CRAGG & CRAGG DESIGN GROUP LTD.

Décisions


CRAGG & CRAGG DESIGN GROUP LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-264

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 15 août 1994

Appel no AP-93-264

EU ÉGARD À un appel entendu le 22 mars 1994 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision du ministre du Revenu national le 22 mars 1993 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

CRAGG & CRAGG DESIGN GROUP LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis (dissidence du membre Blouin). La majorité du Tribunal renvoie la question au ministre du Revenu national pour qu'il réexamine la demande de remboursement de l'appelant relativement à la taxe de vente fédérale pour habitations neuves en fonction de la présente décision.



Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le remboursement de la taxe de vente fédérale pour habitations neuves doit être calculé en fonction de chacun des bâtiments, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'il peut être calculé pour l'ensemble d'un projet comprenant plusieurs bâtiments, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis (dissidence du membre Blouin). Pour trancher la question en litige dans le présent appel, le Tribunal doit déterminer si l'expression «immeuble d'habitation en copropriété», utilisée à l'alinéa 121(3)b) de la Loi sur la taxe d'accise, s'applique à un seul bâtiment ou si elle peut englober un ensemble de bâtiments. En déterminant le sens de cette expression, le Tribunal doit tenir compte de la définition de l'expression «immeuble d'habitation». La position de l'intimé repose sur l'utilisation du mot «bâtiment» au singulier dans la définition de l'expression «immeuble d'habitation». L'avocat de l'appelant, quant à lui, a soutenu que le pluriel pouvait s'appliquer au mot «bâtiment» et que, par conséquent, un immeuble d'habitation en copropriété pouvait comprendre plus d'un bâtiment.

En se fondant sur le paragraphe 33(2) de la Loi d'interprétation, la majorité du Tribunal est convaincue que le pluriel peut s'appliquer au mot «bâtiment» de la définition de l'expression «immeuble d'habitation». Si le pluriel est appliqué au mot «bâtiment», la majorité du Tribunal est convaincue qu'un immeuble d'habitation peut comprendre plus d'un bâtiment. Par conséquent, un immeuble d'habitation en copropriété peut aussi comprendre plus d'un bâtiment, comme c'est le cas du projet de logements en copropriété de l'appelant.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 22 mars 1994 Date de la décision : Le 15 août 1994
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Michèle Blouin, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Robert S. Anderson, pour l'appelant Gilles Villeneuve, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination rendue par le ministre du Revenu national (le Ministre) qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) pour habitations neuves faite aux termes de l'alinéa 121(3)b) [2] de la Loi.

La demande de remboursement de l'appelant portait sur un projet de logements en copropriété appelé Illahee, situé à North Vancouver (Colombie-Britannique). Suivant les plans de construction, Illahee comprend 17 bâtiments comptant 116 unités de logement en copropriété ainsi qu'un centre récréatif, la partie commune du projet. Au 1er janvier 1991, 11 des bâtiments, soit la Phase I du projet, étaient complétés : 10 bâtiments où l'on trouve 42 logements en copropriété et un onzième qui abrite le centre récréatif. De plus, l'aménagement du terrain et l'excavation de la Phase II du projet Illahee étaient terminés et bon nombre des services communs entre les phases étaient en place, notamment les installations de gestion des déchets, les installations d'alimentation d'eau, les égouts, les routes et l'appareillage de commutation électrique. Toutefois, la construction comme telle des bâtiments de la Phase II n'avait pas encore débuté.

Dans sa demande de remboursement, l'appelant a soutenu que le projet Illahee [3] était terminé à 55 p. 100 au 1er janvier 1991 et il a évalué le remboursement de la TVF pour habitations neuves auquel il avait droit à 427 237,50 $. Cependant, l'appelant a été informé par un avis de détermination que seul le remboursement de 185 501,25 $, correspondant à la Phase I du projet Illahee, était accordé, ce qui représentait 75 p. 100 de la TVF estimative sur les 10 bâtiments abritant les 42 logements en copropriété. Le rejet du reste de la demande était expliqué ainsi :

Aux termes des définitions de la Loi sur la taxe d'accise, un immeuble d'habitation en copropriété est un bâtiment qui contient plus d'un logement en copropriété. Par conséquent, chaque bâtiment d'un projet d'habitations en copropriété doit être évalué sur une base individuelle pour déterminer s'il est ou non terminé à plus de 25 p. 100 afin d'être admissible au remboursement de la taxe de vente fédérale pour habitations neuves.

