R.S. HARRIS LTD.

Décisions


R.S. HARRIS LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-264

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le jeudi 7 décembre 1995

Appel no AP-92-264

EU ÉGARD À un appel entendu les 22 et 23 mars 1995 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 15 octobre 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

R.S. HARRIS LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie. L 2'affaire est renvoyée à l'intimé pour qu'il détermine quelles transactions visées par la cotisation du 30 mars 1990 portaient sur du bois d'œuvre retransformé ne dépassant pas 90 po de longueur, décrit dans des factures commerciales ou des documents douaniers comme caisses, cageots ou palettes démontés, ou selon un libellé en ce sens.


Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national le 30 mars 1990. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certaines marchandises exportées aux États-Unis par l'appelant entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1989, et décrites comme caisses et cageots démontés, bois de palette et éléments de cadres de lits, étaient assujetties au droit à l'exportation aux termes de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'œuvre.

DÉCISION : L'appel est admis relativement aux pièces A-14 et A-15 et au bois d'œuvre retransformé ne dépassant pas 90 po de longueur, qui a été décrit dans des factures commerciales ou des documents douaniers comme caisses, cageots ou palettes démontés, ou selon un libellé en ce sens. L'appel est rejeté pour ce qui est de toutes les autres marchandises visées par la cotisation établie par l'intimé. Le bois d'œuvre d E9 ‚passant 90 po de longueur est frappé d'un droit aux termes de l'article 4 de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'œuvre et de la partie II de l'annexe, qu'il soit ou non destiné à être assemblé en caisses, cageots ou palettes. Les éléments de cadres de sommiers à ressorts sont assujettis au droit à l'exportation aux termes de l'article 6 de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'œuvre et de la partie III de l'annexe, tout comme le bois d'œuvre retransformé ne dépassant pas 90 po de longueur, décrit comme bois de palette, bois de cageot ou bois de caisse, non exporté en unités complètes de ces produits. L'affaire est renvoyée à l'intimé pour qu'il détermine quelles transactions visées par la cotisation portaient sur du bois d'œuvre retransformé ne dépassant pas 90 po de longueur, décrit dans des factures commerciales ou des documents douaniers comme caisses, cageots ou palettes démontés, ou selon un libellé en ce sens.

Lieu de l'audience : Winnipeg (Manitoba) Date de l'audience : Les 22 et 23 mars 1995 Date de la décision : Le 7 décembre 1995
Membres du Tribunal : Lyle M. Russell, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Ingrid Lincoln, pour l'appelant Anne M. Turley et Jennifer Oulton, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] à l'égard d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national le 30 mars 1990. L'appelant s'est vu imposer une cotisation de 162 022,95 $ en droits à l'exportation, pénalités et intérêts aux termes de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'œuvre [2] (la Loi)relativement à certaines marchandises que l'appelant a exportées aux États-Unis entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1989. La cotisation faisait suite à une vérification des livres de l'appelant qui avait été demandée par le gouvernement des États-Unis conformément à un mémorandum d'entente de 1986 avec le gouvernement canadien concernant le commerce de certains produits de bois d'œuvre (le Mémorandum). L'appelant a signifié un avis d'opposition daté du 6 juin 1990, que l'intimé a rejeté dans une décision rendue le 15 octobre 1992.

Pendant la période visée par la vérification, l'appelant était grossiste-distributeur de bois d'œuvre sur les marchés du Canada et des États-Unis. Il détenait également la moitié des actions d'une société de fabrication de palettes, Quality Pallet. À la date de l'audience, l'appelant était une société inactive, ayant cessé ses opérations dans le commerce du bois d'œuvre en 1991. L'objet de la Loi est de formaliser les obligations que le Canada a contractées aux termes du Mémorandum. En échange de l'accord du gouvernement des États-Unis de mettre fin à une enquête en vue de l'imposition de droits compensateurs à l'égard des produits de bois d'œuvre canadiens, le gouvernement canadien est convenu de percevoir un droit à l'exportation de 15 p. 100 sur certains produits de bois d'œuvre (généralement appelés bois d'œuvre de dimensions courantes) et un droit moindre sur les exportations vers les États-Unis de certains produits «de seconde transformation» ou «retransformés». Ce dernier droit devait être égal à 15 p. 100 de la valeur du bois d'œuvre de dimensions courantes utilisé pour fabriquer les produits «retransformés» exportés. La liste convenue de produits «retransformés» a été modifiée le 16 décembre 1987. L'annexe de la Loi (l'annexe) a été modifiée en conséquence. La modification est entrée en vigueur le 1er janvier 1988. Les produits de bois d'œuvre et de bois provenant de la Colombie-Britannique et des provinces de l'Atlantique étaient généralement exonérés du droit.

Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la Loi et de l'annexe prévoient, en partie, ce qui suit :

4.(1) Les produits de bois d'œuvre figurant à la partie II de l'annexe et exportés aux États-Unis après le 7 janvier 1987 sont assujettis à un droit calculé conformément à la présente loi.

5.(1) Sous réserve de l'article 6, le droit imposé en vertu du paragraphe 4(1) sur les produits de bois d'œuvre figurant à la partie II de l'annexe est égal :

a) au pourcentage fixé par règlement — maximal de quinze pour cent — du prix d'exportation des produits;

b) à défaut, à quinze pour cent de ce prix d'exportation.

6.(1) Dans le cas des produits de bois d'œuvre figurant à la partie III de l'annexe et assujettis à un droit en vertu du paragraphe 4(1), le droit est égal :

a) au pourcentage fixé par règlement — maximal de quinze pour cent — de la valeur du bois d'œuvre entrant dans la fabrication des produits;

b) à défaut, à quinze pour cent de cette valeur.

ANNEXE

PARTIE I

«produits de bois d'œuvre retransformés à usages spéciaux» Produits de bois d'œuvre retransformés qui sont coupés selon les dimensions spécifiées par l'acheteur, sans dépasser 90 pouces de longueur, pour convenir à l'utilisation prévue après retransformation, et qui sont produits, au cours d'une opération de réusinage, généralement pour des applications industrielles.

PARTIE II

1. Bois d'œuvre, à l'état brut, corroyé ou façonné.

PARTIE III

1. Les produits de bois d'œuvre suivants :

u) produits de bois d'œuvre retransformés à usages spéciaux, à savoir :

(i) bois de palette, soit du bois retransformé fourni aux fabricants de palettes qui en font des produits finis, à l'exclusion des palettes complètes assemblées ou non,

(ii) éléments de cadres de sommiers à ressorts conformes aux dimensions spécifiées par l'acheteur,

(iii) bois de cageot, à l'exclusion des cageots complets assemblés ou non,

(iv) bois de caisse, à l'exclusion des caisses complètes assemblées ou non,

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la Loi s'applique aux marchandises décrites par l'appelant dans ses factures commerciales et documents douaniers comme caisses, cageots et palettes démontés, «matériaux de cageots pour l'utilisateur final», «matériaux de cadres de lits préfabriqués pour l'utilisateur final» et selon d'autres libellés semblables. Selon la position de l'appelant, les marchandises en cause étaient explicitement exclues de l'alinéa 1u) de la partie III de l'annexe à titre de caisses, cageots ou palettes complets mais non assemblés ou n'y étaient pas clairement décrites et, par conséquent, étaient exonérées du droit à l'exportation. Selon la position de l'intimé, les marchandises décrites comme bois de palette, ou cageots et caisses démontés, étaient en fait du bois d'œuvre de dimensions courantes et, par conséquent, assujetties à un droit de 15 p. 100, et les éléments de cadres de sommiers à ressorts étaient clairement visés par l'alinéa 1u) et assujettis à un droit de 15 p. 100 de la valeur de vente du bois d'œuvre.

À l'audience, l'avocate de l'appelant a cité quatre témoins, alors que les avocates de l'intimé ont cité un témoin. Le premier témoin de l'appelant, M. Harvey Dueck, était au service de R.S. Harris Ltd. entre 1985 et 1989 à titre de chef de bureau et programmeur d'ordinateur. Il était responsable de la facturation, du contrôle des stocks, de la production des rapports financiers et de l'établissement des déclarations mensuelles pour le paiement du droit à l'exportation sur le bois d'œuvre et les produits de bois d'œuvre exportés aux États-Unis. Il a expliqué la difficulté qu'il a éprouvée, particulièrement dans les six premiers mois après l'institution du droit à l'exportation, à obtenir des renseignements fiables du ministère du Revenu national (Revenu Canada) au sujet des produits qui étaient visés par la Loi et des conditions d'exonération possible de certains produits. M. Dueck a témoigné que, malgré les nombreux communiqués qu'il a obtenus des autorités de la taxe d'accise, les nombreuses conversations qu'il a eues avec les fonctionnaires de Revenu Canada et l'échange d'une correspondance poussée avec eux, il ne savait toujours pas, lorsqu'il a quitté les effectifs de l'appelant en mai 1989, si certains produits étaient exonérés. M. Dueck a témoigné que, sur la foi des renseignements obtenus des fonctionnaires de Revenu Canada, il croyait que le bois de palette, le bois de cageot, le bois de caisse et le bois de cadre de lit et de meuble étaient tous exonérés du droit, pourvu que le bois soit coupé selon les bonnes dimensions pour être assemblé en palettes, cageots, caisses, cadres de lits ou meubles, sans nouvelle transformation.

