NARCO CANADA INC.,

Décisions


NARCO CANADA INC.,
DIV. OF NORTH AMERICAN REFRACTORIES CO.
ET NORTH AMERICAN REFRACTORIES CO.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-94-016 et AP-94-109

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 7 décembre 1994

Appels nos AP-94-016 et AP-94-109

EU ÉGARD À des appels entendus le 14 septembre 1994 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 18 janvier, 14 février et 6 avril 1994 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

NARCO CANADA INC.,

DIV. OF NORTH AMERICAN REFRACTORIES CO.

ET NORTH AMERICAN REFRACTORIES CO. Appelants

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Les appels sont admis.



Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les briques réfractaires à la résine, les produits réfractaires à la résine à coulée continue et les produits réfractaires prémoulés importés des États - Unis entre le 14 mai 1991 et le 16 décembre 1992 sont correctement classés dans les numéros tarifaires 6815.99.99 et 6810.99.00, comme l'a établi l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans les numéros tarifaires 6902.10.00 et 6902.20.00, comme l'ont soutenu les appelants. Le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause ont été cuites après leur mise en forme, avant leur importation.

DÉCISION : Les appels sont admis. Aucune des définitions du terme «cuisson» utilisées dans l'industrie ne précise une plage de températures de cuisson. En outre, le sous - alinéa B)4 ° ) des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises du Chapitre 69 utilise le terme «généralement» pour décrire la plage de températures. De l'avis du Tribunal, le terme «généralement» signifie «habituellement». En outre, l'expression «selon la nature des produits» indique que la plage de températures peut varier. Pour ce qui est du sous - alinéa B)4 ° ) et des définitions utilisées dans l'industrie, le Tribunal est d'avis qu'il y a cuisson lorsque les produits sont chauffés à une température qui leur permet de créer le liant nécessaire et d'acquérir d'autres propriétés physiques et chimiques requises. Les marchandises en cause ont été cuites après leur mise en forme, avant leur sortie de l'usine aux États - Unis. Ces marchandises sont donc des céramiques au sens du Chapitre 69. En conséquence, elles sont spécifiquement désignées dans la position n o 69.02 et doivent y être classées.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 14 septembre 1994 Date de la décision : Le 7 décembre 1994
Membres du Tribunal : Anthony T. Eyton, membre présidant Raynald Guay, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : M. Lee Stratton, pour les appelants Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi.

La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les briques réfractaires à la résine, les produits réfractaires à la résine à coulée continue et les produits réfractaires prémoulés importés des États-Unis entre le 14 mai 1991 et le 16 décembre 1992 sont correctement classés dans les numéros tarifaires 6815.99.99 et 6810.99.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] , comme l'a établi l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans les numéros tarifaires 6902.10.00 et 6902.20.00, comme l'ont soutenu les appelants. Plus précisément, les appelants soutiennent que les briques réfractaires à la résine, à l'exception de celles désignées Narcarb BSC et NRC 114, doivent être classées dans le numéro tarifaire 6902.10.00 et que les produits réfractaires à la résine à coulée continue, à l'exception de ceux désignés Marathon MC-120, et les produits réfractaires prémoulés doivent être classés dans le numéro tarifaire 6902.20.00. Les appelants soutiennent que les produits Narcarb BSC et NRC 114 doivent être classés dans le numéro tarifaire 6902.20.00 et que les produits Marathon MC-120 doivent être classés dans le numéro tarifaire 6902.10.00. Aux fins des présents appels, les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire sont rédigées comme suit :

68.10 Ouvrages en ciment, en béton ou en pierre artificielle, même armés.

-Tuiles, carreaux, dalles, briques et articles similaires :

[...]

6810.99.00 --Autres

68.15 Ouvrages en pierres ou en autres matières minérales (y compris les ouvrages en tourbe), non dénommés ni compris ailleurs.

6815.99 --Autres

6815.99.99 ----Autres

69.02 Briques, dalles, carreaux et pièces céramiques analogues de construction, réfractaires, autres que ceux en farines siliceuses fossiles ou en terres siliceuses analogues.

