PRINCESS AUTO LTD.

Décisions


PRINCESS AUTO LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
v.
SNAP-ON TOOLS OF CANADA LTD.
Appels nos AP-92-291 et AP-93-041

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le mardi 19 décembre 1995

Appels nos AP-92-291 et AP-93-041

EU ÉGARD À des appels entendus le 20 mars 1995 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1, (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 23 décembre 1992 et le 5 mars 1993 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

PRINCESS AUTO LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

ET

SNAP-ON TOOLS OF CANADA LTD. Intervenant

Les appels sont rejetés.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les douilles pour clés à chocs et les jeux de douilles pour clés à chocs importés au Canada par l'appelant entre le 10 juillet 1991 et le 4 mars 1992 sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8204.20.20 à titre de douilles de serrage interchangeables, même avec manches, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8467.92.10 à titre d'outils pneumatiques ou à moteur autre qu'électrique incorporé, pour emploi à la main, comme l'a soutenu l'appelant, ou dans le numéro tarifaire 8207.90.90 à titre d'outils interchangeables pour outillage à main, mécanique ou non, comme l'a soutenu l'intervenant.

DÉCISION : Les appels sont rejetés. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8204.20.20 à titre de douilles de serrage interchangeables, même avec manches.

Lieu de l'audience : Winnipeg (Manitoba) Date de l'audience : Le 20 mars 1995 Date de la décision : Le 19 décembre 1995
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Robert C. Coates, c.r., membre Lyle M. Russell, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : William G. Ryall, pour l'appelant Anne M. Turley et Jennifer Oulton, pour l'intimé Gregory A. McCashin et Joseph Brick, pour l'intervenant





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi.

La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les douilles pour clés à chocs et les jeux de douilles pour clés à chocs importés au Canada par l'appelant entre le 10 juillet 1991 et le 4 mars 1992 sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8204.20.20 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre de douilles de serrage interchangeables, même avec manches, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8467.92.10 à titre d'outils pneumatiques ou à moteur autre qu'électrique incorporé, pour emploi à la main, comme l'a soutenu l'appelant, ou dans le numéro tarifaire 8207.90.90 à titre d'outils interchangeables pour outillage à main, mécanique ou non, comme l'a soutenu l'intervenant. Aux fins des présents appels, la nomenclature tarifaire pertinente est rédigée comme suit :

82.04 Clés de serrage à main (y compris les clés dynamométriques); douilles de serrage interchangeables, même avec manches.

8204.10-Clés de serrage à main :

8204.20-Douilles de serrage interchangeables, même avec manches

8204.20.10.00---Avec manches

8204.20.20.00---Sans manches

82.07 Outils interchangeables pour outillage à main, mécanique ou non, ou pour machines-outils (à emboutir, à estamper, à poinçonner, à tarauder, à fileter, à percer, à aléser, à brocher, à fraiser, à tourner, à visser, par exemple), y compris les filières pour l'étirage ou le filage (extrusion) des métaux, ainsi que les outils de forage ou de sondage.

8207.10 -Outils de forage ou de sondage :

8207.90 -Autres outils interchangeables

8207.90.90---Autres

84.67 Outils pneumatiques ou à moteur autre qu'électrique incorporé, pour emploi à la main.

84.67.10-Pneumatiques :

