EARL ET SHEILA CARLSON

Décisions


EARL ET SHEILA CARLSON
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-285

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 18 mars 1994

Appel n o AP-92-285

EU ÉGARD À un appel entendu le 1er novembre 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 30 octobre 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

EARL ET SHEILA CARLSON Appelants

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les appelants ont droit au remboursement de la taxe de vente fédérale pour habitations neuves aux termes de l'article 121 de la Loi sur la taxe d'accise. Plus précisément, le Tribunal doit déterminer si le constructeur d'un immeuble d'habitation à logement unique déterminé a effectué une fourniture taxable en vendant l'immeuble aux appelants. De plus, le Tribunal doit déterminer si la maison des appelants, pour laquelle la demande de remboursement a été faite, était achevée en grande partie avant juillet 1991.

DÉCISION : L'appel est admis. Rien dans les définitions pertinentes n'amène le Tribunal à conclure qu'un constructeur doit effectuer la fourniture d'un immeuble d'habitation terminé pour que les acheteurs aient droit au remboursement de la taxe de vente fédérale pour habitations neuves. Le Tribunal n'a par ailleurs pas été convaincu d'en venir à cette conclusion en vertu du Règlement sur le remboursement pour habitations neuves. Le Tribunal est d'avis que la maison était achevée en grande partie avant juillet 1991, les appelants étant en mesure d'y habiter raisonnablement. En se fondant sur les éléments de preuve dont il dispose, le Tribunal est convaincu que les travaux requis pour terminer la maison n'étaient pas suffisants pour limiter raisonnablement l'usage et la jouissance de la maison à titre résidentiel par les appelants.

Lieu de l'audience : Calgary (Alberta) Date de l'audience : Le 1 er novembre 1993 Date de la décision : Le 18 mars 1994
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Anthony T. Eyton, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Earl et Sheila Carlson, pour les appelants Brian Tittemore, pour l'intimé





Il s'agit d'un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national (le Ministre) qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) pour habitations neuves faite aux termes de l'article 121 [2] de la Loi.

Le 24 mai 1991, les appelants ont acheté de la société A. Roth Construction (1987) Ltd. un terrain et une maison non finie et y ont emménagé le 22 juillet 1991. Le 7 janvier 1992, ils ont fait une demande de remboursement de la TVF pour habitations neuves au montant de 5 569,11 $. Le 31 mars 1992, le Ministre a émis un avis de détermination dans lequel il a rejeté la demande pour le motif que le logement n'était pas achevé en grande partie avant juillet 1991. En réponse à un avis d'opposition, le Ministre a publié un avis de décision le 30 octobre 1992 dans lequel il a ratifié la détermination. Earl et Sheila Carlson ont porté en appel la détermination devant le Tribunal.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les appelants ont droit au remboursement de la TVF pour habitations neuves aux termes de l'article 121 de la Loi. Plus précisément, le Tribunal doit déterminer si le constructeur d'un immeuble d'habitation à logement unique déterminé a effectué une fourniture taxable en vendant l'immeuble aux appelants. De plus, le Tribunal doit déterminer si la maison des appelants, pour laquelle la demande de remboursement a été faite, était achevée en grande partie avant juillet 1991.

Lorsque les appelants ont acheté la maison le 24 mai 1991, l'extérieur était terminé et prêt à recevoir l'enduit de stucco. Le constructeur a avisé les appelants qu'ils auraient droit au remboursement de la TVF pour habitations neuves [traduction] «si les progrès réalisés dans la finition intérieure étaient tels que la maison serait achevée en grande partie (90 p. 100) au 30 juin 1991». Au nom des appelants, M. Earl Carlson a fait savoir au Tribunal que le 27 juin 1991, lors d'une conversation téléphonique avec des fonctionnaires du ministère du Revenu national (Revenu Canada), son épouse a été informée du fait que la loi avait été modifiée et le délai du 30 juin 1991 prorogé jusqu'au 31 décembre 1991. Les appelants auraient donc droit à un remboursement relativement à la surface de l'immeuble utilisable achevée en grande partie avant cette date. Sur la foi ce de renseignement, les appelants ont interrompu les travaux dans la maison parce qu'ils croyaient avoir jusqu'à la fin de l'année pour les compléter.