6902.10.00 -Contenant en poids plus de 50 % des éléments Mg, Ca ou Cr, pris isolément ou ensemble, exprimés en MgO, CaO ou Cr 2 O 3

6902.20.00 -Contenant en poids plus de 50 % d'alumine (Al 2 O 3 ), de silice (SiO 2 ) ou d'un mélange ou combinaison de ces produits

Le directeur des ventes d'acier auprès de Narco Canada Inc., Division of North American Refractories Co., M. Marty W. Wagenaar, a témoigné au nom des appelants. Il a décrit les marchandises en cause comme des réfractaires cuits à basse température et qui sont principalement destinés à des convertisseurs à l'oxygène, à des fours électriques à arc, à des poches de coulée et à des produits à coulée continue, dans lesquels l'acier est habituellement coulé pendant le processus de fabrication de l'acier. Ces marchandises ont pour principale fonction de maintenir la chaleur dans l'acier pour éviter toute imperfection dans le produit final. Selon M. Wagenaar, les marchandises en cause sont entièrement fabriquées avant leur sortie de l'usine aux États-Unis. Il a témoigné que ces marchandises ont fait leur entrée sur le marché au début des années 80. Jusqu'en 1992, elles étaient classées comme des réfractaires et étaient importées au Canada en franchise de droits. Il a ajouté que des marchandises semblables ne sont pas fabriquées au Canada. Selon M. Wagenaar, il existe des réfractaires cuits à basse température, habituellement aux environs de 200 °C, et des réfractaires plus classiques cuits à des températures plus élevées, qui peuvent atteindre 1 100 à 1 600 °C. Il a déclaré qu'à l'exception de quelques mini-aciéries qui utilisent encore des réfractaires cuits à haute température pour des applications précises, les aciéries se servent presque exclusivement de réfractaires cuits à basse température depuis le début des années 80.

Le directeur de la technologie des réfractaires entrant dans la fabrication du fer et de l'acier auprès de la société North American Refractories Co., M. Bohus Brezny, a également témoigné au nom des appelants. Le Tribunal a désigné M. Brezny témoin expert dans le domaine de la fabrication, de l'installation et de l'utilisation des réfractaires entrant dans la fabrication de l'acier. M. Brezny a décrit les marchandises en cause comme des réfractaires non classiques faisant appel à des techniques de pointe.

M. Brezny a expliqué que les briques réfractaires à la résine et les produits réfractaires à la résine à coulée continue sont obtenus par mélange de grains de magnésie synthétique ou d'alumine frittée et de flocons de graphite liés à l'aide d'une résine de phénol-formaldéhyde. Les produits sont mélangés de manière que la résine recouvre les grains. À cette étape, les produits sont liés chimiquement. Après le mélange, les produits sont mis en forme et pressés au moyen de presses hydrauliques à haute pression. Ils sont ensuite retirés des presses sur des plaques d'acier et placés dans le four-tunnel, où ils sont cuits à basse température, c'est-à-dire à environ 200 °C. Pendant ce processus, un liant carbone, que M. Brezny a décrit comme un type de liant céramique, se crée entre les grains de magnésie ou d'alumine et les flocons de graphite.

La cuisson à basse température assure le brûlage de toutes les matières volatiles du liant de résine. Environ 70 p. 100 de la résine initiale est transformée en chaînes carbonées à trois dimensions, qui forment des liants moléculaires entre la magnésie ou l'alumine et les flocons de graphite. À la suite de ce processus diffusionnel et de cette transformation chimique, les grains de magnésie ou d'alumine et les flocons de graphite sont étroitement liés. M. Brezny a expliqué que la microstructure de ces produits ne change pas, même après leur installation dans le four et leur exposition à de hautes températures. Ces produits ne peuvent subir une fusion partielle en raison de la présence des flocons de graphite. Une fois le processus de cuisson à basse température terminé, les produits possèdent toutes les propriétés désirées des réfractaires et sont considérés comme un produit fini prêt à être utilisé pour fabriquer de l'acier.

