CAPITOL RECORDS - EMI OF CANADA LIMITED

Décisions


CAPITOL RECORDS - EMI OF CANADA LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-056

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 22 juin 1994

Appel n o AP - 93 - 056

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 janvier 1994 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le ministre du Revenu national le 31 mars 1993 concernant des avis d'opposition signifiés aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

CAPITOL RECORDS - EMI OF CANADA LIMITED Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre présidant

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard de déterminations du ministre du Revenu national qui ont eu pour effet de rejeter des demandes de remboursement de la taxe de vente prétendument payée par erreur. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la taxe de vente a été payée par erreur au sens des dispositions pertinentes de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal n'est pas convaincu que l'appelant a payé la taxe de vente par erreur. Selon le Tribunal, la correspondance indique que l'appelant a pris sciemment une décision délibérée quant à la méthode de calcul de la taxe de vente et que, de ce fait, l'appelant ne peut être réputé avoir commis une erreur en payant la taxe de vente. Vu qu'il n'y a pas eu d'erreur dans le paiement de la taxe de vente, l'appelant ne peut justifier sa demande aux termes de l'article 44 (maintenant l'article 68) de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 19 janvier 1994 Date de la décision : Le 22 juin 1994
Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant Charles A. Gracey, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Avocat pour le Tribunal : John L. Syme
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Rick H. Kesler, pour l'appelant Geoffrey S. Lester, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard de déterminations du ministre du Revenu national qui ont eu pour effet de rejeter des demandes de remboursement de la taxe de vente prétendument payée par erreur. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la taxe de vente a été payée par erreur au sens des dispositions pertinentes de la Loi.

M. Brian Watson, vice-président (Finances) de Capitol Records - EMI of Canada Limited, a témoigné au nom de l'appelant. M. Watson a déclaré que l'appelant produit des enregistrements musicaux sous diverses formes, y compris sur cassettes. En 1969, Electrical and Musical Industries Canada Limited (EMI) a acheté Kensington Distributors Ltd. (Kensington). À l'époque, EMI appartenait à Capitol Records Inc., une société commerciale des États-Unis qui possédait également l'appelant. Le 16 juin 1969, Capitol Records (Canada) Ltd., le prédécesseur de l'appelant, a conclu une entente avec Kensington. Aux termes de cette entente, Kensington acceptait de vendre et de distribuer les enregistrements musicaux de Capitol Records (Canada) Ltd.

Entre janvier 1983 et mars 1987, l'appelant a vendu et distribué la totalité de sa production par l'entremise de Kensington. L'appelant produisait en fonction de la demande prévue. Par la suite, Kensington vendait les produits à toute une gamme de détaillants et à certains «grossistes locataires de rayons» ou «revendeurs de disques sur étagères» (revendeurs). Kensington ne devenait propriétaire des produits de l'appelant que lorsqu'elle concluait une vente avec un détaillant ou un revendeur. Au moment de la vente effectuée par Kensington, une vente était également effectuée simultanément par l'appelant à Kensington. L'appelant et Kensington ont convenu que le prix de vente demandé par l'appelant à Kensington représenterait 81,3 p. 100 du prix final des marchandises vendues par Kensington au détaillant ou au revendeur.

Le témoignage de M. Watson a porté sur les accords de production et de distribution d'autres producteurs canadiens d'enregistrements musicaux, de même que sur les accords entre l'appelant et diverses maisons d'enregistrement indépendantes, en vertu desquels l'appelant produisait et distribuait des enregistrements musicaux au nom de ces entreprises indépendantes.

En ce qui a trait au paiement de la taxe de vente, M. Watson a indiqué que l'appelant a payé la taxe en se fondant non pas sur le prix de vente à Kensington, mais sur une formule établie par l'intimé conformément au Mémorandum de l'Accise ET 202 [2] (Mémorandum ET 202). Il a affirmé que les demandes de remboursement de l'appelant étaient fondées sur l'écart entre la taxe de vente calculée et payée par l'appelant selon cette formule et la taxe de vente qui aurait été payée si le calcul avait été établi d'après le prix de vente réel conclu par l'appelant et Kensington.

Au cours du contre-interrogatoire, l'avocat de l'intimé a interrogé M. Watson au sujet des rapports entre l'appelant et Kensington. M. Watson a déclaré que les produits finis étaient emménagés dans un entrepôt exploité par Kensington. Cependant, cette dernière n'accumulait pas de stocks. L'appelant demeurait propriétaire des marchandises qu'il produisait jusqu'à ce que Kensington les vende à un tiers. À ce moment, la propriété passait au tiers par l'intermédiaire de Kensington.

M. Watson a fait savoir que Kensington et l'appelant possédaient chacun leurs propres comptes bancaires. Il a toutefois déclaré que Kensington faisait un nombre négligeable de chèques. Il a ajouté que toutes les sommes que recevait Kensington au cours du mois étaient déposées dans son compte, mais qu'à la fin de chaque mois, le solde du compte de Kensington était viré au compte de l'appelant. M. Watson a fait savoir que cette opération visait à garantir l'utilisation la plus efficiente de l'encaisse.

