I.D. FOODS SUPERIOR CORP.

Décisions


I.D. FOODS SUPERIOR CORP.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-94-102

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le jeudi 8 juin 1995

Appel no AP-94-102

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 novembre 1994 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 29 mars 1994 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

I.D. FOODS SUPERIOR CORP. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le jus de pommes pétillant est correctement classé dans le numéro tarifaire 2202.90.90 à titre d'autres boissons non alcooliques, à l'exclusion des jus de fruits de la position no 20.09, comme l'a établi l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 2009.70.99 à titre d'autres jus de fruits non fermentés, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal est d'avis que le niveau de gazéification du jus en cause est supérieur au seuil de gazéification des jus de fruits classables dans la position no 20.09. Pour cette raison, le jus en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 2202.90.90.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 21 novembre 1994 Date de la décision : Le 8 juin 1995
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Raynald Guay, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : George Q. Carroll, pour l'appelant Josephine A.L. Palumbo, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 29 mars 1994 aux termes de l'article 63 de la Loi.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le jus de pommes pétillant est correctement classé dans le numéro tarifaire 2202.90.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres boissons non alcooliques, à l'exclusion des jus de fruits de la position no 20.09, comme l'a établi l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 2009.70.99 à titre d'autres jus de fruits non fermentés, comme l'a soutenu l'appelant. Le jus en cause est conditionné dans une bouteille verte transparente, de forme et de dimensions semblables à celles d'une bouteille de champagne. La bouteille est munie de deux étiquettes : une étiquette principale indiquant le nom du produit, et qui contient une liste d'ingrédients, et une seconde étiquette autour du col. Le bouchon de la bouteille est recouvert d'une feuille d'aluminium nue qui enveloppe le col de la bouteille sur une longueur d'environ 7 cm. Aux fins du présent appel, la nomenclature tarifaire pertinente est rédigée comme suit :

20.09 Jus de fruits (y compris les moûts de raisin) ou de légumes, non fermentés, sans addition d'alcool, avec ou sans addition de sucre ou d'autres édulcorants.

2009.70 -Jus de pomme

2209.70.99 ----Autres

22.02 Eaux, y compris les eaux minérales et les eaux gazéifiées, additionnées de sucre ou d'autres édulcorants ou aromatisées, et autres boissons non alcooliques, à l'exclusion des jus de fruits ou de légumes du no 20.09.

2202.90 -Autres

2202.90.90 ---Autres

M. Stephen C. Martinelli, président et directeur général de S. Martinelli & Company (Martinelli), a été le premier témoin à comparaître pour le compte de l'appelant. Martinelli est le producteur du jus en cause. M. Martinelli a décrit le jus comme étant du jus de pommes pasteurisé à 100 p. 100, non dilué, extrait par pression de pommes fraîches. En outre, le jus ne contient pas de concentré, ni d'eau ajoutée, ni d'édulcorant, ni d'aromatisant, ni d'agent de conservation. M. Martinelli a souligné aussi que le jus est non fermenté et qu'il ne contient pas de liquide alcoolique ajouté. Il a déclaré que le jus est identique au jus de pommes non pétillant produit par Martinelli, sauf pour ce qui est de la présence de vitamine C ajoutée et d'environ 3,4 volumes [3] de gazéification après la pasteurisation. Selon M. Martinelli, la vitamine C est un constituant naturel du jus de pommes, qui est ajoutée à des fins de désoxydation. Se reportant à un rapport de laboratoire, M. Martinelli a déclaré que le niveau de gazéification des marques concurrentes de jus de pommes pétillant varie de 3,1 à 5,8 volumes. À son avis, il est donc clair que le niveau de gazéification du jus en cause se situe à l'intérieur de la plage des niveaux normaux de gazéification des marques concurrentes de jus de pommes pétillant.

M. Martinelli a déclaré que la gazéification n'a pas d'effet préservateur et qu'elle ne prévient pas la fermentation du jus en cause. En fait, il a souligné que la gazéification à elle seule, quel que soit son degré, ne peut prévenir la fermentation du jus. M. Martinelli a également déclaré que la gazéification ne dilue pas le jus et ne modifie pas non plus son caractère distinctif ou sa composition. Il a ajouté que la gazéification ne fait qu'ajouter une touche festive au jus, en ceci qu'il pétille lorsqu'il est versé et qu'il donne une sensation de picotement sur la langue lorsqu'il est consommé.

M. Martinelli a ajouté qu'il y a une différence entre les jus de fruits et les boissons gazéifiées et que le jus en cause ne peut pas être considéré comme une boisson gazéifiée parce qu'il n'est pas dilué par le dioxyde de carbone. De plus, la gazéification n'entraîne pas de réaction avec les constituants du jus.