Le deuxième témoin de l'appelant, M. Ken Doerksen, affecté actuellement à la gestion de la production auprès de la Great Northern Remanufacturing, était le propriétaire de Ken Doer Custom Mill Work entre 1987 et 1989. Pendant cette période, son entreprise a fait de la retransformation à façon de bois d'œuvre EPS (épinette-pin-sapin) de dimensions courantes des catégories économique et d'utilité générale pour l'appelant. Il a expliqué que le bois d'œuvre de la catégorie économique n'a pas la force requise pour servir à la construction de bâtiments et sert normalement à faire des cageots, des caisses et des palettes. L'entreprise de M. Doerksen soumettait à diverses opérations le bois d'œuvre fourni par l'appelant, comme la coupe en diverses longueurs (par exemple, 37, 39, 45 et 71 po), le resciage en différentes épaisseurs, le dégauchissage, l'encochage, le chanfreinage ou le biseautage des bords, l'arrondissement des coins ou la coupe en biais des coins. M. Doerksen a témoigné que les instructions écrites de l'appelant ne précisaient pas normalement l'utilisation finale du bois retransformé, mais qu'il l'apprenait souvent par des conversations qu'il avait avec les employés de l'appelant ou qu'il était en mesure de déterminer l'utilisation finale en fonction des dimensions du bois d'œuvre fourni et des opérations à accomplir. Par exemple, lorsqu'on lui confiait du bois de 2 po sur 4 po à couper en longueurs de 48 po et à encocher à 6 po de chaque bout avec des coches de 1 ½ po sur 9 po, il savait qu'ils allaient servir à fabriquer des palettes à deux entrées. M. Doerksen a expliqué que le bois d'œuvre retransformé ne sortait pas de son usine en ensembles complets, démontés, du produit final. Prenant l'exemple du bois de palette, il a expliqué que toutes les pièces de 2 po sur 4 po étaient plutôt expédiées dans le même «lot», et les pièces de 1 po sur 6 po pour les lattes de haut et de bas étaient expédiées dans un autre lot.

Le troisième témoin de l'appelant, le directeur de l'entreprise, M. Robert S. Harris, a expliqué comment les caisses, les cageots, les palettes et les cadres de lits sont construits et comment son entreprise fournissait aux assembleurs finals de ces produits les éléments de bois nécessaires. Il a dit que, par souci de faire des économies sur les frais d'expédition lorsqu'il fournissait du bois de palette à un client, l'appelant expédiait les patins de 2 po sur 4 po et les planches de 1 po sur 4 po en paquets distincts et souvent dans des camions distincts. Cependant, à son avis, l'appelant expédiait des palettes démontées. L'appelant fournissait des éléments finis en quantités suffisantes pour permettre au client d'assembler un nombre déterminé de produits finis. Il en était de même des caisses, des cageots et des cadres de lits. M. Harris était aussi d'avis que les palettes, les caisses et les cageots assemblés aux États-Unis à partir des éléments fournis par l'appelant étaient des matériaux d'arrimage, puisqu'ils devaient servir de conteneurs d'expédition ou au transport d'autres produits.

