J.B. MULTI-NATIONAL TRADE INC.

Décisions


J.B. MULTI-NATIONAL TRADE INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-93-055

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 28 avril 1994

Appel n o AP-93-055

EU ÉGARD À un appel entendu le 27 octobre 1993 aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15;

ET EU ÉGARD À un réexamen effectué par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 22 mars 1993 aux termes de l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

J.B. MULTI - NATIONAL TRADE INC. Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est admis.

Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre présidant

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation relativement à un réexamen effectué par le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 22 mars 1993, au sujet de la valeur normale de tubes soudés en acier au carbone importés au Canada et visés par les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal le 23 janvier 1992 à l'égard de certains tubes soudés en acier au carbone, originaires ou exportés du Brésil, du Luxembourg, de la Pologne, de la Turquie et de la Yougoslavie. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'intimé a commis une erreur lors du réexamen de la valeur normale des marchandises en question.

DÉCISION : L'appel est admis. De l'avis du Tribunal, en appliquant l'alinéa 19b) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation pour calculer la valeur normale des marchandises en question, l'intimé a incorrectement désigné l'exportateur des marchandises en question et, de ce fait, a incorrectement calculé la valeur normale. Le Tribunal renvoie la question au sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise pour qu'il établisse la valeur normale des marchandises en question conformément aux articles 15 à 23 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, d'après les ventes ou les coûts, ou les deux, de Fasal S/A - Comércio e Indústria de Produtos Siderúrgicos, en sa qualité d'exportateur.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 27 octobre 1993 Date de la décision : Le 28 avril 1994
Membres du Tribunal : Anthony T. Eyton, membre présidant Charles A. Gracey, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Michael Kaylor, pour l'appelant Anick Pelletier, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI) à la suite du réexamen, par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre), de la valeur normale de tubes soudés en acier au carbone importés au Canada le 22 août et le 31 octobre 1991 et visés par les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal dans la cause Certains tubes soudés en acier au carbone, originaires ou exportés du Brésil, du Luxembourg, de la Pologne, de la Turquie et de la Yougoslavie [2] . La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'intimé a commis une erreur lors du réexamen de la valeur normale des marchandises en question.

Les marchandises en question dont la valeur normale a été établie ont été fabriquées par Fornasa S.A. (Fornasa), un fabricant de tubes du Brésil, à partir de bobines d'acier laminé à chaud (les bobines) produites par Usinas Siderúrgicas de Minas Gerais S.A. (Usiminas), une aciérie du Brésil. Fasal S/A-Comércio e Indústria de Produtos Siderúrgicos (Fasal), un stockiste et distributeur de bobines au Brésil, a acheté les bobines à Usiminas et les a fournies à Fornasa pour qu'elle les transforme en tubes.

M. Paulo Sergio João, directeur des exportations pour Fornasa, a déclaré qu'avant l'exportation des marchandises en question à l'appelant, Fornasa fabriquait et exportait des tubes. Elle achetait les bobines directement à des aciéries plutôt qu'à Fasal, car cette dernière était et demeure un stockiste de bobines, et non un producteur de bobines. Cependant, en 1990, Fornasa a connu des problèmes financiers et a été incapable de rassembler les sommes nécessaires pour continuer d'acheter les bobines dont elle avait besoin.

Pour continuer de fabriquer des tubes destinés à l'exportation et pour poursuivre ses activités, Fornasa a conclu avec Fasal, le 11 décembre 1990 [3] , un accord qui a été modifié le 6 mars 1991 [4] . Cet accord prévoyait que 1) Fasal fournirait des bobines à Fornasa et que cette dernière les convertirait en tubes et les enverrait à un entrepôt portuaire désigné; 2) Fornasa serait chargée de négocier les ventes de tubes à ses clients habituels, y compris de transférer des lettres de crédit pour le compte de Fasal et accepterait les commandes de nouveaux clients que lui présenterait Fasal; et 3) Fasal recevrait le paiement des tubes par lettre de crédit de l'acheteur et verserait le solde à Fornasa après avoir acquitté tous ses frais, y compris les frais d'arrimage, les taxes, les frais de transport et d'entreposage, les commissions des agents et un certain montant pour les bobines. L'accord prévoyait une formule de calcul de ce montant. La version modifiée de l'accord prévoyait qu'un prix minimal de 297 $ US la tonne serait retenu par Fasal à même le produit de la vente.

