RESTORITE BEDDING CANADA LTD.

Décisions


RESTORITE BEDDING CANADA LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-391

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le mercredi 11 janvier 1995

Appel n o AP - 93 - 391

EU ÉGARD À un appel entendu le 25 août 1994 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD C0A une décision rendue par le ministre du Revenu national le 23 septembre 1993 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

RESTORITE BEDDING CANADA LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a droit, aux termes de l'article 81.1 de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi), à un crédit au titre de la taxe de vente fédérale qu'il a payée sur des prétendues mauvaises créances qui ont été radiées de ses livres comptables.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Aux termes du paragraphe 81.1(8) de la Loi, le ministre du Revenu national peut accorder un crédit lorsqu'un montant serait payable à la personne faisant l'objet d'une cotisation conformément à l'article 68.21 de la Loi. Le Tribunal estime que l'appelant n'a pas prouvé qu'il avait droit à un crédit aux termes du paragraphe 81.1(8) de la Loi. Plus particulièrement, l'appelant n'a pas démontré, selon les pratiques comptables généralement reconnues, que les créances en question sont devenues, en tout ou en partie, de mauvaises créances et ont en conséquence été radiées de ses livres comptables.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 25 août 1994 Date de la décision : Le 11 janvier 1995
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Anthony T. Eyton, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Peter Herman, pour l'appelant Lyndsay Jeanes, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national. L'appelant a fait l'objet d'une cotisation de 16 307,00 $ au titre des taxes impayées, des intérêts et de la pénalité par suite d'une vérification portant sur la période comprise entre le 30 septembre 1986 et le 31 août 1988. Selon l'intimé, la vérification a démontré que l'appelant n'a fait aucune remise de la taxe de vente fédérale (TVF) et n'a produit aucune déclaration de revenus pour la période visée même s'il a facturé un total de 9 826,42 $ à titre de TVF au cours de cette période. Dans son avis d'opposition, l'appelant a soutenu que la cotisation aurait dû tenir compte des mauvaises créances qu'il avait radiées au cours de l'exercice financier terminé le 28 février 1988. Dans l'avis de décision, l'intimé a rejeté l'opposition et ratifié la cotisation parce qu'aucune disposition législative ne lui permettait de modifier ou d'annuler la cotisation sur la foi des renseignements disponibles.

L'appelant n'a pas fourni au Tribunal un résumé des motifs de l'appel et n'a pas précisé les dispositions législatives sur lesquelles il s'appuyait avant la tenue de l'audience. L'avocate de l'intimé a donc présumé que l'appelant s'appuyait avant tout sur l'article 68.21 de la Loi pour justifier l'appel et a plaidé en conséquence. À l'audience, le représentant de l'appelant n'a pas davantage précisé le fondement législatif de l'appel.

Le Tribunal estime que l'appelant demande un redressement aux termes de l'article 81.1 de la Loi, et plus précisément un crédit au titre de la TVF qu'il a payée sur des prétendues mauvaises créances qui ont été radiées de ses livres comptables. Pour avoir droit à un crédit aux termes des paragraphes 81.1(7) à (10) de la Loi, au minimum, aux fins du présent appel, l'appelant doit avoir droit à un remboursement aux termes de l'article 68.21 de la Loi s'il est réputé avoir demandé un remboursement à la date d'envoi de l'avis de cotisation et si la mention de «deux ans» à cet article est interprétée comme une mention de «quatre ans».

Il faut toutefois souligner que c'est l'intimé qui a le pouvoir discrétionnaire d'accorder un redressement aux termes de l'article 81.1 de la Loi, et que le Tribunal ne peut contraindre l'intimé à exercer ce pouvoir.

Le paragraphe 68.21(2) de la Loi se lit, en partie, comme suit :

Dans les cas où un fabricant titulaire de licence a payé la taxe [...] et qu'il a démontré, selon les pratiques comptables généralement reconnues, qu'une créance lui étant due relativement à la vente est devenue, en totalité ou en partie, une mauvaise créance et a en conséquence été radiée de ses comptes, une fraction du montant de cette taxe d'une proportion égale à celle que représente le montant radié de la créance par rapport au prix pour lequel les marchandises ont été vendues doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payée à ce fabricant, s'il en fait la demande dans les deux ans suivant la fin de son exercice financier pendant lequel la créance a été ainsi radiée.