M. Harris a commenté les factures et les autres documents présentés à titre d'éléments de preuve qui concernaient plusieurs des transactions visées par la cotisation. Dans chaque cas, il a décrit le matériau, la «retransformation» effectuée par l'appelant avant l'exportation selon les prescriptions de ses clients et la façon dont le matériau pouvait être utilisé, d'après sa connaissance de l'entreprise du client. Selon M. Harris, les pièces A-13 et A-16 visaient un «matériau [ ] de cageot [ ]» retransformé dépassant 90 po de longueur, alors que les pièces A-12, A-14 et A-15 concernaient des cadres de lits, des caisses et des éléments de cageots de longueurs allant de 37 ½ po à 79 po. M. Harris a expliqué qu'en 1989, il n'était pas arrivé à comprendre clairement quels produits étaient assujettis au droit à l'exportation et lesquels en étaient exonér 9‚s aux termes de la Loi, malgré plusieurs discussions avec les fonctionnaires de Revenu Canada. Il a témoigné s'en être remis aux renseignements reçus des fonctionnaires de Revenu Canada pour décider de verser ou non le droit à l'exportation à l'intimé.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Harris a été invité à commenter les pièces B-2 à B-5. Il a fait remarquer que les marchandises étaient décrites comme «cageots démontés», mais que ces mots ne figuraient pas sur les bons de commande correspondants. Les commandes visaient un chargement de camion de bois d'œuvre en longueurs, épaisseurs et largeurs courantes standard. Dans les deux cas, l'acheteur était un grossiste de bois d'œuvre de l'Ontario. Un chargement de camion, cependant, a été expédié à Moutain Top (Pennsylvanie) et l'autre à Beckley (Virginie-Occidentale). M. Harris a témoigné que les marchandises avaient été facturées comme «cageots démontés» à la suite d'un appel téléphonique où l'acheteur lui a appris que telle était l'utilisation à laquelle elles étaient destinées. M. Harris a estimé qu'en 1988 et 1989, l'appelant a exporté pour environ 10 millions de dollars de bois d'œuvre aux États-Unis. Sur ce montant, environ 2 millions de dollars auraient été exonérés du droit à l'exportation parce que le bois d'œuvre provenait de la Colombie-Britannique, et l'appelant aurait perçu et versé le droit à l'exportation sur environ 7 millions de dollars, de sorte qu'il restait pour 1 million de dollars de cageots démontés et d'autres produits que M. Harris considérait comme étant exonérés.

L'avocate de l'appelant a tenté de faire reconnaître son quatrième témoin, Mme Roslyn Nugent, comme expert en matériaux d'arrimage, étant donné qu'elle était propriétaire et exploitante d'un commerce de bois d'œuvre en gros et d'une entreprise de fabrication de bois d'œuvre et qu'elle avait une certaine connaissance des normes et des catégories de bois d'œuvre. Les avocates de l'intimé s'y sont opposées. Le Tribunal a refusé de reconnaître Mme Nugent comme expert. Il a toutefois décidé d'entendre son témoignage et de lui attribuer la valeur qu'il méritait. Elle a témoigné être d'accord sur la définition de «dunnage» ([traduction] matériau d'arrimage) donnée dans la revue spécialisée en bois d'œuvre intitulée Random Lengths [3] . Selon cette définition, le bois d'arrimage est un bois de qualité inférieure servant à lier, mettre en paquets ou transporter des produits pendant l'expédition. Elle a expliqué que toute catégorie de bois d'œuvre peut servir à l'arrimage, mais que les catégories de moins bonne qualité sont normalement utilisées. Pendant le témoignage de Mme Nugent, il est apparu au Tribunal que le bois d'œuvre n'est normalement pas décrit comme «matériau d'arrimage» avant d'être combiné avec les marchandises qu'il est destiné à transporter ou à protéger.

Le témoin de l'intimé, M. Neils Larsen, vérificateur principal à Revenu Canada, a effectué la vérification des comptes de l'appelant. Il a expliqué que sa vérification a porté sur 285 factures. L'examen des bons de commande et d'autres documents lui a permis d'établir que le bois d'œuvre visé par 265 des factures provenait de provinces autres que la Colombie-Britannique. Il a établi que le bois d'œuvre dans 20 des transactions provenait de la Colombie-Britannique et était, par conséquent, exonéré du droit à l'exportation. M. Larsen a expliqué avoir examiné en détail les descriptions figurant dans les factures et les autres documents de l'appelant et avoir parlé aux employés de l'appelant en vue de déterminer la nature des marchandises et leur statut aux termes de la Loi. Dans certains cas, il a téléphoné au client américain pour déterminer l'utilisation faite des marchandises.