En réponse à des questions du Tribunal, M. Martinelli a témoigné que le dioxyde de carbone est ajouté au jus de pommes dans l'intention d'offrir un jus de pommes «pétillant» aux consommateurs, en plus du jus de pommes non gazéifié offert par Martinelli. Il a déclaré, en outre, que le jus de pommes non gazéifié peut contenir une trace de dioxyde de carbone et, le cas échéant, la quantité serait sans doute non mesurable. En outre, certaines sociétés ajoutent parfois un niveau de gazéification très faible au cours de la transformation.

Le représentant de l'appelant a convoqué M. Everett C. Golden, vice-président d'Otis McAllister, Inc., comme second témoin de l'appelant. Otis McAllister, Inc. est le représentant de commerce mondial pour le jus de pommes de Martinelli. À ce titre, il est chargé de s'occuper des formalités de dédouanement de l'étiquette du produit auprès des autorités douanières de chaque pays, ainsi que des responsables des produits alimentaires et pharmaceutiques. M. Golden a déclaré que le jus en cause est qualifié de «jus de pommes» sur l'étiquette en considération des lois canadiennes sur l'étiquetage et du Codex Alimentarius [4] , dont le Canada est signataire. Selon M. Golden, le jus présente trois caractéristiques principales qui sont soulignées pour les besoins de la vente. Premièrement, il est pur et extrait de pommes fraîches; deuxièmement, aucun agent de conservation ni édulcorant n'y est ajouté; et troisièmement, il est effervescent, ce qui lui donne une touche festive.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Golden a admis que, dans la promotion du jus en cause, une promotion a souvent lieu pendant trois ou quatre mois au cours de la saison des fêtes, le jus de pommes pétillant étant un article plus saisonnier que le jus de pommes non gazéifié de Martinelli. En réponse à des questions du Tribunal, M. Golden a déclaré que, si sa société devait exporter du jus de pommes non gazéifié de marque Martinelli au Canada, les seuls changements qu'elle apporterait à l'étiquette consisteraient à supprimer le mot «pétillant» du nom du jus et les mots «anhydride carbonique» de la liste des ingrédients.

Le troisième témoin à comparaître pour le compte de l'appelant a été M. James Crabb, directeur des ventes de Martinelli. M. Crabb a témoigné au sujet de la préférence des consommateurs pour le jus en cause. Selon M. Crabb, les consommateurs sont prêts à payer un prix supérieur pour du jus extrait de pommes fraîches plutôt que pour du jus fait à partir de concentré.

Mme Kathleen Smith, une chimiste du Laboratoire des produits organiques et des denrées alimentaires du ministère du Revenu national, a comparu à titre de témoin expert pour le compte de l'intimé dans le domaine de l'analyse chimique. Mme Smith a témoigné que lorsque le dioxyde de carbone est dissout dans le jus, il se produit une augmentation correspondante de la quantité d'acide carbonique dans le jus. Elle a reconnu que, par suite de ses analyses, elle n'a aucun doute quant au fait que le jus en cause a été produit à partir de jus de pommes pur. Cependant, Mme Smith a souligné qu'au moment de l'importation, le jus constitue du jus de pommes pur qui a été gazéifié. Mme Smith n'était pas au courant de l'existence d'une distinction entre la boisson à base de fruits et le jus de fruits, en ce sens que la première est une boisson et que la deuxième ne l'est pas. Au cours du contre-interrogatoire, Mme Smith a reconnu qu'elle n'était pas au courant de ce qui serait considéré comme un niveau «normal» de gazéification dans un jus de fruits.

Le représentant de l'appelant a soutenu que l'intimé a mal appliqué les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [5] (les Règles générales). Il a fait valoir, plus précisément, que l'intimé n'avait tenu compte que des Règles 1 et 6 et pas des Règles 2 à 5, comme il aurait dû le faire. Le représentant a souligné, en outre, qu'il ne faut tenir compte que des libellés des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres pour déterminer le classement au niveau de classement à quatre chiffres, à l'exclusion des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [6] (les Notes explicatives).

Le représentant de l'appelant a soutenu que, parce qu'il y a un conflit entre l'opinion de l'appelant et celle de l'intimé quant au classement approprié du jus en cause au niveau de classement à quatre chiffres, il faut tenir compte de la Règle 3 des Règles générales. Le représentant a soutenu que, selon la Règle 3 a), le jus ne peut être classé que dans la position no 20.09, qui est la plus spécifique pour le jus si on la compare à la position no 22.02. À défaut, si la Règle 3 a) n'est pas applicable, la Règle 3 b) prévoit également que le jus doit être classé dans la position no 20.09, car le caractère essentiel du jus reste défini par sa teneur en jus de pommes et non par sa gazéification. Le représentant a fait valoir que, sur la base des arguments précités, le jus doit être classé dans la position no 20.09.

