SECURITY CARD SYSTEMS INC.

Décisions


SECURITY CARD SYSTEMS INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-94-167

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le lundi 28 août 1995

Appel no AP-94-167

EU ÉGARD à un appel entendu le 12 janvier 1995 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 3 février 1993 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

SECURITY CARD SYSTEMS INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Nicole Pelletier ______ Nicole Pelletier Secrétaire intérimaire





L'appelant est un fabricant titulaire de licence qui produit des cartes de crédit, surtout pour les institutions financières (les clients). L'appelant a payé la taxe de vente fédérale (TVF) sur les activités de gaufrage et de codage liées à l'élaboration des cartes de crédit. Cependant, il a par la suite fait une demande de remboursement de la TVF payée pour le motif qu'il n'était pas le fabricant ou le producteur légal aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) relativement à ces activités.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant est redevable de la TVF aux termes de la Loi relativement aux activités de gaufrage et de codage. Sinon, l'appelant a droit à un remboursement des sommes versées par erreur à titre de taxes aux termes de la Loi. Plus particulièrement, le Tribunal doit déterminer : 1) s'il y a un procédé unique de fabrication ou de production, comprenant à la fois l'élaboration des ébauches et la prestation des services de gaufrage des ébauches, ou s'il y a deux opérations distinctes, soit, d'abord, la fabrication ou la production des ébauches et, ensuite, un contrat visant la main-d'œuvre à l'égard des services de gaufrage; 2) s'il y a deux opérations distinctes, le Tribunal doit déterminer si l'appelant est redevable de la TVF aux termes de l'article 45.1 de la Loi relativement aux activités de gaufrage et de codage; 3) s'il y a un procédé unique de fabrication ou de production, il doit déterminer si les clients peuvent être considérés comme les fabricants ou les producteurs légaux des cartes de crédit et, donc, redevables de la TVF; et 4) si l'appelant est redevable de la TVF aux termes de l'article 45.1 de la Loi lorsque les clients fournissent à l'appelant des ébauches élaborées par une autre entreprise pour les activités de gaufrage et de codage.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. À l'examen des éléments de preuve et de la loi, le Tribunal n'est pas convaincu que l'élaboration des ébauches et les services de gaufrage constituent deux opérations distinctes pour déterminer la taxe à payer. Le Tribunal se fonde, en partie, sur l'absence d'éléments de preuve établissant que la propriété des ébauches est transmise aux clients lorsque l'appelant termine les ébauches. En outre, le Tribunal est d'avis que la séparation de tout le procédé en deux opérations distinctes est artificielle et il considère que la facturation pour l'élaboration des ébauches est une sorte de paiement proportionnel plutôt que la contrepartie de la vente des ébauches.

Le Tribunal considère, en outre, que l'élaboration des cartes de crédit constitue une activité de fabrication et que l'appelant est le fabricant des cartes de crédit aux fins du paiement de la TVF aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi. Bien que convaincu que les clients de l'appelant ont un droit de propriété, un droit de vente ou un autre droit sur les cartes de crédit, le Tribunal n'est pas convaincu que la deuxième condition requise pour que les clients de l'appelant soient considérés comme les fabricants légaux des cartes de crédit au sens de l'alinéa b) de la définition de «fabricant ou producteur» au paragraphe 2(1) de la Loi a été remplie. Plus particulièrement, il n'est pas convaincu qu'il existe une relation mandant-mandataire entre l'appelant et ses clients.

Toutefois, le Tribunal croit que, lorsque les ébauches sont élaborées par une entreprise autre que l'appelant et sont fournies à l'appelant pour la prestation des services de gaufrage seulement, ces services sont rendus aux termes d'un contrat visant la main-d'œuvre. Par conséquent, aux termes de l'article 45.1 de la Loi, l'appelant est redevable de la TVF sur le montant facturé en vertu des contrats passés avec des personnes autres que des fabricants titulaires de licence. Lorsque de tels contrats sont passés avec des fabricants titulaires de licence, l'appelant a droit à un remboursement des montants versés à ce titre, vu qu'ils l'ont été par erreur.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 12 janvier 1995 Date de la décision : Le 28 août 1995
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Raynald Guay, membre Lyle M. Russell, membre
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Paul E. Hawa, pour l'appelant Christopher Rupar, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) que l'appelant dit avoir versée par erreur.