M. Larsen a observé que 13 des transactions concernaient des éléments de cadres de lits. Comme ces marchandises figurent dans la liste qui se trouve à la partie III de l'annexe, il a décidé qu'elles étaient assujetties au droit à l'exportation. Un grand nombre des autres factures établies entre mai et octobre 1989 pour des marchandises généralement décrites comme «caisses d'emballage (démontées)» étaient pour des expéditions de bois de dimensions courantes jusqu'à 20 pi de longueur, jusqu'à 10 po de largeur et de 2 po d'épaisseur. Selon M. Larsen, il ne s'agissait pas là de caisses démontées. À son avis, pour être admissible comme caisses non assemblées aux fins de la Loi, l'expédition devait contenir le bon nombre d'unités de chaque élément nécessaire à la confection des caisses. Selon son témoignage, après avoir appris cela, M. Harris a tenté de faire valoir que les marchandises devaient être exonérées du droit à l'exportation parce qu'elles étaient un matériau d'arrimage. M. Larsen a témoigné qu'il n'a vu ce mot que sur 2 des 285 factures visées par la vérification. Il a aussi témoigné qu'il n'a jamais vu un produit décrit comme «palette». Cependant, dans bien des cas, il a vu des produits décrits comme matériaux de palette, matériaux de cageot, matériaux de palette-cageot, matériaux de cageot préfabriqué ou cageots démontés. Là où il y avait des bons de commande, ils étaient habituellement établis pour des paquets de bois de 2 po sur 4 po ou d'autres dimensions d'une catégorie précisée de bois d'œuvre. Ils ne précisaient jamais un nombre particulier de palettes. Faute de renseignements suffisants pour permettre de conclure que ces transactions portaient sur des palettes ou des cageots non assemblés, M. Larsen a décidé que ces marchandises étaient assujetties au droit à l'exportation. Selon M. Larsen, l'appelant n'a versé que 203 136 $ de droits à l'exportation entre le 1er juillet 1988 et le 30 juin 1989. Il était, par conséquent, en désaccord sur le témoignage de M. Harris selon lequel l'appelant avait versé le droit à l'exportation sur environ 7 millions de dollars de bois d'œuvre.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Larsen a reconnu que certains des employés de l'appelant semblaient confus pour ce qui est de l'application de la partie III de l'annexe. Il a expliqué que cela a pu être attribuable, en partie, à certains renseignements ambigus fournis par les fonctionnaires de Revenu Canada aux stades initiaux de la loi. Cependant, il a ajouté que toute ambiguïté aurait dû être levée par l'examen des fiches de décision et les discussions subséquentes entre les fonctionnaires de Revenu Canada et les employés de l'appelant. Il n'était pas d'accord pour reconnaître que l'appelant avait pris toutes les mesures nécessaires pour établir quelles marchandises étaient visées par la Loi.

L'avocate de l'appelant a soutenu que la Loi était ambiguë et que toute ambiguïté doit être résolue en faveur du contribuable. Elle a soutenu que, pour résoudre l'ambiguïté, le Tribunal peut accorder de l'importance à des conseils erronés fournis à l'appelant par les fonctionnaires de Revenu Canada. Selon l'avocate, l'ambiguïté dans la loi découlait de plusieurs facteurs, qu'elle a énumérés dans sa plaidoirie. À son avis, il existait de la confusion quant à la question de déterminer quel article de la Loi imposait un droit sur les marchandises énumérées à la partie III de l'annexe et il était difficile de déterminer quelles marchandises étaient exonérées aux termes de cette partie. La modification apportée à l'annexe a aussi ajouté à la confusion. L'avocate a soutenu que la définition de «produits de bois d'œuvre retransformés à usages spéciaux» n'était pas claire. Il semblait y avoir une exonération pour les caisses, cageots et palettes complets, mais il n'y avait pas d'indication précise quant au moment où une unité était considérée comme étant complète. Elle a fait valoir que Revenu Canada même semblait confus. Par exemple, les éléments de preuve ont fait ressortir les distinctions entre d'une part les premières affirmations répétées des agents de ce ministère selon lesquelles, aux fins de l'interprétation d'une caisse comme étant une unité complète, tous les éléments nécessaires à sa confection devaient être mis dans un même paquet pour l'expédition, et d'autre part les affirmations subséquentes voulant que cette condition importe peu, dans la mesure où l'expédition comprenait le bon nombre de chacun des éléments nécessaires à la confection d'un nombre déterminé de caisses.

