PAUL SCHOLEFIELD

Décisions


PAUL SCHOLEFIELD
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-92-382

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 17 février 1994

Appel n o AP - 92 - 382

EU ÉGARD À un appel entendu le 26 août 1993 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 31 juillet 1992 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

PAUL SCHOLEFIELD Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est admis.

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre présidant

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel a trait au classement tarifaire de certains imperméables de coton huilés. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise a classé les imperméables en cause dans le numéro tarifaire 6201.12.10 [sic]. L'appelant a fait valoir que les imperméables en cause doivent être classés dans le numéro tarifaire 9805.00.00 à titre de marchandises importées par un ancien résident du Canada qui revient résider au pays. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a satisfait à l'exigence relative à l'«usage» précisée dans ce numéro tarifaire. Selon l'intimé, cette disposition signifie que l'appelant doit effectivement avoir utilisé les imperméables en cause pendant six mois avant son retour au Canada. En revanche, l'appelant a prétendu qu'il est uniquement nécessaire que les imperméables en cause aient été prêts à utiliser pendant six mois pour satisfaire à cette exigence.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal sait que le terme anglais «use» (usage) possède les deux sens que leur donnent les parties. Le renvoi au dictionnaire The Concise Oxford Dictionary of Current English confirme le sens courant et ordinaire que donne le Tribunal au terme «use» ou, plus précisément, à l'expression «in the ... use» (à l'usage de), qui englobe l'usage réel et l'usage éventuel (dans l'expression «prêt à utiliser»).

Le Décret d'exemption du numéro tarifaire 9805.00.00 a convaincu le Tribunal d'adopter le sens «prêt à utiliser». Pour le Tribunal, les exemptions prévues par ce décret relativement aux exigences précisées au numéro tarifaire 9805.00.00 signifient que lorsque le législateur a voulu que les marchandises soient effectivement utilisées pour atteindre un certain état, il a précisé que les marchandises doivent être «utilisées» (used). Lorsque cette expression est mise en contraste avec l'emploi du terme «usage» (use), dans l'expression «à son usage» (in the ... use), le Tribunal est convaincu que le législateur voulait donner un sens différent à cette expression. Le Tribunal est persuadé que l'expression «à son usage» signifie que les marchandises doivent être prêtes à utiliser et non pas nécessairement utilisées.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 26 août 1993 Date de la décision : Le 17 février 1994
Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre W. Roy Hines, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Janet Rumball
Parties : Paul Scholefield, pour l'appelant Ian McCowan, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) aux termes de l'article 63 de la Loi. Le Tribunal a statué sur l'appel sur la foi des documents écrits, conformément à l'article 25 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [2] , en se fondant sur le dossier qu'il avait constitué, complété par un exposé conjoint des faits et des mémoires déposés par les parties.

En 1987, l'appelant, Paul Scholefield, s'est déclaré non-résident du Canada et est déménagé en Australie. Il y est demeuré jusqu'en novembre 1990, après quoi il a voyagé pendant 13 mois et est revenu au Canada en décembre 1991. Lorsqu'il a quitté l'Australie pour partir en voyage, il a expédié ses biens personnels au Canada.

Le 4 novembre 1989, l'appelant a acheté deux imperméables de coton huilés en Australie. L'appelant n'a pas porté les imperméables en cause en Australie; il les a expédiés au Canada dans leur emballage d'origine, avec ses effets personnels. Les imperméables en cause sont arrivés au Canada en novembre 1990 et ont été dédouanés par procuration en mars 1991 par le père de l'appelant.

Selon le mémoire de l'intimé, au moment de l'importation, les imperméables en cause ont été classés dans le numéro tarifaire 6104.22.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre d'ensembles de coton en bonneterie pour femmes ou fillettes. Ce classement tarifaire a été confirmé lors du réexamen; l'intimé a indiqué que [traduction] «les imperméables ont été jugés neufs et inutilisés, donc non admissibles à la franchise prévue par le numéro tarifaire 9805.00.00.40. De même, ils ne sont pas admis aux termes du numéro tarifaire 9807.00.00.00». Un nouveau réexamen a été refusé, l'intimé indiquant que [traduction] «les imperméables, ayant été entreposés à l'état neuf dans leur emballage d'origine, ne satisfont pas à l'exigence de ce numéro tarifaire relativement à l'usage, et ne peuvent donc pas être classés dans le numéro tarifaire 9805.00.00». La décision rendue par le Sous-ministre aux termes de l'article 63 de la Loi indique que les imperméables en cause ont été classés dans le numéro tarifaire 6201.12.10. Cependant, à l'examen de l'annexe I du Tarif des douanes, il est constaté que ce numéro tarifaire n'existe pas, quoique le numéro tarifaire 6201.12.00 puisse être applicable.

