GERRARD-OVALSTRAPPING, DIVISION DE EII LIMITÉE

Décisions


GERRARD-OVALSTRAPPING, DIVISION DE EII LIMITÉE
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel No. AP-93-289

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 26 septembre 1994

Appel No. AP-93-289

EU ÉGARD À un appel entendu le 15 avril 1994 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le ministre du Revenu national le 18 août 1993 concernant des avis d'opposition signifiés aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

GERRARD - OVALSTRAPPING, DIVISION DE EII LIMITÉE Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.



Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre présidant

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant est le fabricant légal de certains feuillards de plastique et, à ce titre, redevable de la taxe de vente fédérale sur le prix de vente des marchandises. Dans la négative, l'appelant a droit au remboursement des sommes d'argent versées par erreur qui ont été prises en compte à titre de taxes aux termes de la Loi sur la taxe d'accise. L'avocat de l'intimé a prétendu que l'appelant, à titre de fabricant légal des feuillards, est redevable de la taxe de vente fédérale aux termes de l'alinéa 2(1)b) de la Loi sur la taxe d'accise. Comme argument de rechange, l'avocat a soutenu que l'appelant et Plastex Extruders Inc. constituent une unique entité commerciale. À ce titre, Plastex Extruders Inc. agit comme mandataire de l'appelant pour la fabrication des feuillards de plastique et aucune vente de feuillards ne peut être réalisée entre les deux parties.

DÉCISION : L'appel est admis. Selon le Tribunal, pour qu'une personne, une firme ou une personne morale soit considérée comme un fabricant légal aux termes de l'alinéa 2(1)b) de la Loi sur la taxe d'accise, deux conditions doivent être remplies : 1) la personne, la firme ou la personne morale doit posséder, détenir, réclamer ou employer un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou autre droit à des marchandises en cours de fabrication et 2) les marchandises doivent être fabriquées par elle, en son nom, soit pour d'autres ou en son nom par d'autres. Le Tribunal a constaté que l'appelant détient un droit de vente relatif aux feuillards fabriqués par Plastex Extruders Inc. conformément à une entente conclue entre lui - même et Plastex Extruders Inc. Toutefois, un véritable lien vendeur - acheteur existait entre les parties et, à ce titre, la deuxième condition n'a pas été remplie. Quant à l'argument de rechange présenté par l'avocat de l'intimé, les deux parties ne représentaient pas une unique entité commerciale étant donné que le lien entre elles pouvait à juste titre être qualifié de lien entre un vendeur et un acheteur.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 15 avril 1994 Date de la décision : Le 26 septembre 1994
Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant Charles A. Gracey, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Robert G. Kreklewetz, pour l'appelant F.B. Woyiwada, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard de deux déterminations du Ministre du Revenu national (le Ministre) qui ont eu pour effet de rejeter deux demandes de remboursement de sommes prétendument versées par erreur à titre de taxes.

Les marchandises en question sont des feuillards de plastique utilisés pour les emballages. L'appelant a payé la taxe de vente fédérale (TVF) sur le prix de vente des marchandises. Toutefois, s'estimant le distributeur des feuillards, l'appelant a jugé que son assujettissement à la TVF était fondé sur le prix d'achat des marchandises. Par conséquent, le 12 juin 1990 et le 11 mai 1991, l'appelant a fait des demandes de remboursement de la TVF payée sur la différence entre son prix d'achat et son prix de vente des feuillards pour la période allant du 1er mai 1988 au 31 décembre 1990.

Les demandes de remboursement ont été rejetées pour le motif que l'appelant était [traduction] «réputé être le fabricant légal [des feuillards] aux termes de l'alinéa 2(1)b) de la Loi sur la taxe d'accise». Le Ministre a rejeté les avis d'opposition aux déterminations parce que l'appelant [traduction] «possédait, détenait ou réclamait des droits de vente sur les feuillards au moment où ils étaient en cours de fabrication». Gerrard-Ovalstrapping, division de EII Limitée a ensuite interjeté appel des déterminations auprès du Tribunal.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant est le fabricant légal des feuillards de plastique et, à ce titre, redevable de la TVF sur le prix de vente des marchandises. Dans la négative, l'appelant a droit au remboursement des sommes versées par erreur qui ont été prises en compte à titre de taxes aux termes de la Loi.

