SOCIÉTÉ CANADIENNE DES PNEUS MICHELIN LTÉE

Décisions


SOCIÉTÉ CANADIENNE DES PNEUS MICHELIN LTÉE
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-333

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le mercredi 22 mars 1995

Appel n o AP-93-333

EU ÉGARD À un appel entendu le 22 septembre 1994 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 20 octobre 1993 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES PNEUS MICHELIN LTÉE Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Nicole Pelletier ______ Nicole Pelletier Secrétaire intérimaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale. Pour obtenir le remboursement intégral de la taxe de vente fédérale payée sur l'achat de pneus importés, l'appelant a conclu une entente avec la société Uniroyal Goodrich Canada Inc., un fabricant titulaire de licence, pour la vente des pneus importés. L'opération a été effectuée le 28 décembre 1990. Le 2 janvier 1991, Uniroyal Goodrich Canada Inc. a revendu les pneus importés à l'appelant. Le ministre du Revenu national a rejeté la demande de remboursement de l'appelant pour le motif qu'elle n'était pas conforme aux exigences de la Loi sur la taxe d'accise. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a droit au remboursement de la taxe de vente fédérale payée sur les pneus importés dans le cadre de l'opération de décembre 1990. Plus particulièrement, le Tribunal doit déterminer si l'opération de décembre 1990 constitue une «vente». Dans l'affirmative, le Tribunal doit alors déterminer s'il a compétence pour examiner l'application de la règle générale anti - évitement aux termes de l'article 274 de la Loi sur la taxe d'accise aux circonstances de la présente cause. Si le Tribunal conclut qu'il a compétence pour examiner la question, il doit alors déterminer si la règle générale anti - évitement s'applique de manière à priver l'appelant d'un remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal est d'avis que l'opération de décembre 1990 était tout à fait complète en droit et que l'appelant a vendu à bon droit les pneus importés à Uniroyal Goodrich Canada Inc. le 28 décembre 1990. Par conséquent, l'opération de décembre 1990 constitue une vente juridiquement valable pour l'application de l'article 68.2 de la Loi sur la taxe d'accise. Plus particulièrement, de l'avis du Tribunal, une opération peut demeurer valide même si sa seule fin commerciale est d'ordre fiscal. En outre, l'opération de décembre 1990 n'était pas une opération fictive. Il existait un véritable lien vendeur - acheteur entre l'appelant et Uniroyal Goodrich Canada Inc. L'opération de décembre 1990 n'était clairement pas un baillement. En outre, les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que l'appelant et Uniroyal Goodrich Canada Inc. étaient si étroitement liés qu'ils constituaient une seule entité économique et ne pouvaient donner librement leur consentement mutuel.

Le Tribunal conclut qu'il a compétence pour examiner l'application de la règle générale anti - évitement aux circonstances de la présente cause. Même si l'appelant a vendu les pneus importés à Uniroyal Goodrich Canada Inc., le Tribunal est d'avis que toutes les conditions nécessaires prévues à l'article 274 de la Loi sur la taxe d'accise ont été manifestement remplies et que la règle générale anti - évitement s'applique de manière à priver l'appelant d'un remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 22 septembre 1994 Date de la décision : Le 22 mars 1995
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Desmond Hallissey, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Dalton J. Albrecht et Richard B. Thomas, pour l'appelant Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national (le Ministre), en date du 3 janvier 1992, qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) de 2 265 929,10 $ faite le 19 février 1991. Le 12 mars 1992, l'appelant a signifié un avis d'opposition que le Ministre a rejeté par un avis de décision daté du 20 octobre 1993. À l'audience, les avocats de l'appelant et l'avocat de l'intimé ont déposé un exposé conjoint des faits.

L'appelant, la Société canadienne des pneus Michelin Ltée (Michelin), est une société canadienne qui fabrique et distribue des pneus pour véhicules automobiles. Jusqu'en août 1994, le siège social de l'appelant était situé à Dorval (Québec). Il est maintenant situé à Laval (Québec).

Uniroyal Goodrich Canada Inc. (Uniroyal Goodrich) est une société canadienne issue de la fusion, en 1986, des sociétés Uniroyal Tire Ltd. et Uniroyal Goodrich Canada Inc. Uniroyal Goodrich fabrique et distribue également des pneus pour véhicules automobiles. Son siège social est situé à Kitchener (Ontario).

Le 22 septembre 1989, une société affiliée à l'appelant a conclu un accord pour l'acquisition des entreprises du groupe Uniroyal Goodrich au Canada, aux États-Unis et au Mexique. Cette opération a été complétée le 2 mai 1990. C'est ainsi que l'entreprise Uniroyal Goodrich est devenue une société affiliée à l'appelant.

Jusqu'en 1991, l'appelant importait des pneus finis pour véhicules automobiles aux fins de revente et versait la TVF applicable dont le taux, en 1990, était de 13,5 p. 100. Le prix de vente facturé aux clients de l'appelant comprenait habituellement un montant au titre de la TVF, qui était comprise dans le coût des pneus.

Les pneus importés étaient physiquement différents de ceux fabriqués au pays. Par exemple, le nom du pays d'origine était imprimé sur les marchandises. L'inventaire de pneus importés était consigné séparément aux fins de la tenue de livres comptables, et donc facilement identifiable.

En prévision de l'entrée en vigueur de la taxe sur les produits et services (TPS), le gouvernement fédéral a mis sur pied un Bureau d'information des consommateurs sur la TPS qui, le 20 septembre 1990, a publié un rapport sur le remplacement de la TVF par la TPS pour aider les consommateurs à comprendre l'effet prévu de la transition sur les prix. Un graphique illustrant les économies potentielles pour les consommateurs était compris dans ce rapport.

En 1990, les clients de l'appelant lui ont écrit pour énoncer la procédure de soumission des marchés de fourniture de marchandises par suite du remplacement de la TVF par la TPS. L'appelant a répondu à ses clients par lettres pour leur indiquer le taux moyen de la TVF compris dans le prix de ses produits en 1990. Le 14 décembre 1990, l'appelant a annoncé que les économies de taxe résultant de la transition annoncée seraient appliquées en réduction du prix de toute sa gamme de pneus en 1991. Le 1er juin 1990, le gouvernement fédéral a annoncé que le taux de remboursement de la TVF à l'inventaire ne serait que de 8,1 p. 100.

Pour obtenir le remboursement intégral de la TVF payée sur les pneus importés, l'appelant a décidé de les vendre à Uniroyal Goodrich. Uniroyal Goodrich a ensuite demandé, aux termes de l'article 48 de la Loi, que sa licence de fabricant soit modifiée afin d'être considérée comme le fabricant des pneus vendus sous la marque de commerce de l'appelant et autorisée E0… importer ou à acheter ces pneus en bénéficiant d'une exonération de la TVF. La demande a été approuvée. Le formulaire de demande précisait qu'en 1990, Uniroyal Goodrich pouvait acquérir de l'appelant environ 180 000 pneus exonérés de la TVF, lesquels seraient revendus à l'appelant ou à des tiers pour le compte de l'appelant en 1991, et que l'appelant demanderait ensuite un remboursement de la TVF fondé sur la vente des pneus importés à Uniroyal Goodrich.

L'appelant et Uniroyal Goodrich ont donc conclu une entente le 16 novembre 1990. Cette entente a été signée par les deux parties les 14 et 18 décembre 1990 respectivement et devait prendre effet le 28 décembre 1990 (l'opération de décembre 1990). En contrepartie d'une somme de 30 000 $ par semaine, les pneus importés étaient stockés dans les entrepôts de l'appelant. Uniroyal Goodrich a souscrit une assurance pour la période allant du 27 décembre 1990 aux environs du 3 janvier 1991.

Les 2 et 4 janvier 1991, Uniroyal Goodrich et l'appelant ont signé une deuxième entente prévoyant la revente des pneus importés à l'appelant à l'ouverture des bureaux le 2 janvier 1991 (l'opération de janvier 1991). Les parties ont présenté le choix fait conjointement aux termes du paragraphe 156(2) de la Loi. Par l'effet de ce choix, la fourniture taxable effectuée entre eux était réputée avoir été effectuée à titre gratuit et aucune somme n'a été perçue au titre de la TPS sur la vente des pneus importés à l'appelant par Uniroyal Goodrich

Le 19 février 1991, l'appelant a fait une demande de remboursement de la TVF de 2 265 929,10 $, somme qu'il avait remise par suite de l'importation des pneus qu'il a ensuite vendus à Uniroyal Goodrich. En décembre 1991, un représentant du Ministre a avisé l'appelant que sa demande de remboursement de la TVF serait rejetée pour le motif que la vente à Uniroyal Goodrich par l'appelant ne constituait pas une vente véritable. Le 19 décembre 1991, l'appelant et Uniroyal Goodrich ont tous deux déposé une demande de remboursement de la TVF à l'inventaire de 1 438 140,06 $. Le 7 avril 1992, le Ministre a approuvé le remboursement demandé par l'appelant de 1 465 407,90 $, soit le montant de la TVF plus les intérêts, et a rejeté la demande de remboursement d'Uniroyal Goodrich.