Les produits réfractaires prémoulés se composent d'alumine à environ 99 p. 100. Ils sont obtenus par mélange de grains d'alumine et de faibles quantités de ciment d'aluminate de chaux et d'eau. L'humidité est extraite du produit pendant le processus de séchage, à une température d'environ 400 °C. Le ciment d'aluminate de chaux crée ainsi un liant entre les agrégats d'alumine. Un liant aluminate de chaux, que M. Brezny a décrit comme un autre type de liant céramique, est alors créé, et on obtient ainsi une résistance optimale. À cette étape, les produits possèdent toutes les propriétés désirées des réfractaires et sont prêts à être utilisés pour fabriquer de l'acier.

M. Brezny a également expliqué que la cuisson n'a pas lieu pendant le premier chauffage dans des fours servant à la fabrication de l'acier et d'autres installations. La principale fonction du «premier feu» consiste à éviter l'éclatement des réfractaires. Au cours du «premier feu», on introduit de la chaleur dans le four ou dans le récipient pour éviter la perte de chaleur lorsque le mélange d'acier est coulé. Cette opération fait partie du processus de fabrication de l'acier et vise les réfractaires, qu'ils aient été cuits à basse ou à haute température.

M. Brezny a témoigné qu'il y a 10 à 15 ans, les réfractaires étaient cuits à haute température pour compenser l'utilisation de liants moins complexes, comme le sulfate de magnésium, le chlorure de magnésium et plusieurs autres liants non organiques. La cuisson à haute température entraînait le frittage des grains de magnésie ou d'alumine, créant ainsi un liant céramique suffisamment résistant pour la fabrication de l'acier. Le frittage à haute température entraînait le resserrement des grains, créant ainsi des structures plus denses. Il en résultait donc que les réfractaires présentaient un retrait. Si les réfractaires n'étaient pas cuits à haute température et qu'ils étaient placés dans un récipient ou un four pour la fabrication de l'acier, ils se contracteraient pendant le «premier feu» et l'acier s'infiltrerait dans les interstices. Il s'est donc avéré important de cuire les matériaux à haute température pour éliminer le problème de retrait pendant le processus de fabrication de l'acier. Les marchandises en cause ne se contractent pas. Les flocons de graphite séparent les grains de magnésie ou d'alumine et en empêchent le frittage. En effet, lorsqu'elles sont installées dans le four, les marchandises en cause sont soumises à une chaleur intense qui engendre une dilatation thermique suffisante pour éliminer toutes les fissures ou les cavités entre les briques réfractaires.

M. Brezny a expliqué que les marchandises en cause sont des réfractaires de plus grande qualité que les céramiques classiques cuits à haute température et que la cuisson du graphite de magnésie à une température plus élevée peut nuire à plusieurs propriétés physiques et chimiques désirables des réfractaires. Les réfractaires cuits à basse température sont de qualité supérieure à celle des réfractaires cuits à haute température en raison de leur conductibilité thermique supérieure, et de leur résistance au choc thermique et résistance à la corrosion améliorées. Ils présentent une durée de vie plus longue, un coût de production moindre et un rendement sensiblement meilleur que les réfractaires cuits à haute température.

Enfin, M. Michel Rigaud, professeur au département de métallurgie et génie des métaux, à l'École Polytechnique de Montréal (Québec), a témoigné au nom des appelants. Le Tribunal l'a également désigné témoin expert dans le domaine de la fabrication et de l'utilisation des réfractaires pour la production de l'acier.

