JAMES GEORGE PALING

Décisions


JAMES GEORGE PALING
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-363

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 17 octobre 1994

Appel no AP-93-363

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 juillet 1994 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 25 janvier 1994 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

JAMES GEORGE PALING Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.



Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire de 1 620 $, faite par l'appelant, relativement à des jouets en peluche, à des miroirs et à des affiches utilisés comme prix lors de fêtes foraines. La demande de l'appelant a été rejetée à l'origine pour le motif que celui-ci n'était pas inscrit aux fins de la taxe sur les produits et services le 1 er janvier 1991. Cependant, dans l'avis de décision daté du 25 janvier 1994, il est indiqué, outre cette raison, que la demande est rejetée parce que les marchandises en question ne satisfont pas aux exigences prévues à l'article 120 de la Loi sur la taxe d'accise pour demander un remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal n'est pas convaincu que l'appelant vend des marchandises à des clients qui paient pour jouer à ses jeux ou que les marchandises de l'appelant sont destinées à être vendues. L'appelant offre à ses clients une source de divertissement ou de distraction, ce qui comprend la possibilité de participer à un jeu et de remporter un prix. Bien que l'appelant vende en fait des marchandises à des clients qui désirent acheter de tels articles sans participer à un jeu, l'appelant, dans le cours normal de ses activités, utilise les marchandises en question comme prix pour ses jeux et ne les garde pas en inventaire pour les vendre à des clients qui n'ont ni payé pour participer à l'un de ses jeux, ni gagné à l'un de ses jeux.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 21 juillet 1994 Date de la décision : Le 17 octobre 1994
Membres du Tribunal : Desmond Hallissey, membre présidant Raynald Guay, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : James G. Paling, pour l'appelant Lyndsay Jeanes, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) à l'inventaire de 1 620 $, faite par l'appelant, relativement à des jouets en peluche, à des miroirs et à des affiches utilisés comme prix lors de fêtes foraines. La demande de l'appelant a été rejetée à l'origine pour le motif que celui-ci n'était pas inscrit aux fins de la taxe sur les produits et services (TPS) le 1er janvier 1991. Cependant, dans l'avis de décision daté du 25 janvier 1994, il est indiqué, outre cette raison, que la demande est rejetée parce que les marchandises en question [traduction] «ne satisfont pas aux exigences prévues à l'article 120 de la Loi pour demander un remboursement de la TVF à l'inventaire».

L'appelant dirige une entreprise de divertissements offrant des jeux de hasard, comme le «Whackamo», auxquels deux personnes ou plus peuvent participer. Un des clients gagne toujours un prix provenant de la sélection de marchandises de l'appelant. Cependant, la taille et la valeur du prix sont fonction du nombre de personnes participant au jeu. L'appelant offre aussi d'autres jeux auxquels un seul client peut participer en lançant des fléchettes sur un tableau affichant de petits et grands objets. Afin de gagner un prix provenant des marchandises de l'appelant, un client doit frapper l'un des objets avec une fléchette. Il en coûte entre 2 $ et 3 $ par personne pour jouer et le montant que l'appelant obtient pour chacune des parties détermine directement la valeur du prix obtenu par le gagnant. Plus il en coûte cher pour jouer à un jeu ou plus la somme recueillie par l'appelant par jeu est élevée, plus la valeur du prix que le client peut gagner est élevée. En règle générale, le prix que le client gagne équivaut à environ le tiers du montant total payé par les clients pour participer au jeu.

Si une personne désire acheter des marchandises sans participer à un jeu, l'appelant les lui vendra. Étant donné qu'il n'y a pas de prix fixes, l'appelant demande pour ces marchandises un prix qui correspond, selon lui, à leur valeur. Il ne fait toutefois pas de publicité pour vendre des marchandises puisque cela n'inciterait pas les gens à prendre part aux jeux.

Le litige entre les parties porte sur l'application de la définition suivante d'«inventaire», aux termes de l'article 120 [2] de la Loi :

«inventaire» État descriptif des marchandises libérées de taxe d'une personne à un moment donné qui figurent à l'inventaire de la personne au Canada à ce moment et qui, à ce même moment, selon le cas :

a) sont destinées à être vendues ou louées séparément pour un prix ou un loyer en argent, dans le cours normal d'une activité commerciale de la personne.

Aux termes de cette définition, pour que les marchandises en question soient considérées comme un «inventaire», il doit s'agir de marchandises 1) libérées de taxe [3] , 2) qui figurent à l'inventaire de la personne, 3) qui sont destinées à la vente et 4) qui sont destinées à être vendues séparément dans le cours normal d'une activité commerciale de l'appelant.