L'appelant est un fabricant titulaire de licence qui produit des cartes de crédit, surtout pour les institutions financières (les clients). L'appelant a payé la TVF sur les activités de gaufrage et de codage liées à l'élaboration des cartes de crédit. Cependant, il a par la suite fait une demande de remboursement de la TVF payée pour le motif qu'il n'était pas le fabricant ou le producteur légal aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi relativement à ces activités.

La demande de remboursement a été rejetée, et la détermination ratifiée par l'intimé pour le motif que les services de l'appelant étaient retenus aux termes d'un contrat visant la main-d'œuvre avec ses clients. Par conséquent, aux termes de l'article 45.1 de la Loi, l'appelant était réputé avoir vendu les marchandises et était donc redevable de la TVF sur un montant égal au montant exigé dans le cadre du contrat, obligation dont il s'était acquitté. Par conséquent, un remboursement ne s'imposait pas. L'appelant en a par la suite appelé de la détermination au Tribunal.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant est redevable de la TVF aux termes de la Loi relativement aux activités de gaufrage et de codage. Sinon, l'appelant a droit à un remboursement des sommes versées par erreur à titre de taxes aux termes de la Loi.

Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la Loi prévoient, en partie, ce qui suit :

50.(1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente [...] sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a) produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable [...] par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre.

2.(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi, exception faite de l'article 121, de la partie IX et des annexes V, VI et VII.

«fabricant ou producteur» Y sont assimilés :

b) toute personne, firme ou personne morale qui possède, détient, réclame ou emploie un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou autre droit à des marchandises en cours de fabrication, soit par elle, en son nom, soit pour d'autres ou en son nom par d'autres, que cette personne, firme ou personne morale vende, distribue, consigne ou autrement aliène les marchandises ou non;

f) toute personne qui, y compris par l'intermédiaire d'une autre personne agissant pour le compte de celle-ci, prépare des marchandises pour la vente en les assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant, ou en les enduisant ou les finissant, à l'exclusion d'une personne qui prépare ainsi des marchandises dans un magasin de détail afin de les y vendre exclusivement et directement aux consommateurs.

45.1 Pour l'application de la présente partie, quiconque fabrique ou produit, dans le cadre d'un contrat visant la main-d'œuvre, des marchandises à partir d'un article ou d'une matière fournis par une personne autre qu'un fabricant titulaire de licence, pour livraison à cette autre personne, est réputé avoir vendu les marchandises à la date à laquelle elles sont livrées, à un prix de vente égal au montant exigé dans le cadre du contrat pour les marchandises.

Le premier témoin convoqué pour le compte de l'appelant était M. Roy Dalla Zuanna, directeur de la Comptabilité pour Security Card Systems Inc. M. Dalla Zuanna a témoigné que l'entreprise de l'appelant est divisée en deux opérations distinctes, soit, d'abord, l'élaboration de «cartes vierges» (ébauches) et, en second lieu, les activités de gaufrage et de codage qui donnent lieu à la création de «vraies cartes» (cartes).

Pour l'élaboration des ébauches, les clients fournissent à l'appelant un négatif de film du modèle des ébauches, à partir duquel l'appelant élabore ensuite une représentation graphique. L'appelant effectue par la suite les opérations suivantes : 1) il crée un cliché d'imprimerie; 2) il imprime le modèle sur des feuilles de plastique; 3) il appose une piste magnétique; 4) il plastifie les ébauches; 5) il coupe les feuilles en ébauches individuelles; 6) il applique un hologramme, au besoin; et, enfin, 7) il applique et marque à chaud une plage de signature sur chaque unité.