8467.92--D'outils pneumatiques

8467.92.10---Des marchandises des nos tarifaires 8467.11.90 ou 8467.19.90

8467.92.10.10-----D'équipement à main de graissage pneumatique sous pression

8467.92.10.90-----Autres

M. David R. Beaudry, acheteur chez Princess Auto Ltd., a comparu pour le compte de l'appelant. Ses responsabilités, au sein de la société, comprennent l'achat des marchandises en cause. M. Beaudry a expliqué les différences qu'il y a entre les douilles pour clés à chocs et les douilles pour clés à main. Les douilles pour clés à chocs sont toujours recouvertes d'un enduit noir qui les rend faciles à identifier, de façon que les utilisateurs ne les confondent pas avec les douilles pour clés à main habituellement chromées. La paroi de la douille pour clé à chocs est plus épaisse et plus résistante que celle de la douille pour clé à main. Une douille pour clé à chocs est aussi caractérisée par un trou qui traverse l'extrémité prise de la douille et qui, à une époque, recevait une tige servant à retenir la douille sur l'outil à percussion, à cause des vibrations produites pendant le fonctionnement. Une douille pour clé à main est plus légère qu'une douille pour clé à chocs. Cette caractéristique la rend plus facile à utiliser avec un outil à main. Sa paroi est plus mince parce qu'elle n'a pas à absorber les mêmes chocs qu'une douille pour clé à chocs. Une douille pour clé à main a, à l'extrémité prise, une petite rainure dans laquelle une bille flottante vient se loger pour retenir la douille sur une tête de cliquet ou une poignée articulée. Les douilles pour clés à chocs ou pour clés à main se vendent séparément ou en jeux. Le jeu de douilles pour clés à main comprend habituellement une tête de cliquet ou une poignée articulée, ou les deux, ainsi que d'autres outils du même genre. Le témoin a aussi expliqué que les douilles pour clés à chocs et les douilles pour clés à main se vendent en diverses grosseurs.

M. Beaudry a décrit les outils pneumatiques à percussion ou les outils à percussion à entraînement pneumatique et la façon dont ils fonctionnent. L'outil est raccordé à une source d'air comprimé ou à un compresseur. L'air entre par une ouverture et traverse un mécanisme d'entraînement qui fait tourner l'outil et provoque un choc qui fait tourner l'enclume. Le mécanisme d'entraînement s'insère dans la douille pour clé à chocs. L'appareil est doté d'un dispositif de retenue ou d'un ressort qui est monté sur l'enclume et qui s'insère dans la douille pour clé à chocs, où il se détend et fixe la douille à l'outil. M. Beaudry a expliqué que l'outil à percussion n'a aucune fonction sans la douille pour clé à chocs. Les douilles pour clés à chocs sont utilisées plus couramment pour dévisser les écrous des roues d'automobile. Une douille pour clé à chocs peut être placée sur une clé à cliquet ou une poignée articulée, mais elle sera un peu lâche. Une douille pour clé à main peut être utilisée sur un outil à percussion; cependant, cette pratique n'est pas recommandée puisque sa construction ne lui permet pas d'absorber la pression imposée par l'outil à percussion. La paroi de la douille pour clé à main fendra ou éclatera probablement si la douille est utilisée sur un outil à percussion. C'est ainsi que, selon M. Beaudry, les douilles pour clés à chocs et les douilles pour outils à main ne sont pas interchangeables. Enfin, M. Beaudry a indiqué dans son témoignage qu'il n'a jamais entendu le terme «spanner» ([traduction] de serrage) si ce n'est chez des mécaniciens britanniques qui décrivaient certains genres de clés.

M. Wayne W. Tennesey, métallurgiste chez Test Labs International Ltd., a aussi comparu pour le compte de l'appelant comme expert en génie mécanique. Il a décrit les différences qu'il y a dans la dureté de l'enduit, l'épaisseur de la paroi, la composition et la conception des douilles pour clés à main et des douilles pour clés à chocs. Il a expliqué que les douilles pour clés à chocs doivent être plus résistantes et plus solides que les douilles pour clés à main afin d'absorber les chocs et que, par conséquent, l'industrie et le gouvernement ont des spécifications distinctes pour chaque type de douilles. M. Tennesey a aussi dit que l'utilisation des douilles pour clés à main sur un outil à percussion est dangereuse. Il a aussi indiqué dans son témoignage qu'il n'a jamais entendu qui que ce soit utiliser le terme «spanner» dans les entreprises où il a travaillé. Selon M. Tennesey, l'interchangeabilité signifierait qu'une douille pourrait être utilisée sur plusieurs outils différents, par exemple, une poignée articulée ou une rallonge qui pourrait être comprise dans un jeu de douilles. Cela ne signifierait pas qu'une douille pour clé à main pourrait être utilisée sur un outil à main, un outil à percussion ou un outil mécanique.