Lors du contre-interrogatoire, M. Carlson a indiqué que lorsque les appelants ont acheté la maison, la charpente intérieure était complètement 9‚tablie et il ne restait que la finition à faire. Il a témoigné que, au 30 juin 1991, les cloisons sèches avaient été érigées et la peinture appliquée. Les éviers, les toilettes, les tapis, le linoléum et la majeure partie des plinthes avaient été installés. De plus, il construisait les armoires de cuisine et de salle de bain. Selon les estimations, environ 8 000 $ d'ouvrages en bois sur un total de 10 000 $ avaient été utilisés à des fins de construction au 30 juin 1991. Toutefois, en réponse aux questions du Tribunal, M. Carlson a expliqué que les armoires avaient été fabriquées et qu'il n'en restait que quelques-unes à installer. De plus, [traduction] «une ou deux armoires de salle de bain» n'avaient pas été installées. Il a ajouté que les travaux en électricité étaient terminés et que les luminaires avaient été montés. Toutefois, le sous-sol n'était pas terminé et l'enduit extérieur de stucco n'avait pas été appliqué. M. Carlson a témoigné qu'il aurait fallu environ quatre jours de travail pour compléter l'ensemble de la maison, mais que le rez-de-chaussée et le premier étage étaient terminés à 90 p. 100 avant juillet 1991. M. Carlson a indiqué qu'ils ont emménagé dans la nouvelle maison le 22 juillet 1991, les acheteurs de leur ancienne maison en ayant pris possession et la payant à cette date.

M. Carlson a reconnu que depuis qu'ils ont demandé un remboursement de la TVF pour habitations neuves, son épouse et lui-même ont fait deux nouvelles demandes de remboursement de la taxe sur les produits et services (TPS) pour habitations neuves relativement à la maison. Sur la première demande, ils ont indiqué le 22 juillet 1991 comme date à laquelle la propriété de la maison leur a été cédée ou comme date d'achèvement en grande partie de la maison. Ils ont dû faire une deuxième demande parce que le remboursement de la TPS a, par erreur, été envoyé au constructeur de la maison. M. Carlson a expliqué que la deuxième partie de la demande a été remplie selon les directives d'un fonctionnaire de Revenu Canada et il a reconnu qu'à la partie B du formulaire, il était indiqué que le remboursement s'appliquait à une habitation construite par le propriétaire.

L'avocat de l'intimé a fait témoigner en sa faveur Mme Kathy Maberley, vérificatrice auprès de Revenu Canada. Cette dernière a expliqué qu'elle a été chargée de l'examen de la demande après son dépôt le 7 janvier 1992. Le 22 janvier 1992, elle a téléphoné aux appelants pour obtenir de l'information qu'elle a d'ailleurs reçue le lendemain. Il ne s'y trouvait toutefois pas de renseignements sur l'achèvement en grande partie de la maison. Mme Maberley a déclaré au Tribunal s'être par la suite entretenue avec Mme Sheila Carlson qui lui a dit que les planchers étaient installés, que la peinture était terminée, que les armoires de cuisine et de salles de bain avaient été terminées et installées en juillet 1991 et que l'enduit extérieur de stucco avait été appliqué en août 1991. Selon Mme Maberley, Mme Carlson a admis que la maison n'était pas terminée à 90 p. 100 au 30 juin 1991. Compte tenu des renseignements obtenus et en raison du fait que les appelants étaient considérés comme les propriétaires et les constructeurs de la maison, Mme Maberley a recommandé à son superviseur de rejeter la demande de remboursement.

En expliquant les modifications apportées à la loi relativement aux remboursements, Mme Maberley a fait remarquer que pour les habitations achevées en grande partie au 31 décembre 1990, la loi a été modifiée pour proroger à la fin de 1991 la date limite pour la prise de possession d'une habitation. Étant donné que la maison des appelants n'était pas achevée en grande partie au 31 décembre 1990, cette modification ne s'appliquait pas à eux.

Dans sa plaidoirie, le représentant des appelants a soutenu que lors d'une conversation téléphonique avec des fonctionnaires de Revenu Canada le 27 juin 1991, les appelants ont été informés qu'ils auraient droit à un remboursement relativement à toute la surface utilisable achevée en grande partie avant le 31 décembre 1991. Le représentant des appelants a fait valoir que ceux-ci avaient été mal renseignés et traités injustement par Revenu Canada et qu'ils avaient droit au remboursement puisqu'ils ont procédé selon les conseils fournis par Revenu Canada. Quoi qu'il en soit, il a soutenu que les appelants avaient droit au remboursement puisque la maison était achevée en grande partie avant juillet 1991.

