WORLD FAMOUS SALES OF CANADA INC.

Décisions


WORLD FAMOUS SALES OF CANADA INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-263

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 31 août 1994

Appel no AP-93-263

EU ÉGARD À un appel entendu le 16 mars 1994 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 20 et 21 juillet 1993 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

WORLD FAMOUS SALES OF CANADA INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis (dissidence du membre Hines).



Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Nicole Pelletier ______ Nicole Pelletier Secrétaire intérimaire





L'appelant importe et distribue des produits de plein air et de loisir. Les marchandises en cause sont des tentes de jeu de modèle dôme pour enfants. La documentation de l'appelant décrit les marchandises en cause comme des «tentes de jeu pour les enfants». La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les tentes de jeu de modèle dôme importées par l'appelant sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6306.22.00 à titre de «Tentes [fabriquées] De fibres synthétiques», comme l'a établi l'intimé, ou doivent être classées dans le numéro tarifaire 9503.90.00 à titre d'«Autres jouets» ou dans le numéro tarifaire 9506.99.90 à titre d'«Autres Articles et matériel pour [...] les jeux de plein air», comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis (dissidence du membre Hines). La majorité du Tribunal estime que les marchandises en cause sont essentiellement des produits qui sont des modèles réduits des tentes utilisées pour le camping avec lesquelles des enfants peuvent jouer et que, par conséquent, il s'agit de jouets. Les témoins de l'industrie ont indiqué de façon claire que les marchandises en cause se distinguent par leurs dimensions puisqu'elles sont sensiblement plus petites que les tentes habituellement vendues dans les magasins de matériel de camping et de plein air. Les autres lacunes comme l'absence d'étanchéité, la légèreté des mâts et le manque de confort attribuable à une ventilation inadéquate distinguent davantage les marchandises en cause des «véritables» tentes utilisées pour le camping. La majorité du Tribunal conclut donc que les marchandises en cause doivent être classées dans la position n o 95.03 à titre de jouets et, plus précisément, dans le numéro tarifaire 9503.90.00 à titre d'«Autres jouets».

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 16 mars 1994 Date de la décision : Le 31 août 1994
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant W. Roy Hines, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : Peter Kirby, pour l'appelant Anne Michaud, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national [2] les 20 et 21 juillet 1993 aux termes de l'article 63 de la Loi.

L'appelant importe et distribue des produits de plein air et de loisir. Les marchandises en cause sont des tentes de jeu de modèle dôme pour enfants. La documentation de l'appelant décrit les marchandises en cause comme des «tentes de jeu pour les enfants».

Lors de leur entrée au pays, les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 9503.90.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre d'«Autres jouets». L'intimé a reclassé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 6306.22.00 à titre de «Tentes [fabriquées] De fibres synthétiques». L'appelant a déposé une demande de réexamen et l'intimé, aux termes de décisions datées des 20 et 21 juillet 1993, a confirmé le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 6306.22.00.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les tentes de jeu de modèle dôme importées par l'appelant sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6306.22.00 à titre de «Tentes [fabriquées] De fibres synthétiques», comme l'a établi l'intimé, ou doivent être classées dans le numéro tarifaire 9503.90.00 à titre d'«Autres jouets» ou dans le numéro tarifaire 9506.99.90 à titre d'«Autres Articles et matériel pour [...] les jeux de plein air», comme l'a soutenu l'appelant.

Les parties pertinentes des positions en litige dans la présente cause sont les suivantes :

63.6 Bâches, voiles pour embarcations, planches à voile ou chars à voile, stores d'extérieur, tentes et articles de campement.

