GENERAL FILMS INC.

Décisions


GENERAL FILMS INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-94-169

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le mardi 18 avril 1995

Appel no AP-94-169

EU ÉGARD À un appel entendu le 26 janvier 1995 aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 17 mai 1994 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 58 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

GENERAL FILMS INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation à l'égard d'un réexamen du sous-ministre du Revenu national confirmant l'imposition de droits antidumping sur certains envois de cadres - albums de photos qui ont été importés au Canada par l'appelant.

Le présent appel s'insère dans le contexte de l'ordonnance rendue par le Tribunal dans le cadre du réexamen no RR-92-003. Aux termes de ce réexamen, le Tribunal a décidé de proroger les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations dans le cadre de l'enquête no CIT-11-87 concernant certains albums de photos.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en question entrent dans le champ d'application des conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations et prorogées par le Tribunal.

DÉCISION : L'appel est admis. Quoique le Tribunal reconnaisse que les marchandises en question possèdent certaines des caractéristiques des marchandises décrites dans les conclusions et l'exposé des motifs du Tribunal canadien des importations, le Tribunal est convaincu qu'il existe également des différences importantes, la principale étant la fonction des marchandises en question.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 26 janvier 1995 Date de la décision : Le 18 avril 1995
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Charles A. Gracey, membre Lyle M. Russell, membre
Avocat pour le Tribunal : John L. Syme
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Steve Withers, pour l'appelant Josephine A.L. Palumbo, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI) à l'égard d'un réexamen du sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre) confirmant l'imposition de droits antidumping sur certains envois de cadres - albums de photos qui ont été importés au Canada par l'appelant. Les marchandises en question possèdent certaines des caractéristiques des cadres de photos et des albums de photos et sont munies d'une couverture en métal contenant une pièce rapportée de verre servant à la présentation d'une photographie. Les marchandises en question comportent une reliure à tiges et contiennent normalement 40 feuilles de plastique transparent dans lesquelles des photographies peuvent être glissées.

Le présent appel s'insère dans le contexte de l'ordonnance rendue par le Tribunal dans le cadre du réexamen noRR-92-003 [2] . Dans ce réexamen, le Tribunal devait décider s'il y avait lieu d'annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations (le TCI) lors de l'enquête no CIT-11-87 [3] concernant certains albums de photos. À la suite de ce réexamen, le Tribunal a décidé de proroger les conclusions du TCI sans modification.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en question entrent dans le champ d'application des conclusions rendues par le TCI et prorogées par le Tribunal.

M. Steve Withers, président de General Films Inc., a représenté l'appelant à l'audience et déposé des éléments de preuve en son nom. Il a témoigné que les marchandises en question n'entrent pas dans le champ d'application de l'ordonnance du Tribunal pour plusieurs raisons. Il a déclaré que les marchandises en question sont plus correctement décrites comme des cadres plutôt que comme des albums de photos.

Au cours du contre-interrogatoire, le représentant de l'appelant a déclaré qu'il existe plusieurs différences essentielles entre les marchandises en question et les albums de photos. Il a fait valoir que la première différence a trait au prix des produits respectifs. Alors que les marchandises en question se vendent au détail à un prix d'environ 20 $, les albums de photos qui ont une capacité de stockage comparable se vendent au détail à un prix d'environ 3 $ à 4 $. La seconde différence qui permet de distinguer les marchandises en question des albums de photos est l'usage qui en est fait. Le représentant de l'appelant a expliqué que les marchandises en question sont destinées à être exposées au regard, avec une photographie dans le cadre - couverture. Il a fait remarquer que les albums de photos sont normalement conservés sur des tablettes de bibliothèques ou dans des tiroirs et sont utilisés lorsque quelqu'un souhaite regarder les photographies.