L'avocate de l'appelant a fait valoir que la plupart des marchandises en cause étaient exonérées du droit à l'exportation, vu qu'elles étaient des caisses, des cageots ou des palettes non assemblés. Les éléments de preuve révèlent que le bois de palette était expédié par l'appelant à des fabricants de palettes, que ses clients comprenaient des fabricants de laiton et d'acier qui auraient pu avoir besoin de bois d'œuvre aux fins de la construction de cageots et de caisses et à des fins d'expédition, et que certaines dimensions de bois d'œuvre de catégorie inférieure décrit dans les documents d'expédition comme palettes, cageots ou caisses démontés étaient des unités complètes même si elles n'avaient peut-être pas été expédiées dans un même chargement de camion. Elle a soutenu que les éléments de preuve démontrent que le «bois de cageot» est un terme tellement variable que diverses combinaisons de différentes dimensions du bois d'œuvre auraient pu être considérées comme étant un cageot. Selon l'avocate, le «bois de palette» est aussi un terme ambigu. Elle a soutenu que, si un morceau de bois de palette était fabriqué de manière à ne pas nécessiter de retransformation, par exemple, s'il était rainuré ou encoché, il cessait d'être un produit de bois d'œuvre retransformé à usages spéciaux et devenait exonéré du droit à l'exportation aux termes de la Loi. De même, elle a soutenu que, pour que les caisses et les cageots soient considérés comme étant des unités complètes, il y avait très peu de fabrication à effectuer. L'avocate a affirmé que, de toute façon, les marchandises étaient un matériau d'arrimage et, à ce titre, exonérées du droit à l'exportation.

Selon la position de l'avocate de l'appelant, si un cadre de lit était entièrement fabriqué, sans toutefois être assemblé, il ne répondait pas à la définition de «produits de bois d'œuvre retransformés à usages spéciaux» et était donc exonéré du droit à l'exportation. Invoquant la décision rendue par le Tribunal dans l'affaire Bois-Aisé de Roberval Inc. c. Le ministre du Revenu national [4] , l'avocate a fait valoir qu'il ne doit pas être imposé de droits sur des marchandises particulières sans disposition précise de la loi les assujettissant à un droit. L'avocate a aussi soutenu que, si le Tribunal concluait que les marchandises en cause étaient assujetties au droit à l'exportation aux termes de la Loi, elles devaient être assujetties au droit à l'exportation aux termes de la partie III de l'annexe à un taux réduit en fonction de la valeur du bois d'œuvre avant retransformation plutôt qu'au taux de 15 p. 100 de leur valeur de vente, comme il a été établi dans la cotisation.

Les avocates de l'intimé ont fait valoir que tout renvoi à la décision rendue dans l'affaire Bois-Aisé de Roberval était sans pertinence, vu que ledit appel portait sur la période précédant les modifications au Mémorandum et à l'annexe qui ont assujetti les cadres de lits à un droit aux termes de la partie III de l'annexe. Elles ont affirmé que l'élément déterminant pour comprendre la portée de l'alinéa 1u) de la partie III est la définition de «produits de bois d'œuvre retransformés à usages spéciaux» qui se trouve à la partie I et, en particulier, la stipulation exigeant que ces produits ne comprennent pas des produits dépassant 90 po de longueur. Tous les éléments de palettes, de caisses ou de cageots dépassant 90 po de longueur sont exclus de la définition et sont assujettis au droit à l'exportation aux termes de la partie II. Selon les éléments de preuve, la plupart des marchandises en cause dépassaient 90 po de longueur, sauf les éléments de cadres de lits qui, ont fait valoir les avocates, étaient assujettis au droit à l'exportation à compter du 1er janvier 1988, qu'ils aient ou non été fabriqués au point d'être prêts à être assemblés en produit final. Elles ont affirmé que les marchandises en cause ne dépassant pas 90 po de longueur n'étaient pas exonérées en tant que caisses, cageots ou palettes complets mais non assemblés, parce que rien n'indiquait que chaque expédition contenait le bon nombre de chacun des éléments nécessaires à la confection d'une caisse, d'un cageot ou d'une palette complets ou que les clients de l'appelant avaient commandé ces marchandises plutôt que du simple bois d'œuvre. En outre, les marchandises en cause ne pouvaient pas être considérées comme étant un matériau d'arrimage. Les avocates ont aussi soutenu que les marchandises en cause provenaient de provinces auxquelles la Loi s'appliquait et qu'à ce titre, elles ne pouvaient être exonérées pour le motif qu'elles provenaient de la Colombie-Britannique. Enfin, les avocates ont soutenu que les fonctionnaires de Revenu Canada n'avaient pas fait de déclaration erronée aux employés de l'appelant. Même si c'était le cas, ont-elles soutenu, l'intimé n'est pas lié par ces communications erronées.

