THERM-O-COMFORT CO. LTD.

Décisions


THERM-O-COMFORT CO. LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-016

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 31 mars 1994

Appel n o AP-93-016

EU ÉGARD À un appel entendu les 15 et 16 septembre 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À deux décisions rendues par le ministre du Revenu national le 31 mars 1993 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

THERM - O - COMFORT CO. LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie.

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Nicole Pelletier ______ Nicole Pelletier Secrétaire intérimaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard de deux cotisations établies par le ministre du Revenu national. Le présent appel porte sur deux questions. La première question consiste à déterminer si le produit hydramulch de l'appelant, connu sous la marque de commerce «Fibramulch», est exempt de la taxe de vente parce qu'il s'agit d'un engrais ou d'un produit antiparasitaire, donc assujetti aux dispositions de la partie IV de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise. La deuxième question porte sur certaines ventes d'isolant cellulosique et consiste à déterminer si la propriété de l'isolant vendu a été transmise aux acheteurs avant le 1 er juillet 1985. Si la propriété des marchandises a été transmise avant cette date, les ventes ne sont pas assujetties à la taxe de vente.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Pour ce qui est du Fibramulch comme engrais, le Tribunal reconnaît que le Fibramulch renferme les trois éléments essentiels que l'on retrouve habituellement dans les engrais; toutefois, étant donné que les quantités de ces éléments sont faibles et que le mode d'utilisation du Fibramulch restreint considérablement la quantité d'éléments nutritifs libérés, le Tribunal n'est pas disposé à conclure que le Fibramulch est un engrais. En ce qui concerne le Fibramulch comme produit antiparasitaire, le Tribunal est d'avis que les dispositions législatives applicables portent sur les préparations créées précisément pour servir de produit antiparasitaire. L'utilisation prévue du Fibramulch consiste à favoriser la croissance du gazon, et non à lutter contre les parasites. Le fait qu'en remplissant sa fonction, il cache également les graines aux oiseaux ne suffit pas, de l'avis du Tribunal, à lui conférer les qualités d'une préparation antiparasitaire.

Dans le cas de certaines des transactions touchant l'isolant cellulosique, la propriété des marchandises a été transmise avant la date d'exigibilité de la taxe de vente sur ces marchandises. L'appel est admis à l'égard de ces transactions. Pour ce qui est des autres transactions touchant l'isolant cellulosique, le Tribunal conclut que la propriété a été transmise après la date pertinente et que, par conséquent, la taxe de vente est exigible.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 15 et 16 septembre 1993 Date de la décision : Le 31 mars 1994
Membres du Tribunal : Kathleen E. Macmillan, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : John L. Syme
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Bernard Wiley, pour l'appelant Anne M. Turley, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard de deux cotisations. L'avis de cotisation no SWO 6842 a été ratifié et l'avis de cotisation no SWO 6841 a été modifié par des décisions rendues par le ministre du Revenu national.

Au cours de la période visée, l'appelant a fabriqué de l'isolant cellulosique et un produit désigné par l'appellation générique «hydramulch» dans le commerce de la production du gazon ou du gazon en plaques. Le papier journal déchiqueté constitue le principal ingrédient de ces deux produits.

Le présent appel porte sur deux questions. La première question consiste à déterminer si le produit hydramulch de l'appelant, connu sous la marque de commerce «Fibramulch», est exempt de la taxe de vente parce qu'il s'agit d'un engrais ou d'une préparation antiparasitaire, donc assujetti aux dispositions de la partie IV de l'annexe III de la Loi. La deuxième question porte sur certaines ventes d'isolant cellulosique et consiste à déterminer si la propriété de l'isolant vendu a été transmise aux acheteurs avant le 1er juillet 1985. Si la propriété des marchandises a été transmise avant cette date, les ventes ne sont pas assujetties à la taxe de vente.

Les articles 50 et 51 de la Loi et l'annexe III de la Loi renferment les dispositions applicables au présent appel. Ils prévoient, en partie, ce qui suit :

50. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a) produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable, dans tout cas autre que ceux mentionnés aux sous - alinéas (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre.

51. (1) La taxe imposée par l'article 50 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexe III.

ANNEXE III

PARTIE IV

PRODUITS DE LA FERME ET DE LA FORÊT

9. Engrais et matières devant servir exclusivement à leur fabrication.

18. Tourbe utilisée aux fins agricoles, y compris la litière pour volaille.

19. Préparations, produits chimiques ou poisons pour la lutte contre les parasites dans l'agriculture ou l'horticulture, de même que les matières devant servir exclusivement à leur fabrication.