Le 19 janvier 1994, Michelin a interjeté appel de la décision rendue par le Ministre le 20 octobre 1993 qui a eu pour effet de rejeter l'opposition de l'appelant et de ratifier la détermination qui rejetait la demande de remboursement de l'appelant. L'appelant soutient avoir droit au remboursement de 2 265 929,10 $ plutôt que de 1 465 407,90 $.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a droit, aux termes de l'article 68.2 de la Loi, à un remboursement de la TVF payée sur les pneus importés par suite de l'opération de décembre 1990 conclue entre l'appelant et Uniroyal Goodrich. Plus particulièrement, le Tribunal doit déterminer si l'opération de décembre 1990 constitue une «vente» aux fins de l'article 68.2 de la Loi. Dans l'affirmative, le Tribunal doit alors déterminer s'il a compétence pour examiner l'application de la règle générale anti-évitement (la RGAÉ) aux termes de l'article 274 de la Loi aux circonstances de la présente cause. Si le Tribunal conclut qu'il a compétence pour examiner la question, il doit alors déterminer si la RGAÉ s'applique de manière à priver l'appelant du remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi.

Le Tribunal doit d'abord déterminer si l'opération de décembre 1990 constitue une «vente» aux fins de l'article 68.2 de la Loi. Le paragraphe 68.2(1) [2] de la Loi est rédigé comme suit :

(1) Lorsque la taxe a été payée en vertu de la partie III ou VI à l'égard de marchandises et que subséquemment les marchandises sont vendues à un acheteur en des circonstances qui, à cause de la nature de cet acheteur ou de l'utilisation qui sera faite de ces marchandises ou de ces deux éléments, auraient rendu la vente à cet acheteur exempte ou exonérée de cette taxe aux termes du paragraphe 23(6), de l'alinéa 23(8)b) ou des paragraphes 50(5) ou 51(1) si les marchandises avaient été fabriquées au Canada et vendues à l'acheteur par leur fabricant ou producteur, une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être versée à la personne qui a vendu les marchandises à cet acheteur, si la personne qui a vendu les marchandises en fait la demande dans les deux ans qui suivent la vente.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que, toutes les conditions de l'article 68.2 de la Loi étant remplies, l'appelant a droit au remboursement de la TVF relativement à la vente des pneus importés à Uniroyal Goodrich. Plus précisément, la TVF a été payée relativement aux pneus importés sur lesquels la demande de remboursement s'appuyait; les pneus importés ont fait l'objet d'une vente à bon droit exonérée de la TVF à Uniroyal Goodrich; et la demande a été déposée dans les deux ans suivant la vente.

Les deux parties ont convenu que deux des trois conditions ont été remplies, et le Tribunal est de cet avis. Le litige porte sur la deuxième condition, c.-à-d. sur la question qui consiste à déterminer si la vente des pneus par l'appelant à Uniroyal Goodrich était légitime. Le Tribunal est d'avis qu'il incombe manifestement à l'appelant de prouver que cette condition a été remplie et qu'il a droit au remboursement demandé [3] .

Selon les avocats de l'appelant, le litige consistait à déterminer si l'opération de décembre 1990 était une [traduction] «vente conforme au droit» ou s'il s'agissait d'une vente juridiquement valable ou complète en droit. Pour sa part, l'avocat de l'intimé a soutenu qu'il s'agissait plutôt de déterminer si l'opération de décembre 1990 était une [traduction] «véritable vente» et qu'il fallait tenir compte de certains facteurs établis et importants pour trancher la question. Le Tribunal est d'avis que, même s'ils ont employé une terminologie différente, les avocats ont essentiellement soulevé le même point. Pour trancher adéquatement la question, le Tribunal s'est appuyé sur l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Stubart Investments Limited. c. Sa Majesté la Reine [4] .

Dans la cause Stubart, la Cour suprême du Canada devait déterminer si un contribuable peut, dans le but avoué de réduire ses impôts, s'organiser de façon que ses profits futurs soient versés à une filiale pour profiter du report des pertes de cette dernière société. Les faits étaient relativement simples et le juge Estey les a bien résumés dans son jugement qui est rédigé, en partie, comme suit :

La sociét E9 ‚ de gestion Finlayson Enterprises Limited, [...] la «société mère», a constitué l'appelante en société en 1951. En 1962, l'appelante a acquis l'actif de Stuart Brothers Company Limited qui fabriquait et vendait des aromatisants alimentaires et des produits connexes [...] À l'époque de cette acquisition, l'appelante avait changé sa première raison sociale pour celle de Stuart Brothers Limited de manière à profiter de la valeur de ce nom et de l'achalandage qui s'y rattachait sur le marché. En 1969, l'appelante a de nouveau changé sa raison sociale pour adopter son nom actuel : Stubart Investments Limited.

Parmi ses autres filiales, la société mère détenait toutes les actions de Grover Cast Stone Co. Ltd. ([...] «Grover») qui fabriquait et vendait des produits de béton précoulé. En 1965, Grover avait subi des pertes considérables, reconnues comme telles en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu [...] En 1966, les conseillers fiscaux de la société mère ont établi un plan en vertu duquel l'appelante vendrait son actif à Grover à compter du 1 er janvier 1966. Simultanément à la vente de l'actif et par une entente distincte, Grover constituerait l'appelante sa mandataire pour exploiter l'entreprise en son nom.

Après la conclusion et la signature [du] contrat de vente, l'appelante a exploité l'entreprise pour le compte de Grover et, à la fin de chacune des années financières 1966, 1967 et 1968, l'appelante a payé à Grover le profit net tiré de l'exploitation de l'entreprise. Grover, quant à elle, a inclus ces revenus conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu dans ses déclarations d'impôt sur le revenu des sociétés pour les mêmes années. Le ministère du Revenu national a alors établi de nouvelles cotisations pour l'appelante par lesquelles il rejette les inscriptions qui transfèrent le revenu net à Grover et rétablit ce revenu comme revenu imposable de l'appelante. Le présent pourvoi vise ces nouvelles cotisations [5] .

La Commission de révision de l'impôt (maintenant la Cour canadienne de l'impôt) a rejeté l'appel pour le motif que l'opération en cause constituait un trompe-l'œil (opération fictive). La Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté l'appel parce qu'elle était d'avis que, une fois la perte fiscale à la charge de Grover entièrement utilisée, Grover aurait vendu à Stuart Brothers l'entreprise exploitée par cette dernière. La Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel pour le motif que la vente intervenue entre Grover et Stubart était incomplète et a conclu qu'il n'était donc pas nécessaire de déterminer si l'opération était un trompe-l'œil.

La Cour suprême du Canada a d'abord cherché à déterminer si l'opération entre Stubart et Grover était incomplète. La Cour a souligné que les parties ont reconnu avoir accompli 30 actes juridiques pour céder l'entreprise à Grover. La Cour a examiné chacune des questions qui, selon l'intimé, n'avaient pas été réglées relativement à la cession de l'actif entre les parties au contrat et a conclu qu'aucune d'elles ne suffisait à remettre en cause la réalité commerciale de la vente. La Cour a donc conclu que l'opération était complète en droit.

Le Tribunal doit donc déterminer si l'opération de décembre 1990 entre l'appelant et Uniroyal Goodrich était complète en droit. Les avocats de l'appelant ont soutenu que l'opération était assujettie aux lois de la province de Québec. Ils ont donc attiré l'attention du Tribunal sur l'article 1472 du Code civil du Bas Canada (le Code civil)et soutenu que, toutes les conditions prévues à cet article étant remplies, l'opération de décembre 1990 constituait une vente légalement complète. Les avocats ont souligné que l'opération serait considérée comme une vente légalement complète à la lumière tant du droit civil du Québec que de la common law en vigueur dans toutes les autres provinces, où la législation en matière de vente d'objets est presque identique.

L'article 10 de l'accord de décembre 1990 conclu entre l'appelant et Uniroyal Goodrich prévoit que [traduction] «l'accord est régi par les lois de la province de Québec et interprété en accord avec celles-ci». L'appelant a rédigé et signé l'accord à Montréal (Québec). Toutefois, Uniroyal Goodrich a signé l'accord à son siège social à Kitchener. Les pneus importés étaient stockés dans divers entrepôts un peu partout au pays.

L'article 1472 du Code civil prévoit que «[l]a vente est un contrat par lequel une personne donne une chose à une autre, moyennant un prix en argent que la dernière s'oblige à payer» et qu'une vente «est parfaite par le seul consentement des parties, quoique la chose ne soit pas encore livrée». Il existe une disposition analogue dans la Loi sur la vente d'objets [6] de l'Ontario(la Loi de l'Ontario), dont le paragraphe 18(1) stipule que «[l]a propriété d'objets déterminés ou certains est transférée à l'acheteur au moment où les parties au contrat ont l'intention de la transférer».

