FARMER'S SEALED STORAGE INC.

Décisions


FARMER'S SEALED STORAGE INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-94-116 et AP-94-186

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le mardi 25 juillet 1995

Appels nos AP-94-116 et AP-94-186

EU ÉGARD À des appels entendus le 9 décembre 1994 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 13 avril et 11 août 1994 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

FARMER'S SEALED STORAGE INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Les appels sont rejetés.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant importe et distribue un appareil appelé «Ag-Bagger», qui fait partie du système Ag-Bag d'entreposage scellé pour le fourrage. Les marchandises en cause, les sacs «Ag-Bag», sont des sacs de polyéthylène à trois épaisseurs, deux ouvertures, produits par coextrusion, qui mesurent de 8 à 10 pi de diamètre et de 100 à 150 pi de longueur et qui se fixent à l'appareil Ag-Bagger. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les sacs Ag-Bag sont correctement classés dans le numéro tarifaire 3917.32.00 à titre d'autres tubes en matières plastiques, non renforcés d'autres matières ni autrement associés à d'autres matières, sans accessoires, ou dans le numéro tarifaire 3923.21.00 à titre de sacs et sachets en polymères de l'éthylène pour le transport ou l'emballage, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8436.99.20 à titre d'autres parties de machines et appareils pour l'agriculture, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : Les appels sont rejetés. Le Tribunal reconnaît qu'afin de déterminer si des marchandises font partie ou non d'autres marchandises, il faut examiner les faits propres à chacune des causes. Dans le cadre des présents appels, le Tribunal s'appuie sur les éléments suivants pour soutenir sa conclusion voulant que les sacs Ag-Bag ne fassent pas partie de l'appareil Ag-Bagger : 1) les sacs Ag-Bag demeurent fixés à l'appareil Ag-Bagger pendant une journée seulement, mais continuent de faire office d'unité d'entreposage pendant environ deux ans après avoir été retirés de l'appareil Ag-Bagger; 2) il faut très peu de temps, soit de 3 à 5 minutes, pour fixer les sacs Ag-Bag à l'appareil Ag-Bagger; 3) les sacs Ag-Bag doivent être retirés de l'appareil Ag-Bagger pour permettre une fermentation adéquate du fourrage et en assurer le fonctionnement efficace en tant qu'unités d'entreposage; 4) les sacs Ag-Bag ne sont pas réutilisables; et 5) de nombreux sacs Ag-Bag peuvent être utilisés pendant la vie utile d'un appareil Ag-Bagger.

Par ailleurs, le Tribunal ne peut conclure que les sacs Ag-Bag sont soit nommément désignés ou décrits de façon générique dans la position no 39.17 à titre de «[t]ubes [...] en matières plastiques». Le Tribunal conclut que les sacs Ag-Bag sont décrits de façon générique dans la position no 39.23 à titre d'«[a]rticles [...] d'emballage, en matières plastiques» et qu'ils sont nommément désignés dans le numéro tarifaire 3923.21.00 à titre de sacs «[e]n polymères de l'éthylène».

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 9 décembre 1994 Date de la décision : Le 25 juillet 1995
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Lise Bergeron, membre Lyle M. Russell, membre
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Michael A. Kelen, pour l'appelant Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 13 avril et 11 août 1994 aux termes de l'article 63 de la Loi.

L'appelant importe et distribue un appareil appelé «Ag-Bagger», qui fait partie du «Ag-Bag Sealed Feed Storage System» (système Ag-Bag d'entreposage scellé pour le fourrage). Les marchandises en cause, les sacs Ag-Bag, sont des sacs de polyéthylène à trois épaisseurs, deux ouvertures, produits par coextrusion, qui mesurent de 8 à 10 pi de diamètre et de 100 à 150 pi de longueur et qui se fixent à l'appareil Ag-Bagger. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les sacs Ag-Bag sont correctement classés dans le numéro tarifaire 3917.32.00 de l'Annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres tubes en matières plastiques, non renforcés d'autres matières ni autrement associés à d'autres matières, sans accessoires, ou dans le numéro tarifaire 3923.21.00 à titre de sacs et sachets en polymères de l'éthylène pour le transport ou l'emballage, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8436.99.20 à titre d'autres parties de machines et appareils pour l'agriculture, comme l'a soutenu l'appelant.