Voici les dispositions pertinentes de la Loi qui s'appliquent en l'espèce :

50. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente [...] sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a) produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable [...] par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre.

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

«fabricant ou producteur» Y sont assimilés :

b) toute personne, firme ou personne morale qui possède, détient, réclame ou emploie un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou autre droit à des marchandises en cours de fabrication, soit par elle, en son nom, soit pour d'autres ou en son nom par d'autres, que cette personne, firme ou personne morale vende, distribue, consigne ou autrement aliène les marchandises ou non.

Le premier témoin convoqué au nom de l'appelant a été M. Jack E. White, président et directeur général de l'appelant [2] , qui occupait ce poste également au cours de la période visée par les demandes de remboursement. Il a indiqué au Tribunal que l'appelant est un fournisseur de systèmes, de matériel et de feuillards servant à emballer, à fardeler et à lier divers produits. Dans le cadre de cette entreprise, l'appelant vend des feuillards de plastique et du matériel connexe. La plupart des feuillards de plastique sont achetés à Plastex Extruders Inc. (Plastex). Au cours de la période en question, M. White était également directeur général de Plastex.

Avant 1977, l'appelant comblait ses besoins en feuillards auprès d'importateurs. Toutefois, pour vendre efficacement des feuillards, il lui a fallu trouver un fournisseur au Canada [3] . Après l'échec de pourparlers avec le seul fabricant canadien, l'appelant a cherché à l'étranger un fabricant prêt à établir une installation de fabrication au Canada. En avril 1977, l'appelant a conclu une entente (l'entente) avec Plastic Extruders Limited du Royaume-Uni (Plastic-R.-U.) en vue de la création de Plastex et de l'établissement d'une installation de fabrication de feuillards de plastique au Canada.

Reprenant les modalités de l'entente, M. White a expliqué que Plastex appartient à 60 p. 100 à l'appelant et à 40 p. 100 à Plastic-R.-U. L'appelant peut donc nommer trois des cinq administrateurs de Plastex [4] . À titre de contribution à la nouvelle entreprise, Plastic-R.-U. a fourni le matériel d'extrusion pour la fabrication des feuillards, l'expertise pour la supervision de l'installation et de la mise en service de Plastex, ainsi que l'expérience technique et les connaissances nécessaires à l'exploitation du matériel. Bien que cette modalité n'ait pas été prévue à l'entente, l'appelant louait à Plastex des locaux dans ses installations à la juste valeur marchande. En outre, Plastex devait acquitter une part des coûts de chauffage, d'éclairage et d'approvisionnement en eau de l'installation.

Selon les modalités de l'entente, l'appelant devait fournir à Plastex, contre rémunération, plusieurs services de gestion, dont la supervision de la production. M. White a expliqué que, toutefois, l'appelant n'a jamais supervisé la production ni imputé d'honoraires de gestion. Il a plutôt fourni des services administratifs, dont le calcul des paies, l'émission des chèques de paie aux employés de Plastex [5] , l'émission des bons de commande au nom de Plastex [6] ainsi que la tenue de registres comptables, de relevés bancaires et de comptes de banque distincts pour Plastex. En contrepartie, l'appelant impute à Plastex les coûts liés à la prestation de ces services.

Aux termes de l'entente, l'appelant a été nommé distributeur unique et exclusif en Amérique du Nord des feuillards produits par Plastex [7] . Les feuillards doivent être vendus à un prix [traduction] «concurrentiel à celui de produits semblables offerts par d'autres fabricants à des clients avec lesquels ils n'ont pas de lien de dépendance [8] ». L'entente prévoit un mécanisme aux termes duquel Plastic-R.-U. peut faire revoir le prix par un arbitre si elle l'estime non concurrentiel. Toutefois, selon M. White, ce mécanisme n'a jamais été utilisé. M. White a témoigné que l'appelant ne détient aucun brevet ni aucune marque de commerce concernant les feuillards et ne possède pas non plus de droits sur les feuillards en cours de fabrication.