Le représentant de l'appelant a également fait remarquer que les marchandises en question diffèrent des albums de photos sur le plan de leur apparence matérielle. Les albums de photos ont généralement une couverture de papier, de cuir ou de vinyle, alors que les marchandises en question ont une couverture de métal et de verre. Enfin, il a témoigné que, pour ce qui est de la valeur relative des composants des marchandises en question, le coût du cadre - couverture des marchandises en question est environ trois fois supérieur à celui des pages des albums.

Le représentant de l'appelant a reconnu que, dans une partie de la documentation concernant les marchandises en question, ces dernières sont décrites comme des «mini max album frames» ([traduction] des cadres - albums mini max) et des «mini max frame albums» ([traduction] des albums - cadres mini max). Il a également admis que les marchandises en question sont décrites dans le commerce comme des cadres - albums et que les marchandises en question ont l'aspect d'albums.

M. Murray E. Jackson, gestionnaire, Produits pour usage récréatif, Division des droits antidumping et compensateurs, ministère du Revenu national, a témoigné en faveur de l'intimé. Il a déclaré que les marchandises en question sont des produits hybrides qui ont quelques caractéristiques des albums de photos et quelques caractéristiques des cadres. M. Jackson a témoigné qu'on détermine si un produit entre dans le champ d'application de conclusions du Tribunal en se référant à la description du produit donnée dans l'exposé des motifs pertinent. En l'espèce, il a été déterminé que les marchandises en question entrent dans le champ d'application de l'ordonnance du Tribunal pour le motif qu'elles sont munies d'une reliure à tiges et contiennent des feuilles destinées à recevoir des photographies. Il a également fait remarquer que la description du produit donnée par le Tribunal prévoit que les couvertures d'albums peuvent être constituées de différents types de matériaux et a cité, à titre d'exemples, le vinyle, le cuir, le suède et les tissus.

Dans sa plaidoirie, M. Withers a fait valoir que les marchandises en question ne sont pas des albums de photos comme tels, mais plutôt des cadres de photos pouvant contenir un certain nombre de photographies.

L'avocate de l'intimé a présenté des arguments relativement à la méthode utilisée pour déterminer les droits antidumping imposés sur les marchandises en question et au sujet de la question de savoir si les marchandises en question entrent dans le champ d'application de l'ordonnance du Tribunal. En ce qui a trait au dernier point, l'avocate a déclaré que l'exposé des motifs du TCI décrit les marchandises visées par les conclusions comme des «albums photos [qui] servent à ranger les photos». L'avocate a également fait remarquer que l'exposé des motifs prévoit que les marchandises assujetties aux conclusions peuvent être reliées à l'aide de différents types de reliures, contenir un certain nombre de pages et être munies de couvertures de types et de formats qui diffèrent. L'avocate a également fait valoir qu'il incombe à l'appelant de prouver que le réexamen du Sous-ministre est erroné.

Lorsqu'un appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la LMSI, le Tribunal doit rendre une ordonnance ou des conclusions selon lesquelles des droits antidumping sont payables sur certaines marchandises importées. Pour que des droits antidumping soient exigibles, il faut que les marchandises importées soient des marchandises de la même description que les marchandises auxquelles s'appliquent une ordonnance ou des conclusions du Tribunal. Les conclusions rendues par le TCI le 26 février 1988 relativement à des albums de photos sont le point de départ pour le Tribunal dans le présent appel. Ces conclusions visaient des marchandises correspondant à la description suivante : des albums de photos à pochettes fixes ou basculantes (importés ensemble ou séparément) et leurs feuilles de rechange.

Dans la cause J.V. Marketing Inc. c. Le Tribunal canadien du commerce extérieur [4] , la Cour d'appel fédérale a soutenu que le Tribunal peut, lorsqu'il doit décider si des marchandises importées entrent dans le champ d'application de conclusions antidumping et, s'il y a ambiguïté dans la description des marchandises qui figurent dans ces conclusions, se référer à son exposé des motifs pour résoudre cette ambiguïté.

