THE SATELLITE STATION

Décisions


THE SATELLITE STATION
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-279

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 15 juillet 1994

Appel no AP-93-279

EU ÉGARD À un appel entendu le 6 avril 1994 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 15 avril 1993 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

THE SATELLITE STATION Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.



Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire de l'appelant datée du 20 décembre 1991 a été rejetée parce que le cachet postal sur l'enveloppe dans laquelle elle a été envoyée portait la date du 7 janvier 1992. La seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la demande de l'appelant est frappée de prescription aux termes du paragraphe 120(8) de la Loi sur la taxe d'accise qui stipule que le Ministre ne verse le remboursement que si demande lui en est faite avant 1992.

DÉCISION : L'appel est admis. Les éléments de preuve secondaires produits par l'avocate de l'intimé comme preuve de la date du cachet postal, soit des notes manuscrites de l'agent chargé de vérifier la demande de remboursement, sont inadmissibles puisque rien ne prouve que l'enveloppe a été perdue et qu'une recherche sérieuse a été faite pour la retrouver. Pour cette raison et compte tenu du témoignage sous serment fourni par le témoin de l'appelant concernant la façon habituelle de procéder pour mettre le courrier à la poste dans le bureau de l'appelant, il est probable que la demande a été mise à la poste le 20 décembre 1991, date à laquelle elle a été signée. Par conséquent, la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire a été faite dans le délai prescrit.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 6 avril 1994 Date de la décision : Le 15 juillet 1994
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Sidney A. Fraleigh, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : C. Christopher DeLeon, pour l'appelant Joanne Newton, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination qui a eu pour effet de rejeter la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) à l'inventaire faite par l'appelant. La détermination a par la suite été ratifiée par le ministre du Revenu national (le Ministre).

La seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire de l'appelant est frappée de prescription aux termes du paragraphe 120(8) de la Loi qui stipule que le Ministre ne verse le remboursement que si demande lui en est faite avant 1992.

Les faits à l'origine du présent appel peuvent être résumés comme suit. Bien que la demande de l'appelant soit datée du 20 décembre 1991, elle a été rejetée parce que le cachet postal sur l'enveloppe dans laquelle elle a été envoyée portait la date du 7 janvier 1992. L'enveloppe a cependant été perdue.

Lors de l'audience, M. C. Christopher DeLeon a témoigné au nom de l'appelant. Il a déclaré que Mme Margaret DeLeon a rempli la demande de remboursement qui a été placée dans une enveloppe-réponse fournie par le ministère du Revenu national (Revenu Canada). L'adresse qui y figurait était celle de London (Ontario) et c'est là que la demande a été envoyée. Revenu Canada l'a avisé ultérieurement que la demande avait été reçue à son bureau de district de Waterloo (Ontario). M. DeLeon a déclaré ne pas savoir qui avait mis l'enveloppe à la poste. Il a expliqué la façon habituelle de procéder pour mettre le courrier à la poste dans le bureau de l'appelant, soit que presque tous les jours, les lettres sont recueillies et des timbres ordinaires y sont apposés manuellement. Elles sont ensuite mises à la poste par quiconque se rend au bureau de poste pour y apporter ou prendre du courrier. Bien qu'il ne disposait pas d'éléments de preuve montrant que la demande a été mise à la poste le 20 décembre 1991, et tout en reconnaissant ne pas l'avoir fait lui-même, M. DeLeon a affirmé néanmoins que la demande a été postée à cette date.

Le Tribunal a aussi entendu le témoignage de M. Jamie Smith, un agent de vérification de Revenu Canada. Dans le cadre de ses fonctions, M. Smith devait traiter les demandes de remboursement de la TVF à l'inventaire. Il a témoigné que la date du cachet postal sur l'enveloppe jointe à la demande était celle du 7 janvier 1992 et il a donc déterminé que la demande n'était pas admissible. Il a expliqué, à cet égard, avoir consigné cette constatation dans son dossier de vérification qui a été déposé en tant que pièce B-2. M. Smith a aussi déclaré dans son témoignage que l'ensemble de la vérification avait été revue par le gestionnaire des vérifications du groupe et que si l'enveloppe ne s'y était pas trouvée, le dossier au complet lui aurait été retourné avec des questions. M. Smith a ajouté que si l'enveloppe avait été adressée au bureau de district de London et reçue par ce dernier, la date aurait été estampillée par ce bureau et l'enveloppe aurait ensuite été envoyée au bureau de district de Waterloo par courrier interne. Dans son témoignage, M. Smith a indiqué que, comme la date estampillée sur la demande porte aussi la mention Kitchener-Waterloo, il suppose que la demande a été reçue directement par le bureau de district de Waterloo. M. Smith ne se souvient pas de l'adresse sur l'enveloppe et a expliqué, lors de l'audience, qu'il se rappelle du cachet postal en raison d'une note écrite sur ses feuilles de travail.