Pour illustrer dans quelle mesure Plastex est une entreprise distincte, M. White a informé le Tribunal que cette entreprise possède son propre numéro de téléphone, son propre papier à en-tête, son propre panneau commercial, ses propres factures, sa propre marge de crédit auprès d'une banque (aucune participation réciproque), ses propres comptes de banque, ses propres chèques et ses propres livres-journaux. En outre, Plastex s'acquitte elle-même des primes d'assurance sur ses biens et produit sa propre déclaration de revenus.

Le deuxième témoin convoqué au nom de l'appelant a été M. Ken Hillier, l'actuel gestionnaire des opérations de Plastex. M. Hillier a décrit des éléments tels ses responsabilités quotidiennes à titre de gestionnaire de Plastex, les différences entre la politique de Plastex et celle de l'appelant, la fabrication de feuillards, le contrôle qu'il exerce sur le calendrier de production, la vente de feuillards à l'appelant, les ventes de feuillards à Ovalstrapping Inc, les commandes de matières premières par Plastex et le paiement de celles-ci, les lettres de transport et les factures adressées à Plastex pour la livraison de la résine plastique, ses rapports avec son supérieur immédiat et ses relations d'affaires avec M. White. Il a indiqué au Tribunal que Plastex dirige ses propres opérations, y compris la fabrication des feuillards.

En ce qui a trait à la vente des feuillards, M. Hillier a expliqué que l'appelant est informé après qu'une palette de caisses de feuillards est remplie et que le contrôle de la qualité du produit est effectué. L'appelant vient immédiatement chercher la palette et prend alors possession des marchandises, car Plastex ne garde aucun inventaire. Les feuilles de production sont remplies quotidiennement et remises chaque semaine à l'appelant. Ce dernier reçoit ensuite une facture mensuelle pour les feuillards.

L'avocat de l'appelant a reconnu que, si le Tribunal conclut que l'appelant et Plastex forment une unique entité commerciale ou que les dispositions de l'alinéa 2(1)b) de la Loi s'appliquent, l'appelant devra payer la taxe sur son prix de vente des feuillards plutôt que sur son prix d'achat de ces marchandises.

L'avocat de l'appelant a expliqué que l'argument de l'unique entité commerciale est fondé sur l'hypothèse selon laquelle un mandant ne peut pas vendre de marchandises à son mandataire. Citant la cause His Majesty the King v. Leon L. Plotkins [9] , l'avocat a prétendu que le Tribunal doit tenir compte du caractère véritable des opérations en question, sans égard aux modalités de l'entente entre Plastic-R.-U. et l'appelant. Pour que le Tribunal puisse conclure que l'appelant et Plastex constituent une unique entité commerciale, [traduction] «il doit exister une situation de faits qui pointe indubitablement vers une entente commerciale conclue en vue d'éluder la taxe ou vers une situation où une des entreprises domine et contrôle à un point tel les affaires de l'autre qu'il faille affirmer que cette dernière n'existait qu'en apparence et n'était pas réelle [10] ».

Ainsi, le Tribunal devra être saisi d'éléments de preuve très concluants avant de décider qu'une unique entité commerciale existe.

Se reportant aux faits [11] de la cause Plotkins, l'avocat de l'appelant a prétendu que la Cour de l'Échiquier du Canada n'avait pas conclu à une unique entité commerciale alors que le rapport entre les deux sociétés visées était plus étroit que celui qui existe entre l'appelant et Plastex. En outre, l'existence d'administrateurs communs entre deux sociétés ne suffit pas à justifier l'existence d'une unique entité commerciale [12] . À ce titre, l'appelant et Plastex forment deux sociétés distinctes, bien qu'elles soient intimement liées et qu'elles profitent l'une à l'autre.

