MH MEDIA MONITORING LIMITED

Décisions


MH MEDIA MONITORING LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-127

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 7 novembre 1994

Appel no AP-93-127

EU ÉGARD À un appel entendu le 16 mai 1994 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 7 mai 1993 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

MH MEDIA MONITORING LIMITED Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.



Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national qui a eu pour effet de rejeter la demande de remboursement faite par l'appelant relativement à la taxe de vente fédérale qu'il a payée sur des bandes vidéo et sonores pendant la période allant du 1 er novembre 1989 au 31 décembre 1990. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant fabrique ou produit des bandes vidéo et sonores au sens de l'article 50 de la Loi sur la taxe d'accise et si, par conséquent, il est redevable de la taxe de vente fédérale sur le prix de vente de ces bandes.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal conclut que les activités de l'appelant relativement aux bandes vidéo et sonores constituent de la production et que l'appelant est donc redevable de la taxe de vente fédérale sur le prix de vente des bandes, qui comprend les montants exigés pour les bandes et les montants exigés pour les [traduction] «SERVICES DE NOUVELLES DE LA RADIO ET DE LA TÉLÉVISION» enregistrées sur ces bandes. En conséquence, l'appelant n'a pas payé la taxe de vente fédérale par erreur au sens de l'article 68 de la Loi sur la taxe d'accise et n'a donc pas droit à un remboursement.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 16 mai 1994 Date de la décision : Le 7 novembre 1994
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Anthony T. Eyton, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Claude P. Desaulniers, pour l'appelant Pamela D. Owen-Going, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national (le Ministre) qui a eu pour effet de rejeter la demande de remboursement faite par l'appelant relativement à la taxe de vente fédérale (TVF) qu'il a payée sur des bandes vidéo et sonores pendant la période allant du 1er novembre 1989 au 31 décembre 1990. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant fabrique ou produit des bandes vidéo et sonores au sens de l'article 50 de la Loi et si, par conséquent, il est redevable de la TVF sur le prix de vente de ces bandes.

À l'audience, le directeur du bureau de l'appelant situé à Ottawa (Ontario), M. Helmut Turkowsky, a expliqué que l'appelant offre à divers clients, contre rémunération, des services de nouvelles provenant notamment de la presse écrite, de la télévision et de la radio. Le présent appel porte sur les émissions de télévision et de radio copiées par l'appelant, à partir d'une bande originale non modifiée, sur des bandes vidéo ou sonores vierges qu'il remet ensuite aux clients.

M. Turkowsky s'est reporté à deux barèmes de taux utilisés par Documentation Bowdens [2] (Bowdens), un pour 1989 et l'autre pour 1990, pour démontrer la méthode de calcul du prix demandé à un client pour des services de nouvelles de la radio et de la télévision. Ces barèmes indiquent les tarifs imposés aux clients occasionnels et aux abonnés de services de nouvelles de la radio et de la télévision. Dans le cas des clients occasionnels, les tarifs sont fixés pour la première émission sonore, la première émission vidéo, la transcription sans services de nouvelles, plus un montant pour le montage. Pour les abonnés, les tarifs comprennent des frais mensuels pour les services de nouvelles, chaque émission vidéo ou sonore, le service récapitulatif et la transcription sans services de nouvelles, plus un montant pour le montage.

Les barèmes de taux de 1989 et de 1990 indiquent qu'aucun prix n'est exigé pour les bandes sonores, mais qu'un montant de 15 $ est fixé pour les bandes vidéo de types VHS et Beta et qu'un montant de 30 $ est établi pour les bandes vidéo de 3/4 po d'une durée d'au plus 30 minutes. Contrairement au barème de taux de 1990, celui de 1989 précise qu'un montant de 10 $ intégré au prix de la bande vidéo sera remboursé si la bande originale est retournée en bon état dans les 15 jours suivant sa réception. Selon M. Turkowsky, environ 80 p. 100 des clients à Ottawa fournissent leurs propres bandes et ne paient donc pas le montant de 15 $. Cependant, il n'a pu fournir d'estimations pour les autres régions.