L'appelant était un fabricant de matelas et de sommiers jusqu'à ce qu'il mette fin à ses activités en 1988. M. Peter Herman, un comptable agréé, a représenté l'appelant dans le présent appel et a témoigné en sa faveur. M. Herman a déclaré que l'appelant l'avait embauché après l'établissement de la cotisation de la TVF et que ce dernier ne pouvait plus exploiter son entreprise en raison principalement de ses créances irrécouvrables. Il a expliqué qu'il avait d'abord demandé une «déduction» de la fraction de la TVF relative aux créances radiées pour réduire le montant de la TVF exigible de l'appelant. Cette demande a toutefois été rejetée parce qu'elle a été faite après le délai prescrit par la loi. M. Herman a affirmé qu'il a ensuite tenté de réduire le montant de la TVF exigible de l'appelant en faisant opposition à la cotisation en alléguant que l'intimé aurait dû tenir compte de la fraction du montant de la TVF applicable aux créances radiées.

M. Herman a également déclaré que l'intimé avait égaré toutes les pièces justificatives jointes à l'avis d'opposition de l'appelant et qu'il n'a pu en fournir de nouvelles copies avant que l'intimé ne ratifie la cotisation. En réponse aux questions du Tribunal, M. Herman s'est reporté aux états financiers de l'appelant pour 1988 et à deux états manuscrits à l'appui du fait qu'un montant de plus de 60 000 $ avait effectivement été radié par l'appelant à titre de mauvaises créances. Le Tribunal a fait remarquer que les trois montants indiqués dans les états ne correspondaient pas entre eux.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Herman n'a pu fournir au Tribunal aucune preuve à l'appui des allégations de l'appelant selon lesquelles les documents transmis au ministère du Revenu national (Revenu Canada) avaient effectivement été égarés. M. Herman n'a pas non plus été en mesure de fournir au Tribunal une copie de la demande initiale de «déduction» de la fraction de la TVF relative aux mauvaises créances radiées ou les livres comptables de l'appelant.

M. Parker Woods, un vérificateur à Revenu Canada qui a effectué la vérification du dossier de l'appelant, a témoigné en faveur de l'intimé. M. Woods a déclaré que, pendant la vérification tout comme à la suite de celle-ci, aucun directeur ou propriétaire de l'appelant n'a mentionné l'existence de créances irrécouvrables. M. Woods a expliqué au Tribunal comment procède un vérificateur pour déterminer si une entreprise a radié de ses livres comptables des créances irrécouvrables à l'égard desquelles une «déduction» de mauvaises créances du montant de la TVF exigible serait admise. M. Woods a déclaré que, si de mauvaises créances sont radiées des livres comptables, le solde des comptes clients est nul. M. Woods a ensuite attiré l'attention du Tribunal sur une lettre de M. Herman datée du 4 mai 1990 dans laquelle il écrit que, à la fin de février 1987, [traduction] «des comptes clients de 41 746 $ étaient presque entièrement irrécouvrables». M. Woods a expliqué que, si ce montant avait effectivement reflété de mauvaises créances radiées, le solde des comptes clients aurait été nul, et non de 41 746 $. Il a ajouté que quiconque désire recouvrer la TVF payée à l'égard de mauvaises créances doit remplir et produire un formulaire précis dans les deux ans suivant l'exercice financier au cours duquel ces mauvaises créances ont été radiées. Or, a déclaré M. Woods, l'appelant n'a jamais produit ce formulaire.