L'avocat de l'appelant a soutenu que deux conditions doivent être remplies pour que l'alinéa 2(1)b) de la Loi puisse s'appliquer à l'appelant. Dans un premier temps, l'appelant doit posséder, détenir, réclamer ou employer un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou autre droit à des marchandises en cours de fabrication. Dans un deuxième temps, les marchandises doivent être fabriquées pour le fabricant légal ou en son nom.

Pour ce qui est de la première condition, l'avocat de l'appelant a prétendu que le droit doit exister au moment où les marchandises sont fabriquées [13] . Toutefois, aucun élément de preuve n'a montré que l'appelant détenait un droit sur les feuillards de plastique en cours de fabrication. Les droits de l'appelant sur les feuillards survenaient plutôt lorsqu'il achetait de fait les marchandises, à un moment donné après leur fabrication.

L'avocat de l'appelant a soutenu qu'un droit de distribution exclusive visant les marchandises ne crée pas un droit aux marchandises pendant leur fabrication [14] . Il a laissé entendre que le lien entre l'appelant et Plastex ressemble à celui entre un fabricant et un distributeur exclusif de «marchandises de marque particulière» tel que défini dans le Mémorandum de l'Accise ET 202, où l'expression désigne «les marchandises qui, dans l'état où les vend leur fabricant, doivent être mises sur le marché revêtues d'une marque, d'une marque de commerce, d'un nom commercial ou d'un[e] autre désignation qui associe les marchandises à un vendeur autre que le fabricant des marchandises [15] ». Il a fait valoir qu'en application de la politique de l'intimé, la taxe doit être payée sur le prix d'achat de ces marchandises pour le distributeur [16] . L'avocat a prétendu que, de fait, l'intimé a déterminé que l'alinéa 2(1)b) de la Loi ne s'applique pas aux marchandises en cours de fabrication exclusivement pour un seul distributeur.

L'avocat de l'appelant a soutenu que la deuxième condition n'est remplie que lorsque l'acheteur exerce une supervision et un contrôle très étroits sur la production des marchandises [17] . Ainsi, le lien dépasse celui qui existe entre un acheteur et un vendeur. À cet égard, l'avocat a affirmé que, selon la politique de l'intimé, cette condition ne peut être remplie qu'en présence d'une relation de mandataire entre le fabricant réel et l'acheteur [18] . Il a soutenu que l'appelant n'exerce aucune supervision ni aucun contrôle sur la production des feuillards de plastique. De fait, le lien entre l'appelant et Plastex est décrit, à juste titre, comme celui qui existe entre un vendeur et un acheteur. À ce titre, les feuillards ne sont pas fabriqués pour l'appelant ou en son nom.

L'avocat de l'intimé a rappelé au Tribunal qu'il incombe à l'appelant de montrer que la détermination de l'intimé est inexacte. Pour ce faire, l'appelant doit «prouver hors de tout doute qu'[il] ne détena[it] pas, ne réclama[it] pas, ne posséda[it] pas ou n'employa[it] pas un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou d'autres droits à des marchandises en cours de fabrication pour d'autres, ou en [son] nom [19] ».

Dans ses arguments selon lesquels l'appelant répond aux critères de fabricant aux termes de l'alinéa 2(1)b) de la Loi, l'avocat de l'intimé a renvoyé le Tribunal aux faits des causes The King v. Reuben Shore et Turnbull Elevator Co. of Canada Ltd. v. The Queen [20] . Il a soutenu que, dans ces causes, la Cour de l'Échiquier du Canada a conclu que les distributeurs sont les fabricants légaux des marchandises selon des faits [21] semblables à ceux en l'espèce.