M. Rigaud a expliqué que, depuis longtemps, les silicates sont considérés comme le liant céramique classique. Il a témoigné qu'il existe divers types de liants qui sont formés dans les produits réfractaires et que ceux-ci visent tous des fins différentes. M. Rigaud a également expliqué que la résine est transformée en liant carbone pendant la cuisson à basse température. Il a décrit ce processus comme le procédé de carbonisation par diffusion ou transformation chimique. Il a défini l'expression anglaise «ceramics» (céramiques) en termes très généraux. Selon lui, les céramiques désignent tous les produits qui ne sont pas un [traduction] «métal» ni un [traduction] «polymère». En outre, pour qu'un produit soit considéré comme un produit céramique, il n'est pas nécessaire qu'une liant céramique ou un liant silicate classique soit créé. Selon M. Rigaud, les marchandises en cause sont des céramiques. Elles sont également des réfractaires, car elles possèdent toutes les qualités nécessaires au chapitre de la résistance, de la résistance au choc thermique et de la résistance à la corrosion.

M. Rigaud a également expliqué que, depuis longtemps, la cuisson s'effectue à des températures oscillant environ entre 800 °C et 1 800 °C. Il s'agit de la température nécessaire pour créer un liant silicate. Toutefois, de nos jours, grâce aux nouvelles techniques, les réfractaires peuvent acquérir toutes les propriétés désirées lorsqu'ils sont cuits à des températures plus basses. Les marchandises en cause sont cuites avant d'être installées dans les fours utilisés pour fabriquer de l'acier et avant de subir le «premier feu».

M. A.K. Kuriakose, chercheur scientifique auprès de la Section des céramiques du Laboratoire de minéralurgie au Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie du ministère des Ressources naturelles, a témoigné au nom de l'intimé. Le Tribunal l'a désigné témoin expert dans le domaine des céramiques et de la chimie de haute température.

Selon M. Kuriakose, un produit céramique est un matériau non métallique inorganique traité ou cuit à haute température. Ce type de matériau est cuit à haute température pour créer des liants céramiques. Ces derniers sont des liants atomiques continus qui peuvent se former non seulement avec des silicates, mais également avec d'autres matériaux, comme l'alumine et le carbure de silicium. Ces liants céramiques confèrent au produit la stabilité, la résistance et la dureté que tout produit doit présenter pour être considéré comme un produit céramique. Selon M. Kuriakose, les liants carbones ne sont pas des liants céramiques au sens conventionnel. Il a reconnu que les matériaux non métalliques inorganiques sont généralement définis comme des céramiques, mais il a ajouté que l'application de l'expression «céramique» à tout type de matériau non cuit à haute température est contestée.

M. Kuriakose a attiré l'attention du Tribunal sur une déclaration contenue dans le rapport de M. Brezny, à savoir que les réfractaires à la résine sont liés à l'aide de carbone «vitreux» résiduel à des températures supérieures à 500 °C par diffusion et transformation chimique. M. Kuriakose a insisté sur le fait que le processus de chauffage auquel sont soumises les marchandises en cause avant l'importation ne peut être considéré comme de la «cuisson». En outre, aucun élément de preuve n'indique la formation d'un liant céramique qui permettrait aux marchandises en cause d'être considérées comme des céramiques au sens traditionnel de cette expression. Toutefois, il a reconnu, au cours du contre-interrogatoire, que les marchandises en cause exercent les fonctions de réfractaires et que certains produits acquièrent toutes les propriétés désirées des céramiques, même s'ils sont cuits à des températures non comprises entre 800 °C et 1 800 °C.

L'avocat des appelants s'est reporté à la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [3] (les Règles générales) et a soutenu que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no69.02, car elles correspondent manifestement à la définition des marchandises décrites dans cette position. Les marchandises en cause sont des «[b]riques [...] réfractaires». Elles représentent également des produits céramiques qui ont été cuits après mise en forme, avant leur importation. Par conséquent, elles ne sont pas exclues du Chapitre 69, conformément à la Note 1 des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [4] (les Notes explicatives) de ce Chapitre.

L'avocat des appelants s'est également reporté à l'explication du terme «cuisson» fournie au sous-alinéa B)4°) des Notes explicatives du Chapitre 69. Il a soutenu que l'article 11 du Tarif des douanes, qui prévoit que «[p]our l'interprétation des positions et sous-positions de l'annexe I, il est tenu compte [...] des Notes explicatives», ne confère aucune valeur spéciale aux Notes explicatives et qu'en conséquence, il convient de leur accorder peu d'importance, car elles sont vraiment désuètes. Si le Tribunal décide qu'il convient de leur donner de l'importance, il doit, selon l'avocat, les interpréter de sorte que les températures de cuisson puissent varier et qu'elles soient choisies d'après les produits soumis à la cuisson.