Votre demande a été rajustée en fonction de la surface visée par règlement des bâtiments de la Phase I. La surface des bâtiments de la Phase II n'a pas été admise, les bâtiments n'étant pas complétés à plus de 25 p. 100 au 1er janvier 1991.

[Traduction]

L'appelant s'est opposé à la détermination qui a par la suite été ratifiée par le Ministre. Dans l'avis de décision, il a été mentionné que le remboursement de la TVF pour habitations neuves doit être [traduction] «comptabilisé en fonction de chacun des bâtiments et non être établi pour l'ensemble du projet». Cragg & Cragg Design Group Ltd. a par la suite porté en appel la détermination devant le Tribunal.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le remboursement de la TVF pour habitations neuves doit être calculé en fonction de chacun des bâtiments, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'il peut être calculé pour l'ensemble d'un projet comprenant plusieurs bâtiments, comme l'a soutenu l'appelant. De plus, l'avocat de l'appelant a soutenu que le Ministre, en vertu du principe de la préclusion, ne peut évaluer la demande de remboursement de l'appelant en allant à l'encontre de présumés conseils fournis par des fonctionnaires du ministère du Revenu national (Revenu Canada), selon lesquels l'évaluation porterait sur l'ensemble du projet. Afin de comprendre les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties, le texte pertinent, mais fastidieux et complexe de la loi [4] , tel qu'il était rédigé au moment où l'appelant a fait sa demande de remboursement, est reproduit ci-après :

121.(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (4.1), le ministre rembourse au constructeur d'un immeuble d'habitation déterminé (sauf le constructeur auquel les paragraphes 191(1) à (4) ne s'appliquent pas par l'effet des paragraphes 191(5) ou (6)) qui, immédiatement avant 1991, a la propriété ou la possession de l'immeuble et qui n'en a pas transféré la propriété ou la possession aux termes d'un contrat de vente à une personne qui n'est pas le constructeur de l'immeuble. Le montant remboursable est égal au suivant :

b) s'il s'agit d'un logement en copropriété situé dans un immeuble d'habitation en copropriété :

(i) 50 % de la taxe de vente fédérale estimative applicable au logement, si la construction ou les rénovations majeures de l'immeuble étaient, le 1 er janvier 1991, achevées à plus de 25 % mais non à plus de 50 %,

(ii) 75 % de la taxe de vente fédérale estimative applicable au logement, si la construction ou les rénovations majeures de l'immeuble étaient, le 1 er janvier 1991, achevées à plus de 50 %.

«logement en copropriété» Immeuble d'habitation qui est, ou est censé être, un espace délimité dans un bâtiment et désigné ou décrit comme étant une unité distincte sur le plan ou la description enregistrés y afférents, ou sur un plan ou une description analogues enregistrés en conformité avec les lois d'une province, ainsi que tous droits et intérêts fonciers afférents à la propriété de l'unité.

«immeuble d'habitation en copropriété» Immeuble d'habitation qui contient au moins deux logements en copropriété.

«immeuble d'habitation»

a) La partie constitutive d'un bâtiment qui comporte au moins une habitation, y compris :

(i) la fraction des parties communes et des dépendances et du fonds contigu au bâtiment qui est raisonnablement nécessaire à l'usage résidentiel du bâtiment,

(ii) la proportion du fonds sous - jacent au bâtiment correspondant au rapport entre cette partie constitutive et l'ensemble du bâtiment;

b) la partie d'un bâtiment, y compris la proportion des parties communes et des dépendances du bâtiment, et du fonds sous - jacent ou contigu à celui - ci, qui est attribuable à l'habitation et raisonnablement nécessaire à son usage résidentiel, qui constitue :

(i) d'une part, tout ou partie d'une maison jumelée ou en rangée, d'un logement en copropriété ou d'un local semblable qui est, ou est destinée à être, une parcelle séparée ou une autre division d'immeuble sur lequel il y a, ou il est prévu qu'il y ait, un droit de propriété distinct des droits de propriété des autres parties du bâtiment,

(ii) d'autre part, une habitation;

c) la totalité du bâtiment [...]

c.1) une maison mobile [...]

c.2) une maison flottante.