Enfin, M. Bill Dewar, instructeur en mécanique de machinerie lourde au South Winnipeg Technical Centre, a comparu pour le compte de l'appelant. Dans son témoignage, il a indiqué qu'il enseigne à ses élèves les différences qu92'il y a entre les douilles pour clés à main et les douilles pour clés à chocs. Il insiste particulièrement sur le fait que la douille pour clé à main utilisée sur un outil à percussion peut se briser et éclater et qu'elle peut ainsi blesser l'utilisateur. Il a indiqué que les guides d'utilisation précisent que seules des douilles pour clés à chocs peuvent être utilisées sur des outils à percussion. Il a aussi indiqué qu'il avait entendu le terme «spanner» seulement quand il communiquait avec des mécaniciens britanniques. M. Dewar s'est dit d'accord avec M. Tennesey sur le fait que l'interchangeabilité signifierait qu'une douille peut être utilisée sur plusieurs outils différents, par exemple, une poignée articulée ou une rallonge qui pourrait faire partie d'un jeu de douilles.

M. Daniel R. Neal, employé de Snap-on Tools of Canada Ltd., a comparu pour le compte de l'intervenant. Il a produit en preuve un catalogue de Snap-on Incorporated et a désigné un produit appelé «spanner sockets» ([traduction] douilles de serrage) figurant dans le catalogue. M. Neal a décrit ces douilles comme des douilles spéciales que l'on utilise pour une fixation à installation mécanique. Il les a aussi appelées «impact sockets» ([traduction] douilles pour clés à chocs). M. Neal a convenu, comme les témoins de l'appelant, qu'il est dangereux d'utiliser une douille pour clé à main sur un outil à percussion. Au cours du contre-interrogatoire, M. Neal a parlé d'un autre genre de douilles, c'est-à-dire des douilles pour clés mécaniques ou des douilles à finition industrielle qui sont utilisées sur un gros outil à moteur pneumatique ou électrique.

M. Roy Sobchuk, président du secteur professionnel de l'Assiniboine Community College, a ensuite comparu pour le compte de l'intimé. Le Tribunal a accepté M. Sobchuk comme expert en mécanique. Selon M. Sobchuk, une douille pour clé à chocs est habituellement utilisée sur un appareil à entraînement électrique ou pneumatique. Cependant, elle peut aussi être utilisée sur un outil à main, dont une clé à cliquet. Il a expliqué que le trou qui traverse l'extrémité prise de la douille pour clé à chocs permet de monter la douille pour clé à chocs sur une tête de cliquet ou un outil à main. Ainsi, la douille pour clé à chocs devient une douille qui peut être utilisée en toute sécurité sur un outil à main aussi. Il a, en outre, indiqué dans son témoignage qu'une douille pour clé à main peut être utilisée sur un outil à percussion, mais qu'il utiliserait plutôt une douille pour clé à chocs puisqu'elle est plus solide. M. Sobchuk a indiqué que les douilles pour clés à chocs et les douilles pour clés à main sont couramment désignées «douilles de serrage» dans l'industrie. Selon lui, le terme «interchangeables» signifie que des adaptateurs différents, par exemple des rallonges, des joints universels, des pistolets pneumatiques et des cliquets, peuvent tous être utilisés avec les mêmes douilles. Les douilles pour clés à chocs et les douilles pour clés à main sont toutes deux utilisées pour visser et dévisser des écrous ou des boulons. Au cours du contre-interrogatoire, M. Sobchuk a admis que la dernière fois où il a entendu quelqu'un utiliser l'expression «spanner sockets» remontait à 1965 et qu'il s'agissait d'un Britannique. Il a aussi indiqué dans son témoignage qu'il enseigne à ses étudiants à ne pas utiliser les douilles pour clés à main sur un outil à percussion.

