DE MERS ELECTRIC LIMITED

Décisions


DE MERS ELECTRIC LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-051

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 12 avril 1994

Appel n o AP - 93 - 051

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 octobre 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 8 mars 1993 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

DE MERS ELECTRIC LIMITED Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté (dissidence du membre Gracey).

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national (le Ministre) datée du 7 août 1992, qui a rejeté une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire au montant de 3 964,46 $ relativement à des marchandises libérées de taxe figurant à l'inventaire au 1 er janvier 1991. Cette demande a été rejetée pour le motif qu'elle a été faite après le délai prescrit par la Loi sur la taxe d'accise. La demande était datée du 21 février 1992 et le ministère du Revenu national l'a reçue le 23 février 1992. Le représentant de l'appelant a soutenu qu'il a été incapable de faire sa demande à temps parce qu'il n'a pas reçu le formulaire prescrit par le Ministre. Le 9 octobre 1992, l'appelant a signifié au Ministre un avis d'opposition. Dans un avis de décision daté du 8 mars 1993, le Ministre a ratifié sa détermination. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a fait sa demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire dans le délai prescrit par la loi.

DÉCISION : L'appel est rejeté (dissidence du membre Gracey). Bien qu'après consultation des dispositions pertinentes de la Loi sur la taxe d'accise il puisse être déclaré que le Ministre était tenu de fournir le formulaire prescrit aux demandeurs de remboursements de la taxe de vente fédérale à l'inventaire et, qu'en l'espèce, le Ministre ne s'est pas acquitté de cette obligation, le Tribunal est d'avis, après examen des renseignements fournis par les témoins de l'appelant, que ce dernier n'a pas fait sa demande de remboursement avant 1992. Le Tribunal n'a pas compétence pour modifier le délai prescrit.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 19 octobre 1993 Date de la décision : Le 12 avril 1994
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier du Tribunal : Janet Rumball
Ont comparu : Donald R. De Mers, pour l'appelant Anne Michaud, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national (le Ministre) datée du 7 août 1992, qui a rejeté une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) à l'inventaire aux termes de l'article 120 de la Loi [2] . La demande a été rejetée pour le motif qu'elle a été faite après le délai prescrit par la Loi. Le 9 octobre 1992, l'appelant a signifié au Ministre un avis d'opposition. Le 8 mars 1993, le Ministre a publié un avis de décision ratifiant sa détermination.

L'appelant vend au détail des pièces d'appareils ménagers de types domestique et commercial. Il a fait une demande de remboursement de la TVF à l'inventaire au montant de 3 964,46 $ relativement à des marchandises libérées de taxe figurant à son inventaire au 1er janvier 1991. La demande était datée du 21 février 1992 et a été reçue par le ministère du Revenu national (Revenu Canada) le 23 février 1992. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a fait sa demande de remboursement de la TVF à l'inventaire dans le délai prescrit par la loi.

À l'audience, l'appelant était représenté par son président, M. Donald R. De Mers. Celui-ci et son épouse, Mme Trudy De Mers, vice-présidente de la société De Mers Electric Limited, ont témoigné pour le compte de l'appelant. M. De Mers a déclaré qu'à un moment donné, en octobre 1991, il a été informé que sa société pouvait demander un remboursement de la TVF à l'inventaire à l'égard des marchandises libérées de taxe figurant à son inventaire au 1er janvier 1991 et que cette demande devait être faite au Ministre avant 1992. Il a aussi affirmé que son épouse et lui-même ont tenté à plusieurs occasions, mais sans succès, d'obtenir le formulaire prescrit.

Les éléments de preuve déposés ont révélé que M. De Mers et son épouse ont effectué au moins trois appels téléphoniques au bureau de district de London (Ontario) de Revenu Canada, et au moins deux autres appels au bureau de district de Windsor (Ontario) de Revenu Canada. Ils ont déclaré avoir été avisés que les formulaires de demande n'étaient pas disponibles et qu'un formulaire leur serait envoyé par la poste dès qu'il serait disponible. M. De Mers a affirmé que le 20 décembre 1991, il s'est rendu au bureau de district de Windsor et, qu'après avoir demandé le formulaire prescrit, il a été avisé qu'il n'y avait pas de formulaire de disponible et qu'il n'y en aurait pas avant Noël. Se fondant sur ce renseignement, il a attendu jusqu'au 28 janvier 1992, date à laquelle il est retourné au bureau de district de Windsor, et a exigé qu'un formulaire de demande lui soit fourni. Il a déclaré que les employés étaient peu disposés à acquiescer à sa demande et qu'il a dû les convaincre de lui remettre une copie du formulaire qu'ils conservaient à leur bureau. M. De Mers et son épouse ont rempli le formulaire et l'ont mis à la poste le 21 février 1992. Revenu Canada l'a reçu le 23 février 1992.

