HARBOUR SALES (WINDSOR) LIMITED

Décisions


HARBOUR SALES (WINDSOR) LIMITED
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-322

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 4 novembre 1994

Appel no AP-93-322

EU ÉGARD À un appel entendu le 17 juin 1994 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 10 juin 1994 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

HARBOUR SALES (WINDSOR) LIMITED Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.



Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de deux décisions du sous - ministre du Revenu national découlant de deux déterminations de la valeur en douane relativement à certaines marchandises originaires de Taiwan et importées au Canada. La question en litige dans le présent appel consiste à savoir si le sous - ministre du Revenu national a déterminé correctement la valeur en douane des marchandises en cause. La réponse à cette question dépend de l'interprétation des expressions «vendues pour exportation au Canada» et «vente de marchandises pour exportation au Canada», figurant respectivement aux paragraphes 48(1) et (4) de la Loi sur les douanes.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que les paragraphes 48(1) et (4) de la Loi sur les douanes sont clairs et explicites et doivent donc être interprétés selon leur sens clair et courant. Le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause ont été vendues pour exportation au Canada, au sens de ces paragraphes.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 17 juin 1994 Date de la décision : Le 4 novembre 1994
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Anthony T. Eyton, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : John L. Syme
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Brenda C. Swick-Martin et Kenneth H. Sorensen, pour l'appelant Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de deux décisions du sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre) découlant de deux déterminations de la valeur en douane relativement à des bancs de parc et à des carreaux de sol en vinyle importés au Canada.

La question en litige dans le présent appel consiste à savoir si le Sous-ministre a déterminé correctement la valeur en douane des marchandises en cause. Les articles 44 à 55 de la Loi régissent le calcul de la valeur en douane. Le paragraphe 47(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

47. (1) La valeur en douane des marchandises est déterminée d'après leur valeur transactionnelle dans les conditions prévues à l'article 48.

Les passages pertinents des paragraphes 48(1) et (4) de la Loi sont ainsi formulés :

48. (1) Sous réserve du paragraphe (6), la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable.

(4) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer.

Les avocats de l'appelant ont présenté deux possibilités. Premièrement, en déterminant la valeur en douane des marchandises en cause, le Sous-ministre a mal interprété les expressions «vendues pour exportation au Canada» et «vente de marchandises pour exportation au Canada» utilisées à l'article 48 de la Loi. Les avocats ont soutenu que l'erreur du Sous-ministre était attribuable à l'opinion erronée selon laquelle le paragraphe 48(1) de la Loi vise implicitement une vente conclue entre une entité non-résidente et une entité résidente au Canada. À défaut, ils ont soutenu que, même si le Sous-ministre avait raison d'affirmer que le paragraphe 48(1) de la Loi fait appel à la notion de résidence, les faits de la présente cause indiquent que l'appelant a résidé au Canada tout au long de la période en question.

M. Henry S. Muroff, un actionnaire et directeur de la société Harbour Sales (Windsor) Limited, a témoigné en faveur de l'appelant. M. Muroff a déclaré que l'appelant avait été constitué en société en 1964 et qu'il détenait 50 p. 100 des actions de l'appelant. Les autres actionnaires sont M. Solomon Nivy et Mme Eliza Nivy, qui détiennent chacun 25 p. 100 des actions. L'appelant assure l'importation directe de matériaux de construction.

M. Muroff a déclaré que les tâches administratives liées aux activités journalières de l'appelant sont exécutées dans les bureaux de la société Harbor Sales Company (HSC), de Troy (Michigan), qui appartient à M. et Mme Nivy. Il a souligné que cette façon de faire avait été adoptée pour des raisons économiques. Il a expliqué que, lorsque l'appelant est entré en activité, son capital était très limité. Par conséquent, au lieu d'ouvrir un bureau réservé à l'appelant, les actionnaires ont décidé de recourir aux services administratifs offerts par HSC, une société établie exerçant des activités commerciales semblables à celles de l'appelant. M. Muroff a expliqué que les frais d'exploitation du bureau de Troy étaient répartis au prorata, d'après le volume des ventes, entre l'appelant et HSC. Il a ajouté que tous les documents relatifs aux ventes de l'appelant étaient conservés séparément de ceux concernant les ventes de HSC. Il a déclaré que l'appelant avait deux comptes bancaires et que ses fonds et ceux de HSC n'étaient jamais confondus. Il a de plus indiqué que l'appelant, à titre de société constituée sous le régime des lois de l'Ontario, paie l'impôt sur le revenu au Canada.