M. Watson a ajouté que l'appelant et Kensington partageaient les mêmes bureaux et des installations d'entreposage. Il a précisé que l'appelant et Kensington avaient le même président, le même vice-président (Finances), le même vice-président (Fabrication et distribution), le même secrétaire et le même secrétaire adjoint. Il a aussi déclaré que les deux sociétés partageaient les mêmes services de comptabilité, de traitement des données et d'entretien d'immeuble et, pendant un certain temps, les mêmes services juridiques. M. Watson a affirmé qu'au cours de la période en cause, il ne croyait pas que Kensington avait ses propres employés. L'appelant attribuait simplement à ses employés des tâches se rapportant aux activités de Kensington.

Enfin, l'avocat de l'intimé a demandé à M. Watson d'examiner une série de lettres échangées par l'appelant et l'intimé et qui ont trait à la méthode de calcul de la taxe de vente par l'appelant.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a fait valoir que l'appel soulevait les trois questions suivantes :

1) L'appelant a-t-il effectué des ventes à Kensington aux termes de l'ancien paragraphe 27(1) de la Loi?

2) Dans l'affirmative, les ventes de l'appelant à Kensington ont-elles été faites à un prix raisonnable?

3) L'appelant a-t-il payé la taxe de vente par erreur?

L'avocat de l'appelant a soutenu que malgré le fait que l'appelant et Kensington étaient des sociétés liées, ils pouvaient conclure des ententes de vente de marchandises aux termes des dispositions de l'ancien article 27 de la Loi. Pour étayer cette affirmation, l'avocat a demandé au Tribunal de se reporter à la décision de la Cour d'appel fédérale dans la cause Sa Majesté la Reine c. Vanguard Coatings and Chemicals Ltd. [3] et à celle du Tribunal dans la cause 2284791 Manitoba Ltd. c. Le ministre du Revenu national [4] .

L'avocat de l'appelant a prononcé un long plaidoyer sur le caractère raisonnable du prix d'achat payé par Kensington à l'appelant pour ses produits. Essentiellement, il a prétendu que le Tribunal doit tenir compte des opérations entre l'appelant et les maisons d'enregistrement indépendantes et utiliser le prix payé par l'appelant à ces entreprises indépendantes pour qu'il soit convaincu que le prix payé par Kensington à l'appelant était raisonnable.

L'avocat de l'appelant a allégué que l'intimé a déjà soutenu que le Mémorandum ET 202 représente simplement une politique administrative; il ne pouvait donc pas se présenter devant le Tribunal dans la présente cause et prétendre que le Mémorandum ET 202 doit remplacer les dispositions pertinentes de la Loi.

Pour ce qui est de la question qui consiste à déterminer si la taxe a été payée «par erreur», l'avocat de l'appelant a cité les causes Jack Herdman Limited c. Le ministre du Revenu national [5] , Park City Products Limited c. Le ministre du Revenu national [6] et Allan G. Cook Limited c. Le ministre du Revenu national [7] . L'avocat a soutenu qu'en payant la taxe de vente conformément au Mémorandum ET 202, donc en payant davantage de taxe qu'il n'aurait dû s'il avait simplement appliqué l'article 27 de la Loi, l'appelant a payé la taxe par erreur.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'intimé s'est reporté à la série de lettres échangées par l'appelant et l'intimé au sujet de la méthode de calcul de la taxe de vente. L'avocat a soutenu que ces lettres prouvent que l'appelant a volontairement conclu une entente en vertu de laquelle il devait payer la taxe selon les dispositions du Mémorandum ET 202 plutôt que d'après le libellé de la Loi. De l'avis de l'avocat, l'appelant savait qu'il existait deux méthodes de calcul de la taxe de vente à payer.

L'avocat de l'intimé a également prétendu qu'au cours de la période en cause, l'appelant et Kensington constituaient une seule entité économique. Pour étayer sa position, l'avocat a rappelé les faits qu'il a dévoilés au cours du contre-interrogatoire au sujet de l'effectif commun de l'appelant et de Kensington et des locaux et services qu'ils partageaient. L'avocat a fait valoir que lorsque Kensington vendait les produits de l'appelant à des détaillants et à des revendeurs, une seule vente était effectuée, c'est-à-dire de Kensington à ces tiers. Essentiellement, l'avocat a soutenu que la prétendue vente de l'appelant à Kensington était fictive. Selon l'avocat, comme il n'y a eu qu'une vente, un seul prix a été payé et la taxe de vente ne pouvait être calculée que sur ce prix.