Une fois les ébauches élaborées, elles sont mises en chambre forte, et les clients sont facturés. M. Dalla Zuanna a témoigné que, selon lui, à ce stade-ci, les ébauches appartiennent aux clients. Si les clients demandent également des services de gaufrage, les ébauches sont conservées chez l'appelant; autrement, elles peuvent être transférées aux clients.

M. Dalla Zuanna a témoigné que, dans certains cas, les clients livrent à l'appelant des ébauches qui ont été élaborées ailleurs et demandent à l'appelant de fournir des services de gaufrage relativement aux ébauches. Inversement, les clients peuvent simplement demander à l'appelant d'élaborer les ébauches, quitte à les envoyer ailleurs pour le gaufrage.

Les services de gaufrage comprennent le gaufrage des noms et des numéros de compte de la clientèle des clients sur les ébauches, le codage de la piste magnétique, la fixation des cartes à des cartons de présentation et, habituellement, l'envoi des cartes par la poste directement aux clients ou à leur clientèle. Il faut noter que les activités particulières pour lesquelles le remboursement est demandé ne sont que le gaufrage comme tel et le codage.

En ce qui a trait à l'intervention des clients dans le procédé, M. Dalla Zuanna a témoigné que les clients approuvent la représentation graphique du modèle par l'appelant. Par ailleurs, les clients sont titulaires des marques de commerce, ainsi que des clichés d'imprimerie servant à élaborer les ébauches, dès qu'ils ont payé les clichés. Les clients sont aussi titulaires des renseignements sur leur clientèle, que l'appelant ne peut distribuer que conformément aux instructions des clients.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Dalla Zuanna a reconnu que 80 à 85 p. 100 des clients visés par la demande de remboursement ont passé un contrat à la fois pour l'élaboration des ébauches et les services de gaufrage. De plus, il a reconnu qu'une ébauche n'a aucune utilité et que les activités de gaufrage doivent être effectuées avant que la carte ne soit utile à la clientèle des clients. En outre, M. Dalla Zuanna a déclaré que les clients n'exercent pas de contrôle de gestion ni de contrôle financier à l'égard de l'appelant, et qu'ils ne gardent personne dans les locaux de l'appelant pour l'inspection ou la surveillance du procédé utilisé pour élaborer les cartes. De plus, ils ne fournissent aucune expertise technique à l'appelant. M. Dalla Zuanna a aussi reconnu que, si une élaboration des ébauches et des services de gaufrage sont demandés et que l'appelant et les clients concluent un contrat écrit formel, un seul contrat, divisé en deux parties, est rédigé.

À la suite d'une demande du Tribunal, l'avocat de l'appelant a déposé, à titre de pièce, un exemplaire d'un bon de [traduction] «confirmation de commande». M. Dalla Zuanna a témoigné qu'un bon de confirmation de commande est envoyé à tous les clients, pour chaque opération, qu'il existe ou non un contrat écrit formel entre l'appelant et les clients. M. Dalla Zuanna a déclaré qu'une facture est envoyée aux clients à la fin de chaque opération à l'égard de chaque bon de confirmation de commande.

Le deuxième témoin à comparaître au nom de l'appelant a été M. Ali Hirji, vice-président, Opérations de la taxation des marchandises, de Ninican Management Inc. (Ninican). Ninican est une société de conseil en gestion à qui l'appelant a confié le mandat d'étudier son obligation fiscale. M. Hirji s'est reporté à une liste de clients de l'appelant auxquels se rapporte la demande de remboursement et a indiqué les clients sur la liste qui sont des fabricants titulaires de licence et lesquels ne le sont pas.