En considérant le classement du jus en cause aux niveaux de classement à six chiffres et à huit chiffres, le représentant de l'appelant a soutenu que les Notes explicatives relatives au Chapitre 22 précisent que les produits visés par ce Chapitre sont très distincts des produits alimentaires visés par les chapitres précédents de l'annexe I du Tarif des douanes. De l'avis du représentant, la principale distinction réside dans le fait que les produits de la position no 22.02 sont dilués, ou surtout composés d'eau, alors que le jus en cause est un jus de pommes pur, non dilué. À l'appui de cette thèse, le représentant a cité un passage des Notes explicatives qui prévoit que le Chapitre 22 ne comprend pas «[l]es jus de fruits ou de légumes, même s'ils sont directement employés comme boissons».

À propos des Notes explicatives du Chapitre 22, le représentant de l'appelant a soutenu que les marchandises de la position no 22.02 sont des «boissons», ou produits artificiels, comme le Coca-Cola ou la limonade. À son avis, la nature artificielle des produits visés par la position no 22.02 les rend entièrement distincts des marchandises du Chapitre 20. Il estime que cette distinction révèle une intention délibérée de la part des auteurs du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [7] de séparer les marchandises classables comme produits alimentaires de celles qui sont dérivées d'un mélange de divers liquides et produits chimiques, et qui ne conservent le caractère originel d'aucun de leurs ingrédients comme entité unique. Le représentant a fait valoir que l'ajout de dioxyde de carbone au jus de pommes ne modifie le caractère essentiel d'aucun des constituants naturels du jus. En outre, le dioxyde de carbone ne constitue pas un constituant fixe du jus, car il se dissipe à l'ouverture du contenant.

De l'avis du représentant de l'appelant, la méthode de classement proposée par l'appelant permet d'obtenir un classement plus spécifique du produit que la méthode de l'intimé, puisqu'elle permet de classer le jus en cause à titre de «[j]us de pomme» dans la sous-position no 2009.70 et comme «[a]utres» dans le numéro tarifaire 2009.70.99, au niveau de classement à huit chiffres.

L'avocate de l'intimé a soutenu que, pour que l'appelant ait gain de cause, il faut qu'il établisse que le classement de l'intimé est incorrect. L'avocate a soutenu que l'appelant n'a pas satisfait cette obligation. L'avocate a fait valoir que pour déterminer le classement, il faut tenir compte des Notes explicatives dans l'interprétation des positions et sous-positions de l'annexe I du Tarif des douanes. En outre, les marchandises doivent être classées selon leurs caractéristiques physiques au moment de l'importation.

L'avocate de l'intimé a soutenu que le jus en cause ne peut être classé dans la position no 20.09 car l'ajout de dioxyde de carbone modifie le caractère du jus qui, de jus de pommes pur, devient jus de pommes pétillant. Quoique les Notes explicatives prévoient l'ajout de certaines substances, dont le dioxyde de carbone, pourvu que la substance ne modifie pas le caractère originel du jus de fruits, l'ajout de dioxyde de carbone n'influera pas sur le classement des marchandises dans cette position. L'avocate a soutenu qu'en l'espèce, l'ajout de dioxyde de carbone au jus de pommes modifie le caractère originel du jus, en particulier le caractère du jus au moment de l'importation. En outre, le dioxyde de carbone est ajouté au jus dans l'intention de modifier son goût et non de prévenir sa fermentation, comme il est avancé.

Se reportant aux Notes explicatives de la position no 20.09, l'avocate de l'intimé a déclaré que cette position exclut explicitement les «jus [de fruits] gazéifiés», ce qui, selon l'avocate, s'applique au jus en cause. En somme, l'avocate a soutenu que l'embouteillage, le conditionnement, le prix et la nature effervescente du jus établissent clairement que la gazéification modifie le caractère intrinsèque du jus qui, de jus de pommes pur, devient un produit classable dans la position no 22.02.

En réfutation, le représentant de l'appelant a soutenu que les «jus [de fruits] gazéifiés» ne sont pas exclus de la position no 20.09; seulement ceux dont le niveau de gazéification est supérieur à la normale le sont, ce qui, selon lui, ne s'applique pas au jus en cause. De l'avis du représentant, le niveau de gazéification du jus est tel qu'il n'empêchera pas la fermentation visée, selon lui, par la mention des niveaux normaux dans les Notes explicatives. Par conséquent, le jus en cause n'est pas exclu du classement dans la position no 20.09.