L'avocat de l'intimé a souligné les éléments de preuve contradictoires quant à l'état de la maison des appelants au 30 juin 1991. À cet égard, il a rappelé au Tribunal le témoignage de Mme Maberley qui relatait sa conversation avec Mme Carlson et les notes contemporaines concernant la conversation qui ont été déposées comme pièce B-4. L'avocat a expliqué que l'expression «achèvement en grande partie» n'est pas définie dans la Loi. Il s'est reporté au Mémorandum-TPS 500-4-5 [3] pour interpréter cette expression comme signifiant que les travaux sont «achevés au point où l'acheteur peut raisonnablement habiter le local (en général, dans une proportion d'au moins 90 p. 100 ou plus). Des réparations mineures, des rajustements ou des améliorations à faire ne limitent pas raisonnablement l'usage et la jouissance du logement à titre résidentiel [4] ». De plus, une maison n'est pas achevée en grande partie si les travaux qu'il reste à faire sont plus que minimes ou négligeables, s'il s'agit de corriger davantage que de légères imperfections ou déviations [5] . Il a soutenu que la politique administrative de Revenu Canada et son interprétation de cette expression, bien qu'elles ne soient pas déterminantes, peuvent avoir un certain poids et être un élément important en cas de doute quant à la signification de la loi [6] . En conclusion, l'avocat a soutenu que la maison n'était pas achevée en grande partie avant juillet 1991.

L'avocat de l'intimé a fait valoir qu'il n'y a pas eu fourniture taxable par vente d'un immeuble d'habitation à logement unique déterminé au sens de la Loi. Il a fait remarquer que les appelants ont acheté une maison dont l'intérieur n'était pas terminé. L'objet de la loi, a-t-il fait valoir, est d'accorder un remboursement de la TVF pour habitations neuves sur la fourniture d'un immeuble d'habitation terminé. Pour appuyer cette allégation, l'avocat s'est reporté au paragraphe 121(1) de la Loi qui énonce la formule utilisée pour calculer la TVF estimative pour un immeuble d'habitation à logement unique. En vertu de cette formule, la surface d'un immeuble est multipliée par un facteur fiscal prescrit. La surface est déterminée en se référant au Règlement sur le remboursement pour habitations neuves [7] (le Règlement) qui, au paragraphe 4(2), stipule que la surface d'un immeuble d'habitation ne comprend pas «les salles de rangement, les greniers et les sous-sols dont la finition [...] n'est pas équivalente à celle des espaces habitables de l'immeuble [...] [par] le constructeur qui fournit l'immeuble à la personne qui a droit, relativement à l'immeuble, au remboursement prévu à l'article 121». En se fondant sur cette disposition, l'avocat a insisté sur le fait que le constructeur doit fournir un immeuble d'habitation terminé pour que l'acheteur ait droit au remboursement de la TVF pour habitations neuves.

Pour appuyer davantage cette allégation, l'avocat de l'intimé s'est reporté à la définition de l'expression «constructeur» donnée au paragraphe 123(1) de la Loi. Bien que l'avocat se soit reporté à un texte législatif qui avait été révoqué au moment de l'audience, il a voulu faire remarquer que la définition de constructeur ne comprend pas une personne qui fait de la construction autrement que dans le cadre d'une activité commerciale, ce qui est confirmé par la loi modifiée. Il a souligné que les appelants ont construit une partie importante de la maison afin de s'en servir comme résidence et non dans le cadre d'une entreprise. Il n'y a donc pas eu fourniture taxable par un constructeur d'un immeuble d'habitation à logement unique conformément à la nouvelle loi sur le remboursement de la TVF pour habitations neuves.

L'avocat de l'intimé a soutenu qu'il incombe aux appelants de prouver que la détermination de l'intimé est incorrecte. Si les appelants ne s'acquittent pas du fardeau de la preuve, l'appel doit être rejeté. De plus, l'avocat a fait remarquer qu'il peut y avoir eu un certain malentendu quant aux modifications apportées aux dispositions sur le remboursement. Toutefois, cela ne peut modifier en rien l'interprétation qu'il convient de faire de la Loi.

