788870 ONTARIO LIMITED

Décisions


788870 ONTARIO LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-033

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 31 mars 1994

Appel n o AP - 93 - 033

EU ÉGARD À un appel entendu le 18 octobre 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 29 mars 1993 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

788870 ONTARIO LIMITED Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Nicole Pelletier ______ Nicole Pelletier Secrétaire intérimaire





L'appelant assure les services de restauration au Dalhousie Yacht Club de St. Catharines (Ontario). Conformément à l'article 120 de la Loi sur la taxe d'accise, l'appelant a soumis à l'intimé une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire. Aux termes du paragraphe 120(8) de la Loi sur la taxe d'accise, une telle demande doit être faite avant 1992. L'appelant a fait parvenir sa demande à l'intimé dans une enveloppe sur laquelle la date du 8 janvier 1992 a été apposée à l'aide d'une machine à affranchir. L'appelant a toutefois soutenu que la demande de remboursement a été envoyée par la poste avant 1992 et, par conséquent, faite à temps. L'intimé a fait valoir que la date apposée sur l'enveloppe au moyen d'une machine à affranchir constituait une preuve concluante quant à la date à laquelle la demande de remboursement a été expédiée et que, comme elle avait été mise à la poste en 1992, la demande était frappée de prescription. Le Tribunal doit déterminer si la demande de remboursement de l'appelant a été faite en conformité avec le paragraphe 120(8) de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal conclut que l'expression «faite» au paragraphe 120(8) de la Loi sur la taxe d'accise n'est pas définie et qu'il a la compétence requise pour déterminer la signification à accorder à cette expression. Le Tribunal conclut que le fait de mettre une demande de remboursement à la poste peut correspondre à faire une demande au sens où l'entend le paragraphe 120(8) de la Loi sur la taxe d'accise.

Nonobstant la date du 8 janvier 1992 apposée par la machine à affranchir, le Tribunal a été convaincu par les dépositions des témoins de l'appelant et par les éléments de preuve matériels produits par l'appelant que la demande de remboursement de ce dernier a été mise à la poste et, par conséquent, faite avant 1992.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 18 octobre 1993 Date de la décision : Le 31 mars 1994
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Arthur B. Trudeau, membre
Avocat pour le Tribunal : John L. Syme
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Graham Pobjoy, pour l'appelant James Stringham, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national (le Ministre) aux termes des paragraphes 72(4) et 120(6) de la Loi [2] . La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) à l'inventaire de l'appelant a été faite avant 1992, conformément au paragraphe 120(8) de la Loi.

L'intimé a soutenu que la demande a été faite après les délais prescrits par la Loi comme en atteste la date du 8 janvier 1992 apposée au moyen d'une machine à affranchir sur l'enveloppe dans laquelle la demande a été envoyée. L'appelant a prétendu que la demande a été mise à la poste en décembre 1991, mais que la date de la machine à affranchir avait été avancée à des fins commerciales légitimes. La légitimité de la demande de remboursement de l'appelant ne fait aucun doute et la seule question en litige porte sur le délai prescrit pour la présentation de la demande.

L'appelant assure, aux termes d'un contrat, les services de restauration au Dalhousie Yacht Club (le Club), de St. Catharines (Ontario).

Deux témoins ont comparu au nom de l'appelant lors de l'audience. Le premier témoin, Mme Anne M. Rosler, la directrice du Club, a expliqué le fonctionnement du bureau et rappelé les événements de la fin décembre 1991. Mme Rosler a déclaré que le vendredi 27 décembre 1991, elle a avancé au 8 janvier 1992 la date de la machine à affranchir. Selon son témoignage, elle fait cela chaque mois afin d'affranchir à l'avance les enveloppes vides adressées aux quelque 300 membres du Club. Le bulletin mensuel du Club est ensuite inséré dans ces enveloppes par l'imprimerie commerciale qui le produit. Elle procède ainsi parce qu'il est impossible d'utiliser la machine à affranchir une fois les bulletins placés dans les enveloppes, ces dernières étant alors trop épaisses. Selon Mme Rosler, l'imprimerie l'avise à la fin de chaque mois de la date à apposer sur les enveloppes. L'appelant a déposé en preuve une copie de l'agenda de Mme Rosler qui indique que le bulletin mensuel a été envoyé par la poste le 8 janvier 1992 et qu'elle avait modifié la date de la machine à affranchir le 27 décembre 1991.

Mme Rosler a témoigné qu'elle n'a réalisé que plusieurs jours plus tard, au début de janvier 1992, qu'elle avait omis de rétablir la date de la machine à affranchir. En réponse aux questions du Tribunal, Mme Rosler a reconnu avoir oublié par mégarde de rétablir la date à d'autres occasions également.