Le premier témoin à comparaître pour le compte de l'appelant a été M. Keith Randall Lavier, copropriétaire de la société Farmer's Sealed Storage Inc. M. Lavier a expliqué le fonctionnement du système Ag-Bag d'entreposage scellé pour le fourrage et, plus particulièrement, le fait qu'un système d'entreposage hermétique du fourrage permet la fermentation anaérobie du fourrage à cause de la conversion de l'acide acétique en acide lactique, rendant ainsi le fourrage plus facile à digérer pour le bétail.

En consultant une brochure de renseignements, M. Lavier a décrit le fonctionnement de l'appareil Ag-Bagger. D'après M. Lavier, au fur et à mesure que le fourrage haché est introduit dans l'appareil Ag-Bagger, un rotor le compacte dans un sac Ag-Bag qui a été scellé à une extrémité. Une fois rempli, le sac Ag-Bag est complètement scellé et la fermentation du fourrage débute. Le fourrage est ensuite entreposé dans le sac Ag-Bag pendant une période pouvant atteindre deux ans.

M. Lavier a témoigné que les sacs Ag-Bag sont offerts en deux longueurs pour répondre aux besoins des troupeaux de différentes tailles. Il a décrit les sacs Ag-Bag comme comptant trois couches de matériaux : 1) une couche extérieure blanche conçue pour réfléchir la chaleur du soleil et les rayons ultraviolets, qui autrement dégraderaient le plastique; 2) une couche intérieure noir de carbone conçue pour empêcher le soleil de traverser le fourrage; et 3) une couche centrale qui ajoute de la robustesse aux sacs Ag-Bag. Selon M. Lavier, les trois couches ont une épaisseur d'environ 9,5 mils. Selon le type d'appareil Ag-Bagger acheté, deux ou trois sacs Ag-Bag sont vendus avec l'appareil.

M. Lavier a aussi parlé des avantages du système Ag-Bag d'entreposage scellé pour le fourrage et versé au dossier un dépliant intitulé «The Advantages of the Ag-Bag System». Ce dépliant présente les avantages du système Ag-Bag principalement en ce qui a trait à sa fonction à titre d'unité d'entreposage.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Lavier a déclaré qu'il faut de 3 à 5 minutes pour que deux personnes fixent un sac Ag-Bag à l'appareil Ag-Bagger. Il estime aussi qu'il faut une journée pour remplir un sac Ag-Bag et qu'une fois vide, il ne peut être réutilisé. M. Lavier a expliqué que des trous sont habituellement faits dans les sacs Ag-Bag afin d'en retirer le fourrage, ce qui les abîment.

M. Art Schuette a été le deuxième témoin à comparaître pour le compte de l'appelant. M. Schuette est vice-président des ventes de la société Ag-Bag Corporation et membre de son conseil d'administration. M. Schuette a présenté une déposition sur le processus de fermentation qui se produit dans les sacs Ag-Bag et comparé la fonction du système Ag-Bag d'entreposage scellé pour le fourrage à celle d'un silo.

Le troisième témoin à comparaître pour le compte de l'appelant a été M. Wayne Ovens, un producteur de lait. M. Ovens a déclaré qu'il utilise parfois un sac Ag-Bag pendant plus de deux ans et qu'en tout temps, il peut avoir jusqu'à 10 sacs Ag-Bag sur sa ferme. M. Ovens a aussi témoigné qu'il ne possède qu'un seul appareil Ag-Bagger.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a d'abord abordé la question en litige qui consiste à déterminer si les sacs Ag-Bag sont des parties de machines et d'appareils pour l'agriculture du numéro tarifaire 8436.99.20. Il a soutenu que le libellé du numéro tarifaire est pratiquement identique à celui du numéro tarifaire du système de classement antérieur au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [3] (le Système harmonisé) aux termes duquel les sacs Ag-Bag avaient été classés par le Tribunal dans une décision datée du 9 septembre 1991 [4] , laquelle décision n'avait pas fait l'objet d 2'un appel.