M. Turkowsky a également produit trois factures types datées du 31 mai 1990. L'une d'elles portait sur des [traduction] «ENREGISTREMENTS SONORES/VIDÉO» vendus au montant de 26 $, plus la TVF et la taxe de vente provinciale (TVP). Une autre portait sur une [traduction] «PREMIÈRE ÉMISSION VIDÉO», des [traduction] «ÉMISSIONS SONORES ET VIDÉO SUPPLÉMENTAIRES», une [traduction] «BANDE VIDÉO DE ½ po» et des [traduction] «SERVICES DE LIVRAISON — MESSAGERIE», pour des montants de 45 $, 26 $, 15 $ et 13 $ respectivement, plus la TVF et la TVP. La troisième facture portait sur une [traduction] «PREMIÈRE ÉMISSION VIDÉO», une [traduction] «PREMIÈRE 9MISSION SONORE», des [traduction] «BANDES SONORES ET VIDÉO SUPPLÉMENTAIRES», une [traduction] «BANDE VIDÉO DE ½ po» et des [traduction] «SERVICES DE LIVRAISON — MESSAGERIE», pour des montants de 45 $, 38 $, 26 $, 15 $ et 13 $ respectivement, plus la TVF et la TVP.

Selon M. Turkowsky, au cours de la période en cause, les bandes sonores coûtaient entre 0,75 $ et 0,90 $ chacune et les bandes vidéo coûtaient de 3,00 $ à 4,00 $, plus 0,90 $ pour la boîte. Aux fins d'inventaire, il croit que les bandes vidéo neuves valaient 3,00 $, contre 1,50 $ pour les bandes d'occasion.

Le présent appel découle de plusieurs tentatives de la part de l'appelant pour obtenir une décision voulant que les activités qu'il exerce à l'égard des bandes sonores et vidéo ne constituent pas de la fabrication et qu'en conséquence, il n'est pas redevable de la TVF sur ces bandes.

La première tentative en vue d'obtenir une décision a donné lieu à une lettre datée du 8 décembre 1982, dans laquelle Mme Mary Maitland, bureau régional, Interprétation fiscale, Direction de l'Accise, ministère du Revenu national (Revenu Canada), donnait son point de vue sur les activités de l'appelant. Elle précisait que l'appelant fournissait des bandes vidéo en offrant un [traduction] «remboursement au retour de la bande» et qu'il demandait à ses clients une [traduction] «consigne sur les bandes» de 30 $ et un [traduction] «droit d'utilisation» de 5 $. Mme Maitland indiquait également que l'appelant fabriquait les bandes vidéo et qu'à moins que ces dernières ne soient vendues dans des conditions justifiant une exonération, il devait imputer la TVF sur le prix de vente des bandes qui devait comprendre la «consigne sur les bandes» et le «droit d'utilisation». Dans la lettre, Mme Maitland laissait à entendre que si les bandes vidéo étaient retournées, l'appelant pouvait déduire la consigne sur les bandes du montant mensuel de TVF qu'il devait verser.

En réponse à deux demandes présentées par la suite par Taxsave Consultants Limited (Taxsave) au nom de Bowdens pour que Revenu Canada réexamine la décision du 8 décembre 1982, Revenu Canada a ratifié cette décision dans deux lettres datées respectivement du 17 juin 1987 et du 18 mars 1988.

Enfin, dans une lettre datée du 3 octobre 1988, en réponse à une autre demande de Taxsave, M. David A. Crawford de Revenu Canada a déclaré que les [traduction] «frais imposés par Bowdens à ses clients ont trait aux services de nouvelles et que la fourniture de la bande est accessoire». À partir de cet avis, M. Crawford a indiqué que l'appelant est redevable de la TVF [traduction] «en appliquant la formule relative aux marchandises fabriquées ou produites pour le propre usage du fabricant». Cette méthode, qui a été établie par Revenu Canada, est énoncée dans le Mémorandum de l'Accise ET 207 [3] (le Mémorandum ET 207).

En réponse aux questions de l'avocate de l'intimé, M. Turkowsky a convenu que le [traduction] «prix exigé porte sur une partie particulière d'un processus». Ce prix a trait au coût de l'enregistrement, de l'entreposage et de la surveillance des émissions d'information et d'affaires publiques, à la préparation de résumés et de transcriptions, à la main-d'œuvre requise pour l'examen de la bande vidéo originale et des bandes sonores et à la recherche d'émissions particulières. M. Turkowsky a déclaré que la valeur marchande d'une émission sur une bande correspond au montant facturé.

M. Steven Mosher, qui travaillait auparavant à l'Interprétation fiscale, Direction de l'Accise, Revenu Canada, a comparu à la demande de l'avocat de l'appelant. Il a déclaré n'avoir participé que brièvement au dossier en cause en 1987, lorsqu'il a rédigé la lettre du 17 juin 1987 (mentionnée ci-dessus) en réponse à une lettre de Taxsave. M. Mosher a déclaré qu'à son avis, la production des bandes sonores et vidéo représente un élément important des travaux exécutés par Bowdens et que le prix exigé a trait à un produit fini issu d'un processus de fabrication ou de production.

