris un moteur électrique et un ventilateur, le boîtier du réchauffeur d'air et une cavité d'éclatement. Le ventilateur, actionné par un petit moteur électrique, souffle l'air jusqu'au réchauffeur électrique, qui porte la température de l'air au degré requis pour créer une pression de vapeur suffisante à l'intérieur du grain de maïs de sorte qu'il éclate. L'air chauffé est poussé par le ventilateur jusqu'à la cavité d'éclatement, et projette à son tour le maïs éclaté dans un bol, à l'extérieur de l'appareil.

Les marchandises en cause ont été importées par l'appelant le 23 mai 1991 et ont été classées dans le numéro tarifaire 8516.79.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] . L'appelant a déposé une demande de réexamen. Aux termes d'une décision datée du 5 novembre 1992, l'intimé a confirmé le classement initial.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8516.79.00 à titre d'autres appareils électrothermiques pour usages domestiques, comme l'a prétendu l'intimé, ou doivent être classées dans le numéro tarifaire 8509.80.00 à titre d'autres appareils électromécaniques à moteur électrique incorporé, à usage domestique, comme l'a soutenu l'appelant.

L'avocat de l'appelant a convoqué un témoin, M. Steven W. Ashworth, qui travaille pour la société Hamilton Beach Proctor-Silex, Inc. des États-Unis depuis six ans comme ingénieur en mécanique chargé de la conception des nouveaux produits de la société. Par conséquent, M. Ashworth connaît bien les fonctions de l'éclateuse Hot Air Popcorn Pumper, de même que le procédé d'assemblage de cet appareil. Il a brièvement décrit les principaux composants de celui-ci, soit le ventilateur et son moteur, le réchauffeur d'air et la cavité d'éclatement. Il a expliqué le fonctionnement qui permet d'en arriver aux résultats souhaités. Essentiellement, le moteur électrique actionne le ventilateur qui pousse l'air dans le réchauffeur. Ce dernier porte ensuite la température de l'air au degré requis pour créer une pression de vapeur suffisante à l'intérieur du grain de maïs de sorte qu'il éclate. Le témoin a expliqué que les marchandises en cause possèdent deux propriétés, l'une électromécanique et l'autre électrothermique. Lorsque leur action est coordonnée, ces deux propriétés produisent l'effet escompté. L'une ne peut se passer de l'autre. Le témoin a déclaré que ces deux propriétés ont la même importance pour ce qui est du rendement de l'éclateuse Hot Air Popcorn Pumper.

M. Ashworth a également donné son avis sur les motifs qui poussent les consommateurs à acheter les marchandises en cause. Il a insisté sur l'importance de la propriété électromécanique de celles-ci et a précisé qu'elle est propre au produit de sa société. C'est précisément cette caractéristique qui distingue ce produit des autres offerts sur le marché. Il a expliqué que tous les autres produits utilisent de l'huile pour transférer la chaleur et pour cuire les grains de manière à les faire éclater. Le recours à un moteur électrique et à un ventilateur, qui élimine par le fait même la nécessité de l'huile, représente dans le procédé d'éclatement du maïs une innovation qui devrait plaire aux consommateurs conscients de l'importance d'une bonne santé. Le procédé à l'air chaud permet également d'obtenir un grain de maïs à la fois meilleur et plus gros. L'appareil Hot Air Popcorn Pumper est également plus facile à nettoyer, car contrairement aux éclateuses qui utilisent de l'huile, il ne laisse pas de dépôt graisseux.

L'avocat de l'intimé a aussi convoqué un témoin, M. Edelbert G. Plett, professeur au département de génie mécanique et aérospatial de l'université Carleton. M. Plett a expliqué l'application de certains principes de thermodynamique, qu'il a décrit brièvement comme étant la conversion de la chaleur en d'autres formes d'énergie. À la demande de l'avocat, il a examiné l'éclateuse Hot Air Popcorn Pumper et formulé des observations sur les fonctions de ses principaux composants et sur son rendement global. M. Plett a expliqué que le réchauffeur d'air constitue le composant essentiel des marchandises en cause et que ces dernières ne pourraient bien fonctionner sans lui. Il avait vérifié cette affirmation à l'aide d'une expérience qui consistait à débrancher le réchauffeur. Au cours du contre-interrogatoire, il a déclaré n'avoir pas tenté l'expérience contraire, c'est-à-dire retirer le moteur électrique pour déterminer si les marchandises en cause fonctionneraient convenablement. M. Plett a toutefois affirmé que fort probablement la plupart des grains brûleraient, ce qui ne produirait pas du même coup l'effet souhaité des deux propriétés essentielles des marchandises en cause.