L'avocat de l'appelant a réitéré les arguments qu'il avait soumis lors de l'appel précédent afin d'appuyer la position de l'appelant selon laquelle les sacs Ag-Bag font partie d'un appareil pour l'agriculture dans le cadre des présents appels. Ces arguments s'appuyaient sur les points suivants : 1) les sacs Ag-Bag et l'appareil Ag-Bagger constituent «un système mécanique intégré semblable au silo vertical classique doté d'une chargeuse et d'une déchargeuse incorporées [5] »; 2) l'appareil Ag-Bagger et les sacs Ag-Bag constituent un «système mécanique scientifiquement intégré qui permet de protéger la provende entreposée [6] » et, par conséquent, les sacs Ag-Bag doivent être classés en tant que parties de ce système; 3) l'appareil s'appelle Ag-Bagger parce que les sacs Ag-Bag en constituent la partie la plus importante; 4) le simple fait qu'il est moins coûteux de remplacer les sacs Ag-Bag que de les rendre réutilisables ne devrait pas les exclure en tant que parties, tout comme le fait qu'ils continuent de fonctionner en tant qu'unités de fermentation une fois remplis; et 5) les sacs Ag-Bag coûtent cher et ont une garantie de deux ans, contrairement à des produits comme l'encre ou les bandes de papier d'ordinateur qui ont été classés comme étant des fournitures renouvelables plutôt que des parties [7] .

L'avocat de l'appelant a ensuite passé en revue les motifs de la décision du Tribunal dans l'appel précédent, particulièrement les raisons pour lesquelles il avait conclu que les sacs Ag-Bag sont des «partie[s] destinée[s] à servir avec l'Ag-Bagger [8] ». L'avocat a aussi rappelé que, dans cet appel, le Tribunal avait conclu que l'intention du législateur n'était pas d'appliquer des droits de douane à des pièces d'instruments aratoires ou de machines agricoles.

En outre, l'avocat de l'appelant a fait valoir que le Tribunal ne peut se prononcer de nouveau sur la question qui consiste à déterminer si les sacs Ag-Bag sont des parties de machines agricoles, citant à cet effet le principe de l'affaire jugée. Citant le Osborn's Concise Law Dictionary, l'avocat a fait valoir que «[o]nce a matter or issue between parties has been litigated and decided, it cannot be raised again between the same parties [9] » ([traduction] lorsqu'une question ou une affaire a été portée en justice et tranchée, elle ne peut être soulevée de nouveau entre les mêmes parties). L'avocat a soutenu que les présents appels portent sur exactement les mêmes marchandises, mettent en cause les mêmes parties et portent sur la même question que celle faisant l'objet de l'appel antérieur et qu'en concluant que les marchandises dans l'appel précédent étaient des «parties de machines agricoles», la question ne peut faire l'objet d'un nouveau litige dans le cadre des présents appels.

L'avocat de l'appelant n'a pas nié le fait que les appels doivent être entendus afin de régler la question toujours en litige, notamment la question de déterminer si les sacs Ag-Bag sont correctement classés dans le numéro tarifaire 3917.32.00 ou dans le numéro tarifaire 3923.21.00. À titre d'argument général, l'avocat a fait valoir que le législateur ne souhaitait pas que les marchandises classées avant l'introduction du Système harmonisé soient visées par des tarifs plus élevés après avoir été reclassées dans le cadre du Système harmonisé [10] .

Plus précisément, quant à la question de déterminer si les sacs Ag-Bag peuvent être classés dans le numéro tarifaire 3923.21.00, l'avocat de l'appelant a soutenu que l'intimé a implicitement admis que ce classement est incorrect puisque le 11 août 1994, une décision subséquente incompatible selon laquelle les sacs Ag-Bag sont classés à titre de tubes de plastique dans le numéro tarifaire 3917.32.00 a été rendue.