95.03 Autres jouets; modèles réduits et modèles similaires pour le divertissement, animés ou non; puzzles de tout genre.

95.06 Articles et matériel pour [...] les jeux de plein air, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre.

L'avocat de l'appelant a convoqué deux témoins. Le premier, M. Ian Mucher, est vice-président responsable des achats de la société World Famous Sales of Canada Inc. M. Mucher a témoigné qu'une tente utilisée pour le camping doit présenter les caractéristiques suivantes : 1) elle doit être étanche afin d'offrir une protection contre les intempéries et les insectes; 2) elle doit avoir été imperméabilisée; 3) elle doit comporter un mode de ventilation; et 4) elle doit avoir une structure qui la protège contre les intempéries (il a mentionné plus précisément les mâts, les fermetures à glissières, etc.). M. Mucher a déclaré que les marchandises en cause ne satisfont pas à ces exigences parce que leur partie inférieure n'est pas étanchéifiée, elles ne sont pas imperméables faute d'un double-toit, leurs mâts sont constitués de plastique et non d'aluminium, d'acier ou de fibre de verre et elles sont petites. Quant à leurs dimensions, M. Mucher a déclaré que, comme les marchandises en cause ne mesurent que 4 pi sur 4 pi, aucun sac de couchage ordinaire ne pourrait être utilisé dans les marchandises en cause et que seul un enfant de moins de 4 pi pourrait s'y coucher. Il a fait remarquer que la tente la plus petite utilisée pour le camping et vendue par l'appelant mesure 5 pi sur 7 pi.

M. Mucher a aussi témoigné que l'appelant ne vend pas les marchandises en cause aux mêmes acheteurs d'articles de camping. Plus précisément, les marchandises en cause sont vendues à deux clients principaux soit Distribution aux consommateurs et Toys-R-Us Canada Ltd. (Toys-R-Us), en plus d'être vendues comme jouets à des fins publicitaires ou promotionnelles. Il a déclaré que les marchandises en cause sont commercialisées par l'appelant à titre de jouets plutôt qu'à titre de tentes.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Mucher a confirmé que le tapis de sol des marchandises en cause est constitué du même tissu que celui utilisé pour d'autres tentes. Il a aussi confirmé le fait que l'appelant qualifie ces marchandises de tentes de modèle dôme dans sa documentation et qu'elles figurent avec d'autres tentes de modèle dôme dans cette documentation. De plus, M. Mucher a confirmé que dans la documentation relative aux marchandises en cause, on indique qu'elles sont «[i]déal[es] pour l'extérieur quand le temps fait beau [sic], ou pour l'intérieur toute [l']année» et que «les enfants aiment jouer et dormir dans les tentes». En réponse aux questions du Tribunal, M. Mucher a déclaré que les gens dans l'industrie utilisent des qualificatifs du genre «de jeu» et «dôme de jeu» lorsqu'ils parlent des marchandises en cause.

Le deuxième témoin de l'appelant, M. Mike Besharah, est directeur des ventes de la société Sir Plus of Ottawa, un magasin de matériel de camping et de plein air. M. Besharah occupe ce poste depuis 1972. Il a aussi été moniteur de louveteaux et de scouts pendant environ de huit à dix ans. Il a déclaré qu'en tant que moniteur, il a dirigé de nombreux voyages de camping. M. Besharah a affirmé que Sir Plus of Ottawa ne vend pas les marchandises en cause et qu'il n'envisagerait pas la possibilité d'en garder en stock à moins d'obtenir une commande précise. Il a aussi témoigné qu'il n'utiliserait pas les marchandises en cause lors d'un voyage de camping de louveteaux ou de scouts, les tentes étant trop petites et non étanches. À son avis, les marchandises en cause sont des jouets et non du matériel de camping. En dernier lieu, M. Besharah a expliqué comment une tente utilisée pour le camping est étanchéifiée au moyen d'un double-toit. Il a déclaré ne pas vendre de doubles-toits assez petits pour les marchandises en cause. Il doutait en outre, compte tenu de la qualité des mâts, que les marchandises en cause puissent soutenir les doubles-toits. Au cours du contre-interrogatoire, M. Besharah a reconnu que les marchandises en cause offrent un abri limité.