De l'avis du Tribunal, le fait qu'au cours de la période en cause l'appelant ait calculé et payé la taxe de vente selon les dispositions du Mémorandum ET 202, au sujet de la «valeur déterminée», et de la fiche de décision ministérielle portant le code 3700 (fiche no 33) [8] n'est pas contesté. L'appelant a soutenu que parce qu'il a utilisé cette méthode, il a payé davantage de taxe qu'il n'aurait dû aux termes de la Loi.

Selon le Tribunal, l'article 44 (maintenant l'article 68) constitue un élément fondamental du présent appel. Pendant la période en cause, cet article prévoyait ce qui suit :

Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, d'amendes, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes d'argent doit, sous réserve la présente Partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes d'argent.

Pour appuyer son argument, à savoir que l'appelant a payé la taxe par erreur, l'avocat de l'appelant s'est fondé sur la décision de la Cour d'appel fédérale dans la cause Herdman et sur les décisions du Tribunal dans les causes Park City et Cook. Cependant, le Tribunal est d'avis que chacune de ces causes comporte des éléments qui la distingue de la présente cause. Dans les deux causes précitées, des éléments de preuve indiquaient que les appelants, qui avaient payé la taxe par erreur, ne savaient pas qu'il existait une autre méthode de calcul de la taxe de vente à payer.

Dans la cause Herdman, la Cour d'appel fédérale a conclu que les montants «ont été payés par erreur par une personne qui n'était pas tenue de les payer et qui a été incitée à les payer par suite des affirmations du Ministère selon lesquelles elle était comptable de ces montants envers la Couronne [9] ». La Cour d'appel fédérale a en outre statué que l'appelant n'était pas au courant qu'il payait la taxe aux termes d'une autre méthode de calcul. Dans la cause Park City, des éléments de preuve indiquaient que l'appelant, qui a payé la taxe par erreur, ne connaissait pas l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe applicable à ses activités particulières et qu'il a continué de payer la taxe de vente, ne sachant pas que des modifications avaient été apportées aux dispositions de la Loi qui influaient sur la taxe de vente qu'il devait payer. Enfin, dans la cause Cook, le Tribunal a rendu la décision suivante :

Ce qui est important, cependant, c'est que l'appelante n'était pas au courant, au début de 1987, des implications financières de l'application d'une méthode plutôt qu'une autre pour le reste de l'année. Les renseignements nécessaires au calcul des taxes à payer pour l'année 1987 par l'application d'une méthode plutôt qu'une autre n'ont été connus que tard dans la saison de pavage de 1987. D'abord, les valeurs déterminées établies par le Ministère, avec effet en juillet 1987, n'ont été connues qu'en avril 1987. Ensuite, la saison de 1987 était assez avancée avant que les coûts de production réels ou même estimés devant servir au calcul de la juste valeur marchande ne soient disponibles. En conséquence, l'appelante n'a pas pu faire un choix éclairé au début de 1987 quant au choix d'une méthode de calcul de la taxe. Elle ne connaissait pas toutes les conséquences financières d'un tel choix. Ce n'est qu'après avoir analysé les résultats financiers des diverses méthodes qu'une personne peut faire un choix éclairé [10] .

Le Tribunal a examiné la correspondance échangée par les parties entre 1970 et les années 80 concernant la méthode de calcul de la taxe sur les ventes des produits de l'appelant. Le Tribunal fait remarquer que presque toute la correspondance provenait de l'avocat interne de l'appelant, M. W. John MacLeod, ou lui était destinée. La seule exception a trait à deux lettres envoyées à l'intimé par M. D. Williamson, qui est désigné dans la correspondance comme le «chef comptable» de l'appelant.

Après examen de la correspondance susmentionnée, le Tribunal n'est pas convaincu que l'appelant a payé la taxe de vente par erreur. Selon le Tribunal, la correspondance indique que l'appelant a pris sciemment une décision délibérée quant à la méthode de calcul de la taxe de vente et que, de ce fait, il ne peut être réputé avoir commis une erreur en payant la taxe de vente. Vu qu'il n'y a pas eu d'erreur dans le paiement de la taxe de vente, l'appelant ne peut justifier sa demande aux termes de l'article 44 (maintenant l'article 68) de la Loi.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15.

2. Valeurs imposables , ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 1 er décembre 1975.

3. [1988] 3 C.F. 560.

4. Appel n o AP-91-232, le 28 octobre 1993.

5. Cour d'appel fédérale, n o du greffe A-682-81, le 25 mai 1983.

6. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP-92-128, le 21 septembre 1993.

7. Ibid. , appel n o 3074, le 29 août 1989.

8. Valeur imposable sur les disques de phonographes , le 12 novembre 1969. Cette fiche de décision porte maintenant le code 3700/33 - 1 passif; elle est devenue passive le 1 er janvier 1991 à l'entrée en vigueur de la taxe sur les produits et services.

9. Supra , note 5.

10. Supra , note 7 à la p. 14.


Publication initiale : le 28 mai 1997