Les deux transactions faisant l'objet du présent appel sont similaires à certains égards et soulèvent donc des questions juridiques analogues. C'est pourquoi les avocats de l'appelant ont décidé de considérer la transaction portant sur les carreaux de sol comme un exemple caractéristique des deux transactions.

M. Muroff a déclaré qu'en novembre 1990, Burlington Imports and Distributors (Burlington) a commandé les carreaux de sol à l'appelant. Le 26 novembre 1990, le fabricant étranger des carreaux de sol a transmis à l'appelant une facture pro forma relativement aux carreaux de sol. Le 29 janvier 1991, une lettre de crédit a été émise au nom de l'appelant par sa banque relativement à l'achat des carreaux de sol. Le 1er mars 1991, le fabricant étranger a transmis à l'appelant une facture relativement aux carreaux de sol. La facture précisait que la vente des carreaux de sol constituait un [traduction] «risque propre» de l'appelant et que les carreaux de sol seraient expédiés de Keelung (Taiwan) à Toronto (Canada). Le 3 mars 1991, UCB Services de fret (UCB) a remis un connaissement direct à l'appelant couvrant l'expédition des carreaux de sol de Keelung à Toronto. Le 4 mars 1991, HSC a transmis deux factures à Burlington pour le compte de l'appelant. M. Muroff a expliqué que le numéro de ces deux factures était précédé de la lettre «C» pour préciser qu'elles portaient sur les ventes de l'appelant et non sur celles de HSC. L'institution bancaire de l'appelant a ensuite remis à l'appelant des états de compte indiquant que son compte bancaire avait été crédité du montant reçu de Burlington en règlement de l'achat des carreaux de sol.

Au cours du contre-interrogatoire, l'avocat de l'intimé a examiné divers aspects des activités de l'appelant, et plus particulièrement l'ampleur de ses activités au Canada. M. Muroff a indiqué que le bureau d'affaires de l'appelant au Canada était situé dans les bureaux de l'un de ses administrateurs. Il a admis que l'appelant ne comptait aucun employé à ce bureau. Il a ajouté que le numéro de téléphone de l'appelant indiqué dans l'annuaire correspondait à celui de HSC et que les appels étaient reçus par un employé de HSC. M. Muroff a volontiers reconnu que certaines tâches administratives étaient accomplies pour le compte de l'appelant dans les bureaux de HSC par les employés de cette dernière.

Pour ce qui est des activités de l'appelant au Canada, M. Muroff a déclaré que, en qualité de gestionnaire, il devait trouver des produits susceptibles d'attirer l'attention des clients de l'appelant et identifier des produits potentiels à ses agents de vente. M. Muroff a indiqué que l'appelant avait toujours eu au moins un agent de vente au Canada. L'avocat de l'intimé a également interrogé M. Muroff à propos d'une facture de l'Agence en Douane United émise à «Harbor Sales» relativement à des services fournis en marge de l'importation des bancs de parc au Canada. M. Muroff a répondu que la facture avait été émise par erreur. Au cours du réinterrogatoire ultérieur, M. Muroff a précisé que même si la facture avait été transmise à HSC, elle était destinée à l'appelant, dont le nom figurait d'ailleurs sur la facture.