Le premier témoin de l'intimé, M. Jovan Rados, est applicateur du tarif pour le compte du ministère du Revenu national depuis près de trois ans et était l'agent chargé de ce dossier. M. Rados a confirmé qu'il possède une des marchandises en cause, achetée pour son fils chez Toys-R-Us. Il l'avait achetée en partie parce que d'après les étiquettes, la tente résistait à l'eau. M. Rados a raconté avoir fait une nuit de «camping» dans la tente en compagnie de son fils. Celui-ci utilise aussi la tente à l'intérieur. Au cours du contre-interrogatoire, M. Rados a déclaré que la tente n'était pas particulièrement confortable pour y dormir et qu'il n'a pu empêcher les insectes de pénétrer dans la tente.

Le deuxième témoin de l'intimé, M. John P. Tsatsos, est directeur général de la société Campmate Limited, un fabricant de tentes. M. Tsatsos a déclaré qu'il travaille pour l'entreprise depuis 25 ans et qu'il a été dans le commerce pendant 10 ans avant de se joindre à Campmate Limited. Il doit, dans le cadre de ses responsabilités en tant que directeur général, concevoir des tentes. M. Tsatsos a déclaré que Campmate Limited fabrique des tentes de modèle dôme qui présentent une forme semblable à celle des marchandises en cause. Il a confirmé que les tentes de l'entreprise pourraient être constituées du même tissu que celui utilisé pour les marchandises en cause, à condition que ce tissu ait été imperméabilisé. Il a aussi indiqué que les tentes fabriquées par l'entreprise sont plus grandes que les marchandises en cause.

Lorsqu'on lui a demandé de comparer les tentes fabriquées par Campmate Limited aux marchandises en cause, M. Tsatsos a témoigné que les marchandises en cause semblent avoir toutes les caractéristiques des tentes, c'est-à-dire qu'elles sont hydrofuges et comportent une fermeture à glissière et un tapis de sol. À son avis, il ne leur manque qu'un seuil. Il a aussi exprimé une réserve en indiquant que la légèreté des mâts l'inquiétait. L'avocate de l'intimé a demandé à M. Tsatsos s'il trouvait difficile d'affirmer que les marchandises en cause étaient en fait des tentes. Il a répondu en indiquant qu'elles ressemblent à des tentes, mais qu'elles seraient une source de problème par grands vents. Bien que l'avocate ait reformulé sa question, M. Tsatsos a répondu que les marchandises [traduction] «avaient la forme d'une tente», mais qu'il éprouvait certaines appréhensions quant à leurs dimensions. M. Tsatsos a réitéré ses inquiétudes au sujet des mâts et a déclaré que le fait de les changer ferait une grande différence.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Tsatsos a déclaré qu'une augmentation des dimensions des marchandises en cause ne serait pas suffisante pour le convaincre de les vendre comme tentes pour le camping, d'autres changements étant requis pour les rendre confortables. Il a souligné qu'il faudrait tout particulièrement modifier le toit de la tente pour permettre à la condensation de s'échapper puisque le nylon ne respire pas. En réponse à une question sur les dimensions des tentes les plus populaires de la société Campmate Limited, M. Tsatsos a indiqué que ce sont les modèles dont les dimensions sont comprises entre 6 pi sur 6 pi et 7 pi sur 7 pi.

M. Mucher a été rappelé après le témoignage de M. Tsatsos pour présenter des preuves contraires au sujet du témoignage de M. Rados concernant des étiquettes de sécurité fixées aux marchandises en cause au moment de la vente. M. Mucher a déclaré que ces types de directives et de renseignements sont apposés sur les marchandises en cause pour des raisons de garantie de produits.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a fait valoir que la Note 1t) de la Section XI de l'annexe I du Tarif des douanes indique clairement que les articles du Chapitre 95 sont exclus de la Section XI, qui comprend le Chapitre 63. En d'autres mots, si des marchandises peuvent être classées dans le Chapitre 95, elles sont exclues du Chapitre 63 et, par conséquent, il n'est pas nécessaire de choisir entre un ou l'autre. S'il est possible de classer les marchandises en cause dans le Chapitre 95, c'est là qu'elles doivent être classées. L'avocat a également soutenu qu'il faut comprendre à la lecture de la Note 1u) du Chapitre 95 de l'annexe I du Tarif des douanes, selon laquelle le Chapitre 95 ne comprend pas «les tentes, les articles de campement», que le Chapitre 95 ne comprend pas les tentes et d'autres articles de camping.