Tout en exécutant l'accord concernant les ventes à l'appelant, qui était l'un de ses anciens clients, Fornasa a continué de négocier les modalités des ventes de tubes, notamment au chapitre du prix, et a maintenu la communication avec l'appelant, facteur important pour l'appelant parce que la barrière linguistique l'empêchait de s'adresser directement à Fasal. Cette dernière est demeurée propriétaire des bobines, a été désignée vendeur, exportateur et expéditeur sur les documents d'expédition et des douanes, et a reçu le paiement des tubes par voie de lettres de crédit émises en son nom, comme l'exigeait l'accord.

Le président de J.B. Multi-National Trade Inc., M. Joe Barazin, a témoigné pour le compte de l'appelant et a produit des copies de factures commerciales obtenues de Fasal pour les achats de bobines effectués par cette dernière auprès d'Usiminas; les en-têtes étaient traduits en anglais et les factures étaient accompagnées d'un résumé précisant la conversion des montants en dollars américains. Le document de conversion révélait que Fasal avait acheté les bobines à Usiminas pour environ 100 $ US la tonne de moins que le prix minimal (297 $ US) fixé dans la version modifiée de l'accord. Il a été supposé que l'écart apparent entre le prix de 297 $ US et le coût réel des bobines assumé par Fasal représentait le profit que cette dernière tirait de la vente des tubes.

M. Richard Chung, agent principal de programme à la Division des droits antidumping et compensateurs du ministère du Revenu national (Revenu Canada), a témoigné pour le compte de l'intimé et a expliqué que la méthode du coût établi par déduction conformément à l'alinéa 19b) de la LMSI a été utilisée pour calculer la valeur normale des marchandises en question. Il a déclaré que pour appliquer la formule énoncée à l'alinéa 19b) de la LMSI, il a été établi que 1) Fornasa était l'exportateur, 2) le coût de production des marchandises en question correspondait au coût de conversion assumé par Fornasa plus 297 $ US la tonne, qui constituait le montant minimal établi dans la version modifiée de l'accord négocié par Fasal et Fornasa, et 3) un montant doit être fixé pour l'intérêt, en proportion du coût de production total assumé par Fornasa, et appliqué à la partie des tubes exportés à l'appelant. M. Chung a qualifié le rôle de Fasal de «facilitateur».

En admettant que la méthode du coût établi par déduction aux termes de l'alinéa 19b) de la LMSI représentait la bonne façon de calculer la valeur normale, l'avocat de l'appelant a fait valoir que l'établissement de la valeur normale des marchandises en question par Revenu Canada posait trois problèmes. Premièrement, l'avocat a contesté la prise en compte du montant de 297 $ US la tonne dans le coût de production des tubes fabriqués par Fornasa comme coût des bobines. Deuxièmement, il a fait valoir que Revenu Canada a incorrectement imputé les frais d'intérêt au coût de production de Fornasa, y compris le montant de 297 $ US la tonne, comme coût des bobines. Troisièmement, l'avocat a soutenu qu'à la suite de ces deux erreurs, le montant des bénéfices était lui aussi erroné.

L'avocat de l'appelant a fait valoir que le coût de production des tubes fabriqués par Fornasa ne doit comprendre que les frais de transformation et que si le Tribunal estime qu'un montant à l'égard des bobines doit être pris en compte dans le coût de production, ce montant doit correspondre au coût ou au prix d'achat payé par Fasal à Usiminas. Pour étayer son point de vue voulant que le montant de 297 $ US la tonne ne doit pas être comptabilisé comme un coût de production, l'avocat s'est reporté à l'accord, qui prévoit que Fasal doit fournir gratuitement des bobines à Fornasa aux fins de production, sur une base de consignation. L'avocat a également signalé qu'aucune donnée ne figure dans les livres ou registres de Fornasa pour indiquer que cette dernière a payé le coût des bobines à Fasal. Enfin, l'avocat s'est reporté à une lettre de Revenu Canada portant la date du 5 octobre 1992 et qui décrit le montant de 297 $ US la tonne comme un coût théorique, et il a fait valoir que la loi ne renferme pas l'expression «coût théorique».

L'avocat de l'appelant n'a pas contesté la comptabilisation des frais d'intérêt comme un coût mentionné au sous-alinéa 19b)(ii) de la LMSI, qui se lit comme suit : «un montant pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente». L'avocat a fait valoir que Fornasa n'ayant pas assumé de frais d'intérêt à l'égard des matières premières entrant dans la fabrication des marchandises en question, les frais d'intérêt ne doivent s'appliquer qu'aux frais de transformation de Fornasa. À défaut, l'avocat a prétendu que si le Tribunal conclut que les frais d'intérêt doivent s'appliquer au coût de production, y compris au coût des bobines, ce dernier doit être considéré comme le montant payé par Fasal à Usiminas.

