KONÉ INC.

Décisions


KONÉ INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n° AP-93-381

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 5 octobre 1994

Appel n° AP-93-381

EU ÉGARD À un appel entendu le 3 mai 1994 aux termes des articles 81.19 et 81.22 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

EU ÉGARD À des décisions rendues par le ministre du Revenu national le 12 mars 1993 concernant des avis d'opposition signifiés aux termes des articles 81.15 et 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise;

ET EU ÉGARD À une détermination du ministre du Revenu national datée du 27 décembre 1991 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

KONÉ INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.



Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre présidant

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le 25 janvier 1994, l'appelant a déposé deux avis d'appel auprès du Tribunal. Le premier a été déposé aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national datée du 13 septembre 1991 et d'une cotisation datée du 25 septembre 1991. Le second a été déposé aux termes de l'article 81.22 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national datée du 27 décembre 1991. La question en litige soulevée dans les deux avis d'appel étant la même, le Tribunal a réuni les deux appels afin de rendre une seule décision. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les quatre ponts roulants vendus par l'appelant à la société Aluminerie Lauralco Inc. sont des grues conçues pour la construction ou la démolition et, par conséquent, des marchandises donnant droit à une exemption de la taxe de vente fédérale aux termes de l'alinéa 1a) de la partie XVI de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis qu'il doit considérer la conception spécifique d'un produit afin de déterminer s'il a été conçu pour la construction. Dans la présente cause, le Tribunal est convaincu que les quatre ponts roulants fabriqués par l'appelant et vendus à la société Aluminerie Lauralco Inc. sont des grues qui ont été conçues pour la construction. Par conséquent, les ponts roulants sont des marchandises donnant droit à une exemption de la taxe de vente fédérale aux termes de l'alinéa 1a) de la partie XVI de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 3 mai 1994 Date de la décision : Le 5 octobre 1994
Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant Michèle Blouin, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Pierre Lesage et Raymond Lacroix, pour l'appelant Stéphane Lilkoff, pour l'intimé





Le 25 janvier 1994, l'appelant a déposé deux avis d'appel auprès du Tribunal. Le premier a été déposé aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national (le Ministre) datée du 13 septembre 1991 et d'une cotisation datée du 25 septembre 1991. Le second a été déposé aux termes de l'article 81.22 de la Loi à l'égard d'une détermination du Ministre datée du 27 décembre 1991. La question en litige soulevée dans les deux avis d'appel étant la même, le Tribunal a réuni les deux appels afin de rendre une seule décision.

L'appelant est une société qui fabrique, entre autres, des ponts roulants conçus pour servir à la manutention d'équipements qu'il vend, par exemple, à des municipalités, à des centrales d'épuration ou de filtration et à des stations de pompage. L'appelant fabrique aussi des ponts roulants destinés à être utilisés dans la construction, entre autres, d'usines de pâte à papier et de centrales hydro-électriques, nucléaires ou thermiques. Chaque pont roulant est muni d'un mécanisme de levage conçu pour les mouvements de translation, permettant ainsi le déplacement d'objets d'un endroit à l'autre.

M. Gilles Lafleur, conseiller technique auprès de Koné Inc. et M. Martin Gaudreault, ingénieur de projet chez Aluminerie Lauralco Inc. (Aluminerie Lauralco) ont témoigné au nom de l'appelant. M. Lafleur a expliqué que l'appelant a répondu à un appel d'offres de la société Bechtel-Lavalin pour la fourniture d'équipements à la société Aluminerie Lauralco en vue de la construction d'une aluminerie. Bechtel-Lavalin gérait le projet de construction. Le contrat a été adjugé à l'appelant pour la fabrication, la livraison et l'installation de deux ponts roulants de 40 t chacun destinés à être utilisés dans la construction des salles pour les cuves et de deux ponts roulants de 5 t chacun destinés à être utilisés dans la construction des fours à anodes.