L'avocat de l'appelant a soutenu que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 82.04 parce que les éléments de preuve ont démontré qu'elles ne sont pas des «douilles de serrage» et qu'elles ne sont pas «interchangeables» avec des douilles pour clés à main. L'avocat a soutenu que les douilles pour clés à chocs et les douilles pour clés à main ne sont pas interchangeables pour des raisons de sécurité. Il a rappelé que les éléments de preuve ont démontré qu'il est dangereux d'utiliser une douille pour clé à main sur un outil à percussion, car la douille pour clé à main pourrait fendre ou éclater et causer de ce fait des blessures à l'utilisateur. L'avocat a soutenu que les marchandises en cause sont conçues en vue d'une utilisation sur un outil à percussion ou un outil pneumatique. Il faudrait donc les classer dans le numéro tarifaire 8467.92.10 à titre de parties d'outils pneumatiques. Enfin, l'avocat a souligné qu'il n'y a pas de définition claire de l'expression «douilles de serrage».

Selon les avocats de l'intervenant, les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8207.90.90 à titre d'autres outils interchangeables. Ils ont fait valoir que les marchandises en cause sont des douilles pour clés à chocs, c'est-à-dire des douilles destinées à être utilisées sur des outils pneumatiques et que le terme «interchangeables» signifie simplement que l'on peut utiliser divers types de douilles pour clés à chocs à l'extrémité du même outil à percussion ou divers types de douilles pour clés à main sur le même outil à main. Les avocats ont soutenu que les «douilles de serrage» de la position no 82.04 ne visent que les marchandises décrites dans le catalogue de Snap-on Incorporated. Par conséquent, les marchandises en cause ne sont pas des «douilles de serrage» et, à ce titre, ne peuvent pas être classées dans la position no 82.04. Les avocats ont renvoyé aux articles 10 et 11 du Tarif des douanes et ont soutenu que, dans l'interprétation des positions, le Tribunal doit tenir compte des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [3] (les Règles générales), des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [4] (les Notes explicatives) et du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [5] (les Avis de classement ). Bien que le Tribunal puisse consulter d'autres sources, comme l'usage du commerce, les avocats ont soutenu que le Tribunal ne doit pas donner grand poids aux propositions du Comité de la nomenclature en ce qui a trait à la révision du Chapitre 82 du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [6] (les Propositions du Comité de la nomenclature), puisqu'elles sont clairement désuètes.

En renvoyant à la Note C) des Notes explicatives sur la position no 82.07, les avocats de l'intervenant ont soutenu que les marchandises en cause doivent être classées à titre d'autres outils interchangeables pour les outils mécaniques à main. Selon les avocats, la position no 82.04 est spécifiquement restreinte aux douilles pour clés à main. Les avocats ont soutenu que, si le Tribunal ne peut pas décider si les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 82.04 ou dans la position no 82.07, il peut consulter la Règle 3 c) des Règles générales et les classer dans la position qui figure en dernier dans l'ordre numérique, c'est-à-dire la position no 82.07. Par ailleurs, les avocats de l'intervenant se sont rendus à l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 84.67 et non dans la position no 82.04 qui a été déterminée par l'intimé.