L'avocat de l'appelant a demandé à M. Mosher de se reporter à plusieurs décisions de Revenu Canada, notamment les décisions 1130/16, 1130/13-1, 1125/58-1 et 1130/17-1. M. Mosher a déclaré qu'à sa connaissance, ces décisions ont été appliquées jusqu'au 1er janvier 1991, date d'entrée en vigueur de la taxe sur les produits et services.

Pour ce qui est du Mémorandum ET 207, M. Mosher a expliqué que la méthode de calcul du prix de vente des marchandises fabriquées ou produites pour le propre usage du fabricant est fondée sur le prix coûtant majoré et qu'elle prend en compte le coût des matériaux et de la main-d'œuvre, les frais généraux et une marge appropriée. Il a déclaré que cette méthode vise à fixer un prix à peu près comparable au prix de vente. Il n'a pas été en mesure de confirmer si l'appelant a utilisé une valeur déterminée pour calculer le prix de vente des bandes aux fins de la TVF ou s'il a recouru à la méthode de calcul du prix des marchandises fabriquées ou produites pour le propre usage du fabricant. En outre, ni M. Turkowsky ni l'avocat de l'appelant n'ont été en mesure de confirmer la méthode utilisée par l'appelant pour calculer le montant du remboursement demandé.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a fait valoir que l'article 50 de la Loi, qui impose la TVF sur le prix de vente des marchandises produites ou fabriquées au Canada, ne s'applique pas aux services de nouvelles de l'appelant, car ce dernier offre un service et ne produit ni ne fabrique de marchandises. L'avocat s'est reporté à plusieurs fiches de décision de Revenu Canada. Plus particulièrement, il a invoqué les fiches de décision 1130/16 [4] et 5755/302-1 [5] de Revenu Canada, qui prévoient que la préparation de programmes informatiques est considérée comme un service d'ingénierie et, à ce titre, n'est pas jugée être de la fabrication ou de la production. Il a également invoqué la décision de la Cour d'appel fédérale dans la cause Canadian Wirevision Limited c. La Reine [6] , selon laquelle la distribution de signaux de télévision et de radio à des abonnés ne correspond pas à la vente de marchandises au sens de la disposition pertinente de la Loi de l'impôt sur le revenu [7] . Enfin, l'avocat s'est reporté à la décision de la Commission du tarif dans la cause G.H. Poulin Contractor Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [8] , selon laquelle une grande route n'est pas considérée comme une marchandise au sens de la Loi.

L'avocat de l'appelant a également fait valoir que l'article 50 de la Loi exige seulement que la TVF soit payée à l'égard des marchandises commercialisables qui sont produites ou fabriquées au Canada. Pour appuyer cette affirmation, il s'est reporté aux décisions rendues dans les causes Commission hydroélectrique de Québec c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [9] , La Reine c. Stuart House Canada Limited [10] et G.H. Poulin. Selon l'avocat, vu que les bandes n'ont une valeur que pour les clients qui veulent accéder à l'information précise qu'elles renferment, comme a-t-il soutenu M. Turkowsky l'a affirmé, les bandes n'ont aucune valeur marchande et ne sont donc ni produites ni fabriquées par l'appelant. En outre, l'avocat a soutenu que l'information contenue sur les bandes ne constitue pas un bien tangible.

Par ailleurs, l'avocat de l'appelant a fait valoir que l'entente entre l'appelant et ses clients pourrait être perçue comme un contrat mixte de vente de marchandises et de services et que, le cas échéant, l'appelant ne devrait payer la TVF que sur le produit, c'est-à-dire la bande, et non sur le service, c'est-à-dire l'enregistrement des émissions. L'avocat s'est reporté au Communiqué de l'Accise 187/TI [11] qui, à son avis, prévoit que, dans le cas des contrats à prix forfaitaire pour les marchandises et les services, la TVF s'applique aux services directement attribuables aux marchandises produites et aux illustrations, de même qu'aux consultations y afférentes. Selon l'avocat, lorsque cette disposition est appliquée aux faits dans le présent appel, seul le prix de vente ou le réputé prix de vente des bandes serait assujetti à la TVF.

