STUART OLSON INDUSTRIAL CONTRACTORS INC.

Décisions


STUART OLSON INDUSTRIAL CONTRACTORS INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-048

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 28 avril 1994

Appel n o AP - 93 - 048

EU ÉGARD À un appel entendu le 4 novembre 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le ministre du Revenu national les 19 et 26 février 1993 concernant des avis d'opposition signifiés aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

STUART OLSON INDUSTRIAL CONTRACTORS INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard de deux déterminations rendues par le ministre du Revenu national. L'appelant est un entrepreneur général à qui Syncrude Canada Ltd. a accordé un contrat pour la construction d'une enceinte antidéflagrante à ses installations de production de Fort McMurray en Alberta. Les marchandises en cause (panneaux en béton préfabriqués résistants aux déflagrations, acier de construction, supports métalliques, membranes d'étanchéité et armatures) ont été utilisées dans la construction de l'enceinte antidéflagrante. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont des dispositifs et du matériel de sécurité, ou des pièces des marchandises visées, destinées à être utilisées pour la prévention des accidents dans la fabrication ou la production de marchandises et, par conséquent, si elles sont admissibles à une exemption de la taxe de vente fédérale aux termes des alinéas 1d) ou 1l) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve démontrent clairement que les marchandises en cause ont été conçues et fabriquées expressément pour résister à une importante force explosive. Les marchandises en cause sont des dispositifs, puisqu'elles ont été conçues ou adaptées pour un usage déterminé, c'est - à - dire servir à diverses applications liées à l'absorption d'une importante force explosive afin de protéger les installations de production de la société Syncrude Canada Ltd. et ce qu'elles renferment. À ce titre, le Tribunal est aussi d'avis qu'un dispositif de sécurité est intégré aux marchandises en cause. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont exemptées de la taxe de vente fédérale aux termes de l'alinéa 1d) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise en tant que dispositifs de sécurité vendus à un fabricant ou à un producteur pour être utilisés par lui pour la prévention des accidents dans la fabrication ou la production de marchandises.

Lieu de l'audience : Calgary (Alberta) Date de l'audience : Le 4 novembre 1993 Date de la décision : Le 28 avril 1994
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Anthony T. Eyton, membre Sidney A. Fraleigh, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Douglas R. Densmore, pour l'appelant Brian Tittemore, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard de déterminations rendues par le ministre du Revenu national (le Ministre) le 25 juin et le 10 septembre 1991, qui ont eu pour effet de rejeter des demandes de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) d'un montant de 100 050,75 $ et de 42 957,60 $ respectivement. L'appelant a signifié des avis d'opposition le 30 juillet et le 15 octobre 1991. Dans un avis de décision daté du 26 février 1993, le Ministre annulait la première détermination et approuvait un montant de 11 355,95 $. Dans un avis de décision daté du 19 février 1993, le Ministre ratifiait la seconde détermination.

L'appelant est un entrepreneur général à qui Syncrude Canada Ltd. (Syncrude) a accordé un contrat pour la construction d'une enceinte antidéflagrante à ses installations de production de Fort McMurray en Alberta. Syncrude exploite la plus grande installation de production de pétrole synthétique au monde. Elle retire des sables bitumineux d'une exploitation à ciel ouvert, en extrait le bitume (pétrole brut) à l'aide de vapeur et d'eau chaude et valorise le bitume en pétrole synthétique. La valorisation du bitume requiert un certain nombre de procédés très spécialisés qui présentent un risque élevé d'incendies et d'explosions.