Selon l'avocate de l'intimé, le Tribunal doit d'abord déterminer l'identité de l'exportateur. Elle a fait valoir que pour calculer la valeur normale des tubes, Revenu Canada a déterminé que 1) dans les faits, Fornasa était l'exportateur, car le bon de commande provenait de l'appelant et était destiné à Fornasa; 2) Fornasa a négocié les conditions de vente, y compris le prix définitif; 3) Fornasa et l'appelant ont échangé de la correspondance au sujet de la vente; et 4) les marchandises en question portaient une indication de livraison à l'appelant lorsqu'elles ont quitté les locaux de Fornasa. L'avocate a fait valoir que Fasal est un stockiste qui, habituellement, n'exporte pas de tubes. Cependant, vu que Fornasa était en situation de «concordata [5] » et ne pouvait se procurer des bobines, Fasal a fait fonction d'intermédiaire et a fourni les bobines à Fornasa en échange d'une somme convenue. L'avocate a fait valoir que le Tribunal ne doit pas limiter son examen à la documentation qui lui a été transmise, mais étudier les faits du point de vue commercial. Plus particulièrement, elle a soutenu que le Tribunal doit être convaincu du fait que Fornasa a négocié le prix à payer pour les tubes et qu'elle en était le producteur.

Supposant que Fornasa était l'exportateur, l'avocate de l'intimé a fait valoir que le montant de 297 $ US la tonne doit être compris dans le coût de production des tubes de Fornasa. Elle a reconnu que cette dernière n'a jamais assumé de frais pour les bobines, mais a soutenu qu'étant donné que Fornasa a reçu un paiement net pour la vente des tubes, duquel montant la somme de 297 $ US la tonne a été retenue par Fasal, elle a en effet payé 297 $ US la tonne pour les bobines. Elle a également fait remarquer que c'est en fonction de la valeur connue (297 $ US la tonne) que Fornasa a négocié la vente des tubes.

Pour ce qui est du calcul des frais d'intérêt, l'avocate de l'intimé a fait valoir que, conformément à l'alinéa 11c) du Règlement sur les mesures spéciales d'importation [6] , les frais d'intérêt se rapportant aux frais d'entreprise généraux de Fornasa, y compris l'intérêt sur les emprunts d'exploitation et les frais pour paiement tardif, doivent être comptabilisés comme des frais d'intérêt. L'avocate a indiqué que Fornasa a été priée de confirmer que les frais d'intérêt se rapportaient aux bobines, mais ne l'a pas fait.

L'avocate de l'intimé a déclaré que l'imputation des frais d'intérêt au coût de production des tubes de Fornasa, y compris le montant de 297 $ US la tonne pour les bobines, était raisonnable.

La LMSI établit la séquence des méthodes qui peuvent être appliquées pour calculer la valeur normale, selon la disponibilité de renseignements comparables au sujet des ventes de marchandises similaires. Dans le cadre du présent appel, les parties ont convenu que la valeur normale doit nécessairement être calculée à l'aide de la méthode du coût établi par déduction, conformément à l'alinéa 19b) de la LMSI. Les éléments de preuve fournis par le représentant de l'appelant chargé du processus de vérification, M. Donald J. Goodwin, et par M. Chung, laissent supposer que la méthode énoncée à l'alinéa 19b) de la LMSI a été utilisée pour calculer la valeur normale des marchandises en question, car il a été établi que Fornasa vendait à perte au cours de la période à l'étude.

Le Tribunal fait remarquer que le paragraphe 16(2) de la LMSI tient expressément compte des ventes effectuées à perte. L'alinéa 16(2)b) prévoit ce qui suit :

(2) Dans le calcul de la valeur normale de marchandises visée à l'article 15, il n'est pas tenu compte des ventes de marchandises similaires qui suivent :

b) celles qui, de l'avis du sous - ministre, s'inscrivent dans une série de ventes effectuées à des prix ne permettant pas, dans un délai raisonnable et dans le cours ordinaire des affaires, le recouvrement du coût de production des marchandises, des frais administratifs et des frais de vente ni la réalisation d'un bénéfice.

Selon le Tribunal, l'ajout de l'expression «de l'avis du sous-ministre», au paragraphe 16(2) de la LMSI, suppose que la question de déterminer si une série de ventes est effectuée en deçà du prix coûtant est entièrement assujettie à la discrétion du Sous-ministre. Le Tribunal admet, aux fins du présent appel, le témoignage de M. Chung, à savoir qu'il a été établi que les ventes de marchandises similaires effectuées par Fornasa au Brésil ne permettaient pas à cette dernière de recouvrer ses coûts et de réaliser un bénéfice et, qu'en conséquence, la valeur normale n'a pu être calculée conformément à l'article 15 de la LMSI.