Les éléments de preuve montrent que les parties ont conclu un accord portant sur la vente de pneus importés le 16 novembre 1990. Elles ont signé cet accord les 14 et 18 décembre 1990 respectivement. La vente devait prendre effet le 28 décembre 1990. Uniroyal Goodrich a loué de l'appelant les locaux d'entreposage nécessaires en contrepartie d'une somme de 30 000 $ par semaine et souscrit une assurance couvrant les pneus importés. Uniroyal Goodrich a versé un paiement à l'appelant conformément aux modalités de l'accord. Le conseil d'administration de l'appelant a adopté une résolution autorisant la vente des pneus importés, et le conseil d'administration d'Uniroyal Goodrich a adopté une résolution autorisant l'achat desdits pneus. Les deux parties ont consigné l'opération dans leurs livres comptables à titre de vente. Les pneus importés étaient, pendant toute la période en cause, facilement identifiables, tant concrètement que dans les livres comptables des parties.

Le Tribunal est d'avis que les parties avaient manifestement l'intention de faire en sorte que l'appelant cède la propriété des pneus importés à Uniroyal Goodrich le 28 décembre 1990. La législation n'exige pas que le vendeur remette effectivement le bien à l'acheteur. Selon le Tribunal, l'opération de décembre 1990 serait donc conforme aux exigences de l'article 1472 du Code civil et à celles du paragraphe 18(1) de la Loi de l'Ontario. Le Tribunal estime que les documents relatifs à l'opération de décembre 1990 ont été préparés, signés et remis en accord avec les exigences.

Tel qu'il a été indiqué précédemment, la Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté l'appel Stubart parce qu'elle était d'avis que, une fois la perte fiscale à la charge de Grover entièrement utilisée, celle-ci aurait vendu à Stuart Brothers l'entreprise exploitée par cette dernière. La Section de première instance de la Cour fédérale a conclu que «les administrateurs des deux compagnies n'ont jamais envisagé l'opération comme un transfert des éléments d'actif de Stuart ni comme une vente véritable». Le juge Estey de la Cour suprême du Canada a commenté en ces termes la conclusion de la Section de première instance de la Cour fédérale :

Il s'agit apparemment d'une allusion à la note de l'avocat de la société appelante dont j'ai déjà parlé et qui mentionne, entre autres choses, que lorsque la perte récupérable aura été complètement utilisée [TRADUCTION] «celle-ci [Grover] vendra à Stuart Brothers l'entreprise exploitée par cette dernière». Il n'y a rien au dossier qui équivaille à une convention ou engagement exécutoire de revendre l'entreprise ni même un engagement de la part des administrateurs de l'appelante ou de Grover de le faire. De toute façon cette cession n'a pas eu lieu et Grover a vendu l'entreprise à un tiers [7] .

Compte tenu de cette réalité commerciale, la Cour suprême du Canada a conclu qu'il était difficile de voir comment l'opération entre Grover et Stubart était incomplète.

L'accord de décembre 1990 entre l'appelant et Uniroyal Goodrich ne stipulait nullement que l'appelant était tenu de racheter les pneus importés à Uniroyal Goodrich. La demande adressée par Uniroyal Goodrich au ministère du Revenu national (Revenu Canada) pour faire modifier sa licence de fabricant précisait seulement que [traduction] «Uniroyal Goodrich devrait acquérir de Michelin, en 1990, environ 180 000 pneus d'une valeur estimative de 15,6 millions de dollars. Les pneus achetés à Michelin par Uniroyal Goodrich seraient revendus à Michelin ou à des tiers pour leur compte en 1991». Selon le Tribunal, ce document n'obligeait nullement l'appelant à racheter les pneus importés. Le Tribunal est d'avis, en outre, que le fait qu'Uniroyal Goodrich a souscrit une assurance couvrant les pneus importés pour la période allant du 27 décembre 1990 aux environs du 3 janvier 1991 ne créait aucune obligation en ce sens. Enfin, les résolutions adoptées par le conseil d'administration de l'appelant et par celui d'Uniroyal Goodrich ne précisent ni que l'appelant était tenu de racheter les pneus importés, ni qu'Uniroyal Goodrich devait les revendre à l'appelant.

Le Tribunal est d'avis qu'il n'y a rien au dossier qui équivaille à une convention ou à un engagement exécutoire d'annuler l'opération de décembre 1990 entre l'appelant et Uniroyal Goodrich ni même un engagement de la part d'un agent de l'appelant ou d'Uniroyal Goodrich de le faire. La seule différence entre l'arrêt Stubart de la Cour suprême du Canada et la présente cause est que Michelin a effectivement racheté les pneus importés à Uniroyal Goodrich. Le Tribunal estime, toutefois, que le fait qu'il y ait eu rachat n'influe pas sur la réalité commerciale de l'opération de décembre 1990 et ne rend pas cette dernière incomplète.

Par conséquent, le Tribunal déclare que l'opération de décembre 1990 entre l'appelant et Uniroyal Goodrich était tout à fait complète en droit. Il est cependant clair, d'après l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans la cause Stubart, qu'une opération tout à fait complète en droit peut, néanmoins, être déclarée sans effet juridique.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que, même si le Tribunal pouvait être confronté à une situation d'évitement fiscal, il ne peut négliger le fait que l'opération de décembre 1990 était une vente juridiquement valable. En s'appuyant sur la décision de Lord Tomlin dans la cause Inland Revenue Commissioners v. Duke of Westminster [8] , les avocats ont soutenu qu'un contribuable est autorisé à diriger ses affaires de manière à payer le moins d'impôt possible. Bien que le seul but poursuivi par un contribuable soit d'éviter l'impôt, les tribunaux ne modifieront pas la nature d'une opération pour en annuler l'effet juridique. Évoquant l'arrêt Stubart, les avocats ont soutenu qu'une opération pouvait être valide même si son seul objet commercial est de nature fiscale. Toute décision contraire infirmerait totalement le principe énoncé par Lord Tomlin dans Inland. Se reportant à la décision de la Cour canadienne de l'impôt dans la cause Banque Continentale du Canada et Continental Bank Leasing Corporation c. Sa Majesté la Reine [9] , les avocats ont affirmé qu'en droit fiscal, la forme importe. Ce sont les véritables rapports entre les parties qui doivent primer.

En s'appuyant sur les commentaires du juge en chef Dickson de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Sa Majesté la Reine c. Phyllis Barbara Bronfman Trust [10] , l'avocat de l'intimé a soutenu que la véritable nature commerciale et pratique d'une opération d'un contribuable doit être déterminée au moyen d'une appréciation saine de toutes les caractéristiques directrices, et non à l'aide de critères fondés sur la forme de l'opération. Les réalités commerciale et économique d'une situation ont préséance sur l'utilisation d'une série d'événements pour créer une illusion de conformité avec les conditions apparentes. Il en serait ainsi même pour décider de la qualification d'une opération d'après sa véritable nature commerciale et pratique plutôt que d'après une quelconque qualification hypothétique reposant sur une approche formelle qui ne favorise pas le contribuable.

Évoquant la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'arrêt Haro Pacific Enterprises Limited c. Sa Majesté la Reine [11] , l'avocat de l'intimé a soutenu que, lorsque l'appréciation d'une opération d'après ses réalités commerciale et économique débouche sur une qualification qui diffère totalement de l'apparence formelle de l'opération, cette qualification pourrait être considérée extrêmement artificielle, selon l'apparence formelle, et doit être évitée.

À cet égard et compte tenu des réalités commerciale, économique et pratique de l'opération de décembre 1990, l'avocat de l'intimé a soutenu que qualifier l'opération de décembre 1990 de vente véritable, même si les exigences formelles d'une vente peuvent avoir été remplies, serait on ne peut plus artificielle.

L'avocat de l'intimé a attiré l'attention du Tribunal sur plusieurs facteurs entourant les opérations de décembre 1990 et de janvier 1991 pour étayer son argument : 1) l'appelant et Uniroyal Goodrich étaient des sociétés étroitement liées; 2) Uniroyal Goodrich a demandé la modification de sa licence de fabricant à peine trois mois avant la fin du programme de la TVF; 3) l'opération de décembre 1990 a pris effet le 28 décembre 1990, soit le dernier jour ouvrable de cette année-là; 4) le bénéfice réalisé par l'appelant à l'issue de cette opération était purement théorique; 5) le conseil d'administration de chacune des deux parties a adopté une résolution autorisant, le 31 décembre 1990, l'opération de janvier 1991; 6) l'opération de janvier 1991 a pris effet le 2 janvier 1991, soit le premier jour ouvrable de cette année-là; 7) les fonds couvrant les deux opérations semblent avoir été virés le même jour, c.-à-d. le 2 janvier 1991; et 8) le bénéfice réalisé par Uniroyal Goodrich à l'issue de l'opération de janvier 1991 était également purement théorique.

L'avocat de l'intimé a relevé les facteurs supplémentaires suivants, qu'il a déclaré être liés à l'intervalle entre l'opération de décembre 1990 et celle de janvier 1991, et a invité le Tribunal à en tenir compte : 1) les deux opérations ont porté sur les mêmes pneus importés; 2) Uniroyal Goodrich a assuré les pneus importés en ajoutant un simple avenant à une police d'assurance déjà en vigueur; et 3) l'avenant stipulait que la police d'assurance couvrait la somme de 20 000 000 $ de pneus qu'Uniroyal Goodrich allait acheter à l'appelant pendant la période allant du 27 décembre 1990 aux environs du 3 janvier 1991.