L'avocat des appelants a soutenu que la «cuisson» fait partie du processus de fabrication des marchandises en cause. Se reportant aux définitions du terme «cuisson» que l'on trouve dans les dictionnaires et qui est en vigueur dans l'industrie, il a prétendu que la cuisson représente simplement l'application de chaleur dans le processus de fabrication des réfractaires dans le but de créer un liant et de conférer au produit d'autres propriétés physiques et chimiques nécessaires. Il a fait remarquer que les définitions modernes ne précisent pas que la cuisson s'effectue uniquement dans une certaine plage de températures. En outre, les Notes explicatives du Chapitre 69 mentionnent simplement que la cuisson «consiste à porter les pièces crues à une température variant généralement entre 800 °C et 1 800 °C ou plus, selon la nature des produits». L'utilisation du terme «généralement» et de l'expression «selon la nature des produits» indique que la température de cuisson peut varier et laisse entrevoir la possibilité d'exceptions. L'avocat a soutenu que les éléments de preuve révèlent que les marchandises en cause constituent des exceptions. Elles acquièrent toutes les propriétés nécessaires des réfractaires lorsqu'elles sont cuites à des températures moins élevées. Au cours du processus de cuisson, les grains de magnésie ou d'alumine sont étroitement liés par diffusion et transformation chimique. L'exigence énoncée dans les Notes explicatives est donc respectée. L'utilisation de la conjonction «soit» marquant l'alternative indique que la fusion partielle n'est pas requise pour que les marchandises soient classées dans le Chapitre 69. Par conséquent, il n'est pas nécessaire qu'un liant céramique classique soit créé pour que les marchandises en cause soient considérées comme des céramiques.

L'avocat des appelants a fait valoir que les éléments de preuve révèlent que les briques réfractaires à la résine et les produits réfractaires à la résine à coulée continue ne sont pas des «[o]uvrages en pierres ou en autres matières minérales». Par conséquent, ils ne doivent pas être classés dans la position no 68.15. Ils sont fabriqués à partir de produits synthétiques et non de matières minérales obtenues à l'état naturel. L'avocat a également fait valoir que les éléments de preuve indiquent que les produits réfractaires prémoulés ne sont pas des «[o]uvrages en ciment, en béton ou en pierre artificielle». Ils ne doivent donc pas être classés dans la position no 68.10. Ils présentent une teneur en alumine synthétique d'au moins 97 p. 100 et renferment environ 1 à 2 p. 100 de ciment à base d'aluminate de chaux qui agit simplement comme liant. Ils ne renferment pas de béton ni de pierre artificielle et sont de nature inorganique et non métallique. L'avocat a prétendu que la position no 68.10 prévoit le classement de produits pour la construction et le bâtiment et que les marchandises en cause ne constituent manifestement pas des briques pour la construction. Il s'agit plutôt de briques réfractaires et de céramiques entièrement fabriquées avant leur sortie de l'usine aux États-Unis; ces marchandises doivent donc être classées en conséquence.

L'avocat de l'intimé a fait valoir qu'il incombe aux appelants de prouver que les marchandises en cause ont été classées incorrectement. Il a reconnu que les marchandises en cause sont des réfractaires. Il a toutefois soutenu que, pour être classées dans la position no 69.02, elles doivent également être des céramiques et, pour être classées ainsi, elles doivent avoir été cuites après leur mise en forme. Le processus de cuisson engendre la fusion, créant ainsi un liant céramique. Se reportant au sous-alinéa B)4°) des Notes explicatives du Chapitre 69, l'avocat a soutenu que, même si les marchandises en cause sont chauffées après leur mise en forme, et avant leur importation, elles ne sont pas cuites parce qu'elles ne sont pas chauffées à une température comprise entre 800 °C et 1 800 °C. Elles sont plutôt cuites lorsqu'elles sont soumises au «premier feu» dans les fours où elles sont installées et chauffées à une température comprise entre 1 000 °C et 1 700 °C. Les marchandises en cause ne constituent donc pas des céramiques au moment de leur importation. Par conséquent, elles ne doivent être classées dans aucune des positions du Chapitre 69. En outre, les éléments de preuve révèlent qu'un liant carbone ne constitue pas un liant céramique. Pour ce motif, l'avocat a soutenu que les marchandises en cause ne sont pas des céramiques.