Dans le présent appel, s'il est vrai que les conclusions du TCI décrivent ce qu'on peut considérer comme des albums de photos classiques, le Tribunal est d'avis qu'il y a suffisamment d'ambiguïté dans le libellé des conclusions pour justifier le renvoi à l'exposé des motifs du TCI. La description du produit donnée dans les conclusions du TCI figure à la page 2 de l'exposé des motifs du TCI. Les mots suivants suivent la description :

Les albums photos en question servent à ranger les photos dans des pochettes individuelles faites d'une pellicule transparente. Il existe cinq genres de reliures pour ces albums photos : les albums scellés, à anneaux, à spirales, à pochettes rabattables et à tige. Les feuilles sont fabriquées à partir de CPV (chlorure de polyvinyle), de polypropylène ou de polyéthylène. Les albums contiennent un certain nombre de feuilles et certains d'entre eux peuvent contenir jusqu'à 700 photos. La couverture des albums peut être composée de divers types de matériaux : vinyl[e], cuir, daim ou tissu. Les feuilles de rechange sont également vendues en quantités différentes, le plus souvent en paquets de 20 et de 50 feuilles.

Les divers formats d'albums de photos disponibles sont ensuite décrits dans l'exposé des motifs du TCI.

Après avoir examiné les descriptions contenues dans les conclusions et dans l'exposé des motifs du TCI, le Tribunal est d'avis que les marchandises en question n'entrent pas dans le champ d'application des conclusions du TCI. S'il est vrai que les marchandises en question possèdent certaines des caractéristiques des marchandises décrites dans les conclusions et dans l'exposé des motifs du TCI, le Tribunal est d'avis qu'elles se distinguent de ces dernières par des différences importantes qui ont pour effet de les exclure du champ d'application de ces conclusions.

La principale différence est la fonction des marchandises en question. La couverture des marchandises en question est constituée d'un cadre en métal muni d'une pièce rapportée en verre sur sa face extérieure. Le cadre présente une ouverture sur sa face intérieure qui permet l'insertion d'une photographie. Ainsi, la couverture sert à deux fins, soit celle de cadre et celle de couverture. En outre, la structure en métal du cadre permet de placer l'album en position verticale pour exposer une photographie. De l'avis du Tribunal, la principale fonction des marchandises en question est de servir de cadre de photo. Selon le Tribunal, la fonction de rangement offerte par les marchandises en question est secondaire par rapport à la fonction de cadre.

Le Tribunal tient également compte de l'élément de preuve selon lequel, pour ce qui est de la valeur relative des composants des marchandises en question, le coût de l'élément cadre - couverture est environ trois fois supérieur à celui de l'élément album. Quoique le prix ne soit peut-être pas, en lui-même et par lui-même, un motif approprié pour exclure des marchandises du champ d'application de conclusions, le Tribunal est convaincu qu'en l'espèce, il s'agit d'un facteur approprié. De l'avis du Tribunal, une personne qui souhaite simplement ranger des photographies achètera probablement un album de photos. Il ressort des éléments de preuve que les albums de ce genre coûtent de 3 $ à 4 $. Cette personne n'achèterait probablement pas les marchandises en question puisqu'elles coûtent de cinq à sept fois plus cher que les albums de photos de base.

Compte tenu de ce qui précède, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Albums photos à pochettes fixes ou basculantes (importés ensemble ou séparément) et leurs feuilles de rechange, originaires ou exportés du Japon, de la République de Corée, de la République populaire de Chine, de Hong Kong, de Taiwan, de Singapour, de la Malaisie et de la République fédérale d’Allemagne, Ordonnance et Exposé des motifs, le 25 février 1993.

3. Ibid., Conclusions, le 26 février 1988, Exposé des motifs, le 11 mars 1988.

4. Non publié, Cour d’appel fédérale, no du greffe A - 1349 - 92, le 29 novembre 1994.


Publication initiale : le 28 août 1996