Conformément à la déclaration du Tribunal dans l'affaire Garlock of Canada Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [8] , «[l]a nomenclature de l'annexe I du Tarif des douanes est structurée hiérarchiquement et le classement des marchandises dans la nomenclature est accompli de façon systématique [9] ». Par conséquent, le jus en cause doit être classé au niveau de classement à quatre chiffres avant qu'il soit envisagé de le classer aux niveaux de classement à six chiffres et à huit chiffres. L'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises doit être effectué conformément aux Règles générales. La Règle 1 des Règles générales prévoit que le classement est «déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes».

L'article 11 du Tarif des douanes prévoit en outre que, «[p]our l'interprétation des positions et sous-positions de l'annexe I, il est tenu compte [...] des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises». Par conséquent, lorsqu'il examine les termes des positions, le Tribunal est tenu de prendre en considération les Notes explicatives, contrairement aux affirmations du représentant de l'appelant. En outre, si le jus en cause peut être classé au niveau de la position conformément à la Règle 1 des Règles générales et des Notes explicatives, il n'est pas nécessaire que le Tribunal pousse son examen au-delà de la Règle 1 pour les besoins de la détermination du classement [10] .

Le Tribunal reconnaît que les «jus de fruits» sont des marchandises visées par la position no 20.09. Cependant, le Tribunal reconnaît, en outre, qu'au moment de l'importation, le jus en cause n'est pas simplement un jus de fruits. Il est plutôt un jus de fruits pétillant, contenant du dioxyde de carbone ajouté. Lors de son examen des Notes explicatives de la position no 20.09, le Tribunal a remarqué le passage suivant : «Les jus de fruits ou de légumes contenant une proportion d'anhydride carbonique excédant celle contenue normalement dans les jus traités à l'aide de ce produit (jus gazéifiés) et, a fortiori, les limonades et eaux gazeuses aromatisées à l'aide de jus de fruits sont également exclus [de la position no 22.09] (no 22.02)».

De l'avis du Tribunal, ce passage donne à penser qu'une distinction est faite entre les jus de fruits non gazéifiés et les jus de fruits «gazéifiés». En d'autres termes, les jus de fruits gazéifiés qui, selon le Tribunal, sont des jus de fruits contenant un degré de dioxyde de carbone plus élevé que celui qui est normalement présent dans les jus traités au dioxyde de carbone sont destinés à être exclus de la position no 20.09 et classés dans la position no 22.02. De l'avis du Tribunal, le terme «traités» désigne l'ajout de dioxyde de carbone à des fins de préservation du jus ou de prévention de la fermentation, comme l'indiquent les Notes explicatives de cette position, addition qui n'exclut pas le jus du classement dans la position no 20.09, à condition que le jus conserve son caractère originel.

Le Tribunal accepte le témoignage de M. Martinelli selon lequel le dioxyde de carbone est ajouté pour produire un jus de pommes «pétillant», et non pour préserver le jus ou en prévenir la fermentation. En outre, sur la foi du témoignage de M. Martinelli, le Tribunal accepte le fait que le volume de dioxyde de carbone ajouté au jus en cause ne peut prévenir la fermentation du jus.

Cependant, le Tribunal n'accepte pas que, lorsque le dioxyde de carbone est ajouté pour une autre fin que celle de la préservation du jus ou de la prévention de sa fermentation, le jus reste classable dans la position no 20.09 quelle que soit la quantité de dioxyde de carbone ajoutée. Le Tribunal est d'avis que le niveau acceptable de dioxyde de carbone, pour que le jus soit classable dans la position no 20.09, est lié au niveau normalement présent dans le jus «traité» au dioxyde de carbone. Par conséquent, pour que le jus soit classé dans la position no 20.09, le niveau de gazéification doit être inférieur à ce seuil.

Même si M. Martinelli a témoigné que la gazéification, quel qu'en soit le degré, ne préserve pas le jus ni n'en prévient la fermentation, le Tribunal n'est pas disposé à exclure la possibilité que certains jus classables dans la position no 20.09 peuvent être traités à l'aide d'une certaine quantité de dioxyde de carbone, soit pour les préserver, soit pour en prévenir la fermentation dans des circonstances particulières à leur production et à leur vente. Lorsqu'une quantité de dioxyde de carbone supérieure à celle qui est normalement présente dans les jus traités à l'aide de ce produit est ajoutée, le jus se distingue, pour cette raison, d'un jus non gazéifié et devient un jus de fruits «gazéifié» qui est classable dans la position no 22.02.