La question en litige dans le présent appel a trait au classement tarifaire des imperméables en cause. Lors du réexamen effectué aux termes de l'article 63, le Sous-ministre a classé les imperméables en cause dans le numéro tarifaire 6201.12.10. L'appelant a fait valoir que les imperméables en cause doivent être classés dans le numéro tarifaire 9805.00.00 à titre de marchandises importées par un ancien résident du Canada qui revient résider au pays.

Aux fins du présent appel, la nomenclature tarifaire pertinente de l'annexe I du Tarif des douanes est la suivante :

61.04 Costumes tailleurs, ensembles, vestes, robes, jupes, jupes - culottes, pantalons, salopettes à bretelles, culottes et shorts (autres que pour le bain), en bonneterie, pour femmes ou fillettes.

- Ensembles :

6104.22.00 - - De coton

62.01 Manteaux, cabans, capes, anoraks, blousons et articles similaires, pour hommes ou garçonnets, à l'exclusion des articles du n o 62.03.

-Manteaux, imperméables, cabans, capes et articles similaires :

6201.12.00 --De coton

9805.00.00 Marchandises importées par un [...] ancien résident du Canada qui revient résider au pays après avoir résidé dans un autre pays pendant au moins un an [...], et acquises par lui pour son usage personnel ou domestique et lui ayant effectivement appartenu à l'étranger et ayant été en sa possession et à son usage pendant au moins six mois avant son retour au Canada.

L'appelant a soutenu qu'il a respecté toutes les conditions d'admissibilité pour que les imperméables soient classés dans le numéro tarifaire 9805.00.00. Il était un ancien résident du Canada; il a quitté le pays en juillet 1987 et y est revenu en décembre 1991 pour y résider. À partir d'un reçu de carte de crédit, il a fait valoir qu'il a respecté l'exigence concernant la propriété et qu'il a acheté les imperméables en cause au moins six mois avant son départ de l'Australie. En outre, les imperméables en cause ont été en sa possession à partir de la date de leur achat jusqu'à leur expédition au Canada. Pour ce qui est de l'usage, les imperméables en cause ont été utilisés à la fin à laquelle ils étaient destinés, c'est-à-dire qu'ils étaient prêts à utiliser pendant les mois d'hiver. Cependant, l'hiver n'ayant pas été aussi pluvieux que prévu, les imperméables en cause n'ont pas été utilisés. Ils ont été conservés dans leur emballage d'origine pour ne pas tacher d'autres vêtements.

Selon l'avocat de l'intimé, pour que les marchandises soient classées dans le numéro tarifaire 9805.00.00, le contribuable doit satisfaire à trois exigences. Dans la présente affaire, les imperméables en cause doivent avoir appartenu au contribuable pendant au moins six mois avant son retour au Canada; ils doivent avoir été en sa possession pendant au moins six mois avant son retour au Canada; et ils doivent avoir été à son usage pendant au moins six mois avant son retour au Canada [4] . Le contribuable n'ayant jamais eu les imperméables en cause à son usage, la troisième exigence n'a pas été respectée.

À titre de second argument, l'avocat de l'intimé a fait valoir que les imperméables en cause n'ont pas été importés par un ancien résident du Canada qui revient résider au pays, étant donné que l'appelant a expédié les imperméables en cause au Canada environ 13 mois avant son retour au Canada et que son père les a réclamés et a payé les droits pertinents.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a respecté l'exigence du numéro tarifaire 9805.00.00 relativement à l'usage. La nomenclature tarifaire précise que les marchandises d'un ancien résident doivent être «à son usage pendant au moins six mois avant son retour au Canada» pour qu'elles puissent être classées dans ce numéro tarifaire. Selon l'intimé, le libellé de cette disposition signifie que les imperméables en cause doivent effectivement avoir été à l'usage de l'appelant pendant six mois avant son retour au Canada. En revanche, l'appelant a fait valoir qu'il est uniquement nécessaire que les imperméables en cause aient été prêts à utiliser pendant six mois pour satisfaire à cette exigence.

En acceptant l'interprétation de l'appelant, le Tribunal est conscient que le terme anglais «use» (usage) peut avoir les deux sens donnés par les parties. Par exemple, le dictionnaire The Concise Oxford Dictionary of Current English [5] définit ainsi le terme «use» : «1. using, employment, application to a purpose» (utilisation, emploi, application dans un but déterminé). Il s'agit là de l'interprétation adoptée dans les causes invoquées par l'avocat de l'intimé [6] . Cependant, ce terme comporte un autre sens dans le même dictionnaire : «3. availability, utility, purpose for which thing can be used» (disponibilité, utilité, fin à laquelle une chose peut être utilisée). Le renvoi à ce dictionnaire appuie la position du Tribunal quant au sens courant et ordinaire du terme «use» (usage) ou, plus précisément, de l'expression «in the ... use» (à l'usage de), qui englobe l'usage véritable et l'usage éventuel (dans l'expression «prêt à utiliser»).