Dans sa plaidoirie, M. DeLeon a soutenu, au nom de l'appelant, qu'aucune directive précise sur la façon de faire la demande n'indiquait qu'elle devait être reçue avant le 1er janvier 1992 ou qu'il fallait prouver qu'elle avait été mise à la poste avant cette date. Il a aussi fait valoir que le fait que la demande ait été envoyée dans une enveloppe-réponse portant l'adresse du bureau de district de London peut expliquer qu'elle ait été égarée et il a soutenu que l'appelant ne devrait pas être pénalisé. En dernier lieu, il a prétendu que ce qui avait été reçu le 7 janvier 1992 au bureau de district de Waterloo n'était pas la demande de l'appelant.

L'avocate de l'intimé a soutenu que la demande de remboursement de l'appelant est frappée de prescription. Elle a souligné que dans la cause Lakhani Gift Store c. Le ministre du Revenu national [2] , le Tribunal a déterminé qu'une demande est faite aux termes de l'article 120 de la Loi le jour où elle a été envoyée par la poste et que la date du cachet fait foi du jour d'envoi. L'avocate a souligné que l'appelant n'a pu fournir d'éléments de preuve contraires. Elle a aussi soutenu que les notes contemporaines de l'agent de vérification sont les meilleurs éléments de preuves disponibles quant à la date à laquelle la demande a été faite. L'avocate a ajouté que, puisque l'enveloppe avait été perdue, le Tribunal doit accepter ces notes comme éléments de preuve secondaires. Finalement, elle a fait valoir que le Tribunal n'a pas la compétence requise pour appliquer les principes d'équité puisqu'il ne dispose que des pouvoirs qui lui sont conférés par sa loi habilitante et d'autres lois.

Le Tribunal considère, tout compte fait, que l'appel doit être admis. Ce faisant, il accorde, de toute évidence, beaucoup de crédibilité au témoin de l'appelant. Le Tribunal considère que le témoignage de M. DeLeon concernant la façon de procéder pour mettre le courrier à la poste dans le bureau de l'appelant a été franc et digne de foi. À cet égard, le Tribunal constate que les explications de l'appelant n'ont absolument pas changé depuis qu'il s'est opposé à la détermination qui a eu pour effet de rejeter la demande. De plus, M. DeLeon a répondu franchement et sans hésiter aux questions posées lors du contre-interrogatoire et par le Tribunal.

Cela ne signifie pas que le témoignage de M. Smith soulève des doutes quant à sa bonne foi au moment de l'audience ou de la vérification. Le Tribunal constate toutefois que selon les procédures établies par Revenu Canada pour le traitement des demandes de remboursement de la TVF à l'inventaire, l'enveloppe dans laquelle la demande a été envoyée devait être conservée. Dans la présente cause, il a été allégué que l'enveloppe a été perdue. L'avocate de l'intimé a donc déposé, à défaut de l'enveloppe avec le cachet postal, les notes contemporaines de l'agent de vérification. Le Tribunal fait remarquer, cependant, que l'avocate n'a fourni aucune explication au sujet de la perte de l'enveloppe malgré, comme il a déjà été mentionné, que la pratique normale soit de conserver de telles enveloppes. De plus, aucun élément de preuve voulant qu'une recherche sérieuse de l'enveloppe ait été effectuée n'a été déposé.

Selon les auteurs de l'ouvrage intitulé The Law of Evidence in Canada, «whether the inference of loss will be drawn by the court depends upon the sufficiency of the evidence of the search made to find it [3] » ([traduction] la Cour pourra conclure qu'il y a eu perte si des éléments de preuve suffisants démontrent que des efforts ont été faits pour retrouver l'article perdu). De plus, dans la cause Beukenkamp c. Le ministre de la Consommation et des Corporations [4] , la Section de première instance de la Cour fédérale avait trouvé inadmissible la production de photocopies de documents originaux parce que, entre autres, il n'existait aucune preuve de la perte des documents originaux et d'une recherche sérieuse effectuée pour les retrouver.

Dans la présente cause, parce que le Tribunal ne dispose pas de l'enveloppe que l'agent de l'intimé se devait de conserver, il ne peut vérifier les allégations de l'appelant selon lesquelles la demande a non seulement été mise à la poste le 20 décembre 1991, mais qu'elle a également été envoyée dans une enveloppe-réponse adressée à Revenu Canada à London, fait qui peut aussi avoir une incidence dans la présente cause. Le Tribunal constate que les éléments de preuve montrent qu'une étiquette d'adresse avec l'adresse du bureau de Revenu Canada à Waterloo, qui devait être apposée sur l'enveloppe-réponse fournie pour faire la demande, a été incorrectement apposée sur le formulaire de demande de remboursement, ce qui peut expliquer pourquoi l'appelant a utilisé une enveloppe portant l'adresse de London. Il s'agit d'inférences tirées à partir des éléments de preuve parce qu'il manque un morceau du casse-tête attribuable à une erreur de l'intimé. Pour ces raisons, et compte tenu du témoignage de M. DeLeon, le Tribunal conclut qu'il est probable que la demande a été mise à la poste à la date à laquelle elle a été signée.

Pour les raisons qui précèdent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP-92-167, le 15 novembre 1993.

3. J. Sopinka, S.N. Lederman, c.r., et A.W. Bryant, Toronto et Vancouver, Butterworths, 1992 à la p. 933.

4. [1973] C.F. 1401 à la p. 1408.


Publication initiale : le 23 mai 1997