En réplique, l'avocate de l'appelant a maintenu que la décision rendue par le Tribunal dans l'affaire Bois-Aisé de Roberval était bel et bien pertinente, car elle confirme que le bois d'œuvre qui est transformé davantage qu'à «l'état brut, corroyé ou façonné» n'est pas visé par la partie II de l'annexe. Elle a soutenu que les marchandises en cause étaient suffisamment retransformées pour être exclues de la partie II. Elle a aussi réitéré son avis selon lequel la Loi ne renferme pas d'article imposant directement un droit pour la partie III et que la longueur du bois d'œuvre est sans importance lorsqu'il s'agit de déterminer s'il est assujetti ou non au droit à l'exportation. À son avis, l'échantillon de factures déposé à titre d'élément de preuve était très restreint. Enfin, elle a soutenu que le principe selon lequel la Couronne n'est pas liée par les déclarations de ses agents ne vaut qu'à l'égard de dispositions claires et impératives de la loi, ce qui n'est pas le cas ici.

Traitant d'abord de ce dernier point, le Tribunal ne trouve aucune preuve de déclaration erronée de la part des agents de la Couronne. On peut certes dire que M. Harris et ses employés ont eu beaucoup de difficulté à comprendre la portée de la Loi à leur société, mais cela semble avoir été dû principalement à la complexité de la loi même et aux subtilités de son libellé et de son administration à la suite de discussions continues entre les responsables canadiens et américains. Un facteur qui a pu contribuer à la complexité a peut-être également été l'importance que l'appelant semble avoir cherché, tout au long de la période visée par la vérification, à accorder à la recherche de catégories de produits pouvant être déclarées exonérées aux termes de la Loi. M. Dueck semble avoir été particulièrement persévérant à cet égard et ne pas avoir voulu accepter de réponse négative dans ses rapports avec Revenu Canada. De fait, le Tribunal conclut que les avis écrits donnés à l'appelant par Revenu Canada, et dont les pièces A-6 et B-1 sont des exemples, sont beaucoup plus faciles à comprendre que ne l'allèguent les témoins et l'avocate de l'appelant.

Il ne semble pas y avoir de litige en ce qui a trait au bois d'œuvre provenant de la Colombie-Britannique. Le Tribunal conclut aussi que la question du matériau d'arrimage n'est pas pertinente. Selon les éléments de preuve, le bois d'œuvre ne devient un matériau d'arrimage que lorsqu'il est combiné avec d'autres marchandises pour les protéger ou les transporter pendant l'expédition. Il est moins manifeste qu'il redevienne du bois d'œuvre aprE8Šs le déballage des autres marchandises au point de destination, mais il s'agit là d'une question non afférente aux délibérations du Tribunal dans cette affaire. Il n'y a aucun élément de preuve indiquant que l'une quelconque des marchandises en cause a été utilisée comme matériau d'arrimage après avoir traversé la frontière des États-Unis. La possibilité qu'elles aient pu être utilisées à cette fin ultérieurement après leur exportation du Canada ne les soustrait pas à l'application de la Loi.

Le Tribunal reconnaît avec l'avocate de l'appelant qu'il n'est pas possible de déterminer clairement quel article de la Loi autorise un droit à l'exportation à l'égard des marchandises énumérées à la partie III de l'annexe. Cependant, de l'avis du Tribunal, il ressort clairement de l'article 6 de la Loi et de l'alinéa 4b) du Mémorandum que ce droit est envisagé. Le Tribunal est aussi d'avis que les marchandises de la partie III sont considérées comme étant des produits de seconde transformation de certaines des marchandises énumérées à la partie II et, donc, que la partie III et l'article 6 sont, effectivement, des dispositions d'allégement précisant un droit de moins de 15 p. 100 du prix à l'exportation qui aurait été imposé si elles étaient demeurées passibles d'un droit aux termes de l'article 4 et de la partie II.