Lors de l'audience, l'appelant était représenté par M. Douglas R. Densmore. M. Donald E. Morse, un ingénieur de structure à l'emploi de la société Lafarge Construction Materials, l'entreprise qui a fabriqué et fourni les panneaux muraux en béton préfabriqués utilisés dans la construction de l'enceinte antidéflagrante, ainsi que M. Oscar Rutar, chef de projet pour la société Stuart Olson Construction Inc., ont témoigné au nom de l'appelant. Ils ont expliqué que les marchandises en cause (panneaux en béton préfabriqués résistants aux déflagrations, acier de construction, supports métalliques, membranes d'étanchéité et armatures) ont été conçues et fabriquées selon les plans d'ingénierie et les devis techniques afin de répondre à diverses applications liées à l'absorption d'une importante force explosive. Les marchandises en cause ont servi à la construction d'une enceinte antidéflagrante qui est en fait une cloison résistante aux déflagrations extérieure et autoportante, qui ceinture une installation du site de production de Syncrude. L'installation abrite de l'équipement et du personnel dont les fonctions sont de contrôler les installations de valorisation qui produisent le pétrole synthétique. Advenant une explosion, le personnel doit fermer certains systèmes, rediriger le déplacement des produits dans l'usine de production et participer aux opérations de lutte contre les incendies. En l'absence de telles mesures, il pourrait y avoir non seulement des conséquences immédiates sous forme de blessures au personnel et de dommages aux installations, mais aussi des conséquences secondaires dont des émissions de gaz et des déversements de liquides mortels dans l'environnement.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont des dispositifs et du matériel de sécurité, ou des pièces des marchandises visées, destinées à être utilisées pour la prévention des accidents dans la fabrication ou la production de marchandises et, par conséquent, si elles sont admissibles à une exemption de la TVF aux termes des alinéas 1d) ou 1l) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi.

M. Densmore a soutenu que les parties composantes, et non l'enceinte antidéflagrante comme telle, doivent être exemptées de la TVF en tant que dispositifs de sécurité. La taxe a été acquittée à l'achat de chacune des parties composantes. Il a fait valoir qu'afin de déterminer si des marchandises sont admissibles à une exemption, il faut tenir compte de leur utilisation. Comme le but ultime était de construire une enceinte antidéflagrante qui, de toute évidence, devait servir à la prévention des accidents, à son avis, les marchandises en cause doivent être exemptées de la TVF. En se fondant sur la décision de la Cour d'appel fédérale dans la cause Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise c. Steel Company of Canada Limited [2] , M. Densmore a soutenu que la transformation subséquente en un bien réel ne modifie en rien le fait que les marchandises sont admissibles à une exemption en tant que dispositifs de sécurité. Puisque le Ministre, dans son premier avis de décision, a conclu que les portes et les hottes à l'épreuve des déflagrations étaient exemptées en tant que dispositifs de sécurité, M. Densmore a soutenu que les marchandises en cause doivent aussi l'être puisque les dispositifs de sécurité ne peuvent fonctionner sans ces marchandises. En raison de l'utilisation faite des marchandises en question et de leur conception technique, celles-ci doivent être considérées comme des dispositifs de sécurité.

L'avocat de l'intimé a allégué qu'à leur achat les matériaux n'étaient pas des dispositifs de sécurité et, qu'après l'installation, ils ont perdu leur identité de marchandises pour devenir une partie composante des biens réels puisqu'ils faisaient partie de la structure érigée sur place. Il a fait valoir que la détermination à savoir si les marchandises sont assujetties à la taxe doit se faire au point de vente. Par conséquent, il faut prendre en considération la nature et l'utilisation des marchandises à ce moment. À son avis, les marchandises en cause n'étaient pas des dispositifs de sécurité à leur point de vente, mais des matériaux utilisés pour la construction d'une enceinte. Exception faite des portes et des hottes à l'épreuve des déflagrations ainsi que des alarmes-incendies, les autres marchandises ne devenaient des dispositifs de sécurité que lorsqu'elles étaient combinées d'une façon précise pour créer l'enceinte. Au moment de la vente, l'enceinte n'existait pas et les matériaux n'en faisaient pas partie.

Aux fins du présent appel, les dispositions d'exemption pertinentes se trouvent aux alinéas 1d) et 1l) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi et sont ainsi formulées :

1. Tous les articles suivants :

d) les dispositifs et matériels de sécurité vendus à des fabricants ou producteurs ou importés par eux et destinés à être utilisés par eux pour la prévention des accidents dans la fabrication ou la production de marchandises;

l) les pièces pour des marchandises visées aux alinéas a) à k).