Les avocats de l'appelant ont cité à comparaître, à titre de témoin, Mme Yona Nivy. Elle a indiqué qu'elle travaillait pour HSC. Mme Nivy a confirmé que l'appelant avait ses propres comptes bancaires. Elle a reconnu que les notes manuscrites sur la facture susmentionnée de l'Agence en Douane United à «Harbor Sales» étaient de sa main et a déclaré qu'elles signifiaient que la facture avait été réglée par chèque tiré sur l'un des comptes bancaires de l'appelant.

Les avocats de l'appelant ont également convoqué M. Robert L. Turnbull qui, par le passé, a agi à titre d'agent de vente pour le compte de l'appelant. M. Turnbull a déclaré que toutes les ventes qu'il avait conclues au Canada l'avaient été pour le compte de l'appelant, même si elles étaient traitées par le personnel de HSC. Il a ajouté que l'appelant lui versait sa commission sur les ventes. Au cours du contre-interrogatoire, M. Turnbull a affirmé que, même s'il avait travaillé comme agent de vente à commission pour d'autres entreprises, 95 p. 100 de son revenu provenait du travail effectué pour le compte de l'appelant. Il a ajouté que, pendant qu'il travaillait pour l'appelant, il discutait couramment avec M. Nivy et traitait rarement avec M. Muroff.

En dernier lieu, les avocats de l'appelant ont convoqué M. William H. Richards, un employé du ministère du Revenu national (Revenu Canada). M. Richards est l'agent de l'évaluation en douane dont le nom figure dans la décision du Sous-ministre à l'égard des carreaux de sol. Les avocats ont interrogé M. Richards au sujet de son rôle dans cette affaire et, plus précisément, dans le processus décisionnel. Les parties ont permis à M. Richards de verser au dossier une déclaration qu'il avait préparée et qui décrit une conversation qu'il a eue avec M. Brian Tucker, contrôleur adjoint de Cashway Building Centres [2] (Cashway), au sujet des rapports entre Cashway et HSC. Pour l'essentiel, M. Tucker a déclaré à M. Richards que Cashway achète d'importantes quantités de marchandises de HSC de façon soutenue et que Cashway ne traite pas avec l'appelant.

Dans leur plaidoirie, les avocats de l'appelant ont soutenu que la question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la valeur en douane des marchandises en cause doit être calculée sur le prix payé par l'appelant aux fabricants étrangers ou sur le prix payé à l'appelant par Burlington et Cashway. Pour répondre à cette question, les avocats ont déclaré que le Tribunal doit interpréter l'expression «vendues pour exportation au Canada» qui figure au paragraphe 48(1) de la Loi.

Les avocats de l'appelant ont déclaré que la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans la cause Stubart Investments Limited c. Sa Majesté la Reine [3] est la principale source d'interprétation des lois fiscales. Les avocats ont soutenu que l'approche adoptée par la Cour suprême du Canada dans la cause Stubart, dite approche des «mots dans leur contexte global», exige que les termes d'une loi soient lus dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur. Les avocats ont également attiré l'attention du Tribunal sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans la cause Canada c. Antosko [4] qui, à leur avis, a apporté une précision importante à l'approche énoncée dans la cause Stubart. Les avocats ont soutenu que, dans la cause Antosko, la Cour suprême du Canada a déclaré que, pour l'application de l'approche des «mots dans leur contexte global», si les termes en question utilisés dans la loi sont jugés clairs et explicites, il n'y a pas lieu de vérifier l'objet sous-jacent de la loi ou l'intention sous-jacente du législateur.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que, d'après le sens ordinaire des termes qui y sont employés, le paragraphe 48(1) de la Loi astreint le calcul de la valeur transactionnelle à deux conditions : premièrement, des marchandises doivent avoir été vendues et, deuxièmement, elles doivent avoir été vendues pour exportation au Canada. Les avocats ont ajouté que, selon la preuve, il est évident que les marchandises en cause ont été vendues à l'appelant par les fabricants étrangers pour être exportées au Canada. À l'appui de ce dernier point, les avocats ont souligné le fait que, d'après les factures préparées par les fabricants relativement aux marchandises en cause, les marchandises devaient être expédiées de Keelung à Toronto. Ils ont également souligné le fait que les connaissements, les factures de transport et les instructions à UCB précisent systématiquement que les marchandises en cause devaient être expédiées de Taiwan au Canada.