Le président de Therm-O-Comfort Co. Ltd., M. Bernard Wiley, a témoigné pour le compte de l'appelant et l'a représenté.

Pour ce qui est de la première question en litige, M. Wiley a soutenu que le Fibramulch doit être exempt de la taxe de vente pour le motif qu'il s'agit d'un engrais ou d'une préparation antiparasitaire, ou des deux à la fois. Il a également cité deux témoins, le propriétaire de la société The Grass Company Ltd., M. Bill Aimers, et un ingénieur en environnement, M. Paul T. Flood, à l'emploi de Paragon Engineering Limited.

Les témoins qui ont comparu pour le compte de l'appelant ont expliqué le mode d'utilisation et les propriétés du Fibramulch. Ils ont déclaré que le produit est conçu et utilisé pour favoriser la croissance du gazon. Le produit est particulièrement bien adapté pour permettre au gazon de pousser sur les pentes et en d'autres endroits qu'il est difficile d'entretenir à l'aide de machinerie lourde et où, par conséquent, les méthodes plus courantes pour la pousse du gazon ne peuvent être utilisées. Ce produit est fréquemment utilisé sur les terrains de golf, par exemple.

Le Fibramulch est fait de papier journal déchiqueté, recyclé et teint en vert. Il est additionné de semence de gazon, humecté et vaporisé sur le sol sans y être habituellement mélangé ou combiné à des engrais classiques. Au départ, la semence de gazon germe dans le paillis. Par la suite, à mesure que le paillis se décompose, le gazon s'enracine dans le sol.

D'après les témoins de l'appelant, le Fibramulch est un excellent produit qui favorise la croissance du gazon. Sa couleur verte cache la semence aux oiseaux prédateurs, qui constituent une véritable menace pour l'enracinement du gazon. L'épaisseur du tapis qu'il forme empêche la croissance des mauvaises herbes. En outre, sa stabilité lui permet de libérer lentement les éléments nutritifs qu'il renferme au moment où le gazon en pleine croissance en a le plus besoin. Pour déterminer les éléments nutritifs libérés par le Fibramulch, en plus de la concentration de la teneur en substances nutritives, les taux d'absorption et les pertes d'éléments nutritifs doivent être pris en compte.

Pour ce qui est des taux d'absorption, les témoins de l'appelant ont déclaré que, malgré les faibles concentrations d'éléments nutritifs essentiels que renferme le Fibramulch, un producteur de gazon peut fournir les éléments nutritifs nécessaires à l'obtention d'un gazon de belle qualité en augmentant la quantité absolue de paillis utilisé. Quant à la perte d'éléments nutritifs, M. Flood a indiqué que les éléments nutritifs contenus dans les engrais classiques comme l'urée peuvent s'épuiser rapidement si l'engrais, une fois épandu, est exposé à la lumière directe du soleil ou à la pluie. En revanche, le Fibramulch est chimiquement stable et se décompose donc sur une longue période. Les éléments nutritifs du Fibramulch ne sont donc pas perdus et agissent pendant toute la période de germination et même au-delà. M. Flood a admis que le Fibramulch renferme de petites quantités d'azote, mais presque pas de potassium ni de phosphore, qui constituent les éléments essentiels d'un engrais. Cependant, en tenant compte des différents taux d'absorption et d'épuisement des éléments nutritifs, la teneur du Fibramulch en éléments nutritifs serait comparable à celle des engrais à base d'urée.

Pour ce qui est de la question du Fibramulch, l'avocate de l'intimé a cité comme témoins M. Brian Radey, un agent d'évaluation des engrais auprès du ministère de l'Agriculture, et M. Keith Matthie, coordonnateur national, Protection des récoltes, Conseil canadien de l'horticulture, et exploitant d'une ferme commerciale.

De l'avis des deux témoins, le Fibramulch ne serait jamais substitué à l'engrais en raison de sa faible teneur en éléments nutritifs [2] . On retrouve de l'azote, du potassium et du phosphore dans de nombreux matériaux naturels qui ne sont pas vendus comme engrais. Les témoins ont reconnu que l'urée et d'autres engrais répandus pouvaient se dissiper après l'épandage par suite de leur exposition au soleil et à la pluie. Ils ont toutefois soutenu que le taux de dispersion était difficile à calculer et serait faible si l'engrais était utilisé adéquatement, c.-à-d. intégré au sol. Ils ont reconnu que le Fibramulch présente certaines similitudes avec la mousse de tourbe. Ces deux produits sont des matériaux naturels qui favorisent la rétention d'eau dans le sol.