L'avocat de l'intimé a fait valoir que les positions nos 68.15 et 68.10 décrivent avec exactitude les marchandises en cause et que ces dernières sont donc correctement classées. Plus précisément, les briques réfractaires à la résine et les produits réfractaires à la résine à coulée continue sont des «[o]uvrages en pierres ou en autres matières minérales». Il n'est pas nécessaire que les matières minérales se trouvent à l'état naturel. Cette position prévoit plutôt le classement de produits synthétiques qui sont transformés à partir d'autres matériaux. Faisant remarquer que M. Rigaud a témoigné que les produits réfractaires à la résine sont composés principalement de minéraux, l'avocat a soutenu que l'alinéa 5) des Notes explicatives de la position no 68.15, qui prévoit que cette position englobe «[l]es briques et autres articles (notamment en produits magnésiens ou chromomagnésiens) simplement agglomérés par un liant chimique, mais non cuits» et que «[c]es matériaux sont appelés à prendre ultérieurement leur consistance définitive par une cuisson céramique, au cours du premier chauffage du four même dans la structure duquel ils seront incorporés» décrit avec précision les réfractaires à la résine au moment de leur importation. Enfin, l'avocat a prétendu que les produits réfractaires prémoulés sont manifestement des «[o]uvrages en [...] béton», car ils sont constitués de ciment d'alumine et d'un granulat minéral.

Dès le début de l'audience, l'avocat de l'intimé a admis que certains produits réfractaires à la résine à coulée continue en cause, plus particulièrement ceux désignés Nargon A621, WO3182, WO2621 et Nargon A94, doivent être classés dans le numéro tarifaire 6902.20.00, et le Tribunal a partagé cet avis.

Aux fins du classement des marchandises dans l'annexe I du Tarif des douanes, l'application de la Règle 1 des Règles générales revêt une importance capitale. Cette Règle stipule que le classement est d'abord déterminé d'après les termes des positions et de toute Note de Chapitre pertinente. Par conséquent, le Tribunal doit d'abord déterminer si les marchandises en cause sont nommées ou décrites de façon générale dans une position particulière de l'annexe I du Tarif des douanes. Si les marchandises sont nommées dans une position, elles doivent y être classées sous réserve de toute Note de Chapitre pertinente. Dans le cas contraire, le Tribunal doit examiner toutes les positions où les marchandises pourraient être classées [5] .

La position no 69.02 prévoit le classement des «[b]riques, dalles, carreaux et pièces céramiques analogues de construction, réfractaires, autres que ceux en farines siliceuses fossiles ou en terres siliceuses analogues». Les avocats des appelants et de l'intimé ont convenu que les marchandises en cause sont des briques réfractaires. Après avoir examiné des éléments de preuve, le Tribunal partage cet avis. Les éléments de preuve révèlent manifestement que les marchandises en cause possèdent toutes les qualités nécessaires des briques réfractaires et qu'elles sont utilisées ainsi dans le procédé de fabrication de l'acier. Cependant, pour que le Tribunal décide que les marchandises en cause sont nommées dans la position no 69.02, il doit également être convaincu qu'il s'agit de produits céramiques. En outre, pour que les produits céramiques soient classés dans la position no 69.02, la Note 1 des Notes explicatives du Chapitre 69 stipule que les marchandises doivent être des «produits céramiques qui ont été cuits après avoir été préalablement mis en forme ou façonnés».