Le Tribunal considère que, lors de la production du jus en cause, le jus de pommes non gazéifié est transformé de jus de fruits de la position no 20.09 en un jus de fruits «gazéifié» en raison du niveau de dioxyde de carbone qui y est présent. Par conséquent, le jus est classable dans la position no 22.02. Le Tribunal fonde cette opinion principalement sur le fait que la gazéification du jus confère à celui-ci une effervescence destinée à le distinguer d'un jus non gazéifié et que ce but a été atteint. Le Tribunal est donc d'avis que le jus était destiné à être exclu de la position no 20.09 à titre de jus de fruits gazéifié.

Pour ce qui est de l'importance de la gazéification du jus en cause, le Tribunal a été influencé par le fait que les témoins ont convenu que la gazéification confère au jus une touche pétillante, festive. En outre, le Tribunal reconnaît que c'est cet aspect particulier qui est souligné par l'emballage du jus et qui constitue une des principales caractéristiques du jus sur le plan de la vente. L'emballage provoque une association d'idée naturelle avec le champagne ou le vin mousseux qui est généralement consommé lors d'occasions «festives». M. Golden a également reconnu qu'une promotion spéciale a lieu pendant la saison des fêtes, le jus de pommes pétillant étant un jus plus saisonnier que le jus de pommes non gazéifié de Martinelli. Le Tribunal est d'avis que le fait que la gazéification n'entraîne pas la dilution du jus de pommes n'est pas pertinent pour ce qui est de la détermination du classement.

Le Tribunal ayant conclu que le jus en cause n'est pas un jus de fruits de la position no 20.09, il s'ensuit qu'il s'agit d'une boisson non alcoolique classable dans la position no 22.02, conformément aux Notes explicatives de la position no 20.09. La position no 22.02 vise spécifiquement les «autres boissons non alcooliques, à l'exclusion des jus de fruits [...] du no 20.09». En outre, le Tribunal est d'avis que le libellé de cette position donne à penser que les jus de fruits classables dans la position no 20.09 peuvent être considérés comme d'«autres boissons non alcooliques» et qu'ils seraient donc classables dans la position no 22.02, s'ils n'étaient pas spécifiquement exclus de cette dernière par le libellé de la position no 22.02.

Le Tribunal a examiné les arguments du représentant de l'appelant relativement à la signification du terme «beverage» (boisson). Quoique le Tribunal reconnaisse qu'il y a peut-être une définition dans l'industrie qui limite le sens du terme aux produits artificiels ou dilués, le Tribunal ne croit pas qu'il doive appliquer un sens aussi étroit et restrictif à ce terme dans la présente affaire pour les besoins de la détermination du classement du jus en cause. De l'avis du Tribunal, le terme «beverage» est un terme ordinaire, employé couramment pour désigner tout liquide qui se boit, comme le montrent les définitions lexicographiques du terme, c.-à-d. «a liquid used or prepared for drinking. Examples: milk, tea, coffee, beer, and wine [11] » ([traduction] liquide utilisé ou préparé pour être bu. Exemples : lait, thé, café, bière et vin) et «any potable liquid, esp. one other than water, as tea, coffee, beer, or milk [12] » ([traduction] tout liquide potable, en particulier un liquide autre que l'eau, comme le thé, le café, la bière ou le lait). Par conséquent, le Tribunal est d'avis que le terme «beverage» (boisson) doit être interprété selon son sens grammatical et courant.

Compte tenu de la conclusion du Tribunal selon laquelle le jus en cause est classable dans la position no 22.02 à titre de «boisson non alcoolique», le Tribunal conclut, en outre, que le jus en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 2202.90.90.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. M. Martinelli a défini un volume comme étant [traduction] «la quantité de dioxyde de carbone qui peut être dissoute dans [un liquide] à [une] pression atmosphérique de 15 livres par pouce carré de pression».

4. Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Organisation mondiale de la santé, 2e éd., Rome, 1992.

5. Supra, note 2, annexe I.

6. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

7. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

8. Appel no AP - 93 - 035, le 3 mai 1994.

9. Ibid. à la p. 5.

10. Ce principe est affirmé dans une récente décision du Tribunal, Canper Industrial Products Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national, appel no AP - 94 - 034, le 24 janvier 1995.

11. Gage Canadian Dictionary, Toronto, Gage Publishing, 1983 à la p. 110.

12. The Random House Dictionary of the English Language, 2e éd., New York, Random House, 1987 à la p. 201.


Publication initiale : le 28 août 1996