Mme Rosler a expliqué qu'elle seule possède la clé de la machine à affranchir, qui est requise pour faire fonctionner l'appareil, et qu'elle la laisse dans celui-ci lorsqu'elle se trouve dans le bureau. Par conséquent, personne d'autre ne peut utiliser la machine lorsqu'elle s'absente du bureau. Lorsque la clé est dans l'appareil, il est possible de changer la date et le montant de l'affranchissement. La machine ne consigne pas les dates d'utilisation, uniquement un relevé des sommes dépensées.

Selon Mme Rosler, Mme Lissa Haynes, qui travaille à temps partiel pour l'appelant en tant que aide-comptable, se trouvait au bureau le 28 décembre 1991 et a affranchi, ce jour-là, plusieurs lettres à l'aide de la machine. Mme Rosler n'a toutefois pas été en mesure de dire si la demande de remboursement adressée au ministère du Revenu national (Revenu Canada) était au nombre des lettres affranchies.

Le deuxième témoin, Mme Lyssa Haynes, a déclaré avoir affranchi la demande de remboursement à l'aide de la machine à affranchir du Club le samedi 28 décembre 1991 et l'avoir postée en rentrant chez elle plus tard au cours de la même journée. À ce moment-là, elle n'a pas remarqué la date indiquée sur la machine à affranchir. Pour appuyer son témoignage, Mme Haynes a soumis au Tribunal un journal d'exploitation qui indique qu'elle a travaillé six heures le jour en question.

Mme Haynes a soutenu qu'elle n'aurait pu utiliser la machine à affranchir le 8 janvier 1992, la date estampillée sur l'enveloppe dans laquelle la demande de remboursement a été reçue, puisqu'elle travaille pour l'appelant uniquement le samedi et le mercredi en soirée, en raison du fait qu'elle occupe un poste à plein temps ailleurs. Étant donné que Mme Rosler n'est pas au bureau le mercredi soir, Mme Haynes ne peut utiliser la machine à affranchir que le samedi pendant la journée. Elle utilise des timbres ordinaires pour les lettres qu'elle envoie à d'autres moments.

Quant au montant de l'affranchissement, Mme Hayes a déclaré lors du contre-interrogatoire que les lettres envoyées en décembre 1991 devaient être affranchies au montant de 40 cents alors qu'il aurait fallu un affranchissement de 42 cents pour les lettres mises à la poste en janvier 1992. Dans les documents mis à la disposition du Tribunal, le timbre sur l'enveloppe en question semble être de 40 cents. La date de réception apposée par Revenu Canada sur les documents est celle du 10 janvier 1992.

L'intimé n'a présenté aucun témoin, mais a soumis au Tribunal une copie d'un rapport annuel de la Société canadienne des postes (Postes Canada) qui cite une étude indépendante sur les délais de livraison. Les résultats de cette étude ont révélé que, pendant la période en question, de 97 à 98 p. 100 du courrier livré entre les principaux centres urbains d'une même province arrivait à destination dans les trois jours.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a soutenu que des éléments de preuve suffisants avaient été produits pour prouver que la demande de remboursement avait été faite avant 1992. Il s'est demandé si le Tribunal disposait d'éléments de preuve pertinents pour montrer que l'enveloppe, qui selon l'estampille de Revenu Canada avait été reçue le 10 janvier 1992, a bel et bien été reçue à cette date et a fait valoir qu'aucun témoin n'a corroboré ce fait. L'avocat a souligné que si la lettre avait été postée en janvier 1992, comme l'a allégué l'intimé, elle aurait été retournée à l'expéditeur pour affranchissement insuffisant. En dernier lieu, l'avocat a soutenu que si l'appelant avait voulu trompé Revenu Canada quant au moment de la présentation de la demande, il aurait antidaté sa demande de remboursement au lieu de la postdater.

L'avocat de l'intimé a plaidé que le Tribunal doit se prononcer sur deux questions. La première a trait à la présentation de la preuve et porte sur le moment où la demande de remboursement a été mise à la poste. La deuxième est une question de droit, à savoir ce qui constitue la présentation d'une demande.

Pour ce qui est de la question de la présentation de la preuve, il est indéniable, selon l'avocat de l'intimé, que la date du 8 janvier 1992 apparaît sur le cachet de la poste et que l'enveloppe a été reçue par Revenu Canada le 10 janvier 1992. Il est inconcevable que la demande expédiée de St. Catharines (Ontario) le 28 décembre 1991 n'ait été reçue que le 10 janvier 1992 à Hamilton (Ontario). Pour appuyer cette affirmation, l'avocat a mentionné l'étude sur les délais de livraison du courrier qui figure dans le rapport annuel de Postes Canada. De l'avis de l'avocat, les éléments de preuve indiquent qu'en toute probabilité la demande a été mise à la poste au début janvier.