N'est pas un immeuble d'habitation une partie d'un bâtiment, ou du fonds ou des dépendances qui y sont attribuables.

M. George Philip Cragg, copropriétaire de la société Cragg & Cragg Design Group Ltd., a produit des éléments de preuve pour le compte de l'appelant. M. Cragg a fait l'historique du projet Illahee et l'a décrit pour le Tribunal. Il a présenté les deux phases du projet Illahee et les parties communes des 18 bâtiments du projet, notamment le centre récréatif, le stationnement pour visiteurs et le garage souterrain, les servitudes communes, les trottoirs, les voies d'accès, les installations d'alimentation d'eau, les égouts ainsi que le câblage et le matériel électrique. En outre, il n'y a qu'une seule association de copropriétaires et un seul titre de bien-fonds. M. Cragg a aussi indiqué au Tribunal que Revenu Canada, en réponse à plusieurs demandes de renseignements, l'a informé que le remboursement de la TVF pour habitations neuves serait calculé sur l'ensemble du projet Illahee. Il a aussi décrit les difficultés économiques éprouvées par l'appelant en raison de la récession, de l'introduction de la taxe sur les produits et services (TPS) et de la position de Revenu Canada relativement au calcul du remboursement de la TVF pour habitations neuves.

L'avocat de l'appelant a soutenu que l'objectif du remboursement de la TVF pour habitations neuves est d'éviter une situation de double imposition. Il a insisté sur le fait que l'interprétation donnée par le Ministre des dispositions de la Loi en matière de remboursement place l'appelant dans une situation de double imposition à trois égards : il ne reçoit que 75 p. 100 de la TVF payée sur la Phase I, il est doublement assujetti à toute TVF versée sur la Phase II et il ne reçoit pas de remboursement de la TVF payée sur le centre récréatif. L'avocat a ajouté qu'il est illogique d'interpréter la loi de façon qu'un immeuble de logements en copropriété soit admissible à un remboursement et non le projet Illahee. Il a insisté sur le fait que les deux types de projets sont similaires du point de vue économique et au niveau du développement et qu'il serait injuste de les traiter différemment aux fins du remboursement de la TVF pour habitations neuves.

Pour ce qui est de l'alinéa 121(3)b) de la Loi, l'avocat de l'appelant a soutenu que le mot «immeuble» est essentiel à l'interprétation de cet alinéa. Il s'est reporté à plusieurs définitions de dictionnaires pour étayer la prémisse selon laquelle «immeuble» peut signifier «a set of buildings [5] » (une série de bâtiments). Il a aussi mentionné des publications gouvernementales et des discours pour appuyer cette prémisse [6] . Se référant au paragraphe 33(2) de la Loi d'interprétation [7] , l'avocat a soutenu que le pluriel pouvait s'appliquer au mot «bâtiment» dans la définition d'«immeuble d'habitation». À l'appui de cette allégation, il a fait valoir que deux autres mots au singulier dans la Loi doivent être pris dans leur forme plurielle pour que les dispositions sur les remboursements soient logiques [8] . Un immeuble d'habitation peut donc compter plusieurs bâtiments. L'avocat a alors soutenu que le remboursement de la TVF pour habitations neuves ne doit pas être calculé en fonction de chacun des bâtiments, mais plutôt en fonction de l'ensemble d'un projet comptant une série de bâtiments.

Se reportant à l'avis de détermination auquel est annexée une copie révisée de la demande de remboursement de la TVF pour habitations neuves de l'appelant, l'avocat de l'appelant a soutenu que le Ministre a en fait recalculé le remboursement de l'appelant en fonction de bâtiments multiples. Par exemple, lorsqu'il est question du nombre de logements dans l'immeuble d'habitation en copropriété, la demande de remboursement a été corrigée et porte la mention [traduction] «42 (Phase I seulement)». Comme les 42 logements en copropriété sont répartis dans 10 bâtiments, l'avocat a soutenu que le Ministre a interprété l'expression «immeuble d'habitation en copropriété» comme incluant 10 bâtiments.

