SHAFER VALVE CO. OF CANADA LTD.

Décisions


SHAFER VALVE CO. OF CANADA LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-294

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le mardi 19 mars 1996

Appel no AP-92-294

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 août 1995 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SHAFER VALVE CO. OF CANADA LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre présidant

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans la présente cause consiste à déterminer si l'appel a été interjeté à juste titre devant le Tribunal conformément aux dispositions pertinentes de la Loi sur les douanes.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal est d'avis que l'article 72.1 de la Loi sur les douanes (la Loi) ne s'applique pas aux circonstances de la présente cause. Par conséquent, l'appelant ne peut profiter de la dérogation s'appliquant aux délais prescrits aux articles 60 et 63 de la Loi. L'appelant n'a pas satisfait aux conditions préalables du paragraphe 60(1) de la Loi et, par conséquent, sa demande de révision du classement tarifaire des mécanismes de commande pour vannes aux termes de l'article 60 de la Loi est frappée de prescription.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 10 août 1995 Date de la décision : Le 19 mars 1996
Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant Desmond Hallissey, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Douglas J. Bowering, pour l'appelant Brian Tittemore, pour l'intimé





Les faits qui entourent la présente cause ne sont pas contestés par les parties [1] . En juillet 1990, l'appelant a importé au Canada des États-Unis une certaine quantité de mécanismes de commande Shafer à mouvement rectiligne de type à piston destinés à être montés sur des vannes (mécanismes de commande pour vannes). Le 27 juillet 1990, l'appelant a déclaré les mécanismes de commande pour vannes sous le numéro tarifaire 8481.80.91 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre de vannes actionnées à la main. Le 26 août 1990, les mécanismes de commande pour vannes ont été réputés être classés dans le numéro tarifaire 8481.80.91 aux termes de l'article 58 de la Loi sur les douanes [3] (la Loi).

Plus d'une année plus tard, c'est-à-dire le 29 octobre 1991, l'appelant a déposé, aux termes de l'alinéa 60(1)b) de la Loi, une demande de révision du classement tarifaire des mécanismes de commande pour vannes pour les déclasser du numéro tarifaire 8481.80.91 et les reclasser au numéro tarifaire 8412.21.00 à titre de mécanismes de commande à mouvement rectiligne pour vannes hydrauliques, en indiquant que le Décret du conseil C.P. 1990-755 en date du 26 avril 1990 [4] s'appliquait aux mécanismes de commande pour vannes. Le Décret du conseil, qui était rétroactif au 1er janvier 1988, modifiait les annexes I, II et VI du Tarif des douanes par suite de la mise en œuvre au Canada de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé). Ce Décret du conseil a créé le numéro tarifaire 8481.80.91 mais n'a ni créé, ni révoqué, ni touché autrement le numéro tarifaire 8412.21.00. Le 11 septembre 1992, la demande de l'appelant datée du 21 octobre 1991 a été annulée pour le motif qu'après examen de la question, il a été établi qu'il n'existait aucune disposition permettant de considérer la demande de l'appelant aux termes de l'alinéa 60(1)b) de la Loi. Le 27 octobre 1992, l'appelant a présenté une demande de réexamen aux termes de l'alinéa 63(1)a) de la Loi, demandant une nouvelle fois que les mécanismes de commande pour vannes soient classés dans le numéro tarifaire 8412.21.00 à titre de mécanismes de commande à mouvement rectiligne pour vannes hydrauliques. Le 19 janvier 1993, la demande de réexamen présentée par l'appelant aux termes de l'article 63 de la Loi a été annulée, du fait qu'aucune décision n'avait été prise aux termes de l'article 60 de la Loi et que, par conséquent, aucune disposition ne permettait qu'un réexamen soit effectué aux termes de l'alinéa 63(1)a) de la Loi.

La question en litige dans la présente cause consiste à déterminer si l'appel a été interjeté à juste titre devant le Tribunal conformément aux dispositions pertinentes de la Loi.

Les parties n'ont fait appel à aucun témoin.

Dans son argumentation, le représentant de l'appelant a invoqué l'article 72.1 de la Loi, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1990 [5] . Cet article comporte une dérogation s'appliquant aux délais prescrits aux articles 60 et 63 de la Loi et permet que des révisions et des réexamens soient effectués aux termes de ces articles relativement à certaines marchandises importées. L'article prévoit ce qui suit :

72.1 (1) Par dérogation aux alinéas 60(1)a) et b), une demande de révision du classement tarifaire de marchandises importées touché par un décret rétroactif pris par le gouverneur en conseil en vertu des articles 68 et 136 ou 129 et 136 du Tarif des douanes peut, avant le 1er juillet 1992, être présentée en vertu de l'article 60.

(2) L'agent désigné peut, en vertu du paragraphe 60(3), procéder à la révision du classement tarifaire de marchandises importées — et le sous-ministre peut par la suite procéder au réexamen visé au paragraphe 63(3) — afin de donner effet à un décret rétroactif mentionné au paragraphe (1) même si le classement tarifaire des marchandises a déjà fait l'objet d'une révision ou d'un réexamen antérieur, selon le cas.