L'avocat de l'intimé a prétendu que l'élément clé de la thèse de l'intimé est le lien très étroit qui existe entre l'appelant et Plastex. Au moment de revoir les faits, l'avocat a soutenu que Plastex a été créée par l'appelant en partie aux seules fins de lui fournir des feuillards de plastique; Plastex occupe les locaux de l'appelant; les feuillards de plastique fabriqués par Plastex sont transférés directement à l'appelant; Plastex ne conserve aucun inventaire; l'appelant a le droit de nommer trois des cinq administrateurs de Plastex; l'appelant surveille Plastex par l'entremise de ses administrateurs; aux termes de l'entente, l'appelant est entièrement responsable de la gestion de Plastex; les marchandises sont produites selon les spécifications fournies par l'appelant; selon l'entente, l'appelant est le distributeur unique et exclusif des feuillards; Plastex est tenue, par contrat, de produire toutes les marchandises requises par l'appelant qui, lui, est tenu par contrat de vendre ces marchandises; et Plastex produit des marchandises uniquement sur commande de l'appelant, exception faite d'une petite quantité de marchandises qui sont vendues à Ovalstrapping Inc. L'avocat a conclu que Plastex fabrique des feuillards uniquement et exclusivement pour l'appelant ou en son nom et que, tout au long du processus de fabrication, l'appelant détenait un droit de vente ou un droit de propriété aux marchandises en cours de fabrication.

À titre d'argument de rechange, l'avocat de l'intimé a soutenu que, en raison du lien tellement étroit qui unit l'appelant et Plastex, il n'y a pas eu entre eux une vente de feuillards de plastique. Il a prétendu qu'une vente ne peut être conclue qu'entre deux parties qui peuvent librement y consentir mutuellement [22] . L'avocat a fait valoir que, étant donné que Plastex n'existe que pour exécuter les commandes de l'appelant, le consentement nécessaire n'est pas présent. Ainsi, il n'y a pas eu vente entre les deux parties, aux fins de l'établissement de la TVF.

En réponse à l'argument de rechange, l'avocat de l'appelant a soutenu que les tribunaux ont conclu à un manque de consentement mutuel lorsqu'un lien entre le mandant et le mandataire existait. Il a rappelé au Tribunal les arguments qu'il avait déjà présentés au sujet de la question d'une unique entité commerciale.

Le Tribunal doit déterminer si l'appelant est le fabricant légal des feuillards de plastique et, à ce titre, redevable de la TVF sur le prix de vente de ceux-ci. L'avocat de l'intimé a soutenu que l'appelant est redevable de la TVF à titre de fabricant légal des feuillards aux termes de l'alinéa 2(1)b) de la Loi. Il a, par ailleurs, prétendu que l'appelant et Plastex constituent une unique entité commerciale. À ce titre, Plastex agit à titre de mandataire de l'appelant pour la fabrication des feuillards de plastique et aucune vente de feuillards ne peut être réalisée entre les deux parties.

Lorsqu'il s'est penché sur la question de déterminer si l'appelant et Plastex constituent une unique entité commerciale, le Tribunal a accordé une attention particulière aux [traduction] «opérations qui ont réellement eu lieu [23] » entre les deux parties. Les faits permettent dans une large mesure de trancher la question. Selon les éléments de preuve produits et compte tenu des précédents judiciaires [24] , le Tribunal est convaincu que l'appelant et Plastex constituent des entités distinctes et qu'il n'existe pas entre ces deux parties de relation mandant-mandataire. Le Tribunal estime que Plastex fabrique les feuillards de plastique en son propre nom et qu'elle vend, par la suite, les marchandises à l'appelant.

En arrivant à cette conclusion, le Tribunal constate que, en dépit de la propriété et de la gestion communes entre l'appelant et Plastex et des relations d'affaires intimes entre les deux parties, ces faits, à eux seuls, ne démontrent pas l'existence d'une unique entité commerciale. Le Tribunal est convaincu que Plastex exerce suffisamment de direction et de contrôle sur ses opérations, de sorte qu'elle constitue beaucoup plus qu'un simple mandataire de l'appelant. Plastex a ses propres employés et ses propres politiques régissant l'emploi de ces derniers; elle contrôle ses opérations quotidiennes, comme l'établissement des calendriers et la supervision de la production et les commandes de matières premières; et elle envoie des factures mensuelles à l'appelant pour les feuillards à l'égard desquels elle touche la juste valeur marchande. Bien que Plastex exploite son entreprise dans les locaux de l'appelant, elle lui verse un loyer à la juste valeur marchande et s'acquitte de sa part des coûts de l'immeuble. En outre, Plastex a ses propres registres comptables, ses propres relevés bancaires, ses propres comptes de banque et sa propre marge de crédit, et elle verse des honoraires pour les services administratifs qui lui sont fournis par l'appelant.