Quant à la question de droit portant sur ce que signifie faire une demande, l'avocat de l'intimé a reconnu que le gouverneur en conseil n'a pas prescrit par règlement la procédure à suivre pour faire une demande au Ministre. Toutefois, l'avocat a renvoyé le Tribunal au Mémorandum de l'Accise ET 313 [3] (le Mémorandum ET 313) dans lequel il est indiqué que la date estampillée ou apposée sur l'enveloppe par le bureau de poste sera acceptée comme la date de production de la demande. Dans la présente cause, la date estampillée est celle du 8 janvier 1992 et constitue donc la date de production de la demande. Par conséquent, l'avocat de l'intimé a soutenu que la demande de remboursement de l'appelant est frappée de prescription. En dernier lieu, l'avocat a fait valoir que le Tribunal n'a pas le pouvoir d'annuler ni de proroger les délais prescrits par la Loi. Cependant, le Tribunal ne considère pas le Mémorandum ET 313 comme un document à caractère juridique obligatoire ou comme le seul moyen de déterminer la date à laquelle une demande a été postée et, par conséquent, faite.

Le Tribunal convient, avec l'avocat de l'intimé, qu'il n'a pas compétence pour annuler les délais prescrits au paragraphe 120(8) de la Loi. Il est toutefois d'avis qu'il a la compétence requise pour déterminer la signification de l'expression «faite» au paragraphe 120(8) de la Loi et fait remarquer, à cet égard, qu'aux fins du paragraphe 120(8) de la Loi, les expressions «faire» et «faite» ne sont pas définies dans la Loi ni dans la Loi d'interprétation [4] . L'avocat de l'intimé a produit comme élément de preuve le Mémorandum ET 313 qui, pourrait-on soutenir, fournit une certaine indication quant aux circonstances où le fait de mettre à la poste correspond à faire une demande.

De l'avis du Tribunal, le cachet de la poste à lui seul peut permettre d'établir la date à laquelle une demande a été postée. Toutefois, dans la présente cause, le Tribunal a entendu les dépositions de deux témoins assermentés concernant les circonstances entourant l'envoi postal de la demande de remboursement de l'appelant. Le Tribunal accepte le témoignage de Mme Rosler qui affirme avoir laissé, par inadvertance, une date ultérieure sur la machine à affranchir ainsi que ses explications à cet effet. Le Tribunal accepte aussi les éléments de preuve produits par l'appelant concernant les horaires et le fonctionnement courant du bureau, ainsi que le témoignage sous serment de Mme Haynes, qui soutient avoir posté la demande de remboursement le 28 décembre 1991. Le Tribunal note aussi que l'enveloppe portait un timbre de 40 cents et que cette dernière aurait probablement été retournée à l'expéditeur pour affranchissement insuffisant si elle avait été mise à la poste en 1992. Le Tribunal est d'avis que ces témoins sont sincères et crédibles et a été convaincu par les éléments de preuve produits par ces personnes ainsi que par les éléments de preuve matériels de l'appelant qui montrent que la demande a été faite avant 1992.

Le Tribunal a pris en compte l'argumentation de l'intimé concernant les délais de livraison. Toutefois, les résultats d'une étude générale ne permettent pas au Tribunal d'extrapoler dans un cas particulier.

Quant à l'importance du cachet de Revenu Canada daté du 10 janvier 1992, le Tribunal n'a été saisi d'aucun élément de preuve concernant le traitement du courrier reçu aux bureaux de Revenu Canada à Hamilton (Ontario). Sans des renseignements à cet égard, le cachet du 10 janvier 1992 n'aide pas vraiment à déterminer à quel moment Revenu Canada a réellement reçu la demande de remboursement de l'appelant.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal ne peut exclure la possibilité que pendant la période occupée des Fêtes, la demande de remboursement ait mis beaucoup plus que trois jours pour être acheminée de St. Catharines (Ontario) à Hamilton (Ontario), ou encore que l'enveloppe soit restée cachetée plusieurs jours dans les bureaux de Revenu Canada.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L.C. 1990, ch. 45, art. 12, modifiée par L.C. 1993, ch. 27, art. 6.

3. Demandes de remboursement , ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 20 février 1989.

4. L.R.C. (1985), ch. I-21.


Publication initiale : le 28 mai 1997