L'avocat de l'appelant a prétendu que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8509.80.00 à titre d'autres appareils électromécaniques à moteur électrique incorporé, à usage domestique. Il a repris l'affirmation de M. Ashworth, à savoir que les marchandises en cause comportent deux propriétés essentielles, aussi importantes l'une que l'autre, et que c'est leur effet combiné qui permet d'obtenir le résultat escompté.

L'avocat de l'appelant a traité de l'une des plus récentes décisions du Tribunal au sujet du classement tarifaire, Weil Company Limited c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [3] , qui portait sur le classement d'un four à pain. Cet appareil comportait également deux propriétés essentielles : l'une électromécanique et l'autre électrothermique. Dans cette

cause, le Tribunal a souligné l'importance de la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [4] (les Règles générales) qui précise que le classement est «déterminé [...] d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres».

Le Tribunal était d'avis que la Note 3 du Chapitre 85 des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [5] , qui précise «à l'exclusion [...] des appareils électrothermiques» et qui mentionne ensuite la position no 85.16, n'empêche pas le classement des appareils à fonction double ou mixte à la position no 85.09. Le Tribunal était donc d'avis que la Note 3 n'était pas suffisante en elle-même pour lui permettre de classer le four à pain, qui possédait des fonctions ou propriétés électromécaniques et électrothermiques. Il a ensuite examiné la Règle 3 a) des Règles générales, qui stipule que «[l]a position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d'une portée plus générale». Étant donné que la description fournie à chacune des positions à l'étude mentionnait une, mais non les deux propriétés du four à pain, le Tribunal a estimé que les deux positions étaient aussi spécifiques l'une que l'autre aux fins de l'application de la Règle 3 a) des Règles générales et est donc passé à la Règle 3 b). Cette dernière précise, en partie, que «les ouvrages composés [...] constitués par l'assemblage d'articles différents [...] dont le classement ne peut être effectué en application de la Règle 3 a) [des Règles générales] sont classés d'après [...] l'article qui leur confère leur caractère essentiel».

Le Tribunal avait alors conclu que le caractère essentiel du four à pain avait trait à sa capacité de cuisson, c'est-à-dire sa fonction électrothermique. C'était cette capacité qui le distinguait des autres appareils, par exemple le Mix Master, qui pouvait être utilisé pour faire de la pâte et la pétrir. Le Tribunal avait décidé qu'il convenait d'invoquer la Note 3 du Chapitre 85, à savoir que les appareils électrothermiques sont exclus de la position no 85.09, et de classer les marchandises en cause comme il est indiqué dans cette note, c'est-à-dire dans la position no 85.16.

L'avocat de l'appelant a présenté le même argument au Tribunal. Il a soutenu que le caractère essentiel de l'éclateuse Hot Air Popcorn Pumper réside dans sa propriété électromécanique et que c'est cette propriété qui distingue les marchandises en cause des autres appareils sur le marché. En conséquence, les marchandises en cause doivent être classées dans la position pertinente qui, a-t-il soutenu, est la position no 85.09. Il a expliqué que le Tribunal devait établir une distinction entre la fonction principale d'un produit et son caractère essentiel. Bien que l'éclateuse Hot Air Popcorn Pumper puisse avoir pour fonction principale de réchauffer les grains de maïs pour les faire éclater, c'est son caractère essentiel qui la distingue des autres produits. Dans la présente cause, il s'agit du moteur électrique et du ventilateur qui servent à distribuer la chaleur pour produire l'effet souhaité. L'avocat a également prétendu que les appareils électrothermiques qui ont une propriété électromécanique ne peuvent être classés dans la position no 85.16. Il a soutenu que le législateur avait pour intention d'exclure précisément de cette position toutes les marchandises dont la nature n'était pas purement électrothermique.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les marchandises étaient correctement classées dans la sous-position no 8516.79. Il a accepté le fait qu'elles comportent deux propriétés essentielles. Il a toutefois prétendu que leur propriété électrothermique a préséance et que c'est elle qui permet à l'éclateuse d'exercer sa fonction principale, c'est-à-dire faire éclater des grains de maïs à l'aide de la chaleur. Étant donné que la Note 3 du Chapitre 85 des Notes explicatives exclut de la position no 85.09 les appareils électrothermiques visés par la position no 85.16, ces derniers ne peuvent être classés dans cette position. Puisque la Note E 18) des Notes explicatives de la position no 85.16 englobe précisément «[l]es appareils pour la fabrication du pop-corn», il serait plus logique de classer les marchandises en cause dans la position no 85.16. L'avocat a soutenu que tous les éléments de preuve révèlent que la chaleur est l'élément requis pour faire éclater les grains de maïs et que la propriété électrothermique des marchandises en cause doit être considérée comme étant leur caractère essentiel. Se reportant à la cause Weil, l'avocat a prétendu que les marchandises qui sont de nature à la fois électrothermique et électromécanique peuvent être classées dans la position no 85.16.