Pour ce qui est de savoir si l'appelant est redevable de la TVF à titre de fabricant des feuillards de plastique aux termes de l'alinéa 2(1)b) de la Loi, le Tribunal fait remarquer que [traduction] «puisque la définition prévue par la loi du terme "fabricant ou producteur" s'éloigne du sens ordinaire du terme et puisque l'assujettissement à la taxe d'une personne, firme ou personne morale dépend de la mesure où elle est visée par la définition, il faut déterminer, dans le cas d'une personne, firme ou personne morale qui n'est pas un fabricant ou un producteur au sens ordinaire du terme, avant qu'elle ne puisse être réputée être un fabricant ou un producteur au sens donné par la loi à ce terme, que toutes les conditions préalables à l'application de la définition prévue par la loi existent. En l'absence de l'une ou l'autre de ces conditions, le sens prévu par la loi ne peut être appliqué et il faut donner au terme son sens ordinaire [25] ».

Selon le Tribunal, pour qu'une personne, une firme ou une personne morale soit considérée comme un fabricant légal aux termes de l'alinéa 2(1)b) de la Loi, deux conditions doivent être remplies :

1) la personne, la firme ou la personne morale doit posséder, détenir, réclamer ou employer un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou autre droit à des marchandises en cours de fabrication;

2) les marchandises doivent être fabriquées par elle, en son nom, soit pour d'autres ou en son nom par d'autres.

En ce qui a trait à la première condition, le Tribunal estime que l'appelant détient un droit de vente sur les feuillards de plastique en cours de fabrication. Selon l'entente, Plastex est tenue par contrat de produire tous les feuillards de plastique pour satisfaire aux exigences raisonnables de l'appelant et ce dernier doit donner à Plastex un préavis suffisant de ses exigences prévues [26] . En outre, Plastex ne peut vendre les feuillards de plastique à d'autres entreprises en Amérique du Nord, car l'appelant a été nommé distributeur unique et exclusif de Plastex [27] . Bien que les éléments de preuve aient montré que Plastex avait également vendu des feuillards de plastique à Ovalstrapping Inc., le Tribunal juge important le fait que cette dernière soit liée à l'appelant, qui tire avantage de la disposition.

Lorsqu'il a déterminé si la deuxième condition était remplie, le Tribunal a dû établir si Plastex fabriquait les feuillards de plastique en son propre nom et si elle vendait par la suite ces marchandises à l'appelant. Le Tribunal estime que, s'il existe un véritable lien de vendeur-acheteur entre Plastex et l'appelant, alors les feuillards de plastique ne sont pas fabriqués soit par l'appelant, en son nom, soit pour d'autres ou en son nom par d'autres. De fait, le Tribunal a dû déterminer s'il existait un lien de mandant-mandataire entre les deux parties.

Comme il a été indiqué précédemment, les faits permettent dans une large mesure de déterminer s'il existe un lien de mandant-mandataire entre deux parties. À la lumière des faits, le Tribunal estime qu'un tel lien n'existe pas entre les deux parties.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15.

2. M. White a été nommé président de Plastex Extruders Inc. en 1990.

3. Lors du contre - interrogatoire, M. White a expliqué qu'il était difficile de soutenir la concurrence avec le fabricant canadien en raison des droits de douane applicables et de la fluctuation des taux de change entre le Canada et les États - Unis.

4. Au cours de la période en question, les trois administrateurs nommés par l'appelant étaient également des administrateurs de EII Limitée, la société mère de l'appelant.

5. Au cours du contre - interrogatoire, il a été précisé que la rémunération des employés de Plastex est tirée sur le compte de l'appelant qui, par la suite, impute les dépenses à Plastex.

6. D'après une demande d'achat fournie par Plastex.

7. M. White a expliqué que, en dépit de cette disposition de l'entente, Plastex vend environ 15 p. 100 de sa production annuelle de feuillards à Ovalstrapping Inc. des États - Unis, qui appartient à la société de portefeuille qui détient l'appelant.