Finalement, comme solution de rechange, les avocats de l'appelant ont soutenu que si le Tribunal est disposé à admettre la position du Sous-ministre voulant que le paragraphe 48(1) de la Loi renferme une exigence implicite de résidence, l'appelant, qui réside au Canada, satisfait cette exigence.

L'avocat de l'intimé a soutenu que le principal point en litige dans le présent appel est le sens de l'expression «vendues pour exportation au Canada». À son avis, des marchandises sont destinées à être exportées au Canada lorsqu'elles sont vendues à un acheteur qui s'y trouve. C'est cette vente qui, a-t-il soutenu, donne lieu à l'exportation des marchandises au Canada. À l'appui de sa position, l'avocat de l'intimé a attiré l'attention du Tribunal sur un rapport de la Commission du tarif ayant trait à l'évaluation en douane [5] . Dans son rapport, la Commission du tarif examine le libellé proposé du paragraphe 37(1) de la Loi, selon lequel :

la valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle au moment de la vente pour l'exportation au Canada à un acheteur qui s'y trouve [6] .

L'avocat de l'intimé a soutenu que, dans son rapport, la Commission du tarif déclare que les mots «vente [...] au Canada à un acheteur qui s'y trouve» sont superflus et, partant, recommande qu'ils soient supprimés. L'avocat a soutenu que la position de la Commission du tarif appuie celle du Sous-ministre voulant que les mots «vente [...] au Canada à un acheteur qui s'y trouve» fassent implicitement partie de la disposition.

L'avocat de l'intimé a également invité le Tribunal à tenir compte du Mémorandum D13-4-2 [7] (le Mémorandum) s'il est d'avis que le paragraphe 48(1) de la Loi est ambigu. L'avocat a cité au Tribunal plusieurs exemples contenus dans le Mémorandum et qui, de l'avis de l'avocat, appuient tous la position du Sous-ministre selon laquelle la valeur en douane correspond au prix pay 9‚ par un acheteur au Canada à un vendeur à l'extérieur du Canada.

L'avocat de l'intimé a soutenu que HSC a vendu les marchandises en cause à Burlington et à Cashway pour exportation et que l'appelant n'a pris aucune part active dans ces transactions. Comme solution de rechange, l'avocat a déclaré que si le Tribunal est disposé à conclure que l'appelant a pris une part active dans ces transactions, ce dernier ne doit pas être considéré comme un vendeur canadien ou un vendeur au Canada.

Le Tribunal reconnaît que le principal point en litige dans le cadre du présent appel est le sens qu'il convient d'attribuer aux mots figurant aux paragraphes 48(1) et (4) de la Loi. Les avocats de l'appelant ont affirmé que, pour interpréter ces dispositions, le Tribunal doit utiliser l'approche en matière d'interprétation des lois fiscales adoptée par la Cour suprême du Canada dans la décision qu'elle a rendue dans la cause Antosko. Dans cette cause, en statuant que les appelants pouvaient déduire certains montants dans le calcul de leur revenu, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

En l'absence d'une preuve que l'opération est un trompe - l'œil ou qu'elle représente un abus des dispositions de la Loi, il n'appartient pas à un tribunal de déterminer si elle rend le contribuable admissible à une déduction. Si les conditions de l'article sont remplies, le contribuable peut l'invoquer et il est loisible au législateur de lui interdire expressément de les invoquer à l'avenir dans de telles situations [8] .