L'avocat de l'appelant a exhorté le Tribunal à ne pas uniquement lire et interpréter le Tarif des douanes pour déterminer si les marchandises en cause sont des tentes ou des jouets, mais aussi à analyser les marchandises en cause. L'avocat a fait valoir que le Tribunal doit considérer les marchandises en cause comme des répliques sous forme de jouets d'un objet pour adultes, tout comme un pistolet à eau est une réplique d'un pistolet et une épée en plastique, une réplique d'une épée. Bien que ces choses représentent des objets réels, ils sont en fait très différents. En l'espèce, l'avocat a soutenu que lorsque les témoins parlent des marchandises en cause, ils utilisent presque toujours une expression qui qualifie le mot «tente», soit «de jeu», «pour enfants» ou «jouet». Cela, a prétendu l'avocat, est attribuable au fait que les marchandises en cause ne sont pas des tentes au sens généralement reconnu du mot, c.-à-d. un abri utilisé pour faire du camping.

L'avocat de l'appelant a rappelé les lacunes des marchandises en cause mentionnées dans les témoignages, tout particulièrement le fait que les tentes ne sont pas imperméabilisées et étanchéifiées convenablement ainsi que les problèmes posés par l'utilisation de mâts en plastique. De plus, l'avocat a exhorté le Tribunal à tenir compte du fait que le témoin de l'industrie de l'intimé n'a pu désigner les marchandises en cause comme tentes sans les qualifier. L'avocat a fait valoir qu'une tente, au sens du Chapitre 63, a une signification précise liée au camping, c.-à-d. qu'il s'agit d'une pièce de matériel fonctionnelle qui est un abri et non une réplique ou un jouet. À cet égard, l'avocat a déclaré que les éléments de preuve montrent que les fournisseurs de matériel de camping et de plein air ne vendent pas les marchandises en cause. Elles sont plutôt distribuées par les sociétés Distribution aux consommateurs et Toys-R-Us et vendues à titre de jouets.

En dernier lieu, l'avocat de l'appelant a attiré l'attention du Tribunal sur la Note A) des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [4] (les Notes explicatives) de la position no 95.03, qui énonce que cette position comprend tous les jouets, autres que ceux repris aux positions nos 95.01 et 95.02. Après l'énumération d'un certain nombre de jouets visés par la position no 95.03, la note stipule que «[l]es jouets qui sont la reproduction d'articles à l'usage des adultes, tels que les fers à repasser électriques, les machines à coudre, les instruments de musique, etc., se distinguent, en règle générale, des seconds par la nature des matières constitutives, leur facture habituellement plus rudimentaire, leurs dimensions réduites (adaptées à la taille des enfants), leur rendement assez faible ne permettant pas leur utilisation pour un travail normal d'adulte». Cette note, a fait valoir l'avocat, doit être appliquée aux marchandises en cause afin d'opérer leur classement dans le Chapitre 95.

En réponse aux questions du Tribunal, l'avocat de l'appelant a reconnu qu'en dépit du fait que les Notes du Chapitre 95 excluent les tentes du chapitre, le Tribunal doit en fait déterminer si les marchandises en cause sont des tentes. L'avocat a fait valoir que le poids de la preuve démontre que les marchandises en cause ne sont pas des pièces de matériel fonctionnelles pour le camping parce qu'il ne s'agit pas de tentes mais de jouets. En réponse, l'avocat a réitéré le fait que les marchandises en cause peuvent être classées dans le Chapitre 95 parce qu'il s'agit de jouets. L'avocat a renvoyé le Tribunal à une définition du mot «toy [5] » (jouet) donnée dans le mémoire de l'appelant et a suggéré que, comme les marchandises en cause sont des modèles réduits de véritables tentes, elles peuvent être considérées comme des jouets et, par conséquent, classées à titre de jouets. À des fins de clarification, l'avocat a déclaré ne pas soutenir que les marchandises en cause ne sont pas des tentes parce qu'elles ne sont pas destinées au camping, mais que les marchandises en cause ne sont pas des tentes parce qu'il s'agit de jouets destinés à recréer l'atmosphère du camping.

