HOWE SOUND PULP AND PAPER LIMITED

Décisions


HOWE SOUND PULP AND PAPER LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-267

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 27 mai 1994

Appel n o AP - 92 - 267

EU ÉGARD À un appel entendu le 29 novembre 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 30 octobre 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

HOWE SOUND PULP AND PAPER LIMITED Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant est un fabricant de pâtes et papiers. Les marchandises en question sont du béton prêt à l'emploi, de l'acier d'armature et des panneaux préfabriqués à âme creuse qui ont été utilisés dans la construction de structures en béton armé, plus précisément cinq réservoirs et un toit, faisant partie d'un système de traitement de l'eau résiduaire aux usines de pâtes et papiers de l'appelant. Le présent appel porte sur deux questions. La première question consiste à déterminer si le béton prêt à l'emploi, l'acier d'armature et les panneaux préfabriqués à âme creuse sont des marchandises exemptes de la taxe aux termes du paragraphe 51(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) et de la partie XIII de l'annexe III de la Loi en tant que : 1) appareils vendus à l'appelant ou importés par lui et destinés à être directement utilisés pour la détection, la mesure, le traitement, la réduction ou l'élimination des polluants qui sont attribuables à la fabrication ou à la production de marchandises, ou pour la prévention de la pollution qu'ils causent, 2) pièces pour ces appareils ou 3) articles et matières entrant dans leur fabrication, au sens des alinéas 1b), 1l) et 1o), respectivement, de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. La deuxième question en litige consiste à déterminer si les marchandises en cause sont exemptes de la taxe aux termes des dispositions de l'alinéa 2d) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi en tant que matières consommées ou utilisées par l'appelant directement dans le traitement, la réduction ou l'élimination des polluants visés à l'alinéa 1b) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi.

DÉCISION : L'appel est admis. Les panneaux préfabriqués à âme creuse sont eux - mêmes des composants d'appareil et sont, par conséquent, exempts de la taxe aux termes de l'alinéa 1l) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. Les autres marchandises en question, soit le béton prêt à l'emploi et l'acier d'armature, sont des matières donnant droit à une exemption de la taxe aux termes de l'alinéa 1o) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi, car elles ont été utilisées par l'appelant dans la construction de cinq réservoirs et d'un toit au - dessus d'un réacteur qui sont des composants d'un système de traitement de l'eau résiduaire employé pour l'élimination de polluants attribuables à la fabrication ou à la production de marchandises.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique) Date de l'audience : Le 29 novembre 1993 Date de la décision : Le 27 mai 1994
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Charles A. Gracey, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : Stephen P. Grey, pour l'appelant Gilles Villeneuve, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) l'égard d'une détermination qui a eu pour effet de rejeter en partie une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale produite par l'appelant. Cette détermination a par la suite été ratifiée par le ministre du Revenu national, d'où l'appel interjeté devant le Tribunal.

L'appelant est un fabricant de pâtes et papiers. Les marchandises en question sont du béton prêt à l'emploi, de l'acier d'armature et des panneaux préfabriqués à âme creuse qui ont été utilisés dans la construction de structures en béton armé, plus précisément cinq réservoirs et un toit, faisant partie d'un système de traitement de l'eau résiduaire aux usines de pâtes et papiers de l'appelant.

Le présent appel porte sur deux questions. La première question consiste à déterminer si le béton prêt à l'emploi, l'acier d'armature et les panneaux préfabriqués à âme creuse sont des marchandises exemptes de la taxe aux termes du paragraphe 51(1) de la Loi et de la partie XIII de l'annexe III de la Loi en tant que 1) appareils vendus à l'appelant ou importés par lui et destinés à être directement utilisés pour la détection, la mesure, le traitement, la réduction ou l'élimination des polluants qui sont attribuables à la fabrication ou à la production de marchandises, ou pour la prévention de la pollution qu'ils causent, 2) pièces pour ces appareils ou 3) articles et matières entrant dans leur fabrication, au sens des alinéas 1b), 1l) et 1o), respectivement, de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. La deuxième question consiste à déterminer si les marchandises en cause sont exemptes de la taxe aux termes des dispositions de l'alinéa 2d) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi en tant que matières consommées ou utilisées par l'appelant directement dans le traitement, la réduction ou l'élimination des polluants visés à l'alinéa 1b) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi.

L'appelant exploite une nouvelle installation à Port Mellon, en Colombie-Britannique, où il produit du papier journal et de la pâte kraft. À l'audience, le Tribunal a entendu le témoignage d'expert de M. Miro Hejzlar, ingénieur et directeur des services d'ingénierie de la société Howe Sound Pulp and Paper Limited qui était chargé de la conception et de la construction du système de traitement de l'eau résiduaire. Étant donné que des millions de litres d'eau sont utilisés quotidiennement dans la production de la pâte et du papier journal, M. Hejzlar a expliqué que l'eau résiduaire provenant du processus de production doit être traitée conformément aux règlements environnementaux avant d'être déversée dans l'océan. Le traitement fait appel à un système de pompes et de tuyauteries, c'est-à-dire que l'eau résiduaire traverse tour à tour un décanteur primaire, un réservoir malaxeur, une tour de refroidissement, un réacteur UNOX, un des deux décanteurs secondaires et finalement un épaississeur de boues. Sauf dans le cas du réservoir malaxeur et de la tour de refroidissement, tous les réservoirs sont en béton armé de fibres d'acier. Un toit fait de panneaux préfabriqués à âme creuse recouvre le réacteur UNOX.