Les avocates de l'intimé ont soutenu que les marchandises en cause sont spécifiquement décrites dans la position no 82.04 à titre de «douilles de serrage interchangeables» et que, ainsi, elles sont correctement classées dans cette position. Renvoyant à la Règle 1 des Règles générales, les avocates ont soutenu qu'il n'était aucunement nécessaire de chercher plus loin. En outre, les marchandises en cause ne sont pas visées spécifiquement par la position no 82.07 ou la position no 84.67. Les avocates ont renvoyé à la Note b) des Notes explicatives sur la position no 84.67 et ont soutenu que les douilles pour clés à chocs sont exclues de cette position puisqu'elles sont des «outils du Chapitre 82». Les avocates ont renvoyé à des extraits des Propositions du Comité de la nomenclature et ont soutenu que la position no 82.04 couvre à la fois les douilles pour clés à chocs et les douilles pour clés à main. Elles ont soutenu que les marchandises en cause sont interchangeables puisqu'elles peuvent être utilisées sur des outils différents, comme les pistolets pneumatiques, les clés à cliquet, les rallonges, les adaptateurs et les joints universels. Renvoyant à la version française de la position no 82.04, les avocates ont soutenu que «spanner» signifie simplement «de serrage» ou «pour serrer». Toutes les conditions de la position no 82.04 ayant été satisfaites, les avocates ont soutenu que les marchandises en cause sont classées correctement. En outre, le fait d'accepter l'argument des avocats de l'intervenant selon lequel les «douilles de serrage» de la position no 82.04 ne désignent que les marchandises décrites dans le catalogue Snap-on Incorporated ferait que la position établie par le Parlement n'aurait plus aucun sens.

Lorsque les marchandises sont classées dans l'annexe I du Tarif des douanes, l'application de la Règle 1 des Règles générales revêt la plus haute importance. Selon la Règle 1, le classement est d'abord déterminé selon les termes de la position et de toutes les Notes de Section ou de Chapitre pertinentes. Par conséquent, le Tribunal doit d'abord déterminer si les marchandises en cause sont nommées ou décrites de façon générale dans une position de l'annexe I du Tarif des douanes. Si les marchandises sont nommées dans une position, elles doivent être classées dans cette position sous réserve de toute Note de Chapitre pertinente. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, dans l'interprétation des positions ou des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte des Notes explicatives et des Avis de classement.

La position no 82.04 prévoit le classement des «[c]lés de serrage à main (y compris les clés dynamométriques); douilles de serrage interchangeables, même avec manches». Le Tribunal est intéressé à la deuxième partie du libellé de la position. Il doit déterminer si les marchandises en cause sont des «douilles de serrage interchangeables, même avec manches». Les éléments de preuve ont démontré que les marchandises en cause sont de toute évidence des douilles et qu'elles n'ont pas de manche. Le litige porte sur la signification de deux des termes de la position no 82.04, c'est-à-dire «de serrage» et «interchangeables».

Les deux termes ci-dessus ne sont pas définis dans le Tarif des douanes ni dans les Notes explicatives. Aucun des témoins n'a pu donner une définition précise du terme «de serrage». Toutefois, les témoins semblaient s'entendre sur le fait que, de nos jours dans l'industrie, ce terme a une acception bien mince, s'il en est. Les avocates de l'intimé ont renvoyé à la version française de la position no 82.04 et ont soutenu que le terme «spanner» signifie simplement «de serrage» ou «pour serrer». Selon le Tribunal, le terme «spanner», dans le sens où il est utilisé dans la seconde partie de la position no 82.04, qualifie le terme «sockets». The Oxford English Dictionary [7] ne définit pas le terme «spanner» comme un adjectif. Il donne quand même la définition du terme «spanned». Ce terme signifie «[t]hat is or has been spanned or drawn tight [8] » ([traduction] qui est ou a été serré ou resserré). À la lumière de cette définition et de la version française de la position no 82.04, le Tribunal conclut que les «douilles de serrage» sont simplement des douilles qui sont utilisées pour le serrage. Les éléments de preuve ont démontré que les marchandises en cause sont utilisées pour le serrage. Donc, selon le Tribunal, ce sont des «douilles de serrage».