Dans l'arrêt Stubart, tout en souscrivant à l'opinion de la majorité, la juge Wilson a rédigé des motifs distincts qui sont libellés, en partie, comme suit :

Je suis aussi d'avis que le critère de l'objet commercial et celui du trompe - l'œil sont deux critères distincts. Une opération peut être valide sans être un trompe - l'œil de quelque façon (comme en l'espèce), mais elle peut n'avoir d'autre objet commercial qu'un objet fiscal. La question est donc de savoir si le Ministre a le droit de ne pas en tenir compte pour ce seul motif. Dans l'affirmative, c'est une énorme brèche dans l'opinion incidente de lord Tomlin : [TRADUCTION] «Tout homme a le droit, s'il le peut, de diriger ses affaires de façon que son assujettissement aux impôts prescrits par les lois soit moindre qu'il ne le serait autrement», Inland Revenue Commissioners v. Duke of Westminster, [1936] A.C. 1, à la p. 19. En réalité, il me semble que le critère de l'objet commercial constitue un rejet total du principe énoncé par lord Tomlin.

Je crois que le principe exprimé par lord Tomlin est beaucoup trop ancré dans notre droit pour que les tribunaux puissent l'écarter en l'absence de disposition législative expresse. On ne nous a signalé aucun texte ayant cette portée, en l'espèce [12] .

Le juge Estey a procédé à un examen minutieux de la jurisprudence couvrant cet aspect du droit fiscal et en est venu à la même conclusion que la juge Wilson. Il a déclaré ce qui suit :

Je suis donc d'avis de rejeter la proposition selon laquelle il est possible d'écarter une opération du point de vue fiscal uniquement parce que le contribuable l'a faite sans but commercial distinct ou véritable [13] .

À ce titre, le Tribunal est d'avis que, selon le droit en vigueur au Canada, il est clair qu'une opération peut être valide même si son seul but commercial est un objet fiscal. Aucune source faisant autorité selon laquelle le droit, au Canada, a évolué depuis l'arrêt Stubart de la Cour suprême du Canada n'a été portée à l'attention du Tribunal.

Le Tribunal est d'avis que l'opération de décembre 1990 entre l'appelant et Uniroyal Goodrich avait pour seul but de permettre à l'appelant d'obtenir le remboursement intégral de la TVF payée sur les pneus importés. Cette opération ne comportait absolument aucun véritable objet commercial. Cette conclusion est confirmée par les circonstances, évoquées par l'avocat de l'intimé, entourant à la fois les opérations de décembre 1990 et de janvier 1991 et l'intervalle entre elles. Toutefois, le fait que l'objet de l'opération de décembre 1990 était uniquement de nature fiscale ne rend pas cette dernière juridiquement sans effet. Toute autre conclusion serait parfaitement contraire au principe énoncé par Lord Tomlin dans la cause Inland, selon lequel [traduction] «tout homme a le droit, s'il le peut, de diriger ses affaires de façon que son assujettissement aux impôts prescrits par les lois soit moindre qu'il ne le serait autrement».

Le Tribunal estime que les commentaires du juge en chef Dickson de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Bronfman, auquel l'avocat de l'intimé s'est référé, sont accessoires. En outre, le juge en chef Dickson ne s'est reporté directement ni au critère de l'objet commercial, ni à l'arrêt Stubart. De l'avis du Tribunal, les commentaires du juge en chef Dickson portaient davantage sur la préséance de la «substance sur la forme», c.-à-d. sur la question de déterminer si les tribunaux devaient examiner la substance plutôt que la forme d'une opération pour déterminer si celle-ci est juridiquement valable. Récemment, dans la cause Banque Continentale, le juge Bowman de la Cour canadienne de l'impôt a examiné minutieusement la jurisprudence entourant cet aspect du droit fiscal et formulé la conclusion suivante :

Le principe qu'il faut dégager de ces précédents est simplement qu'on ne peut changer aux fins de l'impôt sur le revenu la nature essentielle d'une opération en lui donnant un nom différent. C'est le véritable rapport juridique, et non le nom qu'on lui donne, qui importe. Inversement, le ministre ne peut pas dire au contribuable : «Vous avez utilisé une structure juridique mais vous avez obtenu le même résultat économique que celui que vous auriez obtenu si vous aviez employé une autre structure. Par conséquent, je ne tiendrai pas compte de la structure que vous avez utilisée et je vais vous traiter comme si vous aviez employé l'autre structure» [14] .

Le Tribunal est d'avis qu'en l'espèce, il existait un véritable lien vendeur-acheteur entre l'appelant et Uniroyal Goodrich. Par conséquent, le Ministre ne doit pas pouvoir donner un autre nom à l'opération de décembre 1990 de manière à priver l'appelant d'un remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que l'opération de décembre 1990 n'était pas une «opération trompe-l'œil». À l'appui de cet argument, les avocats ont rappelé au Tribunal la définition d'un «trompe-l'œil» formulée par Lord Diplock dans l'arrêt Snook v. London and West Riding Investments Ltd. [15] et reprise maintes fois par les tribunaux au Canada. Les avocats ont affirmé qu'en l'espèce, aucun élément de preuve ne permet au Tribunal de conclure que l'opération de décembre 1990 entre l'appelant et Uniroyal Goodrich était un trompe-l'œil.

L'avocat de l'intimé a soutenu que l'opération de décembre 1990 était un trompe-l'œil. À son avis, l'arrêt Stubart a énoncé certaines règles permettant de déterminer si une opération doit être considérée comme un trompe-l'œil. L'avocat a soutenu que, ayant examiné tous les faits pertinents à la lumière de ces règles dans la présente cause, le Tribunal doit conclure que l'opération de décembre 1990 était un trompe-l'œil. Selon l'avocat, outre le fait que l'opération de décembre 1990 ne comportait pas un véritable objet commercial, la propriété bénéficiaire des pneus importés n'a, en fait, pas été cédée à Uniroyal Goodrich puisque les parties avaient manifestement l'intention de céder de nouveau les pneus à l'appelant. En outre, l'opération de décembre 1990 a été inversée peu de temps après par celle de janvier 1991 et les prétendus avantages fiscaux se sont matérialisés dès la conclusion de l'opération de décembre 1990.

Tant la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Stubart que la Cour canadienne de l'impôt dans la cause Banque Continentale ont cité le jugement de Lord Diplock dans l'affaire Snook pour établir la norme à appliquer afin de déterminer si une opération constitue un trompe-l'œil. Lord Diplock a énoncé le principe à suivre en ces termes :

[...] un «trompe - l'œil» [...] désigne les actes faits ou les documents signés par les parties dans l'intention de faire croire aux tiers et au tribunal qu'ils créent des droits et des obligations différents de ceux (s'il en est) que les parties entendent vraiment créer. Je crois qu'il y a cependant une chose qui est claire sur le plan des principes juridiques, de la moralité et des précédents [...] pour qu'un acte ou un document constitue un «trompe - l'œil» — avec les conséquences juridiques qui peuvent en découler — toutes les parties à cet acte ou à ce document doivent avoir l'intention commune de ne pas créer les droits et les obligations qu'ils font croire qu'ils créent. Les intentions non exprimées de l'auteur du «trompe - l'œil» n'ont aucune incidence sur les droits de la personne qu'il a trompée [16] .

Ayant appliqué cette définition aux faits dans l'arrêt Stubart, la Cour suprême du Canada a conclu ce qui suit :

On ne peut soutenir que l'opération elle-même et la forme dans laquelle les parties, leurs conseillers juridiques et comptables l'ont réalisée l'ont été de manière à créer une fausse impression pour les tiers, notamment les autorités fiscales. L'apparence créée par les documents correspond précisément à la réalité. Les obligations prévues dans les documents étaient des obligations juridiques dans le sens qu'elles étaient absolument exécutoires en droit. Les tribunaux n'ont pas encore jusqu'ici étendu le concept du trompe - l'œil à une opération valide par ailleurs, mais conclue par des parties liées. De même la possibilité d'annuler l'opération parce que les propriétaires sont communs n'a jamais été considérée, dans aucune des affaires signalées à l'attention de la Cour, comme un élément qui permet de retenir ou non l'opération parce qu'il s'agirait d'un trompe - l'œil. [...] En bref, il y a absence totale de l'élément de tromperie qui est au cœur même du trompe - l'œil. Par leur convention, les parties ont fait ce qu'elles avaient dit vouloir faire. Le contribuable a soumis l'opération aux autorités fiscales pour en faire déterminer les conséquences fiscales en droit. Dans ces circonstances, rien ne justifie à mon avis d'appliquer la doctrine du trompe - l'œil qui découle de la jurisprudence de ce pays [17] .

De même, la Cour canadienne de l'impôt dans Banque Continentale a appliqué la définition du «trompe-l'œil» formulée par Lord Diplock aux faits qui lui étaient présentés et conclu que l'opération en cause n'était pas une opération «trompe-l'œil». Le juge Bowman a formulé le commentaire suivant :

Si les relations juridiques sont obligatoires et ne sont pas un paravent servant à camoufler un autre type de relation juridique, elles ne constituent pas un trompe - l'œil, peu importe à quel point le résultat fiscal peut offenser le ministre ou, d'ailleurs, le tribunal, et peu importe le mobile économique global ultérieur. Lorsqu'il y a trompe - l'œil, il existe nécessairement derrière la façade juridique une autre relation juridique véritable. Si la réalité juridique qui existe à la base de la relation juridique apparente est la même que celle qui apparaît à la surface, il n'y a pas de trompe - l'œil [18] .