MM. Brezny, Rigaud et Kuriakose ont tous convenu que, pour être qualifié de céramique, un produit doit être cuit. Ils ne partagent toutefois pas le même avis au sujet de la signification du terme «cuit» et de la température convenable à laquelle un produit doit être chauffé pour que se produise la cuisson et que ce produit soit réputé céramique. Pour examiner ces questions, le Tribunal s'est reporté aux Notes explicatives du Chapitre 69. Le Tribunal a déclaré dans des décisions antérieures [6] que l'article 11 du Tarif des douanes l'oblige à tenir compte des Notes explicatives pour interpréter les positions de l'annexe I du Tarif des douanes. Le Tribunal conclut donc que l'argument de l'avocat des appelants, à savoir qu'il ne convient pas d'accorder beaucoup d'importance aux Notes explicatives, n'est pas convaincant.

Plus précisément, le Tribunal s'est reporté au sous-alinéa B)4°) des Notes explicatives du Chapitre 69, qui stipule que «[c]ette opération consiste à porter les pièces crues à une température variant généralement entre 800 °C et 1 800 °C ou plus, selon la nature des produits» et que «[c]e traitement thermique permet d'obtenir, soit par diffusion, soit par transformation chimique, soit par fusion partielle, une liaison intime entre les grains». À l'issue de l'examen de la signification du terme «cuisson», le Tribunal a conclu que les définitions de l'industrie sont très convaincantes. Se reportant à ces définitions, le Tribunal est d'avis que la «cuisson» des réfractaires constitue le [traduction] «traitement thermique final dans un four auquel les briques et les produits réfractaires sont soumis en cours de fabrication pour créer un liant et leur conférer d'autres propriétés physiques et chimiques nécessaires [7] ». Ce terme désigne [traduction] «le traitement thermique contrôlé que doivent subir les produits céramiques dans un four au cours de la fabrication pour acquérir les propriétés désirées [8] ». Enfin, il s'agit également du «traitement thermique que doivent subir des produits réfractaires façonnés pour acquérir la résistance mécanique et autres propriétés nécessaires à leur emploi [9] ».

Il est important de noter qu'aucune des définitions du terme «cuisson» utilisées dans l'industrie ne précise une plage de températures de cuisson. En outre, le sous-alinéa B)4°) des Notes explicatives du Chapitre 69 utilise le terme «généralement» pour décrire la plage de températures. De l'avis du Tribunal, le terme «généralement» signifie «habituellement». En outre, l'expression «selon la nature des produits» indique que la plage de températures peut varier. Pour ce qui est du sous-alinéa B)4°) et des définitions précitées utilisées dans l'industrie, le Tribunal est d'avis qu'il y a cuisson lorsque les produits sont chauffés à une température qui leur permet de créer le liant nécessaire et d'acquérir d'autres propriétés physiques et chimiques requises.

Dans la présente cause, les témoignages de MM. Brezny et Rigaud ont révélé que le chauffage des briques réfractaires à la résine et des produits réfractaires à la résine à coulée continue à une température d'environ 200 °C transforme le liant résine en chaînes carbonées à trois dimensions qui sont inorganiques et non métalliques. À leur tour, ces chaînes créent des liants entre les grains de magnésie ou d'alumine. Ceux-ci sont étroitement liés par diffusion et transformation chimique. Il n'y a pas de fusion partielle en raison de la présence des flocons de graphite. De l'avis du Tribunal, l'exigence énoncée au sous-alinéa B)4°) des Notes explicatives du Chapitre 69 est respectée. L'utilisation de la conjonction «soit» marquant l'alternative indique que la fusion partielle n'est pas requise pour que les marchandises en cause soient classées dans le Chapitre 69. Les éléments de preuve révèlent également qu'après la cuisson, les marchandises sont entièrement fabriquées et qu'elles possèdent toutes les propriétés physiques et chimiques nécessaires des réfractaires. Elles ne sont pas soumises à un autre processus de fabrication lorsqu'elles sont installées dans le four servant à fabriquer de l'acier, pas plus que leur microstructure ne présente de modifications après leur exposition à des températures élevées dans le four. Par conséquent, le Tribunal conclut que les briques réfractaires à la résine et les produits réfractaires à la résine à coulée continue ont été cuits après leur mise en forme et avant de quitter l'usine aux États-Unis et qu'elles constituent donc des céramiques au sens du Chapitre 69. Le Tribunal conclut donc qu'elles sont spécifiquement nommées dans la position no 69.02.