À part cette question, le Tribunal ne croit pas que la loi, malgré toute sa complexité, soit ambiguë. Toute ambiguEF‹té qui subsiste découle de la nature des éléments de preuve quant aux produits qui ont été effectivement exportés aux États-Unis dans les transactions examinées pendant la vérification. Le Tribunal souscrit à l'argumentation des avocates de l'intimé selon laquelle les produits de bois d'œuvre dépassant 90 po de longueur sont assujettis au droit à l'exportation aux termes de la partie II de l'annexe, qu'ils aient ou non été exportés comme produits complets ou incomplets, assemblés ou non assemblés. En outre, les éléments de cadres de sommiers à ressorts sont assujettis au droit à l'exportation aux termes de la partie III à tout stade du procédé de fabrication s'ils ne dépassent pas 90 po de longueur. Les éléments de preuve révèlent que tous ces produits exportés aux États-Unis pendant la période de vérification étaient de cette longueur. Par conséquent, le Tribunal ne voit aucune raison pour intervenir dans cette partie de la cotisation établie par l'intimé.

Aux termes de l'alinéa 1u) de la partie III de l'annexe, les palettes, cageots et caisses complets, ne dépassant pas 90 po de longueur, assemblés ou non, sont exonérés du droit à l'exportation aux termes de la Loi. Le bois retransformé ne dépassant pas 90 po de longueur, décrit comme bois de palette, bois de cageot ou bois de caisse, non exporté en unités complètes de ces produits, est cependant assujetti au droit à l'exportation aux termes de cet alinéa. Les éléments de preuve ne révèlent pas précisément ce que l'appelant expédiait aux États-Unis au cours de la période visée par la vérification. Le Tribunal est cependant disposé à accorder à l'appelant le bénéfice du doute et conclut que tout bois d92'œuvre ne dépassant pas 90 po de longueur, décrit dans des factures commerciales ou des documents douaniers comme caisses, cageots ou palettes démontés, ou selon un libellé en ce sens, est exonéré du droit à l'exportation, même si la facture ou les autres documents de l'appelant ne donnaient aucune précision écrite indiquant que le client avait commandé un certain nombre de caisses, de cageots ou de palettes. De l'avis du Tribunal, la pratique de Revenu Canada qui consiste à exiger cette preuve avant d'accorder une exonération pour les caisses, cageots et palettes non assemblés est tout à fait raisonnable. Cependant, le Tribunal accepte le témoignage de M. Harris selon lequel l'appelant expédiait des caisses et des cageots démontés dans les transactions visées par les pièces A-14 et A-15. Par conséquent, le Tribunal considère que ces deux transactions sont exonérées du droit à l'exportation. Seul un petit échantillon de transactions a été examiné pendant l'audience. Le Tribunal, par conséquent, renvoie l'affaire à l'intimé pour qu'il détermine quelles transactions visées par la cotisation portaient sur du bois d'œuvre retransformé ne dépassant pas 90 po de longueur, décrit dans des factures commerciales ou des documents douaniers comme caisses, cageots ou palettes démontés, ou selon un libellé en ce sens. L'exonération ne doit pas, cependant, s'appliquer aux marchandises décrites simplement comme matériaux de cageot, bois de palette, matériaux de caisse pour l'utilisateur final ou selon un libellé en ce sens, à moins que la facture ou la commande du client n'indique expressément que le client a commandé des cageots, des caisses ou des palettes ou que l'appelant en a expédié.

Par conséquent, l'appel est admis à l'égard du bois d'œuvre retransformé ne dépassant pas 90 po de longueur qui a été décrit dans des factures commerciales ou des documents douaniers comme caisses, palettes ou cageots démontés, ou selon un libellé en ce sens. L'appel est rejeté en ce qui a trait au reste des marchandises visées par la cotisation. L'affaire est renvoyée à l'intimé pour qu'il détermine quelles transactions visées par la cotisation portaient sur du bois d'œuvre retransformé ne dépassant pas 90 po de longueur, décrit dans des factures commerciales ou des documents douaniers comme caisses, cageots ou palettes démontés, ou selon un libellé en ce sens.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15.

2. L.R.C. (1985), ch. 12 (3e suppl.).

3. Eugene, Random Lengths, 1952 - .

4. Appels nos AP - 90 - 169 et AP - 91 - 100, le 20 mars 1992.


Publication initiale : le 28 août 1996