VITRERIE ORLÉANS INC.

Décisions


VITRERIE ORLÉANS INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-345

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 22 septembre 1994

Appel n o AP-93-345

EU ÉGARD À un appel entendu le 4 août 1994 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 14 décembre 1993 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

VITRERIE ORLÉANS INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.



Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire de l'appelant a été faite avant 1992. Le Tribunal a convenu qu'une demande est faite à la date de son envoi par la poste.

DÉCISION : L'appel est rejeté. En se fondant sur les éléments de preuve dont il dispose, le Tribunal n'est pas convaincu que la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire de l'appelant a été faite avant 1992. Les diverses contradictions dans les éléments de preuve soumis au nom de l'appelant font en sorte que le Tribunal ne peut admettre les preuves selon lesquelles la demande a été envoyée par la poste avant 1992.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 4 août 1994 Date de la décision : Le 22 septembre 1994
Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Lyle M. Russell, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Paul Dioguardi, c.r., pour l'appelant Anne M. Turley, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national (le Ministre) qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) à l'inventaire faite aux termes de l'article 120 [2] de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la demande a été faite au Ministre avant 1992.

Dans une demande datée du 19 février 1991, l'appelant a réclamé un remboursement de 7 214,92 $ relativement aux marchandises libérées de taxe figurant à son inventaire au 1er janvier 1991. Cependant, d'après les dossiers de l'intimé, ce dernier n'a pas reçu de demande de remboursement de la part de l'appelant avant le 10 décembre 1992. Par la suite, l'intimé a publié à tort un avis de cotisation daté du 22 décembre 1992 qui a eu pour effet de rejeter la demande de remboursement de l'appelant parce qu'elle a été faite après les délais prescrits par la loi. L'appelant a répondu à cet avis de cotisation le 5 janvier 1993 en signifiant un avis d'opposition au Ministre, affirmant que la demande a été faite à la fin du mois d'août ou au début du mois de septembre 1991. Dans un avis de détermination daté du 8 juillet 1993, l'intimé a remplacé l'avis de cotisation et rejeté la demande de remboursement pour les mêmes raisons. Après avoir reçu une lettre de l'avocat de l'appelant, qui confirmait que l'opposition de l'appelant s'appliquait aussi à la détermination, l'intimé a publié, le 14 décembre 1993, un avis de décision ratifiant la détermination. Vitrerie Orléans Inc. a ensuite appelé de la détermination au Tribunal le 31 janvier 1994.

Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

120.(3) Sous réserve du présent article, dans le cas où l'inventaire d'une personne [...] le 1 er janvier 1991 comprend, au début de cette date, des marchandises libérées de taxe, les règles suivantes s'appliquent :

a) si les marchandises libérées de taxe ne sont pas des marchandises d'occasion, le ministre verse à la personne, sur sa demande, un remboursement en conformité avec les paragraphes (5) et (8).

120.(8) Le ministre ne verse le remboursement que si demande lui en est faite avant 1992.

Le premier témoin de l'appelant, Mme Suzanne Potvin, est chargée de la tenue des livres comptables de l'appelant depuis au moins 1991. Mme Potvin a mentionné au Tribunal que lorsque l'appelant a reçu les formulaires de demande de remboursement de la TVF à l'inventaire en mai ou juin 1990, elle a communiqué avec M. Charlebois, le comptable de l'appelant à l'époque [3] . M. Charlebois a recommandé de dresser l'inventaire complet de l'appelant et de lui envoyer celui-ci ainsi que les formulaires de demande de remboursement de la TVF à l'inventaire. Mme Potvin a déclaré que M. Rhéal Jean, propriétaire et président de la Vitrerie Orléans Inc., ainsi que son fils ont dressé un inventaire complet à compter du 1er juillet 1990. Une fois l'inventaire terminé, les documents ont été envoyés au comptable au début de janvier 1991.