Contrairement aux arguments avancés par l'avocat de l'intimé, le Tribunal est d'avis que, dans la présente cause, le constructeur [8] d'un immeuble d'habitation à logement unique déterminé [9] a effectué une fourniture taxable [10] par la vente de la maison aux appelants. Rien dans les définitions pertinentes n'amène le Tribunal à conclure qu'un constructeur doit effectuer la fourniture d'un immeuble d'habitation terminé pour que les acheteurs aient droit au remboursement de la TVF pour habitations neuves. Le Tribunal n'a par ailleurs pas été convaincu d'en venir à cette conclusion en fonction du paragraphe 4(2) du Règlement qui traite de l'inclusion de salles de rangement, de greniers et de sous-sols au sens de la «surface» aux fins de la détermination de la «surface» d'un immeuble d'habitation. Le Tribunal est d'avis que la maison non terminée achetée par les appelants constitue un immeuble d'habitation à logement unique déterminé. De plus, il estime que la société A. Roth Construction (1987) Ltd. peut être considérée comme un constructeur.

Après avoir pris en compte le témoignage de M. Carlson et les diverses factures [11] pour les travaux effectués et les matériaux utilisés pour achever la maison des appelants, le Tribunal estime que la maison était achevée en grande partie avant juillet 1991. Bien qu'aucune tentative n'ait été faite afin de quantifier le niveau d'achèvement de la maison à cette date, le Tribunal est persuadé que l'état d'avancement des travaux était tel que les appelants pouvaient raisonnablement habiter la maison. Les éléments de preuve soumis au Tribunal l'ont convaincu que les travaux requis pour compléter la maison ne limitaient pas raisonnablement l'usage et la jouissance de la maison à titre résidentiel par les appelants.

Le Tribunal accepte le fait que les appelants ont emménagé dans la maison le 22 juillet 1991 pour des questions pratiques, les acheteurs de leur ancienne maison en prenant possession et la payant à cette date. De plus, le Tribunal convient que lorsque les appelants ont indiqué la date du 22 juillet 1991 sur la demande de remboursement de la TPS pour habitations neuves [12] , ils indiquaient la date à laquelle ils avaient emménagé dans la maison et non la date à laquelle, à leur avis, la maison avait été achevée en grande partie.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L.C. 1990, ch. 45, art. 12, modifiée par L.C. 1993, ch. 27, art. 7.

3. Remboursement pour habitations , ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 26 mars 1991.

4. Ibid. à la p. 2.

5. Engineering & Plumbing Supplies Ltd. v. City of Quesnel , [1988] B.C.D. Civ. 2598 - 01 (B.C. Div. Ct.).

6. Gene A. Nowegijick c. La Reine , [1983] 1 R.C.S. 29.

7. DORS/91 - 53, le 18 décembre 1990, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, n o 2 à la p. 270.

8. Aux fins du présent appel, l'expression «constructeur» s'entend notamment d'une personne qui réalise la construction d'un immeuble d'habitation dans le but premier de le vendre à un moment où elle a un droit sur l'immeuble sur lequel l'immeuble d'habitation est situé.

9. Aux fins du présent appel, un «immeuble d'habitation à logement unique déterminé» s'entend d'un immeuble résidentiel qui est a) un immeuble d'habitation à logement unique, b) dont la construction a commencé avant 1991 et c) qui n'était pas occupé à titre résidentiel ou d'hébergement entre le début des travaux et 1991. Un «immeuble d'habitation à logement unique» s'entend d'un immeuble d'habitation qui contient au plus une habitation. La définition d'un «immeuble d'habitation» comprend une «habitation» dont la définition comprend une «maison individuelle».

10. Aux fins du présent appel, la «fourniture taxable» s'entend d'une fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale. Une «fourniture» s'entend de la livraison de biens, notamment par vente.

11. À la demande du Tribunal, M. Carlson lui a fourni toutes les factures pour les travaux effectués et les matériaux achetés avant le 30 juin 1991.

12. Sur les demandes faite aux termes de l'article 254 de la Loi, les requérants doivent indiquer soit la date à laquelle la propriété de la résidence leur a été cédée ou la date à laquelle la construction ou les rénovations majeures de l'immeuble d'habitation sont achevées en grande partie.


Publication initiale : le 4 juin 1997