Dans la présente cause, le Tribunal est convaincu que l'opération de décembre 1990 entre l'appelant et Uniroyal Goodrich n'était pas un trompe-l'œil. Il existait un lien juridique de vendeur-acheteur entre l'appelant et Uniroyal Goodrich le 28 décembre 1990, lien qui existait toujours le 2 janvier 1991. Il y avait absence totale de l'élément de tromperie. En effet, la lettre dans laquelle Uniroyal Goodrich demande à Revenu Canada de modifier sa licence de fabricant énonce l'intention probable des parties. Le fait que l'appelant a racheté les pneus importés à Uniroyal Goodrich ne suffit pas à faire de l'opération un trompe-l'œil. En outre, le fait que les parties à l'opération étaient étroitement liées est sans conséquence. Comme le souligne la juge Wilson dans l'arrêt Stubart, «le critère de l'objet commercial et celui du trompe-l'œil sont deux critères distincts». À ce titre, même si le Tribunal estime que les facteurs évoqués par l'avocat de l'intimé montrent que l'opération de décembre 1990 ne comportait aucun objet commercial véritable, ils ne prouvent pas pour autant que l'opération de décembre 1990 était un trompe-l'œil.

L'avocat de l'intimé a soutenu que, lorsque les parties ont l'intention de faire en sorte que les mêmes marchandises soient retournées au vendeur initial, il n'est pas fait cession de leur propriété selon la loi et, par conséquent, il ne saurait y avoir vente. S'appuyant sur la décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans la cause Crawford v. Kingston and Johnston [19] , l'avocat a déclaré qu'une telle opération correspond davantage à un baillement qu'à un accord de vente.

Dans l'affaire Crawford, le juge d'appel Mackay de la Cour d'appel de l'Ontario a formulé le principe à appliquer pour déterminer si une opération est un baillement. Ce principe est rédigé, en partie, comme suit :

Whenever there is a delivery of property on a contract for an equivalent in money or some other valuable commodity, and not for the return of the identical subject-matter in its original or altered form, this is a transfer of property for value - - it is a sale and not a bailment.

When the original chattel delivered is to be returned in the same or an altered form the title does not pass but the transaction constitutes a bailment with the title in the bailor, but if the transaction as made by the contract between the parties does not require the party receiving the chattel to return it in its original or an altered form but permits the possessor to return another chattel of equal value or to pay the money value thereof, the relation of vendor and purchaser is created and the title to the property passes to him and is in him [20] .

([Traduction] Lorsqu'un bien est cédé aux termes d'un contrat en contrepartie d'un montant équivalent en argent ou d'une autre valeur, et non contre le retour du bien, dans son état initial ou non, il y a cession de ce bien contre une valeur; il s'agit d'une vente et non d'un baillement.

Lorsque le bien cédé au départ doit être retourné, dans son état initial ou non, sa propriété n'est pas cédée et l'opération constitue un baillement, la propriété revenant au baillant. Toutefois, si l'opération décrite au contrat entre les parties n'oblige pas la partie qui reçoit le bien à le remettre, dans son état initial ou non, mais permet au possesseur de retourner un bien de même valeur ou de verser un montant égal à la valeur du bien, la relation entre un vendeur et un acheteur est créée et la propriété du bien lui est cédée et est en lui.)

L'entente de décembre 1990 entre l'appelant et Uniroyal Goodrich ne prévoyait ni qu'Uniroyal Goodrich devait retourner les pneus importés sous quelque forme que ce soit à l'appelant, ni que ce dernier devait les racheter à Uniroyal Goodrich. Le Tribunal estime donc que l'appelant a cédé la propriété des pneus importés à Uniroyal Goodrich le 28 décembre 1990 et que l'opération ne constituait manifestement pas un baillement.

Le Tribunal constate que, récemment, la Cour fédérale du Canada dans la cause Gay Lea Foods Co-operative Ltd. c. Sa Majesté la Reine [21] , a conclu qu'un contrat prévoyant, d'une part, l'achat de beurre par la Commission canadienne du lait auprès d'un contribuable et, d'autre part, le rachat de ce beurre par ce contribuable à une date ultérieure constituait une vente aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu [22] . La Cour a déclaré que le libellé du contrat prévoyait, de façon claire et sans équivoque, la cession de la propriété du beurre par le contribuable à la Commission canadienne du lait. La Cour n'a pas cherché à déterminer si l'opération était un baillement. Ainsi, le Tribunal n'est pas convaincu que, même si l'entente de décembre 1990 entre l'appelant et Uniroyal Goodrich avait prévu que l'appelant rachèterait les pneus importés à une date ultérieure, l'opération de décembre 1990 aurait constitué un baillement plutôt qu'une vente.

L'avocat de l'intimé a également soutenu que l'appelant et Uniroyal Goodrich étaient si étroitement liés qu'ils constituaient une seule entité économique. On ne peut donc affirmer qu'il y a vraiment eu vente. À l'appui de cet argument, l'avocat s'est reporté à la décision du Tribunal dans la cause The Geo. Cluthé Manufacturing Company Limited c. Le ministre du Revenu national [23] .

Dans l'affaire Cluthé, le Tribunal s'est appuyé sur l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Colgate - Palmolive-Peet Company, Limited v. His Majesty the King [24] , où le juge Cannon a déclaré que «[i]n order to effect a sale, it is manifest from the general principles which govern all contracts that it requires two parties capable of giving, freely, a mutual assent [25] » ([traduction] pour qu'il y ait vente, il est évident, d'après les principes généraux régissant tout contrat, qu'il faut deux parties capables de donner librement leur consentement mutuel). Le Tribunal a déterminé qu'il existait une multitude d'éléments de preuve qui indiquaient que Cluthé Sales (Waterloo) Ltd. (Cluthé Sales) et The Geo. Cluthé Manufacturing Company Limited (Cluthé Manufacturing), les deux parties à l'opération, étaient en réalité une seule et même société. Ainsi, elles partageaient les mêmes locaux, les mêmes numéros de téléphone et la même adresse; Cluthé Manufacturing produisait les feuillets T4 et T4A des employés des deux sociétés; Cluthé Manufacturing avait souscrit une assurance couvrant l'actif des deux sociétés; et si Cluthé Manufacturing achetait des fournitures, Cluthé Sales réglait couramment les factures de ces achats. Le Tribunal a mentionné plusieurs autres faits pertinents à l'appui de sa conclusion. En réalité, même si Cluthé Manufacturing et Cluthé Sales étaient deux entités juridiques distinctes, elles ne formaient pas, aux fins de déterminer si des ventes avaient été réalisées entre elles, deux parties capables de donner librement leur consentement mutuel.

L'avocat de l'intimé a rappelé que l'appelant et Uniroyal Goodrich avaient un administrateur en commun à l'époque de l'opération de décembre 1990. Les éléments de preuve montrent également que, par suite d'une opération conclue le 2 mai 1990, Uniroyal Goodrich est devenue une société affiliée à l'appelant. De l'avis du Tribunal, cela ne permet pas de conclure que l'appelant et Uniroyal Goodrich étaient si étroitement liées qu'elles formaient une seule entité économique et ne pouvaient donner librement leur consentement mutuel. Les éléments de preuve soumis au Tribunal dans l'affaire Cluthé étaient beaucoup plus convaincants que ceux dont il a pris connaissance pour les besoins de la présente cause à l'appui de cette proposition.

Le Tribunal constate que, dans des causes récentes comme Stubart, Sa Majesté la Reine c. Irving Oil Limited [26] et Consolidated-Bathurst Limited c. La Reine [27] , les tribunaux ont conclu qu'une opération pouvait être juridiquement valable même si elle a eu lieu entre des parties étroitement liées. Ainsi, dans l'arrêt Stubart, la Cour suprême du Canada a déclaré que l'opération entre Stubart et Grover était une vente juridiquement valable, même si les deux parties étaient des filiales de la même société mère.

Enfin, en s'appuyant sur les causes Bronfman et Banque Continentale, l'avocat de l'intimé a soutenu que, si de l'avis du Tribunal aucun des arguments précédents n'est convaincant, le Tribunal peut les examiner ensemble pour déterminer si l'opération de décembre 1990 constitue une vente véritable pour l'application de l'article 68.2 de la Loi. Plus précisément, l'avocat s'est reporté au passage suivant de la décision du juge Bowman dans la cause Banque Continentale :

Dans les cas de ce genre, on se renvoie avec une certaine désinvolture des mots et des expressions comme trompe - l'œil, paravent, nom d'emprunt, caractère artificiel, opération incomplète, simulacre, caractère déraisonnable, objet et esprit, le fond l'emporte sur la forme, véritable objet commercial, opération comportant plusieurs étapes, stratagème d'évitement fiscal et, sans doute, d'autres termes émotifs et, dans certains cas, péjoratifs. Peu importe ce qu'ils peuvent ajouter à une analyse rationnelle du problème, hormis un peu de couleur dans un paysage par ailleurs aride, ces termes ne sont pas séparés par des cloisons étanches. Ils constituent simplement des aspects d'une tentative faite pour articuler et pour déterminer où arrête la planification fiscale «acceptable» et où commence la recherche d'astuces fiscales [28] .