Mme Potvin a expliqué qu'un peu avant la fin de février 1991, ou le 1er mars 1991, les documents ont été retournés par le comptable. La demande de remboursement de la TVF à l'inventaire avait été remplie par le comptable et datée du 19 février 1991. Elle a déclaré que M. Jean a signé la demande le 30 août 1991 et, qu'en quittant le bureau à 17 h ce jour-là, elle a envoyé la demande par la poste au bureau de poste situé sur la promenade Youville. Mme Potvin est certaine de la date d'envoi puisqu'elle s'apprêtait à partir en vacances et, qu'avant son départ, elle devait régler certaines questions.

Mme Potvin a précisé qu'une copie de la demande remplie n'a pas été faite parce qu'elle était convaincue que le comptable en avait fait une; on a par la suite constaté que ce n'était pas le cas. Elle a cependant expliqué qu'une copie de la feuille d'inventaire a été faite et qu'elle a l'habitude de faire des copies des formulaires de déclaration de la taxe sur les produits et services (TPS) de l'appelant soumis au ministère du Revenu national (Revenu Canada).

Au cours du contre-interrogatoire, l'avocate de l'intimé a mis en doute bon nombre des dates fournies par Mme Potvin dans son témoignage. Lorsqu'elle a demandé à Mme Potvin pourquoi elle avait fait une déclaration solennelle le 11 décembre 1992 selon laquelle la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire avait été envoyée par la poste [traduction] «soit à la fin du mois d'août ou au début du mois de septembre 1991», alors qu'à l'audience elle a été en mesure de fournir la date exacte, elle a expliqué avoir revérifié la date dans son livre de paye.

En réponse à des questions du Tribunal, Mme Potvin a indiqué être responsable des comptes clients et du recouvrement de toute somme due à l'appelant. Elle a expliqué que personne ne s'est enquis auprès de Revenu Canada des raisons pour lesquelles l'appelant n'avait pas reçu son remboursement de la TVF à l'inventaire parce que celui-ci accusait un retard dans certains de ses versements de la TPS, et elle a supposé que Revenu Canada procéderait à un ajustement et ferait parvenir le solde à l'appelant. Mme Potvin a indiqué au Tribunal que M. Jean lui a demandé au début 1992 si l'appelant avait reçu le remboursement de la TVF à l'inventaire. Par ailleurs, elle ne se souvenait pas de l'enveloppe utilisée pour envoyer la demande de remboursement par la poste.

Le deuxième témoin de l'appelant, qui a été assigné à comparaître à l'audience, était M. Peter Speak, un agent de relations du travail de la Société canadienne des postes. M. Speak a déclaré au Tribunal que la région d'Ottawa avait été directement touchée par une grève tournante déclenchée par le Syndicat des postiers du Canada entre les 24 et 28 août et le 4 septembre 1991.

Le troisième témoin de l'appelant, qui a également été assigné à comparaître à l'audience, était M. Paul Sprague, agent principal de la politique de la Division des relations de travail de Revenu Canada. M. Sprague a déclaré au Tribunal que les travailleurs syndiqués de Revenu Canada étaient en grève partout au Canada du 9 au 18 septembre et du 27 septembre au 3 octobre 1991.

L'avocate de l'intimé a cité à comparaître M. Randy Vanvolkingburgh qui est agent des appels à Revenu Canada depuis octobre 1992. À ce titre, M. Vanvolkingburgh est habilité à publier des avis de décision au nom du Ministre. Il était l'agent des appels affecté au dossier de l'appelant.

M. Vanvolkingburgh a expliqué la politique de Revenu Canada concernant les demandes de remboursement de la TVF à l'inventaire supposément perdues dans la poste. Il a indiqué que le dépôt d'un affidavit par un requérant à l'effet que sa demande de remboursement de la TVF à l'inventaire a été faite avant 1992 n'est pas suffisant pour accorder le remboursement. Revenu Canada, a-t-il souligné, examine le caractère raisonnable d'une demande soumise par un requérant et la cohérence de ses explications. Il tient aussi compte d'autres facteurs.