D'après les éléments de preuve recueillis à l'audience et d'après les documents versés au dossier, le processus de traitement de l'eau résiduaire peut être résumé comme suit. L'eau résiduaire de l'usine de pâte kraft contient des rejets de fibres, des résines brutes et des composés organiques chlorés. L'eau résiduaire de l'usine de papier journal se compose surtout de résines organiques provenant du défibrage du bois. Avant de faire passer l'eau résiduaire dans le décanteur primaire, on la débarrasse des grosses particules de bois. Le décanteur primaire est un grand réservoir qui mesure environ 185 pi de diamètre et de 18 pi de profondeur et qui comporte un fond incliné conçu pour que les substances fibreuses puissent se déposer avant d'être éliminées. Au milieu du réservoir, un pivot central sert d'appui à un long bras articulé qui traverse le réservoir et qui tourne, ce qui permet d'actionner lentement un râteau pour débarrasser l'eau résiduaire des substances fibreuses. Depuis le décanteur primaire, l'eau résiduaire est acheminée par tuyauterie jusqu'à un réservoir malaxeur, où elle est mêlée à l'eau résiduaire provenant du processus de blanchiment, qui est contaminée par différents acides. Le mélange est ensuite dirigé vers une tour de refroidissement, car une température précise est nécessaire pour que le réacteur UNOX effectue l'opération suivante, c'est-à-dire digère les substances fibreuses pour en débarrasser complètement l'eau résiduaire. Le processus de digestion fait appel à l'introduction de divers micro-organismes dans l'eau résiduaire. Pour fournir l'énergie requise par ces micro-organismes, des engrais ammoniacaux et phosphatés sont également ajoutés à l'eau résiduaire.

Le réacteur UNOX est une structure rectangulaire qui mesure 282 pi de longueur, 140 pi de largeur et 26 pi de profondeur. Il est muni d'un toit étanche à l'air fait de panneaux préfabriqués à âme creuse revêtus d'une couche de 3 po de béton renforcé d'un treillis métallique. Le toit est nécessaire, car de l'oxygène est introduit sous pression dans l'eau résiduaire pour accélérer le processus de digestion et maintenir les micro-organismes en vie. Des agitateurs suspendus au plafond assurent le mélange de l'eau résiduaire. L'infrastructure du réacteur se compose de deux rangées de chambres comportant quatre compartiments chacune. La taille des compartiments permet un écoulement précis et assure une vitesse de mélange appropriée aux fins du traitement de l'eau résiduaire, qui, lorsque l'usine fonctionne à plein rendement, prend six heures pour traverser le réacteur UNOX.

Le mélange passe ensuite par l'un des décanteurs secondaires, soit une structure semblable au décanteur primaire, où les micro-organismes sont séparés de l'eau résiduaire. Au cours de ce processus, environ 50 p. 100 des micro-organismes sont acheminés de nouveau vers le réacteur UNOX. Le reste est dirigé vers l'épaississeur, où l'eau résiduaire est débarrassée de la vapeur d'eau, puis renvoyée au système de traitement, alors que la boue est acheminée vers les chaudières de chauffage, où elle est brûlée. Le mélange traité est enfin évacué dans l'océan par un réservoir.

L'argument de l'avocat de l'intimé selon lequel le béton prêt à l'emploi et l'acier d'armature ne sont pas des machines et appareils au sens de l'alinéa 1b) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi est, de l'avis du Tribunal, inattaquable. Il reste à déterminer si le béton prêt à l'emploi et l'acier d'armature, qui ont été utilisés pour construire les réservoirs circulaires, ainsi que les parois et les chambres du réacteur UNOX, et pour couler le béton sur les panneaux préfabriqués à âme creuse du réacteur, sont des matières. Le Tribunal est d'avis que ces marchandises sont des matières qui réunissent les conditions prescrites à l'alinéa 1o) à titre d'«articles et matières devant entrer dans la fabrication de marchandises visées aux alinéas a) à n)», soit plus précisément, l'alinéa 1b) qui est rédigé comme suit :

les machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux et destinés à être directement utilisés par eux pour la détection, la mesure, le traitement, la réduction ou l'élimination des polluants de l'eau, du sol ou de l'air qui sont attribuables à la fabrication ou la production de marchandises, ou pour la prévention de la pollution qu'ils causent.