L'avocate de l'intimé a amorcé sa plaidoirie en rappelant la définition du terme «tentes» donnée dans les Notes explicatives de la position no 63.06 qui énonce que :

Les tentes sont des abris confectionnés en tissus plus ou moins épais ou même très légers, de fibres synthétiques ou artificielles, de coton ou en tissus mélangés, enduits, recouverts, stratifiés ou non, ou bien en toile. Elles sont habituellement constituées par un toit (simple ou double) et munies de parois (simples ou doubles) qui permettent la formation d'un lieu fermé. Cette position couvre aussi bien les grandes tentes foraines (tentes de cirques, par exemple) que les tentes pour militaires, pour campeurs, y compris les tentes portatives, et les tentes de plage, etc. Elles relèvent de la présente position même si elles sont présentées avec leurs mâts, piquets, tendeurs ou accessoires du même genre.

L'avocate a fait valoir qu'aucune restriction en matière de dimensions ou d'utilisation n'est mentionnée dans cette définition et que des marchandises peuvent être appelées tentes même en l'absence de haubans et de mâts. Elle a soutenu que cette description s'applique facilement aux marchandises en cause. L'avocate a suggéré que les marchandises en cause pourraient être considérées comme des abris confectionnés de tissus légers de fibres synthétiques qui sont enduits. Elles ont un toit simple et des parois qui permettent la formation d'un lieu fermé. Selon l'avocate, rien dans la définition de «tentes» ne qualifie la nature de l'abri fourni, à savoir que l'abri doit être solide, comme l'a suggéré l'appelant. De plus, l'avocate a soutenu que la documentation de l'appelant décrit les marchandises en cause d'une façon conforme à la définition du terme «tentes».

L'avocate de l'intimé s'est aussi reportée à la définition du mot «tent» (tente) donnée dans le dictionnaire The Concise Oxford Dictionary of Current English, qui est rédigée comme suit :

a portable shelter or dwelling of canvas, cloth, etc., supported by a pole or poles and stretched by cords attached to pegs driven into the ground [6] .

([Traduction] un abri ou une habitation transportable de toile, de tissu, etc., soutenu par un ou plusieurs mâts et tendu par des haubans fixés à des piquets enfoncés dans le sol.)

L'avocate a soutenu que les marchandises en cause correspondent aussi à cette description.

Quant aux notes du Chapitre 95 et de la position no 63.06, l'avocate de l'intimé a fait valoir que l'exclusion des tentes à l'alinéa c) des Considérations générales du Chapitre 95 renforce la position selon laquelle toutes les tentes, et non seulement les tentes utilisées pour le camping, sont exclues du chapitre. L'avocate a insisté sur cet élément en raison, a-t-elle soutenu, de l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel les marchandises en cause ne sont pas des tentes parce qu'elles ne sont pas faites pour le camping. L'avocate a soutenu que si on peut qualifier les marchandises en cause de tentes, elles relèvent ainsi de la position no 63.06, position de laquelle sont exclus les jouets.

En dernier lieu, l'avocate de l'intimé a soutenu que si le Tribunal conclut que les marchandises en cause peuvent être classées dans deux positions, aux termes de la Règle 3 a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [7] (les Règles générales), le Tribunal doit classer les marchandises en cause à titre de tentes, ce terme constituant une description plus précise que le terme «jouets».

La majorité du Tribunal estime que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9503.90.00 à titre d'«Autres jouets». La majorité du Tribunal en vient à cette conclusion en tenant compte du fait que c'est la loi et les principes applicables à l'interprétation de la loi, y compris ceux énoncés dans les Règles générales, qui doivent régir le classement des marchandises en cause. La majorité du Tribunal tient tout particulièrement compte de la Règle 1 des Règles générales. Comme l'a souligné le Tribunal dans la cause York Barbell Co. Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [8] , la Règle 1 des Règles générales est de la plus grande importance lorsqu'il s'agit de classer des marchandises aux termes du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [9] . Selon la Règle 1 des Règles générales, le classement est d'abord déterminé selon le libellé des positions tarifaires et de toutes Notes de Sections ou de Chapitres pertinentes.