L'avocat de l'appelant estime que si le Tribunal conclut que l'appelant produit ou fabrique les bandes, la TVF ne doit être appliquée qu'au prix de vente de ces dernières. Étant donné que l'appelant n'exige pas de frais pour les bandes sonores, la TVF n'est pas exigible à cet égard. Dans le cas des bandes fournies par l'appelant, le prix de vente est de 15 $ pour les bandes VHS et Beta et de 30 $ pour une bande vidéo de 3/4 po d'une durée d'au plus 30 minutes. Dans le cas des bandes fournies par les clients, l'avocat a fait valoir que le prix de vente doit être établi conformément à l'article 45.1 de la Loi, qui prévoit que le prix de vente de marchandises fabriquées ou produites à partir d'une matière fournie par une autre personne est réputé le montant exigé pour les marchandises dans le cadre d'un contrat. Étant donné que l'appelant n'exige pas de frais lorsque le client fournit une bande, il ne serait pas redevable de la TVF.

À titre d'argument de rechange, l'avocat de l'appelant a fait valoir que si l'objet principal du contrat, notamment les services de nouvelles, n'est pas taxable, il s'ensuit que la bande bénéficie de la même exonération que celle de l'objet principal du contrat.

L'avocate de l'intimé a soutenu que l'appelant produit ou fabrique les bandes vidéo et sonores. Elle a fait valoir que la question qui consiste à déterminer si l'appelant fabrique les bandes vidéo et sonores doit être fondée sur le critère établi dans la cause Her Majesty the Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limited [12] , c'est-à-dire si les activités exécutées par l'appelant confèrent aux bandes «new forms, qualities and properties or combinations» ([traduction] de nouvelles formes, qualités et propriétés ou une combinaison de formes, de qualités et de propriétés). Elle a fait valoir que les activités de l'appelant à l'égard des bandes vidéo et sonores sont conformes à cette définition de la fabrication.

Pour étayer son point de vue, à savoir que les bandes vidéo et sonores sont fabriquées ou produites, l'avocate de l'intimé s'est reportée à la décision de la Cour fédérale du Canada dans la cause Sa Majesté la Reine c. E.J. Piggott Enterprises Limited [13] , selon laquelle la reproduction de musique et de sons sur une bande sonore à partir d'une bande pré-enregistrée constitue de la production. Elle a également invoqué la décision rendue dans la cause Corporation des Technologies ICAM c. Le ministre du Revenu national [14] , aux termes de laquelle le Tribunal a conclu que la mise au point de logiciels faits sur commande constitue de la fabrication ou de la production de marchandises.

L'avocate de l'intimé a fait valoir que, dans le cadre de l'examen du présent appel, le Tribunal doit tenir compte du fait que la technologie évolue et que les changements influent sur la perception des marchandises et des services. Elle a souligné que l'information est de plus en plus envisagée comme une marchandise commercialisable et, à titre d'exemple, elle a invoqué la vente de bandes vidéo renfermant des bribes de bulletins de nouvelles et de compétitions sportives à valeur récréative ou éducative.

Dans sa contre-argumentation, l'avocat de l'appelant a fait valoir que les faits invoqués dans la cause Piggott étaient différents de ceux du présent appel. Il a soutenu que, contrairement à la cause Piggott, dans le présent appel, l'appelant prend de l'information publique, commune et non modifiée et la copie sur des bandes vidéo et sonores, selon les exigences de clients particuliers.

L'avocate de l'intimé a présenté une requête au Tribunal pour qu'il rejette l'appel, car il n'avait pas la compétence requise pour appliquer la décision rendue par Revenu Canada dans la lettre datée du 3 octobre 1988, et il n'y avait pas suffisamment d'arguments et d'éléments de preuve pour montrer que l'appelant a payé des taxes par erreur et qu'il avait donc droit à un remboursement aux termes de l'article 68 de la Loi.

Dans sa réponse, l'avocat de l'appelant a fait valoir qu'aux termes de l'article 81.19 de la Loi, l'appelant a le droit d'interjeter appel devant le Tribunal. Il a soutenu que l'appel porte sur la détermination voulant que l'appelant fabrique les bandes vidéo et sonores et que le prix de vente de ces bandes est assujetti à la TVF, et que l'appelant ne demande pas au Tribunal d'appliquer la décision du 3 octobre 1988.