Après avoir entendu l'ensemble des éléments de preuve, le Tribunal a demandé à l'appelant de présenter trois exemples de contrats écrits formels, conclus entre l'appelant et ses clients, qui répondent aux descriptions suivantes : un pour l'élaboration des ébauches seulement, un autre pour les services de gaufrage seulement, et un troisième à la fois pour l'élaboration des ébauches et les services de gaufrage. Le Tribunal a aussi demandé des exposés, le cas échéant, dans une lettre de suivi adressée aux parties après l'audience, sur le lien juridique entre l'appelant et les clients, à la lumière des contrats.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a fait valoir que ce dernier effectue deux opérations distinctes : d'abord, l'élaboration des ébauches et, en second lieu, la prestation des services de gaufrage. Il a soutenu que les services de gaufrage sont accomplis en vertu d'un contrat visant la main-d'œuvre et, donc, assujettis à l'article 45.1 de la Loi. Selon l'avocat, cet article n'assujettit à la taxe que les contrats visant la main-d'œuvre passés avec des personnes autres que les fabricants titulaires de licence. Les contrats passés avec des fabricants titulaires de licence ne constituent donc pas une vente réputée comme ce serait autrement le cas aux termes de l'article 45.1 de la Loi. Par conséquent, les contrats passés avec des fabricants titulaires de licence ne sont pas taxables aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi.

Par ailleurs, en ce qui a trait aux contrats passés avec des personnes autres que des fabricants titulaires de licence, l'avocat de l'appelant a fait valoir que, selon la position de l'appelant, les clients de ce dernier, en tant que personnes confiant le travail sous contrat à l'appelant, sont les fabricants ou producteurs légaux aux fins de la taxe aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi, selon l'alinéa b) de la définition de «fabricant ou producteur» du paragraphe 2(1) de la Loi. À l'appui de cette position, l'avocat s'est reporté essentiellement aux décisions rendues dans les affaires Rexair of Canada Limited v. The Queen, Turnbull Elevator Co. of Canada Ltd. v. The Queen et The King v. Reuben Shore [2] .

L'avocat de l'appelant a déclaré que non seulement les clients ont la maîtrise complète des marchandises en étant les titulaires des brevets, des marques de commerce et des outils utilisés dans le procédé d'élaboration des cartes mais qu'ils exercent aussi un contrôle en étant propriétaires des matières premières, plus particulièrement des ébauches, des cartons de présentation, des enveloppes et des insertions, ainsi qu'en restreignant la livraison finale des cartes, qu'ils réservent à eux-mêmes ou à leur clientèle. Pour appuyer ce point de vue, l'avocat a renvoyé à certaines conditions figurant sur le bon de confirmation de commande.

L'avocat de l'appelant a en outre fait valoir que les énoncés de politique du ministère du Revenu national, sur lesquels s'est appuyé l'avocat de l'intimé dans son mémoire, ne doivent être pris en compte dans l'examen du sens de la loi, seulement lorsque la loi est imprécise, ce qui, a fait valoir l'avocat de l'appelant, n'est pas le cas dans le présent appel.

En outre, l'avocat de l'appelant a soutenu que les clients de l'appelant seraient aussi considérés comme les fabricants légaux au sens de l'alinéa f) de la définition de «fabricant ou producteur» au paragraphe 2(1) de la Loi, puisque l'appelant emballe ou remballe les cartes destinées à la vente pour ses clients.

Dans sa réponse, l'avocat de l'intimé a soutenu que le procédé d'élaboration des ébauches et de prestation des services de gaufrage est un procédé continu qui ne peut être séparé aux fins de la taxe aux termes de l'article 50 de la Loi, même si une entreprise élabore les ébauches et une autre assure les services de gaufrage. En outre, le procédé constitue non seulement une activité de production mais aussi une activité de fabrication. L'avocat a fait valoir que si le procédé est divisé, les ébauches sont inutiles et n'ont d'utilité qu'après avoir été soumises aux services de gaufrage. Il a soutenu, en s'appuyant sur la décision rendue dans l'affaire Coca Cola Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [3] , que les activités de gaufrage et de codage font partie de la production ou de la fabrication globale des cartes de crédit et qu'elles en sont, de fait, les opérations clés, si bien qu'elles ne peuvent être séparées de la fabrication ou de la production des ébauches. Par conséquent, l'appelant est le fabricant ou producteur des cartes aux fins du paragraphe 50(1) de la Loi. À ce titre, le Tribunal n'a pas à examiner l'application de l'article 45.1 de la Loi.