Le représentant de l'appelant a prétendu que son épouse et lui-même ont pris toutes les dispositions nécessaires et raisonnables pour obtenir le formulaire prescrit et que Revenu Canada avait l'obligation de le leur fournir. En outre, ils ont soutenu qu'ils ne doivent pas être liés par les représentations trompeuses des employés de Revenu Canada et que le Ministre doit être tenu responsable des gestes posés par ses employés.

L'avocate de l'intimé a soutenu que ni le Ministre ni le Tribunal n'ont compétence pour négliger ou proroger le délai prescrit pour faire une demande de remboursement de la TVF aux termes du paragraphe 120(8) de la Loi [3] . Elle a également prétendu que le Tribunal n'a pas compétence pour accorder un redressement équitable et qu'il ne peut refuser d'appliquer le libellé de la loi ou d'interpréter des lois fiscales pour éviter les effets de la loi, même pour des motifs d'équité parce qu'un contribuable a été mal informé par des employés de Revenu Canada [4] . En conséquence, l'avocate a soutenu que l'appel doit être rejeté parce que l'appelant n'a pas fait sa demande de remboursement de la TVF à l'inventaire avant 1992. La question de la disponibilité du formulaire est donc hors de propos.

Le paragraphe 120(8) de la Loi se lit comme suit :

120.(8) Le ministre ne verse le remboursement que si demande lui en est faite avant 1992.

Pour ce qui est de l'argument de M. De Mers à savoir que Revenu Canada doit fournir des formulaires de demande, le Tribunal a examiné les paragraphes 120(6) et 72(2) de la Loi, qui renferment les dispositions suivantes :

120.(6) Les parties VI et VII, à l'exclusion du paragraphe 72(7), s'appliquent aux demandes de remboursement et aux versements, prévus par le présent article, comme s'il s'agissait de demandes présentées en vertu de l'article 68 et de versements faits en application de l'article 72.

72.(2) Une demande doit être faite en la forme prescrite et contenir les renseignements prescrits.

Le Tribunal fait remarquer qu'il existe un formulaire prescrit de «Demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire», qui renvoie au paragraphe 72(2) de la Loi.

Dans l'arrêt Dai Nguyen, Groupe Solidarité, Luong Manh Nguyen c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration [5] , la Cour d'appel fédérale (la Cour) a entendu un appel à partir d'une requête pour obtenir une ordonnance de mandamus ou une ordonnance imposant une obligation légale envers le requérant. La Cour a statué que même si la loi ne renferme pas d'obligation explicite en ce qui touche l'envoi d'un formulaire de demande d'admission au Canada à titre de réfugié à une personne qui en fait la demande, d'après les décisions antérieures et la portée générale de la Loi sur l'immigration et du Règlement connexe, il existe bel et bien une obligation de fournir un tel formulaire.

Avant de rendre sa décision, la Cour a invoqué l'arrêt Yee Chuen Choi c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration et le Secrétaire d'État aux Affaires Extérieures [6] . Dans cet arrêt, le requérant avait subi un préjudice parce qu'il n'avait pas reçu immédiatement le formulaire approprié; le dépôt de ce dernier dans le délai prescrit aurait valu au requérant une appréciation plus favorable. S'exprimant au nom de la Cour, le juge MacGuigan, J.C.A., a cité une décision antérieure, Le ministre de la Main - d'oeuvre et de l'Immigration c. Helen Tsiafakis [7] , à l' 9‚gard de laquelle il a été déterminé qu'il existait une obligation de fournir un formulaire à une personne tentant de parrainer l'admission d'une autre personne au Canada lorsque le droit de parrainer ne peut être exercé à défaut d'obtenir le formulaire prescrit des autorités de l'immigration, et il a poursuivi avec ce qui suit :

lorsque le gouvernement canadien s'engage, par l'entremise de ses agents, à fournir à ceux qui veulent immigrer des renseignements sur la façon de s'y prendre, il s'engage pour le moins à les bien renseigner. Cela ne signifie pas que les autorités canadiennes doivent faire l'exégèse détaillée de la loi et des procédures en matière d'immigration, ni fournir aux immigrants éventuels des avis juridiques sur les conséquences juridiques des choix offerts, mais il n'en reste pas moins que les autorités de l'immigration sont tenues en toute équité de fournir les renseignements fondamentaux sur les façons de faire une demande, et de rendre disponibles les formules appropriées [8] .