8. Alinéa 4g) de l'entente.

9. [1938-1939] C.T.C. 138 (C. de l'É.).

10. Ibid . à la p. 147.

11. L'avocat de l'appelant a renvoyé aux faits suivants : 1) le propriétaire de la raffinerie détenait également une partie, mais non la totalité du distributeur; 2) les deux sociétés avaient des administrateurs communs; 3) le distributeur exploitait son entreprise dans les locaux de la raffinerie et payait un loyer; 4) des employés du distributeur s'acquittaient des travaux de comptabilité et d'écriture; 5) les deux sociétés partageaient le même compte de banque, même si les livres et les registres des deux sociétés étaient distincts; 6) les comptes fournisseurs des deux compagnies et tous les traitements étaient tirés sur le même compte de banque, puis tous les montants étaient imputés à la raffinerie; 7) chaque société avait ses propres employés; 8) les deux sociétés avaient conclu une entente de partage des profits et des pertes; 9) les ventes de la raffinerie au distributeur étaient bien étayées par des pièces et des factures étaient établies; et 10) les deux sociétés avaient convenu que le distributeur achèterait l'ensemble de la production exclusivement de la raffinerie.

12. His Majesty the King v. B.C. Brick and Tile Company , [1935] C.T.C. 110 (C. de l'É.).

13. Goodyear Tire and Rubber Company of Canada Limited v. T. Eaton Co., Limited , 55 D.T.C. 1103 (C. de l'É.). L'avocat de l'appelant a soutenu que, même si la Cour suprême du Canada avait infirmé le jugement dans cette cause pour des motifs juridictionnels, le raisonnement de la Cour de l'Échiquier du Canada est encore valable. L'avocat a prétendu que le Ministre a suivi ce raisonnement pour le traitement fiscal qu'il accorde aux «marchandises de marque particulière». Infra , note 16.

14. Ibid.

15. Valeurs imposables , ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 1 er décembre 1975 à la p. 13.

16. Voir, par exemple, les fiches de décision du ministère du Revenu national, code 3700/53 active, Valeur imposable de marchandises portant le nom du fabricant et de la marque particulière , le 12 novembre 1970; code 3700/57-1 active, Valeur imposable de marchandises de marque particulière, lorsque le client fournit les étiquettes aux fabricants réels , le 30 juin 1970; et code 37000/73-1 active, Valeur imposable d'accumulateurs , le 2 octobre 1970.

17. The King v. Reuben Shore , 49 D.T.C. 570 (C. de l'É.); Rexair of Canada Limited v. The Queen , 58 D.T.C. 1158 (C.S.); Turnbull Elevator Co. of Canada Ltd. v. The Queen (1962), 63 D.T.C. 1001 (C. de l'É.).

18. Fiche de décision du ministère du Revenu national, code 1160/32-2 active, Fabricants légaux des marchandises visées par un brevet (moules et matrices) , le 29 avril 1987.

19. Scubs Marketing Ltd. et 582760 Ontario Limited c. Le Ministre du Revenu national , Tribunal canadien du commerce extérieur, appels n os 3035 et 3036, le 19 août 1991 à la p. 6.

20. Supra , note 17.

21. Par exemple, dans la cause Reuben Shore , le fabricant réel fabriquait des jouets pour le compte exclusif du distributeur et ne pouvait les vendre à d'autres. Dans la cause Turnbull Elevator , le fabricant réel était tenu, aux termes d'un contrat, de vendre les marchandises uniquement au distributeur qui, pour sa part, était tenu d'acheter les marchandises en cours de fabrication.

22. Voir la cause His Majesty the King v. Colgate-Palmolive-Peet Company, Limited , [1933] R.C.S. 131 à la p. 138 (juge Cannon).

23. Supra , note 9 à la p. 145.

24. Supra , notes 9, 12 et 22.

25. Supra , note 13 à la p. 1106.

26. Supra , note 8, alinéa 4d).

27. Ibid. , alinéa 4c).


Publication initiale : le 26 mai 1997