Quant à la question de déterminer si l'alinéa b) de la définition de «fabricant ou producteur» au paragraphe 2(1) de la Loi s'applique, l'avocat de l'intimé a fait valoir que, comme condition préalable, le Tribunal doit d'abord conclure que le procédé constitue de la fabrication et pas simplement de la production. L'avocat a aussi soutenu, en se reportant à la décision rendue dans l'affaire Gerrard-Ovalstrapping, division de EII Limitée c. Le ministre du Revenu national [4] , que deux conditions doivent être remplies pourque les clients de l'appelant soient considérés comme les fabricants légaux aux termes de l'alinéa b). En premier lieu, les clients doivent posséder ou employer certains droits de propriété, droits de vente ou autres droits aux marchandises en cours de fabrication, et, en second lieu, il doit être établi qu'il existe une relation mandant-mandataire entre l'appelant et les clients. L'avocat a fait valoir qu'il n'existe pas de relation de ce genre en l'instance en se reportant à la politique du ministère ainsi qu'à la décision rendue par le Tribunal dans l'affaire Palmer Jarvis Advertising c. Le ministre du Revenu national [5] . Particulièrement en ce qui a trait à la politique, l'avocat a soutenu qu'il n'y a pas de preuve de relation mandant-mandataire, que l'appelant et ses clients sont des entités distinctes, que les clients n'ont pas de contrôle financier ni de contrôle de gestion sur l'appelant et que les ventes des cartes s'effectuent selon les pratiques commerciales habituelles. Se reportant à l'affaire Palmer Jarvis, l'avocat a déclaré que les clients de l'appelant n'ont que le contrôle créatif à l'égard du procédé, ce qui n'est pas un contrôle suffisant pour établir une relation mandant-mandataire entre l'appelant et ses clients.

Dans sa réponse, l'avocat de l'appelant a affirmé que la politique ministérielle que l'avocat de l'intimé invoquait dans sa plaidoirie était sortie de son contexte et ne s'applique pas à la question en litige dans le présent appel. En outre, il a soutenu que si la propriété des ébauches est transmise après leur réalisation, cela a un effet sur l'imposition, contrairement à ce qu'a fait valoir l'avocat de l'intimé. L'avocat de l'appelant a aussi examiné les faits appuyant sa position selon laquelle les clients ont le contrôle du procédé utilisé par l'appelant pour élaborer les cartes, y compris l'imposition des spécifications des cartes.

Plus particulièrement, le Tribunal doit déterminer : 1) s'il y a un procédé unique de fabrication ou de production, comprenant à la fois l'élaboration des ébauches et la prestation des services de gaufrage des ébauches, ou s'il y a deux opérations distinctes, soit, d'abord, la fabrication ou la production des ébauches et, ensuite, un contrat visant la main-d'œuvre à l'égard des services de gaufrage; 2) s'il y a deux opérations distinctes, le Tribunal doit déterminer si l'appelant est redevable de la TVF aux termes de l'article 45.1 de la Loi relativement aux activités de gaufrage et de codage; 3) s'il y a un procédé unique de fabrication ou de production, il doit déterminer si les clients peuvent être considérés comme les fabricants ou les producteurs légaux des cartes de crédit et, donc, redevables de la TVF; et, 4) si l'appelant est redevable de la TVF aux termes de l'article 45.1 de la Loi lorsque les clients fournissent à l'appelant des ébauches élaborées par une autre entreprise pour les activités de gaufrage et de codage.

Aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi, une taxe est imposée sur toutes les marchandises produites ou fabriquées au Canada, payable au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre. À l'examen des éléments de preuve et de la loi, le Tribunal n'est pas convaincu que l'élaboration des ébauches et les services de gaufrage constituent deux opérations distinctes pour déterminer la taxe à payer. Le Tribunal se fonde, en partie, sur l'absence d'éléments de preuve établissant que la propriété des ébauches est transmise aux clients lorsque l'appelant termine les ébauches. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que tout le procédé d'élaboration des cartes est taxable aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi lorsque l'appelant effectue les deux opérations, et que les activités de gaufrage et de codage ne doivent pas être perçues séparément comme un contrat visant la main-d'œuvre qui serait, par ailleurs, régi par l'article 45.1 de la Loi.

À l'appui de sa conclusion selon laquelle la propriété des ébauches n'est pas transmise lorsqu'elles sont terminées, le Tribunal se fonde, en partie, sur les trois contrats écrits qui lui ont été fournis avec les exposés présentés après l'audience. Bien que le Tribunal reconnaisse que ces contrats représentent trois exemples de contrats et que, dans plusieurs cas, seuls des bons de confirmation de commande ont été utilisés, le Tribunal est d'avis qu'ils donnent une indication raisonnable de l'entente juridique entre l'appelant et ses clients lorsqu'il existait des contrats pour l'élaboration des ébauches et les services de gaufrage [6] .

Le Tribunal fait remarquer plusieurs dispositions des contrats qui laissent supposer que le titre de propriété des ébauches n'est pas transmis après l'élaboration des ébauches. Plus particulièrement, le contrat A [7] stipule que [traduction] «le titre de propriété et le risque de perte des cartes de plastique ne sont transmis qu'au moment de la remise des cartes finies à la Société canadienne des postes», même si le contrat renferme d'autres dispositions qui laissent supposer que l'appelant détient les stocks d'ébauches en tant que baillaire et que le client conserve le titre de propriété des stocks. Le contrat B stipule que, si le contrat est expiré ou a été résilié, les ébauches détenues par l'appelant doivent être offertes en vente au client. Par conséquent, les ébauches appartiennent à l'appelant lorsqu'elles sont terminées, et non pas aux clients comme l'a soutenu l'avocat de l'appelant. En outre, les contrats A et C prévoient que l'appelant doit s'assurer contre le risque de perte relativement aux ébauches que l'appelant détient dans ses locaux.

Comme il a déjà été indiqué, le Tribunal est d'avis que l'élaboration des ébauches et les services de gaufrage, lorsqu'ils sont fournis par le même fabricant ou producteur, constituent un procédé continu, qui mène, en bout de ligne, à l'élaboration de cartes de crédit. Le Tribunal est d'avis que la séparation de tout le procédé en deux opérations distinctes est artificielle et il considère que la facturation pour l'élaboration des ébauches est une sorte de paiement proportionnel plutôt que la contrepartie de la vente des ébauches.

Le Tribunal doit maintenant déterminer qui est le fabricant ou producteur aux fins du paiement de la TVF aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi.

Le Tribunal est d'avis que l'élaboration des cartes de crédit constitue une activité de fabrication, en ce sens qu'il est donné de «nouvelles formes, qualités et propriétés ou combinaisons» aux matières utilisées dans l'élaboration des cartes [8] . En outre, l'appelant est manifestement le fabricant réel des cartes. Il reste, toutefois, à déterminer si les clients de l'appelant constituent les fabricants légaux des cartes au sens de l'alinéa b) de la définition de «fabricant ou producteur» au paragraphe 2(1) de la Loi et sont, par conséquent, redevables de la TVF à l'égard des cartes.

Pour qu'une personne, firme ou personne morale soit considérée comme un fabricant légal au sens de l'alinéa b) de la définition de «fabricant ou producteur» au paragraphe 2(1) de la Loi, le Tribunal doit être convaincu que les deux conditions suivantes sont remplies : 1) une personne, firme ou personne morale doit posséder, détenir, réclamer ou employer un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou un autre droit sur les marchandises en cours de fabrication; et 2) les marchandises doivent être fabriquées par elle, en son nom, ou pour d'autres ou en son nom par d'autres.