La majorité du Tribunal convient avec les parties que dans la présente cause, il faut, pour examiner la Règle 1 des Règles générales, tenir compte des Notes de Chapitres et de Sections des Chapitres 63 et 95. La majorité du Tribunal convient aussi avec l'avocate de l'intimé que la Note 1t) de la Section XI de l'annexe I du Tarif des douanes et la Note 1u) du Chapitre 95 de l'annexe I ont pour effet d'exclure du Chapitre 95 non seulement les tentes utilisées pour le camping, mais toutes les tentes. Par conséquent, s'il est établi que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 95.03, elles peuvent l'être uniquement si le Tribunal conclut qu'il s'agit de jouets et non de tentes, conclusion à laquelle en est venue la majorité du Tribunal.

Les jouets ne sont pas définis de façon précise dans le Tarif des douanes. L'avocat de l'appelant a proposé la définition suivante de «toy» (jouet) tirée du dictionnaire Gage Canadian Dictionary :

1 something for a child to play with; plaything. 2 (adjl.) made for use as a toy; especially being a small model of a real thing [10] .

([Traduction] 1. quelque chose avec lequel un enfant peut jouer; jouet. 2. (adjectival) fait pour être utilisé comme jouet, particulièrement un modèle réduit d'un article réel.)

Le dictionnaire The Concise Oxford Dictionary of Current English définit le mot «toy» (jouet) comme suit :

1. n. [a] thing to play with, esp. for [a] child; [a] thing meant rather for amusement than for serious use [11] .

([Traduction] 1. n. une chose avec laquelle on joue, destiné particulièrement à un enfant; une chose destinée à un usage récréatif plutôt que sérieux.)

La majorité du Tribunal trouve ces définitions particulièrement utiles dans la présente cause lorsqu'elles sont examinées à la lumière des Notes explicatives de la position no 95.03 libellées comme suit : «les jouets qui sont la reproduction d'articles à l'usage des adultes, tels que les fers à repasser électriques, les machines à coudre, les instruments de musique, etc., se distinguent, en règle générale, des seconds par la nature des matières constitutives, leur facture habituellement plus rudimentaire, leurs dimensions réduites (adaptées à la taille des enfants), leur rendement assez faible ne permettant pas leur utilisation pour un travail normal d'adulte». La majorité du Tribunal estime que les marchandises en cause sont des objets avec lesquels les enfants jouent et qu'il s'agit essentiellement de modèles plus petits de tentes utilisées pour le camping. Les témoins de l'industrie ont indiqué clairement que les marchandises en cause se distinguent par leurs dimensions parce qu'elles sont sensiblement plus petites que les tentes habituellement vendues dans des magasins de matériel de camping et de plein air. Les autres lacunes comme l'absence d'étanchéité, la légèreté des mâts et l'absence de confort attribuable à une mauvaise ventilation distinguent davantage les marchandises en cause de «véritables» tentes utilisées pour le camping. À cet égard, la majorité du Tribunal a été particulièrement frappée par le fait que M. Tsatsos a été incapable de désigner les marchandises en cause comme tentes sans souligner l'une ou l'autre des lacunes mentionnées. M. Tsatsos a aussi déclaré clairement qu'il ne serait pas disposé à vendre les marchandises en cause à titre de tentes sans apporter d'importants changements à leur structure. De plus, selon la majorité du Tribunal, étant donné que la liste d'exemples d'articles visés par la position no 95.03 débute par le mot «comprend», cette liste est inclusive plutôt qu'exhaustive. En dernier lieu, la majorité du Tribunal fait remarquer que les marchandises en cause sont vendues par des circuits de distribution distincts de ceux par lesquels est vendu le matériel de camping habituel et qu'elles sont commercialisées à titre de jouets.