Les témoins ont indiqué, de même que l'avocat de l'appelant l'a soutenu, que le terme «interchangeables» signifierait que les douilles pour clés à chocs pourraient être utilisées tant sur un outil à percussion que sur un outil à main. Les éléments de preuve démontrent que les douilles pour clés à chocs peuvent parfois être utilisées sur un outil à main, comme une clé à cliquet, même si cette utilisation n'était probablement pas prévue par son fabricant. Les éléments de preuve démontrent également qu'il est dangereux d'utiliser une douille pour outil à main sur un outil à percussion et, par conséquent, qu'il est peu probable qu'elle puisse être utilisée de cette façon. Selon le Tribunal, interpréter le terme «interchangeables» de cette façon le viderait de son sens. En d'autres termes, si le Tribunal accepte cette interprétation, il est probable que ni les douilles pour clés à chocs, ni les douilles pour outils à main ne pourraient être classées dans la position no 82.04 puisque ni les unes ni les autres ne seraient «interchangeables». Le terme «interchangeable» (interchangeable) est défini dans The Oxford English Dictionary comme «[c]apable of being put or used in the place of each other [9] » ([traduction] pouvant être mis ou utilisé à la place l'un de l'autre). Selon le Tribunal, le terme «interchangeables» signifie simplement que les douilles peuvent être mises ou utilisées l'une à la place de l'autre sur le même outil, c'est-à-dire que des douilles pour clés à chocs de différentes grosseurs peuvent être utilisées sur le même outil à percussion et que des douilles pour clés à main de différentes grosseurs peuvent être utilisées sur le même outil à main. Les éléments de preuve ont clairement démontré que les marchandises en cause sont offertes en diverses grosseurs et qu'elles peuvent être mises ou utilisées sur le même outil à percussion. Le Tribunal est donc d'avis que les marchandises en cause sont «interchangeables» dans le sens de la position no 82.04.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal n'accepte pas l'argument de l'avocat de l'appelant et des avocats de l'intervenant selon lequel la position no 82.04 est restreinte aux douilles pour clés à main ou l'argument des avocats de l'intervenant selon lequel l'expression «douilles de serrage» de cette position désigne seulement les marchandises décrites dans le catalogue de Snap-on Incorporated. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont spécifiquement nommées dans la position no 82.04.

Le Tribunal a aussi étudié la possibilité que les marchandises en cause puissent être classées dans la position no 84.67, dans laquelle on trouve les «[o]utils pneumatiques ou à moteur autre qu'électrique incorporé, pour emploi à la main». La Note b) des Notes explicatives sur la position no 84.67 stipule que cette position exclut «[l]es outils du Chapitre 82». Ayant déterminé que les marchandises en cause sont comprises dans le Chapitre 82, le Tribunal conclut qu'elles sont exclues de la position no 84.67.

La position no 82.07 prévoit le classement des «[o]utils interchangeables pour outillage à main, mécanique ou non, ou pour machines-outils». Selon la Note C) des Notes explicatives sur la position no 82.07, «la présente rubrique concerne un groupe important d'outils interchangeables avec lesquels il serait pratiquement impossible d'effectuer, en l'état, un travail quelconque et qui sont destinés à être adaptés, selon le cas [...] à des outils [de la position no] 84.67». Les éléments de preuve ont démontré que les marchandises en cause ne peuvent pas être utilisées pour effectuer isolément un travail quelconque. Une certaine partie de la preuve indique que ces outils ont été conçus pour être adaptés à un outil de la position no 84.67, par exemple, un outil pneumatique. Selon le Tribunal, les marchandises en cause peuvent, par conséquent, faire partie de la position no 84.07. La Règle 3 a) des Règles générales stipule que, lorsque des marchandises peuvent être classées dans deux positions ou plus, «[l]a position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d'une portée plus générale». Ayant jugé que les marchandises en cause sont nommées spécifiquement dans la position no 82.04, le Tribunal conclut qu'elles sont correctement classées dans cette position et, plus particulièrement, dans le numéro tarifaire 8204.20.20.

Pour toutes ces raisons, les appels sont rejetés.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Supra, note 2, annexe I.

4. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

5. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

6. Conseil de coopération douanière, Comité de la nomenclature, 38e session, Bruxelles, le 18 février 1977.

7. Deuxième éd., Oxford, Clarendon Press, 1989.

8. Ibid., vol. XVI à la p. 110.

9. Supra, note 7, vol. VII à la p. 1090.


Publication initiale : le 28 août 1996