L'alinéa 19b) de la LMSI prévoit que la valeur normale correspond à la somme 1) du coût de production des marchandises, 2) d'un montant pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente et 3) d'un montant pour les bénéfices. Cependant, il n'y est nullement mentionné à qui appartiennent les coûts et les bénéfices à prendre en compte. Dans le domaine de l'interprétation des textes de loi, un principe veut que «[traduction] [...] il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur [7] ». En conséquence, pour préciser à qui appartiennent les coûts et les bénéfices à prendre en compte, il faut se reporter à l'alinéa 19b) de la LMSI en tenant compte de toutes les dispositions de la LMSI qui se rapportent à la valeur normale et l'interpréter conformément à l'esprit et à l'objet de la Loi.

Aux termes de l'article 2 de la LMSI, l'expression «valeur normale» se définit comme la valeur, établie conformément aux articles 15 à 23, 29 et 30. Selon l'article 15, la valeur normale de marchandises vendues à un importateur au Canada doit être calculée en fonction du prix de marchandises similaires vendues par l'exportateur dans le pays exportateur. L'article 16 énonce les ventes de marchandises similaires par l'exportateur qui peuvent être prises en compte pour appliquer l'article 15. L'article 17 précise de quelle façon le prix des marchandises similaires vendues par l'exportateur doit être calculé aux fins de l'application de l'article 15. L'alinéa 19a) prévoit que lorsque la valeur normale ne peut être établie aux termes de l'article 15, elle doit correspondre au «prix de vente [...] auquel des marchandises similaires sont vendues [...] par l'exportateur à des importateurs se trouvant dans des pays étrangers».

Bien que l'alinéa 19b) de la LMSI ne fasse pas mention de l'exportateur, contrairement à d'autres dispositions ayant trait au calcul de la valeur normale, l'alinéa 19b) doit être interprété en tenant compte de ces autres dispositions. La LMSI est structurée de manière que la valeur normale soit calculée conformément aux articles 15 à 23, qui établissent une méthode de calcul de la valeur normale fondée sur les ventes de l'exportateur. Il est évident que le législateur voulait que la valeur normale soit établie d'après les ventes de l'exportateur. Si l'alinéa 19b) est lu dans ce contexte, il est évident que les coûts et les bénéfices dont il est question à cet alinéa sont ceux de l'exportateur.

En interprétant l'alinéa 19b) de la LMSI de façon que la valeur normale corresponde à la somme 1) du coût de production de l'exportateur à l'égard des marchandises, 2) d'un montant pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente de l'exportateur et 3) d'un montant pour les bénéfices de l'exportateur, la question fondamentale devient alors l'identité de l'exportateur.

L'avocate de l'intimé a fait valoir que le Tribunal doit appliquer la méthode préconisée dans la cause Her Majesty The Queen v. The Singer Manufacturing Company [8] pour déterminer l'identité de l'exportateur; en procédant ainsi, il en viendra à la conclusion que Fornasa est en fait l'exportateur. Le Tribunal fait remarquer que dans l'affaire Singer, la Cour de l'Échiquier du Canada s'est principalement fondée sur la facture douanière et sur les articles pertinents de la Loi sur les douanes [9] et a appliqué le principe voulant que les termes «exportateur» et «importateur» soient interprétés d'un point de vue commercial [10] . En appliquant ce principe, la Cour de l'Échiquier du Canada a déclaré ce qui suit :

The essential feature in my view is that the exporter must be the person in the foreign country who sends the goods into Canada and the importer must be the person to whom they are sent in Canada.

([Traduction] À mon avis, la question fondamentale réside dans le fait que l'exportateur doit être la personne, à l'étranger, qui envoie les marchandises au Canada et l'importateur doit être la personne à laquelle ces marchandises sont destinées au Canada [11] .)

La Cour de l'Échiquier du Canada a aussi déclaré :

I think a person carrying on business in Canada is none the less an importer into Canada (and his supplier is an exporter) even though he makes all arrangements in respect of the despatch of the goods by a United States manufacturer to his Canadian establishment through an office of his own in the United States.