Selon le représentant de l'appelant, cet article permettait qu'une demande avec effet rétroactif au 1er janvier 1988 soit présentée jusqu'au 1er juillet 1992 relativement à certaines entrées de marchandises touchées. Le représentant a également insisté sur le Décret du conseil C.P. 1990-755. Essentiellement, il a fait remarquer que le numéro tarifaire 8481.90.40 avait été touché par ce Décret du conseil. À son avis, aucun aspect de l'article 72.1 de la Loi ne prévoit que les marchandises soient importées avant l'introduction du nouveau numéro tarifaire. En outre, le représentant s'est appuyé sur l'affaire Mueller Canada Inc. c. Le ministre du Revenu national et le sous-ministre du Revenu national [6] . À son avis, l'intimé a refusé de prendre acte du sens de la décision de la Cour fédérale du Canada.

L'avocat de l'intimé a passé en revue les dispositions qui donnent au Tribunal le pouvoir d'entendre un appel aux termes de l'article 67 de la Loi. Aux termes du paragraphe 60(1), un importateur peut demander une révision du classement tarifaire de marchandises importées, pourvu que cette demande soit présentée dans les 90 jours ou, si le ministre du Revenu national (le Ministre) l'estime souhaitable, dans les deux ans suivant la date où le classement tarifaire des marchandises prévu à l'article 58 a été effectué. L'article 63 permet à une personne de demander le réexamen d'une révision du classement tarifaire effectuée aux termes de l'article 60, à condition que la demande soit déposée dans les 90 jours suivant la date où l'avis de la décision rendue aux termes de l'article 60 lui a été signifié ou, si le Ministre l'estime souhaitable, dans les deux ans suivant la date à laquelle le classement a été fait conformément à l'article 58. L'avocat a rappelé que l'appelant avait déposé sa demande aux termes de l'article 60 le 29 octobre 1991, soit environ un an et deux mois après la date à laquelle le classement tarifaire des mécanismes de commande pour vannes prévu à l'article 58 est réputé avoir été fait. À son avis, l'appelant n'a pas respecté le délai de 90 jours fixé à l'alinéa 60(1)a). Selon les critères établis par le Ministre pour l'exercice des pouvoirs discrétionnaires accordés aux termes de l'alinéa 60(1)b), il n'a pas été réputé souhaitable de prolonger jusqu'à deux ans la période accordée à l'appelant pour présenter une demande, à compter de la date à laquelle le classement a été fait aux termes de l'article 58. L'avocat a conclu que, dans la présente cause, il n'y avait pas eu de révision aux termes du paragraphe 60(3). Par conséquent, la demande faite aux termes de l'article 63 a été annulée. Puisque l'intimé n'a rendu aucune décision aux termes de ce dernier article, l'avocat a soutenu que le Tribunal n'a pas le pouvoir d'examiner le présent appel aux termes de l'article 67.

Par ailleurs, l'avocat de l'intimé a fait valoir que l'article 72.1 de la Loi doit être lu dans son intégralité. Il a également distingué la situation actuelle de celle dans l'affaire The Marley Pump Company c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [7] . Dans la présente cause, l'importation a eu lieu après l'entrée en vigueur du Décret du conseil pertinent, et le numéro tarifaire demandé par l'appelant n'avait été ni touché, ni changé, ni modifié par le décret rétroactif. Par conséquent, à son avis, l'effet conjugué de ces distinctions est de rendre l'article 72.1 de la Loi inapplicable aux circonstances de la cause de l'appelant. L'avocat a également établi une distinction entre la présente cause et l'affaire Mueller principalement du fait que, dans la dernière cause, le classement tarifaire que cherchait à obtenir l'appelant avait été touché par le Décret du conseil rétroactif.

Après avoir examiné le dossier et analysé les arguments, le Tribunal conclut que cet appel doit être rejeté. Il semble opportun, à ce moment, de rappeler que le Tarif des douanes, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1988, donnait effet au Système harmonisé. Comme la conversion au Système harmonisé entraînait un changement fondamental de la structure tarifaire de l'ancien régime et était fort complexe, le Parlement a jugé opportun de donner au gouverneur en conseil un large pouvoir de modifier, avec effet rétroactif si nécessaire, les annexes I, II et IV à VII du Tarif des douanes pour une période de 18 mois, soit jusqu'au 30 juin 1989, suivant la mise en œuvre du nouveau régime [8] . Une modification subséquente du Tarif des douanes a prorogé ce pouvoir jusqu'au 30 juin 1990 [9] . Ce pouvoir de modifier les taux de droits de douane pouvait être exercé pour régler des difficultés imprévues ou des problèmes découlant de la conversion au Système harmonisé. Plusieurs décrets ont par la suite été pris par le gouverneur en conseil. Comme cela est mentionné dans le Mémorandum D12-4-7 [10] , ces Décrets du conseil ont rétabli les taux de droits de douane en vigueur avant l'introduction du Système harmonisé.