À titre de deuxième possibilité, l'avocat de l'intimé a fait valoir que si le Tribunal conclut que les deux propriétés des marchandises en cause sont susceptibles d'être valablement prises en considération, il convient toujours de classer les marchandises en cause dans la position no 85.16 parce que c'est la dernière des positions, selon l'ordre numérique. Il a fondé son argument sur la Règle 3 c) des Règles générales qui précise que «[d]ans le cas où les Règles 3 a) et 3 b) ne permettent pas d'effectuer le classement, la marchandise est classée dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d'être valablement prises en considération».

Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8516.79.00 à titre d'autres appareils électrothermiques pour usages domestiques. Il fonde ses motifs sur la cause Weil précitée. Il tient compte de l'importance de la Règle 1 des Règles générales, qui doit régir le classement des marchandises en cause.

Le Tribunal reconnaît avec les parties que, dans la présente cause, l'éclateuse Hot Air Popcorn Pumper possède des fonctions ou des propriétés à la fois électromécaniques et électrothermiques. Comme dans l'affaire Weil, le Tribunal estime que la Note 3 du Chapitre 85 des Notes explicatives n'empêche pas le classement des appareils à fonction double ou mixte dans la position no 85.09, mais qu'elle ne suffit pas en elle-même pour classer les marchandises en cause; le Tribunal doit donc se reporter à la Règle 3 des Règles générales.

Encore une fois, étant donné que la description de chacune des positions à l'étude mentionne une, mais non les deux fonctions ou propriétés de l'éclateuse Hot Air Popcorn Pumper, le Tribunal estime que les deux positions sont aussi spécifiques l'une que l'autre aux fins de l'application de la Règle 3 a) et doit donc passer à la Règle 3 b).

Se reportant à la Règle 3 b) des Règles générales, le Tribunal conclut que le caractère essentiel de l'éclateuse Hot Air Popcorn Pumper a trait à sa capacité de fabriquer du maïs éclaté ou à sa propriété électrothermique. Cet appareil se distingue des autres éclateuses à maïs parce qu'il utilise de l'air chauffé à l'électricité; cependant, tous les appareils servant à faire éclater du maïs, y compris ceux mentionnés et décrits par le témoin de l'appelant, possèdent le même caractère essentiel, c'est-à-dire le réchauffement de la partie interne du grain de maïs pour le faire éclater. Ce procédé est impossible sans la propriété électrothermique des marchandises en cause. Les marchandises de l'appelant ont la même fonction que les autres appareils sur le marché : elles fabriquent du maïs éclaté.

Comme dans la cause Weil, le Tribunal estime qu'il est plus approprié d'invoquer la Note 3 du Chapitre 85 des Notes explicatives — c'est-à-dire que les appareils électrothermiques sont exclus de la position no 85.09 — et de classer l'éclateuse Hot Air Popcorn Pumper dans la position no 85.16, comme il est indiqué dans cette note et dans la Note explicative E 18) se rapportant à la position no 85.16.

En conséquence, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

3. Appel n o AP-92-096, le 10 mai 1993.

4. Supra , note 2, annexe 1.

5. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1986.


Publication initiale : le 3 juin 1997