Dans sa plaidoirie, le représentant de l'appelant a soutenu que l'intimé avait mal interprété la nature du redressement demandé par l'appelant et, partant, le fondement du présent appel. Le représentant a déclaré que, même si, sur le plan technique, le redressement souhaité peut être qualifié de «compensation», l'appelant demande en fait au Tribunal d'annuler la prescription statutaire régissant la demande en «compensation». Le Tribunal a expliqué au représentant qu'il n'avait pas compétence pour annuler un délai prescrit par la loi. Toutefois, lorsque le Tribunal a ensuite demandé au représentant d'examiner les critères du redressement visé au paragraphe 68.21(2) de la Loi et de se prononcer sur la question de savoir si l'appelant répondait à ces critères, il a déclaré que l'appelant remplissait effectivement toutes les exigences. Il a soutenu qu'a sa connaissance, les mauvaises créances radiées étaient des dettes de bonne foi et qu'elles avaient été radiées au moment où les états financiers ont été établis, soit le 22 novembre 1990. Dans ces conditions, le représentant était d'avis que l'appelant avait respecté le délai de deux ans prévu par cette disposition.

L'avocate de l'intimé a soutenu que l'appelant ne conteste pas qu'il était au départ redevable de la taxe visée par la cotisation; il demande plutôt au Tribunal de lui accorder un redressement équitable en annulant le délai prescrit par la loi, ce que le Tribunal n'est pas habilité à faire. D'après l'avocate, l'appelant cherche à faire en sorte que la fraction de la TVF portant sur ses créances prétendument irrécouvrables ou ses prétendues mauvaises créances soit appliquée en réduction du montant de la cotisation de taxe. L'avocate a soutenu que, tout au long de la vérification dont il a fait l'objet, l'appelant n'a jamais soulevE9‚ la question de mauvaises créances avec le vérificateur. Toujours selon l'avocate, l'appelant n'a fourni aucune preuve de l'existence de mauvaises créances parce qu'il n'a pas soumis le formulaire requis à l'intimé. L'avocate a passé en revue les critères d'admissibilité à une «compensation» aux termes du paragraphe 68.21(2) de la Loi à l'intention du Tribunal et a affirmé que l'appelant n'avait pas démontré qu'il remplissait tous ces critères. Plus particulièrement, l'avocate a insisté sur le fait que l'appelant n'a pas demandé une «compensation» dans le délai prévu, c'est-à-dire dans les deux ans suivant la fin de l'exercice financier au cours duquel les créances en question auraient été radiées. L'avocate a également soutenu que l'appelant n'a fourni aucune preuve démontrant que les fonctionnaires de Revenu Canada auraient égaré les pièces qu'il aurait fournies à l'appui de sa demande.

Ayant examiné la preuve et les dispositions pertinentes de la Loi, le Tribunal conclut que l'appelant n'a pas démontré qu'il avait droit à un crédit pour la fraction de la TVF relative aux mauvaises créances. Pour démontrer son droit à un crédit, l'appelant doit prouver que toutes les conditions d'admissibilité prévues par la loi sont réunies. Il lui incombe en outre de prouver que la cotisation établie par l'intimé est inexacte, sans quoi l'appel doit être rejeté. Selon l'un des principaux critères d'admissibilité à un crédit au titre de la TVF aux termes du paragraphe 81.1(8) de la Loi, le requérant doit avoir droit au remboursement prévu au paragraphe 68.21(2) de la Loi, en vertu duquel un fabricant doit démontrer, selon les pratiques comptables généralement reconnues, que les créances en question sont devenues, en tout ou en partie, de mauvaises créances et ont en conséquence été radiées de ses livres comptables. En l'occurrence, l'appelant n'a pas fourni au Tribunal des éléments de preuve lui permettant de statuer en sa faveur sur ce point. Les listes de créances présumément radiées et l'état financier produit par l'appelant à l'appui de sa requête manquent de fiabilité et ne permettent pas de déterminer si les montants en question étaient effectivement de mauvaises créances au sens des pratiques comptables gE9‚néralement reconnues qui ont ensuite été radiées des livres comptables. En outre, les déclarations du témoin de l'intimé confirment qu'en réalité, ces montants n'étaient pas de mauvaises créances au sens du paragraphe 68.21(2) de la Loi. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que l'appelant n'a pas droit à un remboursement aux termes du paragraphe 68.21(2) de la Loi et ne rencontre donc pas les critères d'admissibilité à un crédit aux termes du paragraphe 81.1(8) de la Loi.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15.


Publication initiale : le 10 octobre 1996