Le Décret d'exemption du numéro tarifaire 9805.00.00 [7] (le décret) a convaincu le Tribunal d'adopter le sens «prêt à utiliser». Comme il est indiqué à la note explicative du décret, ce dernier exempte certaines catégories de marchandises importées par certaines catégories de personnes de la période de six mois relative à la propriété, à la possession et à l'usage que prescrit le numéro tarifaire 9805.00.00 [8] . Deux exemptions intéressent plus particulièrement le Tribunal, c'est-à-dire :

e) les marchandises importées par une personne qui a résidé à l'étranger au moins cinq ans avant son retour au Canada et qui, avant la date de son retour, faisait usage de ces marchandises; et

f) les marchandises acquises pour remplacer des marchandises qui auraient été classées dans le numéro tarifaire 9805.00.00 du Tarif des douanes si elles n'avaient pas été perdues ou détruites par suite d'un feu, d'un vol, d'un accident ou d'un autre événement imprévu, aux conditions suivantes :

[...]

(ii) les marchandises acquises appartenaient, étaient en la possession et étaient à l'usage de la personne avant son retour au Canada.

(Soulignement ajouté)

Pour le Tribunal, ces exemptions signifient que lorsque le législateur a voulu que des marchandises soient effectivement utilisées pour atteindre un certain état, il a précisé que les marchandises doivent être «utilisées» (used). Lorsque cette expression est mise en contraste avec le terme «usage» (use), comme dans l'expression «à son usage» (in the ... use), le Tribunal est convaincu que le législateur voulait donner un sens différent à cette expression. Il est persuadé que l'expression «à son usage» signifie que les marchandises doivent être prêtes à utiliser et non pas nécessairement utilisées. Pour ces raisons, le Tribunal est persuadé que toutes les exigences énoncées dans le numéro tarifaire 9805.00.00 ont été respectées. Même si les marchandises pouvaient également être classées dans le numéro tarifaire 6201.12.00, la Règle 3 c) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [9] précise que les marchandises doivent être classées dans la position placée la dernière par ordre numérique.

L'interprétation que donne le Tribunal à l'égard de ces dispositions est également appuyée par le texte français qui utilise le terme «usage», qui possède les deux sens préconisés par les deux parties pour le terme anglais «use». Par exemple, le Nouveau Petit Larousse [10] définit ainsi le terme «usage» : «Emploi d'une chose» et «Droit de se servir d'une chose qui appartient à autrui; possession • À l'usage de, destiné à servir à». La version française du numéro tarifaire 9805.00.00 renferme l'expression «à son usage». Cette expression pourrait être interprétée comme signifiant, en anglais, «for his own use» (pour son propre usage), sens qui se rapproche de celui de l'expression anglaise «available for use» (prêt à utiliser). Par contre, la version française de l'alinéa e) du décret renferme l'expression «faisait usage», qui pourrait être rendue en anglais par «have made use», qui ressemble à l'expression anglaise «actually used» (effectivement utilisé).

Le Tribunal ne peut pas accepter le deuxième argument de l'avocat de l'intimé selon lequel les imperméables en cause n'ont pas été importés par un ancien résident du Canada qui revient résider au pays parce qu'ils n'ont pas été importés immédiatement avant le retour de l'appelant au Canada. Le Tribunal est d'avis que, si le législateur avait voulu que les marchandises soient importées immédiatement avant le retour d'un ancien résident au pays, il l'aurait précisé. À cet égard, le Tribunal se reporte à l'alinéa e) du décret, qui accorde une exemption pour «les marchandises importées par une personne qui a résidé à l'étranger au moins cinq ans avant son retour au Canada».

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, n o 18 à la p. 2912.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

4. À l'appui de la proposition selon laquelle les marchandises doivent avoir été à l'usage du contribuable pendant six mois, se reporter aux causes Antoine Boiridy c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise , Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o 2916, le 28 avril 1989, et Mrs. F. Abtahi, M.D. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1987), 12 R.C.T. 600.

5. Septième éd., Oxford, Clarendon Press, 1982 à la p. 1182.

6. Supra , note 4.

7. Décret général de modification ( Tarif des douanes ), DORS/88-44, le 31 décembre 1987, , Gazette du Canada Partie II, vol. 122, n o 2 à la p. 853, modifiant le Décret d'exemption du numéro tarifaire 70320-1 , DORS/81-701, le 4 septembre 1981, Gazette du Canada Partie II, vol. 115, n o 18 à la p. 2711.

8. Le pouvoir concernant la prise de ce décret figure à la note 7 b) du Chapitre 98 de l'annexe I du Tarif des douanes .

9. Supra , note 3, annexe I.

10. Paris, Librairie Larousse, 1968 à la p. 1058.


Publication initiale : le 4 juin 1997