Selon le Tribunal, cet extrait n'appuie pas la thèse selon laquelle il peut examiner ensemble tous les arguments soulevés par l'avocat de l'intimé pour déterminer si l'opération de décembre 1990 était une vente juridiquement valable pour l'application de l'article 68.2 de la Loi. Le juge Bowman n'a certainement pas abordé la question sous cet angle dans l'affaire Banque Continentale. Il a plutôt examiné séparément chacun des arguments de l'avocat de l'intimé avant de conclure que l'opération entre les parties était juridiquement valable pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le Tribunal n'a pas davantage relevé d'arguments en faveur de cette thèse dans la cause Bronfman.

Pour tous les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que l'appelant a vendu à bon droit les pneus importés à Uniroyal Goodrich le 28 décembre 1990. Par conséquent, l'opération de décembre 1990 constitue une vente juridiquement valable pour l'application de l'article 68.2 de la Loi.

Ayant conclu que l'opération de décembre 1990 entre l'appelant et Uniroyal Goodrich constitue une vente juridiquement valable pour l'application de l'article 68.2 de la Loi, le Tribunal doit maintenant déterminer s'il a compétence pour examiner l'application de la RGAÉ aux termes de l'article 274 de la Loi aux circonstances de la présente cause et, dans l'affirmative, si la RGAÉ s'applique de manière à priver l'appelant d'un remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi.

Le paragraphe 68.2(2) de la Loi énonce ce qui suit :

(2) L'article 274 s'applique, avec les adaptations nécessaires, aux ventes de marchandises effectuées après le 17 décembre 1990 et avant 1991 qui donneraient lieu à l'application du paragraphe (1) ou sont de nature à y donner lieu. À cette fin, la mention à cet article de cotisation, nouvelle cotisation ou cotisation supplémentaire vaut aussi mention de détermination ou nouvelle détermination.

Par souci de clarté, le Tribunal estime nécessaire de citer intégralement l'article 274 de la Loi, qui est rédigé comme suit :

(1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

«attribut fiscal» S'agissant des attributs fiscaux d'une personne, taxe, taxe nette, crédit de taxe sur les intrants, remboursement ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente partie, ainsi que tout autre montant à prendre en compte dans le calcul de la taxe, de la taxe nette, du crédit de taxe sur les intrants, du remboursement ou de l'autre montant payable par cette personne ou du montant qui lui est remboursable.

«avantage fiscal» Réduction, évitement ou report de taxe ou d'un autre montant payable en application de la présente partie ou augmentation d'un remboursement vis E9 ‚ par la présente partie.

«opération» Y sont assimilés les conventions, les mécanismes et les événements.

(2) En cas d'opération d'évitement, les attributs fiscaux d'une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de sorte à supprimer un avantage fiscal qui, en l'absence du présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d'une série d'opérations dont celle - ci fait partie.

(3) L'opération d'évitement s'entend :

a) soit de l'opération dont, en l'absence du présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables ¾ l'obtention d'un avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable;

b) soit de l'opération qui fait partie d'une série d'opérations dont, en l'absence du présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables ¾ l'obtention d'un avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable.

(4) Il est entendu que l'opération dont il est raisonnable de considérer qu'elle n'entraîne pas, directement ou indirectement, d'abus dans l'application des dispositions de la présente partie lue dans son ensemble ¾ abstraction faite du présent article ¾ n'est pas visée par le paragraphe (2).

(5) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2), en vue de d E9 ‚terminer les attributs fiscaux d'une personne de façon raisonnable dans les circonstances de sorte à supprimer l'avantage fiscal qui, en l'absence du présent article, découlerait, directement ou indirectement, d'une opération d'évitement :

a) tout crédit de taxe sur les intrants et toute déduction dans le calcul de la taxe ou de la taxe nette payable peut être en totalité ou en partie admise ou refusée;

b) tout ou partie de ce crédit ou de cette déduction peut être attribuée à une personne;

c) la nature d'un paiement ou d'un autre montant peut être qualifiée autrement;

d) les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l'application des autres dispositions de la présente partie peuvent ne pas être pris en compte.

(6) Dans les 180 jours suivant la mise à la poste d'un avis de cotisation, de nouvelle cotisation ou cotisation supplémentaire qui tient compte du paragraphe (2) en ce qui concerne une opération, toute personne (à l'exclusion du destinataire d'un tel avis) a le droit de demander par écrit au ministre d'établir à son égard une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire en application du paragraphe (2) en ce qui concerne l'opération.

(7) Nonobstant les autres dispositions de la présente partie, les attributs fiscaux d'une personne, par suite de l'application du présent article, ne peuvent être déterminés que par avis de cotisation, de nouvelle cotisation ou de cotisation supplémentaire, en tenant compte du présent article.

(8) Sur réception d'une demande présentée par une personne conformément au paragraphe (6), le ministre doit, dès que possible, après avoir examiné la demande et par dérogation aux paragraphes 298(1) et (2), établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire, en se fondant sur la demande. Toutefois, une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire ne peut être établie en application du présent paragraphe que s'il est raisonnable de considérer qu'elle concerne l'opération visée au paragraphe (6).

Les avocats de l'appelant ont soutenu que, le Ministre n'ayant indiqué ni dans l'avis de détermination, ni dans l'avis de décision que la demande de remboursement faite par l'appelant aux termes de l'article 68.2 de la Loi avait été rejetée conformément à la RGAÉ, le Tribunal n'a pas compétence pour examiner cette question. Selon les avocats, l'article 16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [29] n'autorise pas le Tribunal à appliquer la RGAÉ. À leur avis, le Tribunal ne peut qu'appuyer ou non les cotisations établies par le Ministre ou les déterminations effectuées par ce dernier et ne peut prendre de mesures administratives pour le compte du Ministre.

L'article 68.2 de la Loi a été modifié par des mesures législatives sanctionnées le 10 juin 1993 [30] . De façon générale, la législation ne s'applique de façon rétroactive que si cela est soit prévu expressément dans une loi, soit implicitement nécessaire [31] . La disposition modifiant l'article 68.2 stipulait expressément que le paragraphe 68.2(2) était réputé entré en vigueur le 17 décembre 1990 [32] . L'alinéa 68.2(2)b) limitait l'application de l'article 274 aux opérations effectuées après le 17 décembre 1990 et avant 1991. Tel qu'il a été indiqué précédemment, l'opération de décembre 1990 entre l'appelant et Uniroyal Goodrich, présumée répréhensible, a pris effet le 28 décembre 1990. Elle était donc assujettie à la RGAÉ.

L'avis de détermination qui a eu pour effet de rejeter la demande de remboursement de l'appelant est daté du 3 janvier 1992. À cette époque, le Ministre ne pouvait savoir que la RGAÉ pouvait s'appliquer de manière à priver l'appelant d'un remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi. Il lui aurait donc été impossible d'y faire référence dans l'avis de détermination. Le Ministre aurait toutefois pu le faire lorsqu'il a publié son avis de décision le 20 octobre 1993. Le Tribunal doit donc déterminer si le Ministre est dans l'impossibilité d'invoquer la RGAÉ à ce stade de la procédure parce que l'avis de décision ne précise pas que la demande de remboursement faite par l'appelant a été rejetée conformément à la RGAÉ.

Dans la cause Louis Riendeau c. Sa Majesté la Reine [33] , le Ministre avait établi une nouvelle cotisation à l'égard du contribuable aux termes du paragraphe 74(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu. En rejetant l'avis d'opposition signifié par le contribuable, le Ministre avait reconnu que le paragraphe 74(5) avait été abrogé et avait prétendu se fonder sur d'autres articles de la Loi de l'impôt sur le revenu. La Cour canadienne de l'impôt a annulé la nouvelle cotisation établie par le Ministre. La Section de première instance de la Cour fédérale a conclu que, sur le plan du droit, à défaut d'une erreur grave et fondamentale de sa part, le Ministre peut confirmer la nouvelle cotisation, ce qu'il a fait, même si cette dernière s'appuyait au départ sur un paragraphe de la Loi de l'impôt sur le revenu qui a été abrogé depuis.

Le contribuable a interjeté appel devant de la Cour d'appel fédérale. L'appel du contribuable a été rejeté. La Cour a conclu que l'obligation pour le contribuable de payer l'impôt est la même, qu'un avis de cotisation soit erroné ou n'ait même jamais été expédié. En outre, l'article exact aux termes duquel une cotisation est établie importe peu. Ce qui importe est de savoir si l'impôt est exigible. Selon la Cour, le processus mental du Ministre pour établir une cotisation ne saurait modifier l'assujettissement d'un contribuable au paiement de l'impôt prescrit par la Loi de l'impôt sur le revenu, et le Ministre peut corriger une erreur [34] .