En ce qui a trait à la première condition, le Tribunal est convaincu que les clients de l'appelant ont un droit de propriété, un droit de vente ou un «autre droit» sur les cartes. De l'avis du Tribunal, les clients ont un droit de propriété sur les cartes en ce sens qu'ils approvisionnent l'appelant en enveloppes, cartons de présentation et renseignements sur la clientèle à utiliser dans le procédé de fabrication. Le Tribunal est, en outre, convaincu que les clients détiennent un droit de vente sur les cartes en ce sens qu'elles sont vendues exclusivement aux clients et ne peuvent être vendues à nulle autre personne. Le Tribunal est aussi convaincu que les clients ont un «autre droit» sur les cartes en ce sens que les clients sont titulaires des marques de commerce utilisées sur les cartes.

Toutefois, le Tribunal n'est pas convaincu que la deuxième condition a été remplie dans le présent appel. Le Tribunal est d'avis que la deuxième condition exige que la relation entre l'appelant et les clients ne soit pas simplement une relation vendeur-acheteur. Pour que les clients soient réputés être des fabricants aux termes de cette disposition, il ne suffit pas que les clients soient simplement ceux qui achètent les cartes à l'appelant [9] . En effet, il faut qu'il y ait une relation mandant-mandataire entre les parties. La question de déterminer s'il existe ou pas une telle relation est essentiellement une question de fait.

Afin de tirer une conclusion sur cette question en litige, le Tribunal a examiné la nature et l'étendue du contrôle exercé par les clients à l'égard de l'appelant et de son procédé de fabrication. Après avoir examiné les faits dans la présente affaire, le Tribunal a déterminé que, selon lui, les clients de l'appelant n'exercent pas une supervision et un contrôle suffisamment serrés du procédé de fabrication de l'appelant pour satisfaire à la deuxième condition énoncée à l'alinéa b) de la définition de «fabricant ou producteur» au paragraphe 2(1) de la Loi. Le Tribunal est d'avis que la relation entre l'appelant et ses clients correspond à celle qui existe entre un vendeur et un acheteur et non pas à celle qui existe entre un mandant et un mandataire.

Tout en reconnaissant que les clients interviennent en imposant les spécifications des cartes et en fournissant à l'appelant certaines matières, comme le modèle, les cartons de présentation, les enveloppes et des renseignements sur la clientèle, le Tribunal fait remarquer que les clients n'exercent aucun contrôle de gestion sur l'appelant. En outre, comme l'a confirmé M. Dalla Zuanna, le droit des clients d'inspecter les marchandises en cours de fabrication à n'importe quel stade du procédé de fabrication est très limité et ne comprend pas le maintien d'un employé des clients dans les locaux de l'appelant aux fins d'inspecter le procédé de fabrication, comme l'a indiqué M. Dalla Zuanna.

La conclusion du Tribunal est renforcée par les conditions des contrats écrits soumis par l'appelant. Ainsi, le contrat A désigne l'appelant comme un entrepreneur indépendant par rapport à son client et précise que les membres du personnel de l'appelant sont des mandataires ou des employés de l'appelant et non pas des employés ou des mandataires du client. Dans le contrat B, l'appelant est désigné comme [traduction] «entrepreneur». En outre, le contrat B stipule que [traduction] «l'entrepreneur est un entrepreneur indépendant et non pas l'employé, le partenaire ou le mandataire du client». De même, il stipule que [traduction] «il n'est pas créé et n'est pas réputé être créé de partenariat, de coentreprise ou d'agence par le présent contrat ou par toute mesure prise par les parties aux termes du présent contrat».