L'appelant a fait valoir que toutes les exigences susmentionnées ont été satisfaites. Premièrement, l'appelant a déclaré qu'il a acquis les marchandises en question avant 1991 et qu'il a acquitté la TVF sur ces marchandises, ce que l'intimé n'a pas contesté.

Deuxièmement, l'appelant a affirmé que les marchandises en question figuraient à son inventaire. Il a déclaré que les marchandises étaient décrites de façon précise et évaluées en fonction de leur coût d'origine. L'appelant s'est reporté à son état des résultats de fin d'exercice pour 1991, qui démontre que l'appelant avait en stock des marchandises évaluées à 63 704,16 $ en plus de 15 000,00 $ de marchandises de 1989 et 5 000,00 $ de marchandises de 1990. L'appelant a aussi présenté une feuille d'inventaire pour 1990 sur laquelle figurait chaque article acheté, le nom de la société à laquelle chaque article avait été acheté, la quantité de chacun des articles en inventaire et le coût unitaire.

En dernier lieu, l'appelant a soutenu que les marchandises en question étaient destinées à être vendues séparément pour un prix aux termes d'une vente conditionnelle. L'appelant s'est reporté à la décision dans la cause Rex v. Disappearing Propeller Boat Co. Ltd. [4] , qui portait sur la signification de l'expression «sales» (ventes) dans la Loi spéciale des Revenus de guerre, 1915 [5] . La Haute Cour de justice de l'Ontario a conclu que l'expression «sales» (ventes) devait être «construed in its widest sense, and includes a sale in which the transfer of the title to the thing sold is made dependent upon the payment of the price in full [...] notwithstanding that the sale is conditional [6] ([traduction] interprétée dans son sens le plus large, et comprendre une vente dans laquelle le transfert du titre de l'article vendu est fait à condition que le prix ait été payé en totalité indépendamment du fait que la vente soit conditionnelle). L'appelant s'est aussi reporté à la définition suivante de l'expression «conditional sale» (vente conditionnelle) tirée du Black's Law Dictionary [7] : «one in which the transfer of title is made to depend on the performance of a condition, usually the payment of the price» ([traduction] vente dont le transfert de titre se fait sous réserve de l'exécution d'une condition, habituellement le paiement du prix). L'appelant a fait valoir qu'il y a vente conditionnelle puisque, pour obtenir les marchandises dans le cadre de l'un de ses jeux, chaque client doit satisfaire à deux conditions : 1) débourser de l'argent pour participer au jeu; et 2) y gagner.

Si la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire est refusée, l'appelant a fait valoir qu'il fera l'objet d'une double imposition et qu'il sera désavantagé par rapport à d'autres concurrents du milieu puisqu'il a déjà payé la TVF sur les marchandises en question et qu'il ne peut porter ce montant en déduction de la TPS perçue de ses clients lorsqu'ils ont payé pour jouer à ses jeux.

L'avocate de l'intimé a souscrit à la description de vente conditionnelle fournie par l'appelant, mais a fait valoir qu'il n'y a pas de vente conditionnelle entre l'appelant et les personnes qui jouent à ses jeux parce que le transfert d'argent ne se fait pas sous condition. Le client doit payer la somme demandée pour pouvoir jouer. L'avocate a soutenu que, ce qui est vendu, s'il y a vente, c'est la chance de gagner l'une des marchandises en question. À son avis, les marchandises sont utilisées pour inciter les gens à prendre part au jeu et en tant que prix pour le gagnant du jeu, et non à des fins de revente. L'avocate a souligné que les faits en cause sont similaires à ceux dans l'affaire Esso Petroleum Co. Ltd. v. Customs and Excise Commissioners [8] dans laquelle la Chambre des lords a conclu que des pièces de monnaie données à l'achat de certaines quantités d'essence n'étaient pas produites pour «être vendues». La Chambre des lords était divisée de façon égale quant aux motifs pour lesquels elle avait décidé que la société Esso Petroleum Co. Ltd. n'avait pas produit les pièces de monnaie pour «être vendues». La moitié des juges majoritaires avait conclu à l'absence d'une obligation contractuelle relativement aux pièces de monnaie et l'autre moitié des juges majoritaires en était venue à la conclusion que le prix d'apport des pièces de monnaie n'était pas de l'argent, mais l'engagement du client de passer un contrat subsidiaire pour l'achat d'une quantité donnée d'essence.

Pour appuyer davantage sa position selon laquelle il n'y a pas eu vente des marchandises en question, l'avocate de l'intimé s'est reportée au formulaire d'inscription aux fins de la TPS de l'appelant daté du 2 novembre 1990 et signé par Mme Darlene Paling, l'épouse de l'appelant. La case qui porte la mention «non» a été cochée en réponse à la question 13, «Avez-vous des produits à revendre?».

