LES MEUBLES DU SUD LTÉE

Décisions


LES MEUBLES DU SUD LTÉE
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-018

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 25 janvier 1994

Appel n o AP-93-018

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 septembre 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 29 janvier 1993 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

LES MEUBLES DU SUD LTÉE Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'article 45.1 de la Loi sur la taxe d'accise prévoit que la personne qui, dans le cadre d'un contrat visant la main-d'œuvre, fabrique ou produit des marchandises à partir d'un article ou d'une matière fourni par une personne autre qu'un fabricant titulaire de licence, est réputée avoir vendu les marchandises à un prix de vente égal au montant exigé dans le cadre du contrat pour les marchandises. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant fabrique ou produit des marchandises lorsqu'il effectue le sciage, le planage ou le ponçage de pièces de bois appartenant à ses clients.

DÉCISION : L'appel est admis. La disposition en litige requiert que les marchandises, dont la vente est présumée, soient produites ou fabriquées à partir d'articles ou de matières. Cette exigence voulant que les articles ou matières deviennent des marchandises donne une indication quant au degré d'ouvraison requis pour que le contrat de main-d'œuvre puisse donner lieu à l'application de la présomption de vente. Le Tribunal estime que les opérations simples de sciage, de planage et de ponçage effectuées par l'appelant n'ont pas atteint un degré d'ouvraison suffisant pour permettre de conclure que des articles ou matières sont devenus des marchandises. Par conséquent, l'appelant n'a pas fabriqué ni produit de marchandises au sens de l'article 45.1 de la Loi sur la taxe d'accise, et la présomption de vente ne peut s'appliquer.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 21 septembre 1993 Date de la décision : Le 25 janvier 1994
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant Desmond Hallissey, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Norbert Dallaire, pour l'appelant Anik Pelletier, pour l'intimé





Il s'agit d'un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) relativement à une cotisation ratifiée en partie par le ministre du Revenu National.

L'appelant fabrique principalement des garde-robes en bois, mais il effectue aussi le sciage, le planage ainsi que le ponçage de pièces de bois que lui apportent ses clients. L'article 45.1 de la Loi prévoit que la personne qui, dans le cadre d'un contrat visant la main-d'œuvre, fabrique ou produit des marchandises à partir d'un article ou d'une matière fourni par une personne autre qu'un fabricant titulaire de licence, est réputée avoir vendu les marchandises. Le Tribunal doit déterminer si le sciage, le planage ou le ponçage de pièces de bois appartenant aux clients de l'appelant constituent de la fabrication ou de la production de marchandises au sens de l'article 45.1 de la Loi.

Lors de l'audience, M. Norbert Dallaire, président de Les Meubles du Sud Ltée, a témoigné et plaidé pour le compte de l'appelant. Son témoignage précis, franc et direct a révélé que les clients de l'appelant lui apportent des pièces de bois provenant, par exemple, d'un meuble ou du cadre d'une fenêtre, pour qu'elles soient sciées, planées ou poncées. Dans 95 p. 100 des cas, il s'agit de bois usagé. M. Dallaire a qualifié ces opérations de simples services rendus aux clients par une société qui fabrique principalement des garde-robes en bois.

L'avocate de l'intimé a prétendu, en se fondant sur l'affaire The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limited [2] , que l'appelant a donné de nouvelles propriétés, formes ou qualités au bois appartenant à ses clients et, par conséquent, a fabriqué ou produit des marchandises au sens de l'article 45.1 de la Loi. En outre, elle a prétendu que, suivant l'affaire Le ministre du Revenu national c. Enseignes Imperial Signs Ltée [3] , la production de marchandises peut résulter d'une opération très simple [4] .

Dans son analyse, le Tribunal retient tout d'abord que l'article 45.1 de la Loi, comme l'indique sa note marginale, établi une présomption de vente. Ainsi, la Loi présume qu'un simple contrat de main-d'œuvre visant un article ou une matière qui n'appartient pas à l'appelant devient une vente de marchandises taxable. Il va sans dire que pour que les opérations de l'appelant soient assujetties à la taxe, toutes les conditions propres à l'application de l'article 45.1 de la Loi, notamment qu'il y ait fabrication ou production de marchandises, doivent être satisfaites et ce, de façon claire.

Le Tribunal ne remet pas en cause les arrêts mentionnés par l'avocate de l'intimé pour appuyer ses prétentions. Toutefois, il note que le texte même de la disposition est le premier guide devant servir au Tribunal dans la recherche de l'intention du législateur. Ainsi, dans le cadre d'un contrat de main-d'œuvre, il y a présomption de vente, à condition que les marchandises soient produites ou fabriquées à partir d'articles ou de matières. Cette exigence voulant que les articles ou matières deviennent des marchandises donne une indication quant au degré d'ouvraison requis pour que le contrat de main-d'œuvre puisse donner lieu à l'application de la présomption de vente. Le Tribunal est convaincu, sur la foi des quelques exemples donnés par M. Dallaire, que les opérations simples de sciage, de planage et de ponçage effectuées par l'appelant n'ont pas atteint un degré d'ouvraison suffisant pour permettre de conclure que des articles ou matières sont devenus des marchandises. Par conséquent, l'appelant n'a pas fabriqué ni produit de marchandises au sens de l'article 45.1 de la Loi, et la présomption de vente ne peut s'appliquer.

Pour ces raisons, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. [1968] R.C.S. 140.

3. Cour d'appel fédérale, jugement non publié, n o du greffe A-264-89, le 28 février 1990.

4. Ibid . à la p. 4.


Publication initiale : le 28 mai 1997