En l'espèce, le Ministre a rejeté la demande de remboursement de l'appelant parce qu'elle ne répondait pas aux exigences de la Loi. Se fondant sur Riendeau, le Tribunal est d'avis que le processus mental du Ministre pour déterminer s'il doit accueillir une demande de remboursement de la TVF ne saurait modifier l'obligation pour l'appelant de verser la TVF prescrite par la Loi. Cette obligation est créée par la Loi, et non par un avis de détermination ou de cotisation. Le Tribunal est donc d'avis que le fait de n'avoir indiqué ni dans l'avis de détermination, ni dans l'avis de décision, que la demande de remboursement était rejetée aux termes de la RGAÉ n'empêche pas le Ministre d'invoquer la RGAÉ à ce stade de la procédure.

Les avocats de l'appelant ont soutenu qu'il en va autrement lorsqu'il est question de la RGAÉ et que le Ministre est tenu d'informer le contribuable aux termes du paragraphe 274(7) de la Loi, au moment d'établir la cotisation ou la nouvelle cotisation (ou aux termes du paragraphe 68.2(2) de la Loi, au moment d'effectuer la détermination ou la nouvelle détermination), qu'il applique la RGAÉ. Le Tribunal n'est pas convaincu que le paragraphe 274(7) de la Loi ajoute quoi que ce soit à l'obligation habituelle pour le Ministre d'aviser un contribuable des raisons pour lesquelles sa demande de remboursement est rejetée. Le paragraphe 274(7) de la Loi prévoit simplement que, si la RGAÉ est appliquée, ce doit être au moyen d'un avis de cotisation, de nouvelle cotisation, de détermination ou de nouvelle détermination. Selon le Tribunal, cette obligation n'est pas différente de celle prévoyant que l'impôt à payer doit être déterminé de la même façon aux termes d'autres articles de la Loi. De toute manière, tel qu'il a été indiqué précédemment, le Ministre ne pouvait savoir, au moment de publier l'avis de détermination, que la RGAÉ pouvait s'appliquer de manière à priver le contribuable d'un remboursement. En outre, les paragraphes 274(7) et 68.2(2) de la Loi n'indiquent pas que le Ministre est assujetti à une telle obligation lorsqu'il publie un avis de décision.

Les avocats de l'appelant ont également soutenu que le Ministre est tenu d'informer d'autres personnes que le contribuable aux termes du paragraphe 274(6) de la Loi, au moment d'établir la cotisation ou la nouvelle cotisation (ou aux termes du paragraphe 68.2(2) de la Loi, au moment d'effectuer la détermination ou la nouvelle détermination), qu'il applique la RGAÉ pour que ces personnes puissent lui demander d'établir une nouvelle cotisation (ou aux termes du paragraphe 68.2(2) de la Loi, d'effectuer une nouvelle détermination) lorsqu'il applique la RGAÉ. Selon les avocats, cet avis n'ayant pas été donné en l'espèce, le Tribunal n'a pas compétence pour déterminer si la RGAÉ peut s'appliquer de manière à priver l'appelant d'un remboursement.

Dans la cause Sonko c. Canada (Emploi et Immigration, arbitre) [35] , le requérant attaquait une ordonnance d'exclusion prononcée contre lui par l'arbitre. Sa seule prétention était que l'arbitre n'était pas compétent pour reprendre l'enquête parce qu'on n'avait pas prouvé que le Ministre avait notifié sa décision à l'agent d'immigration supérieur qui a procédé à l'interrogatoire sous serment, comme l'exige le paragraphe 45(5) de la Loi sur l'immigration de 1976 [36] . La Cour d'appel fédérale a conclu que la notification de la décision du Ministre n'est pas une condition préalable à l'exercice de la juridiction de l'arbitre. Seule la décision finale sur la revendication du statut de réfugié permet à l'arbitre de reprendre son enquête. La Cour a déclaré que, tout au plus, le défaut par le Ministre de notifier sa décision selon le paragraphe 45(5) de la Loi sur l'immigration de 1976 pourrait constituer une inobservance d'une des règles de la justice naturelle, inobservance qui ne peut être invoquée par une partie qui n'en souffre pas de conséquences. La décision du Ministre avait été notifiée au requérant et celui-ci ne pouvait pas se plaindre d'un prétendu manque de notification à l'agent d'immigration supérieur [37] .

Le Tribunal est donc d'avis que le défaut par le Ministre de donner avis à toute personne autre que le contribuable de l'application de la RGAÉ ne prive pas le Tribunal de sa compétence à déterminer si la RGAÉ doit s'appliquer de manière à priver l'appelant d'un remboursement. La notification d'autres personnes n'est pas une condition préalable à l'exercice de la compétence du Tribunal. Même si ce défaut peut être considéré comme une inobservance d'une des règles de la justice naturelle, le Tribunal est d'avis que l'appelant ne peut l'invoquer puisqu'il n'en souffre pas de conséquences lui-même. L'appelant a été informé de la décision du Ministre selon laquelle sa demande de remboursement de la TVF a été rejetée pour le motif que les exigences de la Loi n'avaient pas été remplies. L'appelant a également été avisé que le Ministre appliquait la RGAÉ pour le priver d'un remboursement lorsqu'il a reçu le mémoire de l'intimé. Il a alors eu l'occasion de déposer un mémoire additionnel pour répondre aux arguments invoqués par l'intimé. En conséquence, le Tribunal estime que l'appelant n'a subi aucun préjudice.

Pour tous les motifs qui précèdent, le Tribunal est d'avis qu'il a effectivement compétence pour examiner l'application de la RGAÉ aux circonstances de la présente cause. Il doit maintenant déterminer si la RGAÉ s'applique de manière à priver l'appelant d'un remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que la RGAÉ ne s'applique pas aux circonstances de la présente cause parce que : 1) l'appelant n'aurait bénéficié d'aucun avantage fiscal puisque le remboursement aurait été refilé à ses clients; 2) l'opération comportait un objet commercial véritable; et 3) il n'y a eu aucun abus dans l'application de l'article 68.2 de la Loi ou de la Loi dans son ensemble. Pour sa part, l'avocat de l'intimé a fait valoir que l'opération de décembre 1990 était une opération d'évitement au sens de l'article 274 de la Loi. Le rejet de la demande de remboursement était donc fondé.

Tel qu'il a été indiqué précédemment, le litige porte clairement sur l'opération de décembre 1990 entre l'appelant et Uniroyal Goodrich. L'opération de janvier 1991 n'est qu'un des nombreux facteurs à prendre en considération pour déterminer l'objet de l'opération de décembre 1990. Cette dernière a pris effet le 28 décembre 1990. Elle est donc assujettie aux dispositions du paragraphe 68.2(2) de la Loi et à la RGAÉ.

Aux termes de l'article 274 de la Loi, une opération d'évitement est une opération, unique ou faisant partie d'une série d'opérations dont, en l'absence de cet article, découlerait un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables, et non pour l'obtention d'un avantage fiscal.

Les éléments de preuve révèlent que l'appelant a importé des pneus et versé la TVF au taux applicable de 13,5 p. 100. Dès le 1er juin 1990, le gouvernement fédéral a avisé l'appelant que, par suite du remplacement de la TVF par la TPS, les fabricants titulaires de licence auraient droit à un remboursement de la TVF à l'inventaire seulement au taux de 8,1 p. 100. Cela signifiait que l'appelant n'obtiendrait pas le remboursement intégral de la TVF payée à l'achat des pneus importés. Malgré cela, le 14 décembre 1990, l'appelant a annoncé à ses clients une baisse des prix en 1991. L'appelant, un fabricant titulaire de licence, a donc conclu une entente prévoyant la vente de tous les pneus importés figurant à son inventaire à un autre fabricant titulaire de licence, Uniroyal Goodrich. Présumément, l'appelant savait que cette opération le rendrait admissible à un remboursement au taux de 13,5 p. 100 plutôt qu'au remboursement de la TVF à l'inventaire au taux de 8,1 p. 100.

Le Tribunal est d'avis que l'opération de décembre 1990 aurait manifestement conféré un avantage fiscal à l'appelant puisque ce dernier aurait obtenu un remboursement au taux de 13,5 p. 100 au lieu du remboursement de la TVF à l'inventaire de 8,1 p. 100, ce qui représente une différence de plus de 800 000 $. L'appelant a choisi de réduire ses prix en 1991 sachant qu'il obtiendrait un remboursement de la TVF à l'inventaire de 8,1 p. 100 seulement. Même si d'autres renseignements fournis par le gouvernement fédéral auraient pu déboucher sur une conclusion différente, il est difficile pour le Tribunal, compte tenu des éléments de preuve en l'espèce, d'accepter l'argument avancé par les avocats de l'appelant selon lequel l'appelant a été incité à réduire ses prix de 1991 par le gouvernement fédéral et n'aurait pas obtenu d'avantage fiscal par suite de l'opération de décembre 1990 puisque le montant du remboursement aurait été refilé à ses clients. À la fin de décembre 1990, l'appelant, en qualité de fabricant titulaire de licence, aurait été dans la même situation que les autres fabricants titulaires de licence qui avaient des marchandises en inventaire.