Le Tribunal est convaincu, sur la foi des éléments de preuve et après avoir examiné la cause Pillar Construction Ltd. c. Le ministre du Revenu national [2] citée par l'avocat de l'appelant, que les cinq réservoirs qui ont été construits à l'aide des marchandises en question sont des appareils, car ils se composent de pièces interdépendantes et servent à contenir et à traiter l'eau souillée. Dans la cause Pillar, le Tribunal a reconnu que les dictionnaires définissent ainsi le mot «appareil» : 1) une collection ou un ensemble d'articles, d'instruments, d'accessoires, de machines destinés à un usage spécifique, 2) tout instrument composé ou accessoire destiné à une action mécanique particulière ou chimique ou à une opération et 3) tout dispositif complexe ou machine destiné ou préparé pour remplir des fonctions spéciales. Dans cette cause, le Tribunal avait souligné qu'un appareil se compose d'un certain nombre de pièces interdépendantes, chacune possédant une fonction propre. Le Tribunal est convaincu en l'espèce que les réservoirs répondent à l'une ou à plusieurs des définitions susmentionnées.

Le Tribunal est également convaincu que les réservoirs sont utilisés directement dans le traitement, la réduction ou l'élimination de polluants attribuables à la fabrication de marchandises. Les éléments de a preuve sont clairs et non contestés : la seule fonction du système est de traiter l'eau polluée dans le processus de fabrication des pâtes et papiers de manière qu'elle puisse être déversée dans l'océan presque aussi propre qu'à l'origine. Les appareils fabriqués à partir des marchandises en question sont utilisés directement et uniquement dans ce processus.

Une interprétation restrictive de l'alinéa 1o) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi pourrait être que la mention des «marchandises visées aux alinéas a) à n)», pour ce qui est de l'alinéa 1b), se limite seulement aux machines ou appareils «vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux». Toutefois, le Tribunal est d'avis qu'il faut considérer la mesure législative dans son ensemble pour en apprécier l'intention manifeste. Ainsi, le Tribunal ne trouve nullement fondée l'interprétation selon laquelle les articles et matières visés à l'alinéa 1o) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi doivent être considérés comme étant exempts de la taxe, en ce qui concerne l'alinéa 1b), uniquement lorsqu'ils sont vendus à un fabricant ou à un producteur ou importés par ce dernier et que celui-ci s'en sert ensuite pour produire une machine ou un appareil aux fins de vente à l'appelant, et non lorsqu'ils sont achetés en tant que matières par l'appelant à des fins de construction sur place. En fait, l'appelant avait manifestement le choix d'acheter les machines et appareils assemblés ou non ou de les fabriquer sur place. Pour des raisons pratiques, il a été décidé de construire sur place de grands réservoirs en béton armé, d'où l'achat des articles et matières qui ont servi à fabriquer les réservoirs et le toit.

Le Tribunal est d'avis qu'une interprétation restrictive conduirait à l'inapplicabilité de l'alin 9‚a 1o) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi par rapport à l'alinéa 1b), car rien ne garantit que lorsque les matières servent à la fabrication d'un appareil, celui-ci sera effectivement vendu à un fabricant ou à un producteur ou importé par lui. Une telle interprétation ne serait pas conforme à l'article 12 de la Loi d'interprétation [3] , qui prévoit que tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète donc de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. Par conséquent, le Tribunal considère que, dans l'application de l'alinéa 1o), la mention d'appareils «vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux» figurant à l'alinéa 1b) doit s'interpréter de manière à en limiter l'application au genre d'appareil effectivement utilisé par un fabricant ou un producteur, et non par n'importe qui d'autre, directement pour la détection, la mesure, le traitement, la réduction ou l'élimination des polluants de l'eau, du sol ou de l'air qui sont attribuables à la fabrication ou à la production de marchandises, ou pour la prévention de la pollution qu'ils causent.

Pour tous ces motifs, le Tribunal conclut que le béton prêt à l'emploi et l'acier d'armature en question sont des matières au sens de l'alinéa 1o) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi.

Le Tribunal conclut également que les panneaux préfabriqués à âme creuse qui forment le toit du réacteur UNOX ont été spécifiquement conçus pour couvrir le réacteur et permettre l'introduction d'oxygène dans un système pressurisé. De plus, les agitateurs situés dans le réacteur UNOX sont suspendus au plafond. Par conséquent, les panneaux préfabriqués à âme creuse peuvent facilement être considérés comme des composants d'un appareil de traitement de polluants et sont, par conséquent, exempts de la taxe de vente fédérale aux termes des dispositions de l'alinéa 1l) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi à titre de pièces des marchandises visées à l'alinéa 1b).

Ayant conclu que les marchandises en question donnent droit à une exemption aux termes des dispositions des alinéas 1l) et 1o) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi, il n'est pas nécessaire d'examiner la deuxième question en litige dans le présent appel.

Pour les raisons qui précèdent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP-89-122, le 25 octobre 1990.

3. L.R.C. (1985), ch. I-21.


Publication initiale : le 4 juin 1997