À défaut, l'avocat de l'appelant a soutenu que le Ministre est visé par le principe de la préclusion et ne peut évaluer la demande de remboursement de l'appelant d'une façon qui va à l'encontre des observations et des interprétations fournies à l'appelant par les fonctionnaires autorisés de Revenu Canada. À son avis, comme le texte de loi est ambigu, l'interdiction d'imposer une préclusion contre le gouvernement ne s'applique pas.

Quant à la demande révisée de remboursement de la TVF pour habitations neuves, l'avocat de l'intimé a soutenu que le fait de définir «immeuble d'habitation en copropriété» pour y inclure 10 bâtiments de la Phase I était simplement une façon pratique de calculer le remboursement. Quoi qu'il en soit, les observations formulées par des fonctionnaires de Revenu Canada ne peuvent lier le Ministre à une interprétation donnée de la loi et le Tribunal ne peut refuser d'appliquer la loi, même pour des raisons d'équité [9] .

L'avocat de l'intimé a soutenu que le sens usuel et courant du mot «complex» (immeuble) comprend «building [10] » (bâtiment) et que le mot bâtiment est aussi utilisé dans la définition de l'équivalent français «immeuble [11] ». En ce qui a trait à l'application de la pluralité au mot «bâtiment» dans la définition de l'expression «immeuble d'habitation», l'avocat s'est reporté au paragraphe 15(2) de la Loi d'interprétation qui stipule que :

Les dispositions définitoires ou interprétatives d'un texte :

a) n'ont d'application qu'à défaut d'indication contraire;

b) s'appliquent, sauf indication contraire, aux autres textes portant sur un domaine identique.

Selon l'avocat, lorsque le sens précis d'un mot ne concorde pas avec le contexte de la Loi, les règles de la Loi d'interprétation ne doivent pas être appliquées. L'avocat a soutenu que dans le contexte de la Loi, la pluralité du mot «bâtiment» ne devrait pas s'appliquer. Ainsi, l'admissibilité au remboursement de la TVF pour habitations neuves est déterminée en fonction de chacun des bâtiments et non au regard de l'ensemble d'un projet.

L'avocat de l'intimé a reconnu que l'économie des dispositions régissant le remboursement de la TVF pour habitations neuves peut donner lieu à une situation de double imposition. L'appelant n'a cependant pas fait l'objet d'une double imposition. Par exemple, des matériaux de construction n'ont pas été utilisés dans la Phase II du projet Illahee. De plus, en tant que constructeur du projet, l'appelant n'a payé ni la TVF, ni la TPS, la première étant versée par le fabricant des matériaux et la seconde, par l'acheteur d'un logement en copropriété.

Quant aux observations formulées à l'appelant par des fonctionnaires autorisés de Revenu Canada, le Tribunal convient avec l'avocat de l'intimé que de telles observations ne peuvent lier le Ministre à une certaine interprétation de la loi touchant les remboursements.

Pour trancher la question en litige dans le présent appel, le Tribunal doit déterminer si l'expression «immeuble d'habitation en copropriété», utilisée à l'alinéa 121(3)b) de la Loi, s'applique à un seul bâtiment ou si elle peut englober un ensemble de bâtiments comme ceux du projet Illahee. Aucune indication contraire n'étant stipulée dans la Loi, le Tribunal est convaincu que les définitions pertinentes prévues dans la Loi s'appliquent à son interprétation [12] . Étant donné que l'expression «immeuble d'habitation en copropriété» est définie dans la Loi, le Tribunal rejette les arguments invoqués par les deux parties concernant le sens grammatical et courant du mot anglais «complex» et de son équivalent français «immeuble».

En déterminant le sens de l'expression «immeuble d'habitation en copropriété», le Tribunal doit tenir compte de la définition d'«immeuble d'habitation». Bien que la position de l'intimé n'ait pas fait l'objet d'une plaidoirie, cette position, selon laquelle le remboursement de la TVF pour habitations neuves doit être calculé en fonction de chacun des bâtiments, est fondée sur l'utilisation du mot «bâtiment» au singulier dans la définition de l'expression «immeuble d'habitation». L'avocat de l'appelant, quant à lui, a soutenu que le pluriel pouvait s'appliquer au mot «bâtiment» et que, par conséquent, un immeuble d'habitation en copropriété pouvait comprendre plus d'un bâtiment.