Le Tribunal a déclaré qu'il examinerait la question de la compétence dans ses motifs. Par conséquent, avant d'examiner le fond du présent appel, le Tribunal doit d'abord statuer sur la requête. Le Tribunal estime qu'il possède la compétence requise pour examiner le fond du présent appel. Premièrement, aucun élément des présentations faites à l'audience n'indique que l'appelant demande au Tribunal d'appliquer la décision du 3 octobre 1988. Deuxièmement, aux termes des articles 81.17 et 81.19 de la Loi, les contribuables peuvent respectivement s'opposer aux déterminations du Ministre au sujet des demandes de remboursement faites aux termes de l'article 68 de la Loi et peuvent par la suite interjeter appel à l'égard de ces déterminations. La question à savoir si l'appelant s'est acquitté du fardeau de prouver qu'il a payé la TVF par erreur et que, par conséquent, il a droit à un remboursement aux termes de l'article 68 de la Loi, constitue donc une question qui peut être tranchée par le Tribunal dans le cadre du présent appel aux termes de l'article 81.19 de la Loi.

Pour déterminer si l'appelant est redevable de la TVF, il convient de préciser s'il a produit ou fabriqué les bandes au sens de l'alinéa 50(1)a) de la Loi. Si le Tribunal conclut que l'appelant n'a pas produit ou fabriqué les bandes, la TVF payée à l'égard de la vente de ces bandes a été payée par erreur et l'appelant a donc droit à un remboursement de la TVF aux termes de l'article 68 de la Loi.

Afin de décider si l'appelant a produit ou fabriqué ou non les bandes, le Tribunal s'est reporté à la définition suivante du terme «fabrication» tirée de la cause Le ministre du Revenu national c. Dominion Shuttle Company Limited [15] et adoptée par la Cour suprême du Canada dans la décision rendue dans la cause York Marble :

manufacture is the production of articles for use from raw or prepared material by giving to these materials new forms, qualities and properties or combinations whether by hand or machinery [16] .

([Traduction] la fabrication consiste en la production d'articles destinés à certains usages, à partir de matières premières ou préparées, en donnant à ces matières de nouvelles formes, qualités et propriétés, ou une combinaison de formes, de qualités et de propriétés, manuellement ou par machine.)

Le Tribunal s'est également reporté à l'interprétation suivante du terme «production» fournie par la Cour d'appel fédérale dans la cause Le ministre du Revenu national c. Enseignes Imperial Signs Ltée [17] , qui invoquait la cause Gruen Watch Company of Canada Ltd. v. Attorney General of Canada [18] :

Il y a production si ce que fait une personne a pour résultat de produire une chose nouvelle. Et une chose est nouvelle lorsqu'elle peut remplir une fonction que ne pouvaient remplir les choses qui existaient auparavant [19] .

Ces interprétations des termes «fabrication» et «production» ont été appliquées par la Cour fédérale du Canada et par le Tribunal dans plusieurs décisions, dont bon nombre ont été invoquées par les avocats dans le cadre du présent appel. À cet égard, le Tribunal conclut que les faits énoncés dans la cause Piggott ressemblent dans une large mesure à ceux invoqués dans le cadre du présent appel. Dans la cause Piggott, l'appelant copiait de la musique et des sons sur des bandes sonores vierges à partir de bandes originales. La Cour fédérale du Canada est venue à la conclusion que la société «produisait» les bandes renfermant la musique de fond et qu'elle était redevable de la TVF sur les bandes qu'elle avait utilisées pour transmettre la musique et les bandes fournies à ses clients.

De l'avis du Tribunal, la copie d'émissions de télévision et de radio à partir de bandes originales sur des bandes vidéo et sonores respectivement, comme dans la présente cause, revient à copier de la musique de fond sur des bandes sonores, activité qui a été réputée constituer de la production dans la cause Piggott. En copiant des émissions de télévision et de radio sur des bandes, l'appelant améliore la fonction ou le but des bandes. Au départ, les bandes sont vierges et ne peuvent présenter ni communiquer de l'information. Une fois les émissions enregistrées par l'appelant sur les bandes, ces dernières peuvent présenter ou transmettre ces émissions aux clients. Par conséquent, la copie des émissions sur les bandes permet aux bandes d'exécuter une fonction ou d'atteindre un but qu'elles ne pouvaient pas exécuter ou atteindre auparavant.