M. Radey a déclaré que, pour être efficaces, les engrais d'origine animale et végétale doivent être incorporés dans le sol pour que les bactéries qui s'y trouvent agissent sur la matière organique que contient l'engrais. Il a affirmé qu'il n'y avait ni interaction bactérienne nécessaire ni diffusion résultante d'éléments fertilisants parce que le Fibramulch est vaporisé en surface.

Le représentant de l'appelant a soutenu que les définitions des termes «engrais» et «produit antiparasitaire» données respectivement dans la Loi sur les engrais [3] et dans la Loi sur les produits antiparasitaires [4] ne lient pas le Tribunal. Il a déclaré que les témoins de l'appelant ont clairement établi la valeur du produit en question à la fois comme engrais et comme produit antiparasitaire. M. Wiley a demandé au Tribunal de rejeter une interprétation limitative de la loi qui restreindrait l'application de l'exemption uniquement aux produits chimiques. Il a soutenu que toute ambiguïté devrait favoriser le contribuable. Selon lui, le Fibramulch est un matériau recyclé qui offre les avantages des engrais et des produits antiparasitaires et de lutte contre les mauvaises herbes classiques et qui n'a pratiquement aucun effet secondaire dommageable sur l'environnement.

L'avocate de l'intimé a soutenu qu'en l'absence de définitions des expressions «engrais» et «produit antiparasitaire» dans la Loi, le Tribunal peut examiner le sens courant de ces expressions dans l'industrie et les définitions contenues dans d'autres lois. De l'avis de l'avocate, le sens courant de ces expressions dans l'industrie, qui rejoint les définitions contenues dans la Loi sur les engrais et dans la Loi sur les produits antiparasitaires, permet de croire que les produits doivent être fabriqués ou offerts comme engrais ou comme produits antiparasitaires. Selon l'avocate, les éléments de preuve ont révélé que le Fibramulch n'est ni vendu ni offert sous l'une ou l'autre de ces formes. Il ne suffit pas qu'un produit renferme des éléments nutritifs pour qu'il constitue un engrais, car presque toutes les matières végétales renferment des éléments que l'on retrouve dans les engrais.

L'avocate de l'intimé a également soutenu que le Fibramulch ne peut être considéré comme un produit antiparasitaire. Ce produit masque ou camoufle les semences; il ne contrôle pas les parasites. Elle a prétendu qu'en poussant l'argument de l'appelant à l'extrême, même un revêtement de sol comme des bâches pourrait constituer un produit antiparasitaire.

Pour ce qui est de la deuxième question en litige, M. Wiley a témoigné au sujet des ventes pertinentes d'isolant cellulosique. Dans le budget fédéral de mai 1985, il était prévu que les ventes d'isolant seraient assujetties à la taxe à compter du 1er juillet 1985. M. Wiley a déclaré que des fonctionnaires du ministère du Revenu national l'ont avisé que l'isolant commandé par ses clients et facturé avant le 1er juillet 1985 ne serait pas taxable, même s'il était livré après cette date.

Le présent appel porte sur environ 20 ventes d'isolant cellulosique. M. Wiley a affirmé que, pour chacune de ces ventes, le client a passé sa commande avant le 30 juin 1985. Les factures relatives à ces ventes portent toutes une date antérieure au 1er juillet 1985.

M. Wiley a décrit ainsi le mode de fonctionnement de l'appelant. Après réception de la commande, il plaçait le nombre adéquat de sacs d'isolant dans une remorque située sur le terrain de son entreprise. À ce moment, le client était facturé et le numéro de facture était consigné dans le registre de la remorque appropriée pour indiquer qu'un certain nombre de sacs dans la remorque avaient été attribués à un client. L'appelant livrait ensuite l'isolant à son client, à la demande de ce dernier. Dans la présente cause, à deux exceptions près, l'isolant a été livré après le 30 juin 1985. Dans tous les cas, le paiement a été reçu après cette date.

M. Wiley a attiré l'attention du Tribunal sur la facture no 15930 datée du 1er mai 1985 et sur la facture no 16268 datée du 29 juin 1985. La facture no 15930 porte sur 1 073 sacs d'isolant qui ont été expédiés par consignation à Park Lane Marketing (Park Lane). La facture no 16268 vise 504 des 1 073 sacs livrés à Park Lane par consignation et 1 436 sacs que l'appelant avait déjà expédiés à Park Lane. Il semble que le reste des 1 073 sacs livrés à Park Lane par consignation lui aient été vendus avant le 29 juin 1985.