La majorité du Tribunal conclut donc que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 95.03 à titre de jouets et, plus précisément, dans le numéro tarifaire 9503.90.00 à titre d'«Autres jouets».

Par conséquent, l'appel est admis.

OPINION DISSIDENTE DU MEMBRE HINES

Les quatre témoins n'ont cessé de qualifier les marchandises en cause de «tentes» en utilisant, à divers moments, des déterminants comme «de jeu», «jouet» ou «pour enfants». La documentation de l'appelant décrit aussi les marchandises en cause comme des «tente[s] de jeu pour les enfants», en soulignant que le produit est «[i]déal pour l'extérieur quand le temps fait beau [sic], ou pour l'intérieur toute [l']année».

Le Tribunal a entendu de nombreux témoignages portant sur la question de savoir si les marchandises en cause étaient à l'épreuve de l'eau et des insectes ou convenables pour le camping lorsqu'il pleut, qu'il vente, etc. De toute évidence, la prépondérance de la preuve a démontré que les marchandises en cause ne pouvaient être utilisées dans des conditions défavorables pour toute période et qu'elles ne pouvaient être considérées comme du matériel de camping ordinaire. Parallèlement, les éléments de preuve ont montré que les marchandises en cause fournissent un «abri», ne serait-ce que pour un enfant.

L'avocat de l'appelant a soutenu que puisque les marchandises en cause ne pouvaient être considérées comme des «articles de campement», elles ne pouvaient être classées dans le numéro tarifaire 6306.22.00. Il a soutenu que les marchandises en cause étaient des «jouets» et, qu'à ce titre, elles doivent être classées dans le Chapitre 95. À cet égard, l'avocat a soutenu qu'afin de procéder au classement tarifaire, il faut examiner non seulement le produit et le nom qui lui est donné, mais aussi ses caractéristiques physiques et le contexte dans lequel il est utilisé. À son avis, les marchandises en cause sont clairement des jouets et non des tentes.

Évidemment, de nombreux produits sont fabriqués sur une plus petite échelle à titre de jouets pour enfants et vendus comme tels et non comme le produit de taille normale destiné aux adultes qu'ils représentent. Les Notes explicatives de la position no 95.03 envisagent une telle situation en incorporant une longue liste non exhaustive de ces produits allant des pistolets jouets aux véhicules jouets. Les tentes jouets ne figurent pas dans cette liste. En effet, les Notes explicatives du Chapitre 95 excluent expressément «les tentes et articles de campement (no 63.06, généralement)».

À mon avis, les marchandises en cause sont manifestement des tentes et, en dépit des arguments alléguant le contraire soumis par l'avocat de l'appelant, elles sont utilisées comme des tentes. Je suis pleinement conscient du fait qu'il n'est peut-être pas possible d'utiliser les marchandises en cause dans des situations réalistes de camping. Cependant, les marchandises en cause sont décrites comme des tentes dans la documentation de l'appelant et ont été appelées ainsi dans les éléments de preuve, et l'objet déposé comme pièce dans la salle d'audience était manifestement une tente. Je conviens donc avec l'avocate de l'intimé que puisque la position no 63.06 mentionne expressément des tentes sans en préciser la nature ou l'utilisation, les marchandises en cause sont correctement classées dans cette position et, plus précisément, dans le numéro tarifaire 6306.22.00. De plus, même si on considère les marchandises en cause comme des tentes jouets, elles demeurent, à mon avis, des tentes et, à ce titre, doivent être exclues de la position no 95.03.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. Voir la Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu national et d'autres lois en conséquence , L.C. 1994, ch. 13, art. 7.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

4. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1986.

5. Gage Canadian Dictionary , Toronto, Gage Publishing, 1983 à la p. 1189.

6. Huitième éd., Oxford, Clarendon Press, 1990 à la p. 1258.

7. Supra , note 3, annexe I.

8. Appel n o AP-91-131, le 16 mars 1992.

9. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1987.

10. Supra , note 5.

11. Septième éd., Oxford, Clarendon Press, 1982 à la p. 1133.


Publication initiale : le 23 mai 1997