En se fondant sur le paragraphe 33(2) de la Loi d'interprétation, la majorité du Tribunal est convaincue que le pluriel peut s'appliquer au mot «bâtiment» et rejette donc l'argument de l'avocat de l'intimé selon lequel le paragraphe 15(2) de la Loi d'interprétation interdit une telle interprétation. Si le pluriel est appliqué, la majorité du Tribunal estime qu'un immeuble d'habitation peut comprendre plus d'un bâtiment. Par conséquent, un immeuble d'habitation en copropriété, comme le projet Illahee, peut également comprendre plus d'un bâtiment.

L'appel est donc admis. La majorité du Tribunal renvoie la question au Ministre pour qu'il réexamine la demande de remboursement de l'appelant relativement à la TVF pour habitations neuves en fonction de la présente décision.

OPINION DISSIDENTE DU MEMBRE BLOUIN

Je ne puis souscrire à la conclusion selon laquelle l'expression «immeuble d'habitation» peut être interprétée de façon à inclure plus d'un bâtiment. Bien que le paragraphe 33(2) de la Loi d'interprétation stipule que le singulier s'applique à la pluralité, je ne suis pas convaincue que le pluriel doit s'appliquer au mot «bâtiment» qui se trouve dans la définition de l'expression «immeuble d'habitation». Par exemple, si le pluriel était appliqué au mot «bâtiment» à l'alinéa a) de la définition de l'expression «immeuble d'habitation», il faudrait apporter de nombreux autres changements à la définition pour qu'elle soit grammaticalement exacte et logique [13] . Compte tenu de l'étendue des changements requis, je suis convaincue que le législateur n'a jamais voulu que le pluriel s'applique à «bâtiment». J'interprète donc l'expression «immeuble d'habitation» comme s'appliquant à un seul bâtiment. Ainsi, il faudrait que le Ministre calcule le remboursement de la TVF pour habitations neuves en fonction de chacun des bâtiments.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L.C. 1990, ch. 45, art. 12, modifiée par L.C. 1993, ch. 27, art. 7.

3. L'alinéa 121(3) b) de la Loi stipule que lorsque la construction d'un immeuble d'habitation en copropriété était achevée à plus de 50 p. 100 au 1 er janvier 1991, 75 p. 100 de la TVF estimative applicable au logement en copropriété est remboursée au constructeur. Les expressions «immeuble d'habitation en copropriété» et «logement en copropriété» sont définies dans la Loi.

4. La loi a été modifiée rétroactivement le 10 juin 1993, supra , note 2.

5. The Oxford Paperback Dictionary , Oxford, Oxford University Press, 1979 à la p. 124.

6. Voir, par exemple, Questions et réponses sur la TPS , administration de l'impôt, produits, biens immeubles, TPS n o 2.E.168, Q11180, révisé en février 1992.

7. L.R.C. (1985), ch. I-21, par. 33(2) qui stipule que «le pluriel ou le singulier s'appliquent, le cas échéant, à l'unité et à la pluralité».

8. L'avocat a fait valoir que le pluriel doit s'appliquer au mot «logement» dans l'expression «logement en copropriété». Par ailleurs, le pluriel doit parfois s'appliquer au mot «partie» utilisé dans la définition d'«immeuble d'habitation».

9. Joseph Granger c. Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada , [1986] 3 C.F. 70, confirmé par [1989] 1 R.C.S. 141.

10. The Concise Oxford Dictionary of Current English , 8 e éd., Oxford, Clarendon Press, 1990 à la p. 233.

11. Le Nouveau Petit Robert , Montréal, DICOROBERT, 1993 à la p. 1129.

12. Loi d'interprétation , supra , note 7, par. 15(2).

13. Il faudrait, par exemple, que le sous-alinéa a )(ii) de la définition de l'expression «immeuble d'habitation» soit libellé à peu près comme suit : «la proportion du fonds sous-jacent aux bâtiments correspondant au rapport entre ces parties constitutives et l'ensemble des bâtiments».


Publication initiale : le 23 mai 1997