Tel qu'il a été indiqué précédemment, le Tribunal est d'avis que l'appelant a pris part à l'opération de décembre 1990 dans le seul but d'obtenir le remboursement intégral de la TVF payée sur les pneus importés. L'unique objet commercial véritable de cette opération était l'obtention d'un avantage fiscal. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve à l'appui de cette conclusion ne manquent pas. L'avocat de l'intimé a qualifié ces éléments de preuve de facteurs entourant les opérations de décembre 1990 et de janvier 1991 et de facteurs relatifs à l'intervalle entre ces deux opérations. Comme il a été indiqué précédemment, le Tribunal est d'avis qu'il ressort des éléments de preuve que les parties, lorsqu'elles ont conclu l'opération de décembre 1990, avaient l'intention, sans y être tenues par la loi, de faire en sorte que les pneus importés soient revendus à l'appelant. L'opération de décembre 1990 constituait donc manifestement une opération d'évitement.

Les avocats de l'appelant ont affirmé que, aux termes de la loi, il incombe à l'intimé de prouver que l'article 68.2 de la Loi a été invoqué à mauvais escient ou qu'il y a eu application abusive de la Loi dans son ensemble, ce que l'intimé n'a pas fait. À l'appui de cet argument, les avocats de l'appelant ont référé le Tribunal à des arrêts comme Wally Fries c. Sa Majesté la Reine [38] et Johns - Manville Canada Inc. c. Sa Majesté la Reine [39] . Selon l'avocat de l'intimé, ce fardeau incombe à l'appelant. Toutefois, il a ajouté que dans la mesure où un certain fardeau peut incomber à l'intimé, celui-ci s'en est déchargé.

Ayant examiné les arrêts Wally Fries et Johns - Manville, le Tribunal n'y a relevé aucune preuve probante à l'appui de la thèse des avocats de l'appelant. Selon un principe de droit bien établi, lorsqu'il y a contestation d'une cotisation ou d'une détermination du Ministre, le fardeau de la preuve incombe au contribuable [40] . Le Ministre fonde habituellement une cotisation ou une détermination sur certaines hypothèses. Il incombe ensuite au contribuable, qui a connaissance des faits sous-jacents, de réfuter ces hypothèses. Le Tribunal constate, toutefois, que selon la jurisprudence récente, ce fardeau peut parfois incomber au Ministre lorsque ce dernier ne se fonde sur aucune hypothèse ou que les hypothèses ont été réfutées, en partie ou en totalité. Dans un tel cas, le Ministre peut devoir assumer le fardeau courant qui consiste à prouver les faits à l'appui d'une position, à moins que le contribuable n'ait déjà déposé ces faits en preuve [41] .

Pour déterminer s'il y a eu abus dans l'application des articles 68.2 et 48 de la Loi ou de la Loi dans son ensemble, le Tribunal s'est reporté au Mémorandum-TPS 500-6-9 [42] , dont le paragraphe 14 énonce ce qui suit :

Lorsque l'attribut fiscal d'une opération dépend de l'interprétation d'une disposition particulière de la Loi, de sorte que l'intention générale des dispositions ou de la Loi ne peut pas être réalisée, l'opération est alors considérée comme faisant l'objet d'un abus dans l'application de la Loi. Les opérations qui, selon les termes exacts d'une disposition donnée, viseraient un avantage fiscal sans qu'un tel but ait été préalablement visé et qui, par conséquent, ne respecteraient pas l'intention de la disposition, constitueraient également un abus dans l'application du texte de loi.

Selon le Tribunal, l'article 68.2 de la Loi a clairement pour but d'accorder un remboursement de la TVF qui ne serait pas autrement accordé. Le remboursement serait versé à un fabricant, à un grossiste ou à un importateur qui, ayant déjà payé la TVF à l'achat de certaines marchandises, revend ensuite ces dernières dans des conditions donnant droit à une exonération. En l'espèce, le Tribunal est d'avis que le fait d'accorder un remboursement à l'appelant serait contraire à l'intention générale des dispositions de la Loi. Il faudrait que le Tribunal se fonde sur une interprétation stricte de l'article 68.2 et de la Loi dans son ensemble, ce qui, de son avis, ne correspond pas à l'intention du législateur.

Selon le Tribunal, que le fardeau incombe à l'appelant ou à l'intimé, les éléments de preuve montrent clairement qu'il y a eu abus dans l'application de l'article 68.2 de la Loi et de la Loi dans son ensemble. Pour des raisons semblables, le Tribunal est d92'avis qu'il y a également eu abus dans l'application de l'article 48 de la Loi, qui vise à permettre à un fabricant de certaines marchandises d'être considéré comme le fabricant titulaire de licence de marchandises semblables qu'il souhaite vendre conjointement avec ses propres marchandises. En l'espèce, le Tribunal est d'avis que cela ne correspond pas à l'intention des parties à l'opération de décembre 1990.

Comme la juge Wilson l'a souligné dans l'arrêt Stubart, «le principe exprimé par lord Tomlin est beaucoup trop ancré dans notre droit pour que les tribunaux puissent l'écarter en l'absence de disposition législative expresse [43] ». Le juge Estey a émis une opinion semblable, formulant le commentaire suivant :

La présence d'une disposition d'application générale pour régir les plans d'évitement de l'impôt a une grande importance dans l'évaluation judiciaire du droit du contribuable d'ajuster ses voiles sur les vents de l'impôt pourvu qu'en le faisant, il ne s'aventure pas dans des eaux défendues. [...] Lorsque, comme dans le présent pourvoi, la Loi permet expressément d'appliquer les pertes accumulées pour réduire l'impôt sur les revenus présents et futurs, le percepteur doit faire la preuve d'une interdiction prévue dans la Loi pour avoir gain de cause [44] .

Il est vrai que tout doute que pourrait entretenir le Tribunal sur le bien-fondé de l'application de la RGAÉ aux circonstances de la présente cause doit être dissipé en faveur du contribuable [45] . Or, en l'espèce, même si l'appelant a vendu les pneus importés à Uniroyal Goodrich, le Tribunal conclut que toutes les conditions nécessaires énoncées à l'article 274 de la Loi ont été manifestement remplies et que la RGAÉ s'applique aux circonstances de la présente cause de manière à priver l'appelant d'un remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L.C. 1993, ch. 27.

3. Assessment Commissioner c. Mennonite Home Association (1972), [1973] R.C.S. 189 à la p. 194.

4. [1984] 1 R.C.S. 536.

5. Ibid . aux pp. 541-42.

6. L.R.O. 1990, ch. S.1.

7. Supra , note 4 aux pp. 550-51.

8. [1936] A.C. 1.

9. Non publié, n os du greffe 91-683(IT)G et 91-684(IT)G, le 4 août 1994.

10. [1987] 1 R.C.S. 32.

11. Non publié, n o du greffe T - 2059 - 86, le 5 septembre 1990.

12. Supra , note 4 à la p. 540.

13. Supra , note 4 à la p. 575.

14. Supra , note 9 à la p. 30.

15. [1967] 2 Q.B. 786.

16. S upra , note 4 à la p. 572 (en partie).

17. Supra , note 4 aux pp. 572-73.

18. Supra , note 9 aux pp. 23-24.

19. [1952] O.R. 714.

20. Ibid . à la p. 717.

21. Non publié, Section de première instance de la Cour fédérale, n o du greffe T-2179-87, le 10 février 1994.

22. L.R.C. (1985) (5 e suppl.).

23. Appel n o 3031, le 5 juin 1989.

24. [1933] R.C.S. 131.

25. Ibid . à la p. 138.

26. Non publié, Cour d'appel fédérale, n o du greffe A-592-88, le 18 février 1991.

27. (1986), [1987] 2 C.F. 3.

28. Supra , note 9 à la p. 21.

29. L.R.C. (1985), ch. 47 (4 e suppl.).

30. Supra, note 2.

31. Gustavson Drilling (1964) Limited. c. Le ministre du Revenu national (1975), [1977] 1 R.C.S. 271 à la p. 279.

32. Supra, note 2, par. 2(2).

33. Non publié, Cour d'appel fédérale, n o du greffe A-639-89, le 17 juin 1991.

34. Ibid . à la p. 2.

35. Cour d'appel fédérale, n o du greffe A-545-87, le 15 octobre 1987.

36. S.C. 1976-77, ch. 52.

37. Supra, note 35.

38. [1990] 2 R.C.S. 1322.

39. [1985] 2 R.C.S. 46.

40. Voir, par exemple, supra , note 3.

41. Voir, par exemple, Sa Majesté la Reine c. Joseph Leung (1993), [1994] 1 C.F. 482; et John Arthur Pollock c. Sa Majesté la Reine , non publié, Cour d'appel fédérale, n os du greffe A - 75 - 90 et A - 76 - 90, le 14 octobre 1993.

42. Règle générale anti - évitement , Ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 7 juin 1991.

43. Supra , note 4 à la p. 540.

44. Supra , note 4 à la p. 557.

45. Supra , note 4.


Publication initiale : le 10 octobre 1996