En conséquence, le Tribunal croit, qu'en l'espèce, on peut affirmer que le Ministre était tenu de fournir à l'appelant le formulaire approprié pour permettre à ce dernier de demander un remboursement de la TVF à l'inventaire avant 1992. Cependant, la compétence du Tribunal pour ce qui est de rendre une décision en l'espèce est beaucoup plus restreinte que celle de la Cour lorsqu'elle a entendu les demandes de mandamus précitées. Il est bien établi que les pouvoirs du Tribunal se limitent à ceux clairement indiqués dans la Loi et que ces pouvoirs n'englobent pas la modification d'un délai prescrit par la loi ou l'application d'un redressement équitable. Il doit donc s'en tenir à rendre une décision sur le litige réel dont fait l'objet le présent appel, c'est-à-dire déterminer si l'appelant a fait une demande de remboursement de la TVF à l'inventaire avant 1992. Si la réponse est négative, l'appel doit être rejeté.

Après avoir examiné les éléments de preuve, la majorité du Tribunal est d'avis que l'appelant n'a pas fait sa demande de remboursement avant 1992. La demande était datée du 21 février 1992 et Revenu Canada l'a reçue le 23 février 1992. Compte tenu des facteurs relatifs à la présente cause, si l'appelant avait envoyé une lettre à Revenu Canada avant 1992 pour lui indiquer qu'il ferait une demande de remboursement de la TVF à l'inventaire, le Tribunal aurait peut-être considéré cette lettre comme étant une demande en bonne et due forme. Cependant, aucun document du genre n'a été produit en preuve. En conséquence, le Tribunal n'a d'autre choix que de se conformer au délai prescrit par la loi.

Les tribunaux canadiens, et plus particulièrement la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Granger [9] , ont statué que la Couronne n'est pas lié par les représentations faites aux contribuables par les fonctionnaires de Revenu Canada, si ces représentations sont contraires aux dispositions précises de la loi. Le Tribunal doit appliquer la loi, même si une telle démarche entraîne des problèmes financiers pour l'appelant.

En conséquence, l'appel est rejeté.

OPINION DISSIDENTE DU MEMBRE GRACEY

Je ne partage pas l'avis de mes collègues dans cette affaire. Je trancherais en faveur de l'appelant parce qu'il est très évident que s'il n'a pas fait sa demande avant 1992, c'est parce que Revenu Canada ne lui a pas fourni de formulaire lorsqu'il en a fait la demande. Le témoin de l'appelant a prouvé (preuve non contestée par l'intimé) qu'il a demandé le formulaire approprié en effectuant des appels téléphoniques successifs et qu'il s'est finalement rendu au bureau de district de Windsor (Ontario) de Revenu Canada, où il a demandé le formulaire requis sans toutefois le recevoir. L'appelant était au courant de l'échéance et il a pris toutes les mesures raisonnables pour tenter d'obtenir le formulaire.

Je remarque également que le formulaire sur lequel la demande doit être faite est un formulaire prescrit aux termes de la Loi, et que lorsqu'un formulaire est prescrit, il incombe à Revenu Canada de le fournir aux intéressés. Pour étayer cette déclaration, je me reporte à l'arrêt Nguyen [10] où la Cour s'est reportée au jugement rendu par le juge Le Dain dans la cause Tsiafakis, qui a déclaré en partie que lorsqu'un formulaire est prescrit, «le devoir corrélatif de fournir ledit formulaire existe [11] ».

J'aurais donc admis l'appel en déclarant que l'appelant a pris toutes les mesures raisonnables pour faire sa demande dans le délai prescrit par la loi et qu'il ne l'a pas fait parce que l'organisme taxateur ne lui a pas fourni le formulaire requis. En conséquence, je conclus que dans la mesure du possible, l'appelant a fait sa demande avant 1992.

En conséquence, j'admettrais l'appel.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L.C. 1990, ch. 25, art. 12, modifiée par L.C. 1993, ch. 27, art. 6.

3. Voir, par exemple, Giovanni Miucci c. Sa Majesté la Reine et le ministre du Revenu national , Section de première instance de la Cour fédérale, n o du greffe T - 348-91, le 1 er novembre 1991.

4. Joseph Granger c. Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada , [1986] 3 C.F. 70, confirmé par [1989] 1 R.C.S. 141.

5. Non publié, Cour d'appel fédérale, n o du greffe A-120-91, le 12 juillet 1993.

6. [1992] 1 C.F. 763.

7. [1977] 2 C.F. 216.

8. Supra note 6, aux pp. 769-70.

9. Supra , note 4, [1986] 3 C.F. 70 à la p. 86.

10. Supra , note 5.

11. Supra note 7 à la p. 224.


Publication initiale : le 28 mai 1997