Ayant établi que l'appelant est redevable de la TVF à l'égard de l'élaboration des ébauches et des services de gaufrage, lorsque ces deux opérations ont fait l'objet d'un contrat de l'appelant, le Tribunal estime qu'il faut faire une distinction lorsque les ébauches sont élaborées par une personne autre que l'appelant et, par la suite, remises à l'appelant pour le gaufrage seulement.

Au moment de leur remise à l'appelant, les ébauches appartiennent aux clients. De l'avis du Tribunal, les services de gaufrage subséquents sont effectués par l'appelant aux termes d'un contrat visant la main-d'œuvre. Par conséquent, les dispositions de l'article 45.1 de la Loi s'appliquent. Conformément à l'article 45.1 de la Loi, lorsqu'une personne fabrique ou produit des marchandises à partir d'une matière fournie par une personne autre qu'un fabricant titulaire de licence, il y a vente réputée à la date de la livraison des marchandises à l'autre personne. Par conséquent, le fabricant ou producteur est redevable de la TVF sur le montant exigé en vertu du contrat relativement aux marchandises aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi.

De l'avis du Tribunal, les opérations accomplies par l'appelant aux termes de ces contrats constituent une activité de production, en ce sens que les cartes, une fois gaufrées et codées, sont des choses nouvelles; elles peuvent remplir une fonction différente de celle qui pouvait être remplie auparavant [10] . Étant donné que les opérations constituent une activité de production plutôt qu'une activité de fabrication, l'alinéa b) de la définition de «fabricant ou producteur» au paragraphe 2(1) de la Loi ne s'applique pas. En ce qui a trait à l'application de l'alinéa f), le Tribunal est d'avis que les clients de l'appelant ne se livrent à aucune des activités qui y sont visées en confiant les services de gaufrage à l'appelant.

Par conséquent, pour les contrats conclus avec des personnes autres que des fabricants titulaires de licence pour obtenir des services de gaufrage, l'appelant est redevable de la TVF sur le montant exigé aux termes de ces contrats. Cependant, lorsque ces contrats sont passés avec des fabricants titulaires de licence, l'appelant n'est pas redevable de la TVF sur le montant exigé aux termes des contrats et il a donc droit à un remboursement des montants versés à ce titre, vu qu'ils l'ont été par erreur.

Les éléments de preuve n'indiquant pas clairement lesquels des fabricants titulaires de licence, le cas échéant, figurant sur la liste des clients de l'appelant n'ont contracté avec lui que pour les services de gaufrage et non pour l'élaboration des ébauches, le Tribunal ordonne à l'appelant de fournir ces renseignements au ministère du Revenu national pour que ce dernier puisse calculer le montant du remboursement, le cas échéant, auquel l'appelant a droit.

Par conséquent, l'appel est admis en partie.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15.

2. 58 D.T.C. 1158 (C.S.); (1962), 63 D.T.C. 1001 (C. de l'É.); et 49 D.T.C. 570 (C. de l'É.), respectivement.

3. [1984] 1 C.F. 447.

4. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP - 93 - 289, le 26 septembre 1994.

5. Appel no AP - 92 - 375, le 17 mai 1994.

6. Il convient de noter que les trois contrats présentés par l'appellant énoncent des conditions régissant à la fois l'élaboration des ébauches et la prestation des services de gaufrage.

7. Afin de protéger la confidentialité des renseignements fournis au Tribunal, les trois exemples de contrats écrits formels sont désignés contrat A, contrat B et contrat C.

8. Cette déclaration est fondée sur le critère de «fabrication» qui a été énoncé dans l'affaire Le ministre du Revenu national c. Dominion Shuttle Company Limited (1933), 72 C.S. du Québec, et retenu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limited, [1968] R.C.S. 140.

9. Supra, note 4.

10. Le ministre du Revenu national c. Enseignes Imperial Signs Ltée (1990), 116 N.R. 235, Cour d'appel fédérale, no du greffe A - 264 - 89, le 28 février 1990.


Publication initiale : le 28 août 1996