M. Lafleur a mentionné les différences entre les ponts roulants fournis par l'appelant à la société Aluminerie Lauralco et les ponts roulants modulaires ou les ponts roulants standards fabriqués normalement par l'appelant. Les ponts roulants fournis à la société Aluminerie Lauralco étaient spécifiquement conçus pour réaliser des travaux de construction. De plus, ces ponts devaient fonctionner à des vitesses de déplacement horizontal beaucoup plus élevées que celles des ponts standards afin d'assurer, sur le chantier, le transport de matériaux de construction sur de très grandes distances. En raison de ces grandes vitesses de fonctionnement, les ponts roulants de 40 t devaient être munis d'une cabine pour l'opérateur, ce qui est extrêmement rare.

M. Lafleur a expliqué qu'un des objectifs dans la fabrication des ponts roulants standards est normalement de réduire l'espace perdu entre la structure de roulement et le toit du bâtiment. Dans le contrat visé par le présent appel, l'appelant devait fournir des ponts roulants à structure de roulement surélevée pour répondre aux besoins particuliers de la construction de l'aluminerie. M. Lafleur a mentionné que, tels qu'ils avaient été conçus, les ponts roulants fournis à la société Aluminerie Lauralco avaient une vie utile d'environ 2 ans. Cette vie utile est de loin inférieure à celle des ponts roulants standards qui est de 10 à 15 ans. Lors du contre-interrogatoire, M. Lafleur a précisé que les ponts roulants fournis à la société Aluminerie Lauralco étaient munis de dispositifs de sécurité additionnels afin d'améliorer la sécurité des ouvriers pendant la construction.

M. Gaudreault a expliqué que, pendant la construction, les ponts roulants de 40 t avaient servi à déplacer, entre autres, les coffrages de béton, les matières premières, les structures d'aluminium, les cathodes et les outils ainsi que les matériaux utilisés par les ouvriers. Une fois la construction terminée, trois des ponts roulants ont été démontés, enlevés du chantier de construction, remisés et n'ont plus été utilisés depuis. Toutefois, il a ajouté qu'Aluminerie Lauralco utilise présentement un des ponts roulants de 40 t pour la manutention de matières dangereuses et étudie la possibilité d'utiliser les quatre ponts dans un autre projet de construction. M. Gaudreault a ajouté que les quatre ponts roulants utilisés pendant la construction ont été remplacés par des grues conçues spécifiquement pour des travaux de manutention.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les quatre ponts roulants vendus par l'appelant à la société Aluminerie Lauralco sont des grues conçues pour la construction ou la démolition et, par conséquent, des marchandises donnant droit à une exemption de la taxe de vente fédérale (TVF) aux termes de l'alinéa 1a) de la partie XVI de l'annexe III de la Loi.

Les dispositions pertinentes de l'alinéa 1a) de la partie XVI de l'annexe III de la Loi sont les suivantes :

1. Les marchandises suivantes [...] lorsque le prix de vente demandé par le fabricant canadien [...] dépasse deux mille dollars l'unité :

a) [...] grues [...] accessoires des articles précédents; tous conçus pour la construction ou la démolition.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que les quatre ponts roulants sont des grues qui ont été conçues pour la construction étant donné que l'appel d'offres et le bon de commande indiquaient clairement qu'Aluminerie Lauralco désirait acquérir des grues conçues pour la construction. De plus, l'appelant était conscient qu'Aluminerie Lauralco avait l'intention d'utiliser les ponts roulants à des fins de construction et a fabriqué ces derniers pour répondre spécifiquement aux besoins de cette société. Une fois la construction terminée, les ponts roulants ont été démontés, enlevés du chantier, remisés et n'ont plus servi depuis, sauf pour un des ponts roulants de 40 t. Les avocats ont mentionné qu'il faut établir une distinction entre la conception générique et la conception spécifique des ponts roulants, la conception spécifique étant celle qu'il faut considérer afin de déterminer la raison pour laquelle les ponts roulants ont été conçus. Ainsi, les avocats ont soutenu que, en rendant sa décision, le Tribunal doit tenir compte de l'intention spécifique du client et du fabricant au moment de la conception du produit.

