Dr RITCHIE A.L. YOUNGER

Décisions


Dr RITCHIE A.L. YOUNGER
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-93-107

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 25 avril 1994

Appel no AP-93-107

EU ÉGARD À un appel entendu le 30 novembre 1993 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 10 juin 1993 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

D r RITCHIE A.L. YOUNGER Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est admis.



Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le produit importé par l'appelant, soit deux boules garnies de pointes et reliées chacune à un manche de bois par une chaîne, est une arme prohibée aux termes de l'alinéa 2b) du Décret n o 7 sur les armes prohibées. Aux termes de l'alinéa 2b), l'arme «Morning Star» et toute arme semblable consistant en une boule en métal ou autre matériau lourd, garnie de pointes et reliée à un manche par une longueur de chaîne, de corde ou un autre matériau flexible, sont des armes prohibées.

DÉCISION : L'appel est admis. Une disposition telle que celle en question vise des armes bien précises. Afin d'être semblable et, par conséquent prohibée, une arme doit répondre à chaque critère qui sert à définir cette spécificité. Les éléments de preuve soumis dans la présente cause montrent que le produit en question est une reproduction d'un fléau d'armes de 400 ans constitué de deux boules reliées chacune par une chaîne à un manche. Par conséquent, le produit en question ne relève pas de l'alinéa 2b) du Décret n o 7 sur les armes prohibées.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique) Date de l'audience : Le 30 novembre 1993 Date de la décision : Le 25 avril 1994
Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : D r Ritchie A.L. Younger, pour l'appelant Gilles Villeneuve, pour l'intimé





Il s'agit d'un appel interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise qui a eu pour effet de classer le produit en question, soit deux boules garnies de pointes et reliées chacune à un manche en bois par une chaîne, comme une arme «Morning Star», ci-après désignée «étoile du matin», ou une arme semblable, dont l'importation est interdite au Canada aux termes de l'article 114 du Tarif des douanes [2] .

Il convient de faire remarquer que l'article 114 du Tarif des douanes interdit l'importation des marchandises dénommées ou visées à l'annexe VII de cette loi. Le code 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes renvoie, quant à lui, aux marchandises qui sont des armes prohibées aux fins de la partie III du Code criminel [3] . C'est, toutefois, aux termes de l'alinéa 2b) du Décret n o 7 sur les armes prohibées [4] , adopté en vertu de l'alinéa e) de la définition d'«arme prohibée» donnée au paragraphe 84(1) de la partie III du Code criminel, que le gouverneur en conseil a déclaré armes prohibées l'étoile du matin et toute autre arme semblable.

La seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le produit en question est une arme prohibée au sens de l'alinéa 2b) du Décret n o 7 sur les armes prohibées qui prévoit que :

2. Les armes suivantes sont déclarées armes prohibées :

b) l'arme «Morning Star» et toute arme semblable consistant en une boule en métal ou autre matériau lourd, garnie de pointes et reliée à un manche par une longueur de chaîne, de corde ou autre matériau flexible.

Lors de l'audience, le Dr Ritchie A.L. Younger a témoigné qu'il collectionne des armures du XVIIe siècle et qu'il possède une armure complète du XVIIe siècle. À l'occasion d'un voyage en France à l'automne de 1992, il a acheté le produit en question pour compléter son armure. En réponse à une question du Tribunal, le Dr Younger a indiqué que le produit en question est une reproduction d'un fléau d'armes de 400 ans, conçu pour créer un effet de masse et assommer les personnes portant une armure. Dans sa plaidoirie, le Dr Younger a souligné que l'étoile du matin est utilisée dans les combats et qu'il s'agit d'une arme offensive, alors que le produit qu'il a importé est typique du XVIIe siècle.

Le Tribunal convient avec l'avocat de l'intimé que le fait que le produit en question soit une antiquité n'est pas pertinent dans la présente cause. À l'alinéa e) de la définition d'«arme prohibée» donnée au paragraphe 84(1) de la partie III du Code criminel, le législateur n'a prévu qu'une seule exception, soit celle au regard des armes à feu antiques.

Le Tribunal, toutefois, est en désaccord avec l'avocat de l'intimé qui a qualifié de ridicule l'argument selon lequel toute arme formée de deux boules qui sont reliées chacune à un manche par une chaîne soit exclue de l'application de l'alinéa 2b) du Décret n o 7 sur les armes prohibées en raison du fait que cette disposition ne mentionne qu'«une boule [...] reliée à un manche par une longueur de chaîne». En effet, le Tribunal est d'avis que, dans l'interprétation de l'alinéa 2b) du Décret n o 7 sur les armes prohibées, il faut tenir compte du fait que les décrets sur les armes prohibées ont pour objet de viser des armes très précises. Même si ces décrets contiennent souvent un énoncé concernant des armes semblables, ils visent tout de même un objet bien précis. Le Tribunal considère donc qu'afin d'être semblable et, par conséquent prohibée, une arme doit répondre à chaque critère qui sert à définir cette spécificité. Procéder autrement pourrait simplement consister à s'arroger les fonctions du gouverneur en conseil qui est responsable de la désignation des armes prohibées. Cette approche correspond à celle adoptée par le Tribunal dans la décision qu'il a rendue dans la cause Marc Kemper c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [5] , où il a conclu qu'un appareil qui transmet un courant électrique au niveau des électrodes fixes à une personne lorsqu'il y a contact physique n'est pas un appareil similaire à ceux qui déchargent des fléchettes, ou à tout autre objet qui porte une charge ou une substance électrique.

Dans la présente cause, le Dr Younger a témoigné qu'il a importé une reproduction d'un fléau d'armes de 400 ans constitué de deux boules, chacune étant reliée à un manche par une chaîne. L'avocat de l'intimé n'a, par ailleurs, produit aucun élément de preuve sur ce qu'est en fait une étoile du matin. En se fondant, par conséquent, sur la description d'une arme semblable à une étoile du matin fournie à l'alinéa 2b) du Décret n o 7 sur les armes prohibées, soit une arme consistant en une boule en métal, garnie de pointes et reliée à un manche par une longueur de chaîne, le Tribunal ne peut conclure que le produit en question relève de cette disposition.

À la lumière de ce qui précède, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. C-46.

4. C.R.C., vol. V, ch. 439 à la p. 3153.

5. Appel n o AP-91-113, le 31 janvier 1992.


Publication initiale : le 22 mai 1997