Interrogé au sujet de la mention inscrite sur les factures, à savoir [traduction] «Tous les matériaux et matériels demeurent la propriété de Therm-O-Comfort Co. Ltd. jusqu'à ce qu'ils soient payés intégralement», M. Wiley a soutenu qu'une telle mention n'est pas exécutoire en vertu d'une loi et ne faisait pas partie des rapports entre l'appelant et ses clients.

Pour ce qui est de la date de transmission de la propriété des livraisons d'isolant, M. Wiley a précisé que la situation de l'appelant s'apparente à celle d'un concessionnaire d'automobiles qui vend un véhicule à un client, mais en conserve la propriété pendant deux semaines avant de la transmettre au client. À l'exemple de la voiture vendue par le concessionnaire, l'isolant était réservé à un client particulier et mis de côté. Il ne pouvait être vendu à personne d'autre. Selon M. Wiley, le client croyait que la propriété de l'isolant lui avait été transmise à la signature du contrat, et non pas à une date ultérieure lorsque le prix des marchandises était acquitté intégralement, malgré la mention figurant sur les factures. Selon le témoin, la transmission de la propriété ne dépend pas du paiement ni de la livraison à moins que les parties en conviennent expressément ou implicitement.

L'avocate de l'intimé a attiré l'attention du Tribunal sur la mention figurant sur les factures et qui indique que la propriété n'est transmise qu'après le paiement des marchandises. Elle a fait valoir que, le paiement ayant été effectué après le 1er juillet 1985, toutes les transactions sont taxables. De plus, les marchandises contenues dans la remorque n'ont pas été vérifiées lors de la conclusion du contrat. Elle a déclaré que, pour être vérifiées, les marchandises doivent porter un numéro de contrat. Elle a soutenu que, même si le registre de la remorque indiquait qu'un certain nombre de sacs avaient été attribués à un client, comme chaque sac ne portait pas une mention d'attribution, les marchandises n'étaient pas visées par un contrat. Toutefois, même si elles avaient été visées, la condition expresse régissant la transmission de la propriété stipulait que cette transmission n'intervenait que lorsque l'appelant avait été payé, c'est-à-dire après le 30 juin 1985.

Pour déterminer si le Fibramulch est admissible à l'exemption de la taxe de vente du fait qu'il constitue un engrais, le Tribunal s'est fondé sur les éléments de preuve concernant l'utilisation du produit, sa teneur en éléments nutritifs et son efficacité par rapport à d'autres engrais répandus. Pour en arriver à sa décision, le Tribunal ne s'est pas estimé lié par les définitions contenues dans la Loi sur les engrais.

De l'avis des témoins convoqués à l'audience, un engrais nourrit des plantes au moyen d'un mélange d'azote, de potassium et de phosphore. Le Tribunal s'est toutefois rendu compte qu'il existe une question de degré. Presque tous les composés naturels contiennent une certaine quantité d'azote et, pourtant, très peu seraient considérés comme des engrais. M. Flood a reconnu, par exemple, que la paille renferme un pourcentage d'azote plus élevé que le Fibramulch, mais, à son avis, ne constitue pas un engrais. En outre, M. Radey a déclaré que, même si une certaine valeur nutritive est attribuée au Fibramulch, à défaut d'une interaction entre le paillis et les bactéries dans le sol, les éléments nutritifs ne seraient pas libérés.

Le Tribunal admet que l'efficacité d'un engrais dépend non seulement de sa valeur nutritive, mais également de son taux d'épandage et des conditions météorologiques au moment de l'épandage. Toutefois, aucun élément de preuve n'a révélé que le Fibramulch est utilisé en quantité suffisante pour que son efficacité se compare à celle des engrais plus répandus. À cet égard, le Tribunal a été convaincu par les éléments de preuve fournis par M. Matthie, qui a déclaré que, si le produit est appliqué correctement, la quantité d'éléments nutritifs fournie par l'urée et des engrais semblables dépasserait considérablement celle du Fibramulch. Le Tribunal convient que le Fibramulch renferme les trois éléments essentiels que l'on retrouve habituellement dans les engrais; toutefois, étant donné que les quantités de ces éléments sont faibles et que le mode d'utilisation du Fibramulch restreint considérablement la quantité d'éléments nutritifs libérés, le Tribunal n'est pas disposé à conclure que le Fibramulch est un engrais.

De l'avis du Tribunal, le Fibramulch est surtout utilisé et destiné à être employé pour favoriser la croissance du gazon; c'est ainsi que le produit est vendu et utilisé.