Par la suite, le Parlement a modifié la Loi en adoptant le projet de loi C-55 en juin 1990 [11] . Ce bref texte de loi, réputé être entré en vigueur le 1er janvier 1990, ajoutait trois nouveaux articles à la Loi, à savoir les articles 72.1, 74.1 et 80.1. L'article 72.1 prolonge jusqu'au 1er juillet 1992 le délai fixé pour présenter une demande de révision du classement tarifaire de marchandises touché par un décret rétroactif pris par le gouverneur en conseil à la suite de la mise en œuvre du Système harmonisé. Il est important de lire ces dispositions législatives dans leur intégralité. Essentiellement, ces articles portent sur : 1) le remboursement de droits de douane lorsque le gouverneur en conseil a décrété une application rétroactive de taux de droits moins élevés; 2) le paiement d'intérêt sur les remboursements lorsque de tels décrets sont pris; et 3) une dérogation aux délais fixés aux articles 60 et 63. Selon le Tribunal, l'intention du législateur dans le projet de loi C-55 était de régler les situations dans lesquelles les importateurs de certaines marchandises payaient trop de droits de douane à cause de l'application des Décrets du conseil rétroactifs pris par le gouverneur en conseil. Le Tribunal croit que ces dispositions législatives cherchaient à régler tous les problèmes que pouvaient soulever la mise en œuvre des Décrets du conseil rétroactifs et les changements apportés au classement tarifaire. Ainsi, en accordant une dérogation aux délais prévus aux articles 60 et 63, ces dispositions législatives donnaient aux importateurs de certaines marchandises la garantie qu'ils ne seraient pas pénalisés pendant la période de rétroactivité visée par ces décrets. Non seulement cette loi donnait-elle une certaine garantie de traitement équitable aux importateurs de marchandises touchés par les Décrets du conseil, mais elle conférait aussi une certaine uniformité à l'application des taux de droits de douane pendant cette période.

Dans la présente cause, l'importation des mécanismes de commande pour vannes a eu lieu après l'entrée en vigueur du Décret du conseil C.P. 1990-755. Le numéro tarifaire choisi par l'appelant en juillet 1990 avait déjà été créé au moment où l'importation a été effectuée. En effet, comme l'a justement constaté l'avocat de l'intimé, les mécanismes de commande pour vannes n'ont pas été touchés par le Décret du conseil rétroactif, mais ont plutôt été classés conformément au numéro tarifaire qui E9‚tait en vigueur au moment de l'importation. De l'avis du Tribunal, le Décret du conseil en question n'a pas touché les marchandises importées par l'appelant. Le Tribunal estime que l'appelant ne se trouve pas dans une situation où, par suite du Décret du conseil rétroactif, il a payé des droits de douane en trop sur des mécanismes de commande pour vannes. Ce cas diffère de l'affaire Mueller dans laquelle, comme l'a reconnu le représentant de l'appelant [12] , des marchandises importées avaient été déclarées dans un numéro tarifaire avant la date où le classement tarifaire a été modifié par un Décret du conseil rétroactif.

Pour ce qui est du classement tarifaire demandé par l'appelant, à savoir le numéro tarifaire 8412.21.00, il est clair, sur la foi du Décret du conseil C.P. 1990-755, que ce numéro tarifaire en particulier ne faisait pas partie de ceux qui ont été révoqués ou créés. Par conséquent, comme l'a soutenu l'avocat de l'intimé, ce numéro tarifaire n'a pas été touché par le Décret du conseil.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal convient avec l'avocat de l'intimé que l'article 72.1 de la Loi ne s'applique pas aux circonstances de la présente cause. Par conséquent, l'appelant ne peut profiter de la dérogation s'appliquant aux délais fixés aux articles 60 et 63. Pour ce qui est de ce dernier article, le Tribunal est d'avis que l'appelant n'a pas satisfait aux conditions préalables du paragraphe 60(1) et que sa demande de révision du classement tarifaire des mécanismes de commande pour vannes aux termes de l'article 60 est donc frappée de prescription. En l'absence d'une révision effectuée aux termes de l'article 60, l'intimé n'avait pas le pouvoir de rendre une décision qui établirait un nouveau classement tarifaire des mécanismes de commande pour vannes aux termes de l'article 63.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. Transcription de l’argumentation, le 10 août 1995 à la p. 7.

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

4. Décret n o 7 de modification des annexes du Tarif des douanes, DORS/90 - 265, le 1er mai 1990, Gazette du Canada Partie II, vol. 124, no 11 à la p. 1952.

5. L.C. 1990, ch. 36, art. 1.

6. Non publié, Section de première instance de la Cour fédérale du Canada, no du greffe T - 746 - 93, le 15 novembre 1993.

7. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP - 92 - 121, le 18 mai 1993.

8. Articles 129 et 136 du Tarif des douanes.

9. L.C. 1989, ch. 18, art. 14 et 15.

10. 0. Décret no 7 de modification des annexes du Tarif des douanes, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 17 août 1990.

11. 1. A reçu la sanction royale le 27 juin 1990, L.C. 1990, ch. 36.

12. 2. Transcription de l'argumentation, le 10 août 1995 à la p. 17.


Publication initiale : le 28 août 1996