Au fait, la veille de la publication de la décision rendue dans la cause Antosko, la Cour suprême du Canada a publié la décision qu'elle a rendue dans la cause Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon - Secours [9] , qui porte également sur l'interprétation des lois fiscales et dans laquelle elle réitère l'approche des «mots dans leur contexte global» adoptée dans la cause Stubart. Après avoir cité un extrait de sa décision dans la cause Sa Majesté la Reine c. Phyllis Barbara Bronfman Trust [10] , la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

Il ne fait plus de doute, à la lumière de ce passage, que l'interprétation des lois fiscales devrait être soumise aux règles ordinaires d'interprétation. Driedger, à la p. 87 de son volume Construction of Statutes (2 e éd. 1983), en résume adéquatement les principes fondamentaux : [Traduction] «... il faut interpréter les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur». Primauté devrait donc être accordée à la recherche de la finalité de la loi, que ce soit dans son ensemble ou à l'égard d'une disposition précise de celle - ci.

Compte tenu de la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Antosko, le Tribunal est d'avis que, lorsque le libellé d'une disposition d'une loi fiscale est clair et explicite et qu'un contribuable tombe manifestement sous le coup de cette disposition, en l'absence d'un trompe-l'œil, le contribuable peut se prévaloir de l'avantage que lui confère la disposition. Toutefois, selon la cause Québec (Communauté urbaine), lorsque la loi est ambiguë, l'approche des «mots dans leur contexte global» requiert un examen plus poussé de l'objet de la loi et de l'intention du législateur.

Le Tribunal doit interpréter l'expression «vendues pour exportation au Canada» selon son utilisation au paragraphe 48(1) de la Loi, et l'expression «vente de marchandises pour exportation au Canada» selon son utilisation au paragraphe 48(4) de la Loi. Le Tribunal convient avec l'avocat de l'intimé que, s'il estime que les paragraphes 48(1) et (4) de la Loi sont ambigus, il peut consulter diverses autres sources pour dégager l'objet de ces dispositions et l'intention du législateur lorsqu'il les a édictées. Or, le Tribunal est d'avis que les paragraphes 48(1) et (4) de la Loi ne sont pas ambigus et doivent, à la lumière de la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Antosko, être interprétés selon leur sens clair et courant.

En l'occurrence, il ne fait aucun doute que les marchandises en cause ont été vendues. Selon les éléments de preuve dont dispose le Tribunal relativement à ces ventes :

1) chacun des fabricants des marchandises en cause a envoyé à l'appelant des factures pro forma confirmant ses commandes;

2) chacun des fabricants a ensuite facturé l'appelant relativement aux ventes, les deux factures précisant clairement que l'acheteur était l'appelant et que les marchandises constituaient le risque propre de l'appelant;

3) une lettre de crédit a été établie au nom de l'appelant en marge des deux transactions d'achat et de vente;

4) la banque de l'appelant a ensuite émis deux avis de débit à l'appelant pour lui signaler qu'elle avait débité son compte du montant correspondant au prix d'achat des carreaux de sol et des bancs.

Sur la foi des éléments de preuve, le Tribunal est d'avis que chacun des fabricants a vendu les marchandises en cause à l'appelant. Le fait qu'une bonne partie des tâches administratives liées à ces transactions ont été remplies par des employés de HSC ne modifie en rien la position du Tribunal. L'appelant n'a jamais cherché à dissimuler le fait que ces tâches étaient accomplies par HSC. Le Tribunal trouve raisonnable l'argument d'économie invoqué par l'appelant pour justifier cette façon de faire. Le Tribunal fait remarquer, en outre, que l'appelant avait des comptes bancaires distincts de ceux de HSC et que les méthodes comptables utilisées empêchaient toute confusion quant à l'attribution des ventes à l'une ou à l'autre société. Enfin, même si une bonne partie des tâches administratives liées à ces transactions ont été remplies par des employés de HSC, c'est l'appelant qui était légalement redevable du paiement des marchandises en cause et qui assumait les risques en cas de perte ou de dommage pendant leur transport.