Revenu Canada examine les antécédents du requérant en matière d'observation. M. Vanvolkingburgh a déclaré au Tribunal que huit des neuf premières déclarations de TPS trimestrielles de l'appelant avaient été produites avec des retards variant de quelques jours à environ cinq mois. Quant à la cohérence des explications fournies par l'appelant, il a souligné que la demande était datée de février 1991 bien que l'appelant soutienne l'avoir faite en août ou septembre 1991. De plus, l'appelant ne pouvait fournir de date exacte relativement à l'envoi de la demande par la poste. On tient aussi compte du temps que l'appelant met à s'enquérir de la situation de sa demande. M. Vanvolkingburgh a expliqué le fonctionnement du système informatique utilisé par Revenu Canada pour consigner de telles demandes de renseignements. La première entrée concernant une demande de remboursement de la TVF à l'inventaire que l'appelant soutenait avoir faite date de septembre 1992. Selon M. Vanvolkingburgh, en se fondant sur ces facteurs, Revenu Canada a déterminé que l'appelant n'avait probablement pas fait sa demande avant 1992.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a rappelé au Tribunal qu'il a déjà déterminé qu'une demande est «faite» à la date de son envoi par la poste, la date du cachet en faisant foi [4] . L'avocat a soutenu que c'est Revenu Canada qui a établi les procédures suivies par l'appelant pour faire sa demande de remboursement de la TVF à l'inventaire et qu'il incombe donc à Revenu Canada de s'assurer que les procédures en place sont suffisantes pour permettre d'établir qu'une demande est reçue à l'endroit où elle est envoyée. On a rappelé au Tribunal les grèves des employés de la fonction publique et des services postaux, qui peuvent avoir eu une incidence sur la livraison de la demande de l'appelant. De plus, Mme Potvin a déclaré sous serment que la demande a été envoyée par la poste le 30 août 1991.

L'avocate de l'intimé a fait valoir que le Tribunal doit trancher la question en litige dans le présent appel en évaluant la crédibilité des éléments de preuve soumis par l'appelant. En contestant les éléments de preuve, l'avocate a souligné qu'aucune copie n'avait été faite de la demande de remboursement. Elle a aussi rappelé les incompatibilités entre la déclaration solennelle de Mme Potvin et son témoignage à l'audience. L'avocate a demandé au Tribunal de tenir compte des mêmes facteurs que ceux utilisés par Revenu Canada pour examiner la demande de l'appelant. Elle a en outre soutenu que le Tribunal ne devait accorder aucun poids à la preuve concernant les grèves de la fonction publique et des services postaux puisque la preuve n'a pas été faite que celles-ci ont eu une incidence défavorable sur l'appelant.

En se fondant sur les éléments de preuve dont il dispose, le Tribunal n'est pas convaincu que la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire de l'appelant a été faite avant 1992. Les diverses contradictions dans les éléments de preuve soumis au nom de l'appelant font en sorte que le Tribunal ne peut admettre les preuves selon lesquelles la demande a été envoyée par la poste le 30 août 1991. À cet égard, le Tribunal conclut qu'il est significatif de constater que le témoin de l'appelant se souvenait de détails précis concernant une demande supposément envoyée par la poste en 1991, mais qu'elle n'arrivait pas à se rappeler de l'enveloppe dans laquelle la demande a été envoyée; que l'affidavit et le témoignage du témoin de l'appelant étaient incompatibles; qu'on ne s'était pas enquis de la demande pendant plus d'un an alors que l'on continuait de recouvrer les comptes clients; et qu'aucune copie de la demande n'a été faite.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L.C. 1990, ch. 45, art. 12, modifiée par L.C. 1993, ch. 27, art. 6.

3. Au moment de l'audience, M. Charlebois n'était plus le comptable de l'appelant.

4. Voir, par exemple, Lakhani Gift Store c. Le ministre du Revenu national , appel n o AP - 92-167, le 15 novembre 1993.


Publication initiale : le 26 mai 1997