L'appelant et l'intimé ont tous deux fondé leurs arguments sur la décision de la Commission du tarif dans la cause Pacific Petroleums Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [3] . Dans cette cause, la Commission du tarif devait déterminer si les marchandises utilisées à titre d'équipement de lutte contre les incendies installées ou placées à divers endroits dans les locaux de l'appelante, notamment dans une raffinerie de pétrole brut et une installation d'épuration du gaz naturel, étaient des dispositifs et du matériel de sécurité utilisés dans la prévention des accidents. Afin de rendre une décision, la Commission du tarif était d'avis qu'il fallait répondre à un certain nombre de questions. La première portait sur la nature de l'activité de l'appelante. Dans la présente cause, cette question ne fait pas l'objet du litige. L'appelant et l'intimé conviennent tous deux que Syncrude est un fabricant ou un producteur engagé dans la fabrication ou la production de pétrole synthétique.

Dans la cause Steel Company, la Cour d'appel fédérale a déterminé si les marchandises étaient exemptées aux termes de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi en tant que «machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux et destinés à être utilisés par eux directement dans la fabrication ou la production de marchandises», ou aux termes de l'alinéa 1l) en tant que pièces des marchandises désignées. La Cour d'appel fédérale a déclaré qu'«en employant l'expression "destinés à être utilisés", il est manifeste que le législateur voulait que la question de l'exonération de la taxe de vente soit réglée avant que les marchandises ne soient utilisées» et que «[r]ien [...] dans les dispositions de la Loi, ne limite expressément l'exemption et ne permet d'en exclure les marchandises qui ont ultérieurement été fixées à des biens immeubles [4] ». La Cour d'appel fédérale a conclu que la Commission du tarif n'avait pas commis d'erreur en concluant que les poutres, conçues expressément pour faire partie du système de ponts roulants, faisaient partie de machines servant directement à la production de marchandises et que, par conséquent, elles n'étaient pas assujetties à la taxe de vente aux termes de l'alinéa 1l) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi.

Dans la présente cause, le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve démontrent clairement que les marchandises en cause ont été conçues et fabriquées expressément pour résister à une importante force explosive. Dans la cause Foundation Comstock Joint Venture c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [5] , la Commission du tarif a déclaré qu'«on entend couramment, par dispositifs de sécurité, des dispositifs destinés à protéger d'une façon ou d'une autre, par exemple, le "casque dur" de l'ouvrier de la construction, les bottes à bout renforcé d'acier, les lunettes protectrices [6] ». En se fondant sur cette définition, la Commission du tarif a déclaré dans la cause Pacific Petroleum que pour qu'il y ait exemption, il faut établir que le produit est un dispositif ou un matériel destiné à protéger d'une façon ou d'une autre [7] . Le mot «device» (dispositif) est défini dans le New Lexicon Webster's Dictionary of the English Language [8] comme «something designed or adapted for a special purpose» ([traduction] quelque chose conçu ou adapté pour un usage particulier). Le Tribunal est d'avis que les marchandises dont il est question dans la présente cause sont des dispositifs, puisqu'il s'agit de marchandises conçues ou adaptées pour un usage particulier. Elles ont été conçues pour diverses applications liées à l'absorption d'une importante force explosive afin de protéger les installations de production de Syncrude et ce qu'elles renferment. À ce titre, le Tribunal est aussi d'avis qu'un dispositif de sécurité est intégré aux marchandises en cause.

Le Tribunal conclut donc que les marchandises en cause sont exemptées de la TVF aux termes de l'alinéa 1d) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi en tant que dispositifs de sécurité vendus à un fabricant ou à un producteur pour être utilisés par lui pour la prévention des accidents dans la fabrication ou la production de marchandises.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Non publié, Cour d'appel fédérale, n o du greffe A-239-82, le 13 juin 1983.

3. (1977), 6 R.C.T. 459.

4. Supra , note 2 à la p. 5.

5. (1970), 5 R.C.T. 32.

6. Ibid . à la p. 35.

7. Supra , note 3 aux pp. 467-68.

8. Édition encyclopédique, New York, Lexicon Publications, 1987 à la p. 261.


Publication initiale : le 28 mai 1997