Le témoignage de M. Brezny rév 8Šle que le traitement thermique des produits réfractaires prémoulés à une température d'environ 400 °C crée un liant aluminate de chaux entre les grains d'alumine, ce qui permet aux produits d'acquérir une résistance optimale. Les grains sont étroitement liés par diffusion et transformation chimique. À cette étape, les produits possèdent toutes les propriétés désirées des réfractaires et sont prêts à être utilisés pour fabriquer de l'acier. Ils ne sont soumis à aucun autre processus de fabrication lorsqu'ils sont installés dans le four servant à fabriquer de l'acier, pas plus que leur microstructure n'est modifiée après leur exposition à des températures élevées dans le four. Par conséquent, le Tribunal conclut que les produits réfractaires prémoulés ont également été cuits après leur mise en forme et avant de quitter l'usine aux États-Unis et qu'ils constituent donc des céramiques au sens du Chapitre 69. Le Tribunal conclut donc qu'ils sont spécifiquement nommés dans la position no 69.02.

Plus particulièrement, après avoir examiné les éléments de preuve des appelants relativement à la composition des marchandises en cause, le Tribunal conclut que les briques réfractaires à la résine désignées Narez, Narez AM5, BOF 811, BOF 812, BOF 821, BOF 831, WO 3029, WO 3063, Cardic MR5, Cardic MR20, Cardic MR25, Cardic MR30, Cardic HMR15E3C, Cardic HMR15E5C, Cardic SMR10C et Quantum R5X6B, et les produits réfractaires à la résine à coulée continue désignés Marathon MC-120 doivent être classés dans le numéro tarifaire 6902.10.00. Le Tribunal conclut également que les briques réfractaires à la résine désignées Narcarb BSC et NRC 114, les produits réfractaires à la résine à coulée continue désignés Marathon AC-021, RMC-AB-751, RMC-AC-801, Nargon A621, Marathon AC-817, WO3182, WO2621 et Nargon A94, et les produits réfractaires prémoulés désignés WO2560 doivent être classés dans le numéro tarifaire 6902.20.00.

Le Tribunal fait remarquer que le Chapitre 68 de l'annexe I du Tarif des douanes semble prévoir le classement des matériaux de construction ordinaires. Les marchandises en cause ne sont manifestement pas utilisées en cette qualité. De l'avis du Tribunal, elles ne constituent pas de toute évidence des «[o]uvrages en ciment, en béton ou en pierre artificielle, même armés», ou des «[o]uvrages en pierres ou en autres matières minérales (y compris les ouvrages en tourbe), non dénommés ni compris ailleurs». Elles doivent donc être classées dans le Chapitre 69.

Pour les raisons qui précèdent, les appels sont admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

3. Ibid. , annexe I.

4. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1986.

5. Voir, par exemple, York Barbell Co. Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise , Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP-91-131, le 16 mars 1992.

6. Ibid .

7. 1989 Annual Book of ASTM Standards , American Society for Testing and Materials, Philadelphie, 1989, norme C. 71-88 «Standard Definitions of Terms Relating to Refractories»; et Modern Refractory Practice , 5 e éd., Pittsburgh, Harbison-Walker Refractories Company, 1992.

8. Ceramic Glossary , Columbus, American Ceramic Society, 1984 à la p. 33.

9. Recommandation ISO R 836 , Vocabulaire pour l'industrie des matériaux réfractaires , 1 re éd., Suisse, Organisation internationale de normalisation, 1968.


Publication initiale : le 20 mai 1997