L'avocat de l'intimé a admis que les ponts roulants fabriqués par l'appelant et vendus à la société Aluminerie Lauralco sont un type de grues. Toutefois, il a soutenu que ces ponts roulants ne sont pas des grues conçues spécifiquement pour la construction ou la démolition au sens de l'alinéa 1a) de la partie XVI de l'annexe III de la Loi. Selon lui, il s'agit plutôt d'appareils génériques ou standards pouvant s'adapter à différents besoins, comme les besoins de construction d'Aluminerie Lauralco. Il a affirmé que les éléments de preuve révèlent que les marchandises en question n'ont pas été conçues selon les besoins spécifiques de construction du client, mais plutôt selon des normes générales applicables à tout genre de grue. Il a allégué que la fonction ultime des ponts roulants était le levage et la manutention d'objets. Toutefois, il a reconnu qu'il est possible que le levage et la manutention d'objets par les ponts roulants se fassent dans le cadre de projets de construction ou de démolition, mais que cette façon d'utiliser les ponts roulants ne changeait pas pour autant leur fonction ultime. Ainsi, l'avocat a soutenu que le Tribunal doit tenir compte de la conception générique d'un produit et non de sa conception spécifique afin de déterminer la raison pour laquelle il a été conçu.

Les avocats de l'appelant et l'avocat de l'intimé ont convenu que les ponts roulants fabriqués par l'appelant et vendus à la société Aluminerie Lauralco sont des grues. Le Tribunal est aussi de cet avis. La seule question en litige consiste donc à établir si ces grues ont été conçues pour la construction et, par conséquent, sont des marchandises donnant droit à une exemption de la TVF aux termes de l'alinéa 1a) de la partie XVI de l'annexe III de la Loi.

Tout comme dans la cause Sturdy Truck Body (1972) Limited c. Le ministre du Revenu national [2] où le Tribunal a déterminé que, lorsqu'un client commandait une caisse pour l'installation sur un camion léger, l'appelant avait sûrement l'intention, au moment de la fabrication de la caisse en question, de produire une caisse conçue pour ce camion en particulier, le Tribunal est d'avis que l'appelant, dans la présente cause, avait l'intention de fabriquer des ponts roulants conçus pour répondre aux besoins de construction spécifiques de son client, Aluminerie Lauralco. Au moment de la conception ou de la construction des ponts roulants, l'appelant savait que ceux-ci seraient utilisés par Aluminerie Lauralco dans un projet de construction. Lors des négociations, les représentants de cette société avaient spécifié que les ponts roulants devaient comporter certaines caractéristiques particulières afin qu'Aluminerie Lauralco puisse les utiliser dans la construction d'une aluminerie. Le Tribunal estime donc qu'il doit considérer la conception spécifique d'un produit afin de déterminer si ce dernier a été conçu pour la construction.

Dans l'arrêt Armand Guay Inc. c. Sa Majesté la Reine [3] , la Cour fédérale du Canada a déterminé que lorsqu'une grue «est équipée des accessoires nécessaires pour qu'on puisse l'utiliser comme excavatrice on est bien en présence [...] d'une machine "destinée à l'excavation"». Dans la présente cause, le Tribunal est convaincu que les éléments de preuve montrent clairement que les quatre ponts roulants fabriqués par l'appelant et vendus à la société Aluminerie Lauralco sont des grues qui ont été équipées des accessoires nécessaires pour qu'on puisse les utiliser dans la construction d'une aluminerie. Le Tribunal est donc convaincu que les ponts roulants ont été conçus pour des travaux autres que des travaux normaux de manutention. Par conséquent, les ponts roulants sont des marchandises donnant droit à une exemption de la TVF aux termes de l'alinéa 1a) de la partie XVI de l'annexe III de la Loi.

Pour les raisons qui précèdent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n ° 2979, le 23 juin 1989.

3. Cour fédérale du Canada, Section de première instance, non publié, n o du greffe T - 2939 - 72, le 11 décembre 1973.


Publication initiale : le 20 mai 1997