La seule autre question en litige consiste à déterminer si les marchandises en cause vendues à l'appelant étaient destinées à l'exportation au Canada. À ce propos, les factures pro forma et finales des fabricants, le connaissement et les factures de UCB et les documents des douanes canadiennes indiquent tous que les marchandises en cause devaient être exportées de Keelung et livrées à Toronto. L'appelant a obtenu le droit de propriété des marchandises des fabricants alors que celles-ci se trouvaient à Taiwan. Les marchandises en cause ont ensuite été exportées directement de Taiwan au Canada. Avant leur importation au Canada, les marchandises en cause n'ont fait l'objet d'aucune opération commerciale dans un autre pays et leur propriété n'a été cédée à aucune autre personne. En d'autres termes, rien ni personne n'a interrompu l'exportation des marchandises en cause entre Taiwan et le Canada. Après l'importation, l'appelant a cédé la propriété des marchandises en cause à Burlington et à Cashway. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ont été vendues pour exportation au Canada.

Le Tribunal n'a pas abordé la question qui consiste à déterminer si l'appelant réside au Canada. À son avis, les dispositions pertinentes de la Loi n'imposent aucune exigence quant à la résidence. À l'appui de son argument voulant que les dispositions renferment effectivement une telle exigence, l'avocat de l'intimé a invité le Tribunal à examiner le rapport de la Commission du tarif. Il a fait remarquer que la Commission du tarif recommandait de supprimer les mots «vente [...] au Canada à un acheteur qui s'y trouve» parce qu'elle les jugeait superflus. Pour cette raison, l'avocat a déclaré que les paragraphes 48(1) et (4) de la Loi doivent néanmoins être interprétés comme s'ils imposent une exigence en matière de résidence. Le Tribunal estime toutefois que, pour dégager le véritable fondement de la recommandation de la Commission du tarif, il importe de lire la totalité de son commentaire sur cette question. Or, le passage suivant figure aux pages 62 et 63 du rapport de la Commission du tarif :

On a fait valoir devant la Commission que l'application de ces mentions à un «acheteur qui s'y trouve» (au Canada) pouvait créer des problèmes lorsque les marchandises sont en fait achetées par un importateur étranger ou non - résident. Bien que la Commission trouve difficile de concevoir des situations où il n'y aurait pas d'importateur ou d'agent au Canada qui serait responsable des marchandises, elle reconnaît que la terminologie employée dans les dispositions en question puisse porter à confusion. De l'avis de la Commission, les mots «by a vendor to a purchaser in Canada» («vente ... au Canada à un acheteur qui s'y trouve»), qui sont la cause du problème, sont superflus et n'ajoutent rien à l'intention du texte.

Le Tribunal est d'avis que la Commission du tarif a admis la légitimité d'un importateur non-résident, mais doutait uniquement qu'une telle situation se pose. La Commission du tarif a recommandé la suppression des mots en cause pour éliminer toute confusion quant à l'existence d'une exigence en matière de résidence au cas où ladite situation devait se poser. À propos de la question de résidence, le Tribunal fait également remarquer que le Canada a signé l'Accord relatif à la mise en œuvre de l'article VII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce [11] , dont la partie I établit les règles de l'évaluation en douane. Or, aucune de ces règles n'exige que, aux fins du calcul de la valeur en douane, l'importateur des marchandises réside dans le pays où les marchandises sont importées.

Compte tenu de ce qui précède, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. Cashway est la société qui est présumée avoir acheté les bancs de l'appelant.

3. [1984] 1 R.C.S. 536.

4. [1994] 2 R.C.S. 312.

5. Renvoi n o 159, Rapport d'une enquête par la Commission du tarif ayant trait à l'Accord du GATT sur l'évaluation en douane, Partie 1, Avant - projet sur les modifications à apporter à la Loi sur les douanes , le 27 mars 1981.

6. Ibid. à la p. 62.

7. Mémorandum D13-4-2 révisé, Valeur en douane : Marchandises «Vendues pour exportation au Canada» (Loi sur les douanes, article 48) , ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 21 août 1989.

8. Supra , note 4 à la p. 328.

9. Non publié, [1994] A.C.S. n o 78, le 30 septembre 1994.

10. [1987] 1 R.C.S. 32.

11. Signé à Genève le 12 avril 1979.


Publication initiale : le 26 mai 1997