Aux termes de l'article 50 de la Loi, l'appelant doit payer la TVF sur le prix de vente des bandes qu'il produit. L'expression «prix de vente» définie à l'article 42 de la Loi s'entend du «montant exigé comme prix» avant taxes et «tout montant que l'acheteur est tenu de payer au vendeur en raison ou à l'égard de la vente en plus de la somme exigée comme prix». Le Tribunal a déjà conclu que l'expression «prix de vente» correspond au montant total obtenu par le vendeur à l'égard de la vente de ses marchandises et il a reconnu que le prix de vente peut être supérieur au montant exigé comme prix [20] . Après avoir examiné la définition et les interprétations qui en découlent, le Tribunal est d'avis que le prix de vente des bandes en question comprend le montant exigé pour les bandes et tout montant se rapportant aux [traduction] «SERVICES DE NOUVELLES DE LA RADIO ET DE LA TÉLÉVISION» exigé à l'égard des bandes.

Dans le cas des factures sur lesquelles aucun montant n'est exigé pour une bande parce que le client a fourni la bande, le Tribunal est d'avis qu'aux termes de l'article 45.1 de la Loi, le prix de vente de cette bande correspond au montant que le client paie pour les [traduction] «SERVICES DE NOUVELLES DE LA RADIO ET DE LA TÉLÉVISION». L'article 45.1 de la Loi prévoit ce qui suit :

quiconque fabrique ou produit, dans le cadre d'un contrat visant la main-d'œuvre, des marchandises à partir d'un article ou d'une matière fournis par une personne autre [...] est réputé avoir vendu les marchandises à la date à laquelle elles sont livrées, à un prix de vente égal au montant exigé dans le cadre du contrat pour les marchandises.

De l'avis du Tribunal, un prix demandé à un client pour des services de nouvelles de la radio et de la télévision est exigé à l'égard de la bande fournie par le client et sur laquelle les émissions de radio ou de télévision ont été copiées. Le montant exigé pour les services de nouvelles de la radio et de la télévision est donc assujetti à la TVF.

Ayant déterminé que l'appelant est redevable de la TVF à l'égard des bandes vidéo et sonores, le Tribunal conclut que l'appelant n'a pas payé la TVF par erreur et qu'il n'a donc pas droit à un remboursement aux termes de l'article 68 de la Loi.

Le Tribunal souscrit dans une large mesure à l'argument de l'appelant à savoir qu'il fournit essentiellement le même service que celui de coupures de presse. Cependant, les éléments de preuve révélant que le service de coupures de presse n'a pas été considéré comme taxable ne peuvent constituer un fondement suffisant pour conclure que la copie d'émissions de radio et de télévision sur des bandes vidéo et sonores n'est pas non plus taxable.

En outre, le Tribunal n'admet pas l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel les bandes n'ont aucune valeur marchande. Il est tout à fait vrai que les bandes n'ont pas une grande valeur marchande, mais elles ont certes une certaine valeur pour le client.

Après avoir examiné soigneusement les éléments de preuve et les présentations des parties, le Tribunal est convaincu que l'appelant a produit les bandes vidéo et sonores qu'il a fournies à ses clients et qu'il est donc redevable de la TVF sur le prix de vente de ces bandes.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Documentation Bowdens est exploitée comme une division de MH Media Monitoring Limited.

3. Articles fabriqués ou produits pour le propre usage du fabricant , ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 5 mars 1990.

4. Fabrication ou non : Préparation de disquettes d'ordinateur, placées dans une chemise avec un manuel d'instructions , le 22 décembre 1983.

5. Programmes logiciels - vendus à des institutions d'enseignement , le 30 septembre 1987.

6. [1979] 2 C.F. 164.

7. L.R.C. (1985), ch. 1 (5 e suppl.).

8. (1985), 10 R.C.T. 170.

9. [1970] R.C.S. 30.

10. [1976] 2 C.F. 421.

11. Illustrations publicitaires , ministère du Revenu national, Douanes et Accise, septembre 1989.

12. [1968] R.C.S. 140.

13. Non publié, Cour d'appel fédérale, n o du greffe T-971-71, le 27 novembre 1972.

14. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o 2669, le 27 juin 1991.

15. (1933), 72 C.S. du Québec 15.

16. Supra , note 12 à la p. 145.

17. (1990), 116 N.R. 235, Cour d'appel fédérale, n o du greffe A-264-89, le 28 février 1990.

18. [1950] O.R. 429, [1950] C.T.C. 440.

19. Supra , note 17 à la p. 239.

20. Voir, par exemple, Dure Foods c. Le ministre du Revenu national , appel n o AP-89-158, le 21 novembre 1991, et Sunset Lamp Manufacturing Company Ltd. c. Le ministre du Revenu national , appel n o AP-89-032, le 12 décembre 1991.


Publication initiale : le 22 mai 1997