([Traduction] Je crois qu'une personne qui exploite une entreprise au Canada n'en demeure pas moins un importateur au Canada (et son fournisseur est un exportateur) même si elle prend toutes les dispositions nécessaires pour faire expédier les marchandises par un fabricant des États-Unis à son établissement au Canada par l'entremise d'un bureau lui appartenant aux États-Unis [12] .)

Conformément à ce principe, le Tribunal conclut que les éléments de preuve déposés dans le cadre du présent appel permettent d'établir de façon claire qu'aux fins des ventes des marchandises en question, l'exportateur était Fasal, et non Fornasa. Cette conclusion est confirmée de nombreuses façons, mais surtout par les faits suivants : 1) les factures commerciales adressées à l'appelant sont celles de Fasal et non de Fornasa; 2) les documents d'expédition et des douanes indiquent que Fasal est le vendeur ou l'expéditeur-exportateur; 3) le nom de Fasal figure sur le permis d'importation canadien comme le fournisseur; 4) Fasal a reçu le paiement intégral des tubes; 5) les lettres de crédit qui ont servi à payer les tubes étaient rédigées au nom de Fasal; 6) l'accord précise que Fasal est le fournisseur-exportateur, que Fornasa est le fabricant et que le fournisseur-exportateur sera l'exportateur des tubes; 7) le message télécopié portant la date du 13 août 1991, dans lequel M. Barazin demande à M. Ricardo Macedo de Fornasa de demander à Fasal de transmettre certains documents, et le témoignage de M. João indiquent que Fornasa faisait fonction d'«intermédiaire» pour le compte de Fasal et de l'appelant; et 8) Fornasa n'a jamais été propriétaire des marchandises en question.

L'accord enjoint Fornasa à négocier de nouvelles ventes avec ses anciens clients et de nouveaux clients proposés par Fasal, mais il prévoit également que Fasal assumera les frais liés à ces activités. Le fait que Fornasa ait déjà été l'exportateur attitré et qu'elle ait continué de négocier les ventes ne permet pas, de l'avis du Tribunal, de déterminer si elle était l'exportateur des marchandises en question. Le Tribunal conclut que, dans le cas des ventes des marchandises en question, Fornasa a fait fonction de mandataire du fournisseur-exportateur, Fasal.

De l'avis du Tribunal, on ne peut négliger le fait que Fasal soit désigné comme vendeur ou expéditeur-exportateur sur tous les documents relatifs aux marchandises en question, car tout différend concernant les expéditions aurait nécessairement porté principalement sur l'exportateur attitré, Fasal.

Ayant conclu que Fasal est l'exportateur des marchandises en question, le Tribunal renvoie la question au Sous-ministre pour qu'il établisse la valeur normale des marchandises en question conformément aux articles 15 à 23 de la LMSI, d'après les ventes ou les coûts, ou les deux, de Fasal, en sa qualité d'exportateur.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Enquête n o NQ-91-003, le 23 janvier 1992.

3. Le texte de l'accord étant rédigé en portugais, l'appelant a déposé auprès du Tribunal une version anglaise notariée produite par un traducteur brésilien attitré.

4. Le texte de la version modifiée de l'accord étant rédigé en portugais, l'appelant a déposé auprès du Tribunal une version anglaise notariée produite par un traducteur brésilien attitré.

5. Voir la transcription à la p. 49; M. João y a décrit le terme portugais « concordata » comme la situation d'une société assujettie à une procédure de faillite au Brésil.

6. DORS/84-927, le 22 novembre 1984, Gazette du Canada Partie II, vol. 118, n o 25 à la p. 4286.

7. E.A. Driedger, Construction of Statutes , 2 e éd., Toronto, Butterworths, 1983 à la p. 87. Ce principe a été appliqué par la Cour suprême du Canada dans la cause Stubart Investments Limited c. Sa Majesté la Reine , [1984] 1 R.C.S. 536 et, plus récemment, dans l'affaire Elizabeth C. Symes c. Sa Majesté la Reine , non publié, n o du greffe 22659, le 16 décembre 1993.

8. [1968] 1 R.C. de l'É. 129.

9. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

10. Ibid ., voir aussi Sanyo Electric Trading Co. Ltd., Sanyo Industries (S) Pte. Ltd. c. l'Association canadienne des fabricants de gros appareils ménagers , Cour d'appel fédérale, non publié, n o du greffe A-291-82, le 30 mars 1984, confirmant Sanyo Industries (S) Pte. Ltd. (S.I.S.) Singapour c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1983), 9 R.C.T. 23.

11. (1983), 9 R.C.T. 23 à la p. 34 et supra , note 8 à la p. 136.

12. Supra , note 8 à la p. 136.


Publication initiale : le 28 mai 1997