Malgré les erreurs de calcul dans l'état des résultats de fin d'exercice pour 1991 et dans l'inventaire de 1990 mentionnées lors de l'audience, l'avocate de l'intimé a concédé que les marchandises en question étaient des «marchandises libérées de taxe» ou qui figuraient «à l'inventaire». Le Tribunal s'est donc uniquement penché sur la seule question en litige entre les parties, à savoir si les marchandises en question étaient des marchandises «destinées à être vendues ou louées séparément pour un prix ou un loyer en argent, dans le cours normal d'une activité commerciale de [l'appelant]».

Le Tribunal note que l'expression «être vendues» n'est pas définie dans la Loi. La Loi sur la vente d'objets [9] de l'Ontario (la Loi de l'Ontario), qui codifie essentiellement des décisions antérieures des tribunaux en matière de vente de marchandises [10] , fournit une indication au Tribunal dans l'interprétation de l'expression «être vendues». L'article 2 de la Loi de l'Ontario définit «contrat de vente» comme «un contrat par lequel le vendeur transfère ou promet de transférer la propriété des objets à l'acheteur moyennant une contrepartie pécuniaire appelée le prix»; ce contrat peut être soit pur et simple, soit conditionnel. Une «vente» ou une «promesse de vente» présente donc deux caractéristiques générales : 1) le transfert de la propriété des marchandises; et 2) le paiement d'une somme d'argent en contrepartie des marchandises.

Après avoir examiné la description faite par l'appelant de la nature de son entreprise et en tenant compte de l'article 2 de la Loi de l'Ontario, le Tribunal n'est pas convaincu que l'appelant vend des marchandises à des clients qui paient pour jouer à ses jeux ou que les marchandises de l'appelant sont destinées à être vendues. Le Tribunal estime que l'un des principaux éléments, soit le paiement d'une somme d'argent en contrepartie des marchandises, est absent. L'appelant offre à ses clients une source de divertissement ou de distraction, ce qui comprend la possibilité de participer à un jeu et de remporter un prix parmi les marchandises de l'appelant. Tous les clients doivent payer l'appelant pour jouer à un jeu. Cependant, seuls les clients qui gagnent à ce jeu reçoivent un prix. Étant donné que seuls les clients qui gagnent au jeu reçoivent un prix en contrepartie de l'argent, il ne peut être affirmé que les clients paient pour acheter des marchandises.

Le Tribunal ne peut accepter l'argument de l'appelant selon lequel il y a vente conditionnelle entre lui et ses clients et que les conditions de vente des marchandises sont que les clients versent une somme d'argent et gagnent au jeu. Le Tribunal estime que si tel était le cas, il s'ensuivrait que si le client ne satisfaisait pas aux conditions, soit payer la somme d'argent et gagner au jeu, il n'y aurait pas de vente et le client obtiendrait un remboursement.

Bien que l'appelant vende des marchandises à des clients qui souhaitent en acheter sans participer à un jeu, il reconnaît d'emblée qu'il ne vend qu'un très faible pourcentage des marchandises de cette façon et qu'il ne favorise pas de telles ventes ou n'en fait pas la promotion. En se fondant sur ces éléments de preuve, le Tribunal conclut que l'appelant, dans le cours normal de ses activités, utilise les marchandises comme prix pour ses jeux et ne les garde pas en inventaire pour les vendre à des clients qui n'ont ni payé pour participer à l'un de ses jeux, ni gagné à l'un de ses jeux.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L.C. 1990, ch. 45, art. 12, modifiée par L.C. 1993, ch. 27, art. 6. Ces modifications sont réputées être entrées en vigueur le 17 décembre 1990.

3. L'expression «marchandises libérées de taxe» est définie comme suit dans l'article 120 de la Loi : marchandises, acquises par une personne avant 1991, qui n'ont jamais été radiées des livres comptables de l'entreprise de la personne pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu, [...] et qui sont, au début du 1 er janvier 1991 : a) des marchandises neuves qui n'ont jamais servi.

4. (1924), 26 O.W.N. 305 (H.C.).

5. S.C. 1915, ch. 8.

6. Supra , note 4 aux pp. 306-7.

7. Sixième éd., Minnesota, West Publishing Co., 1990 à la p. 1338.

8. [1976] 1 W.L.R. 1 (H.L.).

9. L.R.O. 1990, ch. S-1.

10. Voir, par exemple, Mason & Risch Ltd. v. Christner (1918), 46 D.L.R. 710 (H.C.O.), confirmée par (1920), 54 D.L.R. 653 (C.A.O.); et Rex v. Gold Seal Limited [1922] 2 W.W.R. 1219 (B.C.C.A.) qui renversait (1922), 63 D.L.R. 657 (B.C.S.C.).


Publication initiale : le 16 mai 1997