Il faut aussi se demander si le Fibramulch est admissible à l'exemption de la taxe de vente pour le motif qu'il constitue un produit antiparasitaire. Il est évident que le Fibramulch n'est ni un produit chimique ni un poison. De l'avis du Tribunal, il ne constitue pas non plus une préparation pour la lutte contre les parasites. Le Tribunal estime que l'article 19 de la partie IV de l'annexe III de la Loi porte sur les préparations créées précisément pour servir de produit antiparasitaire. L'utilisation prévue du Fibramulch consiste à favoriser la croissance du gazon, et non à lutter contre les parasites. Le fait qu'en remplissant sa fonction, il cache également les graines aux oiseaux ne suffit pas, de l'avis du Tribunal, à lui conférer les qualités d'une préparation antiparasitaire.

En bref, M. Wiley s'est demandé s'il convenait de considérer le Fibramulch comme de la mousse de tourbe. Selon The Oxford English Dictionary, le terme «peat» signifie «[v]egetable matter decomposed by water and partially carbonized by chemical change, often forming bogs or 'mosses' of large extent» [5] ([traduction] matière végétale décomposée par l'eau et partiellement carbonisée par transformation chimique, créant souvent des tourbières ou des plaques de mousse de grandes dimensions). En peu de mots, le Tribunal estime que du papier journal déchiqueté et teint en vert ne correspond à aucune définition reconnue de la mousse de tourbe. Les marchandises en question ne constituent pas de la mousse de tourbe et ne sont donc pas admissibles à l'exemption applicable à la mousse de tourbe.

Le deuxième point en litige consiste à déterminer si l'appelant doit acquitter la taxe de vente à l'égard des ventes d'isolant cellulosique en cause. Le sous-alinéa 50(1)a)(i) de la Loi stipule que la taxe de vente, qui frappe les marchandises en question depuis le 1er juillet 1985, est «payable [...] par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre». Sur la foi des éléments de preuve, le Tribunal est convaincu que la facture no 16268, visant les livraisons à Park Lane, portait sur des marchandises livrées avant le 1er juillet 1985; par conséquent, les marchandises visées par cette facture ne sont pas assujetties à la taxe de vente. Étant donné que la livraison a eu lieu avant la date d'entrée en vigueur de la taxe, il n'y a pas lieu de déterminer la date de transmission de la propriété.

Pour ce qui est des autres transactions en question, la livraison a été effectuée après le 30 juin 1985. Il convient donc de déterminer la date de transmission de la propriété. Toutes les transactions sont régies par la Loi sur la vente d'objets [6] de l'Ontario, qui prévoit que la propriété d'objets est transférée lorsque les parties au contrat ont l'intention de la transférer.

Pour ce qui est de l'intention, le Tribunal a accordé beaucoup de poids à la mention figurant sur les factures de l'appelant qui précise que la propriété n'est transmise qu'après le paiement des marchandises. M. Wiley a déclaré que cette mention ne régissait pas les rapports entre l'appelant et ses clients. Cependant, le Tribunal a peine à s'en remettre uniquement au témoignage non corroboré du témoin quant à l'intention des clients de l'appelant. À défaut de témoignages corroborants, le Tribunal estime qu'il doit tenir compte uniquement du libellé ordinaire et sans équivoque de la facture. Ainsi, le Tribunal conclut que les modalités expresses du contrat reflètent l'intention des parties et que la propriété de l'isolant a été transmise une fois le paiement effectué (c.-à-d. après le 1er juillet 1985). Par conséquent, toutes les transactions à l'égard desquelles les marchandises en question ont été livrées après le 30 juin 1985 sont assujetties à la taxe de vente.

Pour ces raisons, l'appel est admis en partie.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Selon une analyse effectuée pour l'appelant et déposée comme élément de preuve, le hydramulch renferme 0,17 p. 100 d'azote, 0,05 p. 100 de phosphore et 0,05 p. 100 de potassium. Par contre, l'engrais à base d'urée renferme habituellement 46 p. 100 d'azote et des quantités beaucoup plus importantes de phosphore et de potassium que le Fibramulch.

3. L.R.C. (1985), ch. F-10.

4. L.R.C. (1985), ch. P-9.

5. Vol. XI, 2 e ed., Oxford, Clarendon Press, 1989 à la p. 405. Un certain nombre de dictionnaires renferment des définitions semblables. Par exemple, voir la définition de « peat moss » dans le Gage Canadian Dictionary , Toronto, Gage Publishing, 1983 à la p. 833 ou dans le Webster's New Twentieth Century Dictionary of the English Language Unabridged , 2 e ed., New York, Simon & Schuster, 1979 à la p. 1319.

6. L.R.O. (1980), ch. 462.


Publication initiale : le 28 mai 1997