De plus, l'avocat a fait valoir que l'expression «emballage» dans la position no 39.23 sous-entend que les marchandises sont emballées pour être déplacées, ce qui, de toute évidence, n'est pas le cas des sacs Ag-Bag. Il a soutenu que les sacs Ag-Bag sont destinés à rester à un seul endroit afin de permettre au fourrage de fermenter et d'être conservé aux fins d'utilisation ultérieure.

Quant à savoir si les sacs Ag-Bag peuvent être classés dans le numéro tarifaire 3917.32.00, l'avocat de l'appelant a soutenu qu'ils sont communément appelés sacs et non tubes. De plus, les sacs Ag-Bag sont renforcés et munis d'accessoires, contrairement au libellé de la sous-position no 3917.32 dans laquelle l'intimé les a classés dans sa décision datée du 11 août 1994. Plus précisément, l'avocat a fait valoir que la description des sacs Ag-Bag donnée par l'intimé dans cette décision ne correspond pas à la description de «feuille aplatie» du Six-Language Dictionary of Plastics and Rubber Technology [11] .

En conclusion, l'avocat de l'appelant a soutenu que les sacs Ag-Bag sont des composants de l'appareil Ag-Bagger et que, par conséquent, en se fondant sur la note 4 de la Section XVI de l'Annexe I du Tarif des douanes, les sacs Ag-Bag doivent être classés dans la position qui correspond à la fonction de l'ensemble de l'appareil.

L'avocat de l'intimé a entrepris sa plaidoirie en mentionnant la décision dans l'affaire Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise c. Androck Inc. [12] qui, à son avis, se fonde sur la prémisse voulant qu'afin de déterminer si des marchandises sont des «parties» de certaines choses aux fins du classement dans l'Annexe I du Tarif des douanes, il faut tenir compte des faits de chaque cause, y compris la nature particulière de chacune des marchandises en question. L'avocat a ensuite renvoyé le Tribunal à la décision dans l'affaire Xerox Canada, où la Commission du tarif avait énuméré un certain nombre de facteurs pris en compte afin de rendre une telle détermination. Au nombre de ces facteurs figuraient le degré de permanence de l'article fixé à l'appareil, la fréquence du remplacement de l'article au cours de la vie utile de l'appareil, la façon d'en disposer après son remplacement, le fait que l'article est consommé ou s'use pendant que l'appareil fonctionne et si l'article peut être remplacé par l'utilisateur ou s'il doit faire appel à un technicien qualifié pour accomplir cette tâche. Selon l'avocat, il faut tenir compte de ces facteurs afin de rendre une décision dans le cadre des présents appels, à savoir si les sacs Ag-Bag sont des parties de machines et d'appareils pour l'agriculture.

L'avocat de l'intimé a ensuite examiné les faits de la présente cause dans le contexte des facteurs établis dans la cause Xerox Canada et a fait valoir que les sacs Ag-Bag ne peuvent être considérés des parties de machines et d'appareils pour l'agriculture puisqu'ils ont une fonction qui leur est propre en tant qu'unités d'entreposage, fonction qui n'a rien à voir avec leur utilisation de concert avec l'appareil Ag-Bagger. Pour appuyer cette position, l'avocat a surtout fait état de la documentation soumise par l'appelant et qui traite des avantages du système Ag-Bag sur ce plan. L'avocat a en outre souligné les points suivants pour appuyer sa thèse : 1) il faut de 3 à 5 minutes pour fixer le sac Ag-Bag à l'appareil Ag-Bagger et le sac Ag-Bag n'est pas fixé à l'aide d'accessoires spéciaux; 2) le sac Ag-Bag demeure fixé à l'appareil en général une journée seulement, pendant qu'il est rempli; et 3) le sac Ag-Bag ne commence à jouer son rôle qu'une fois retiré de l'appareil Ag-Bagger et scellé aux deux extrémités. L'avocat a aussi rappelé les dimensions et les spécifications des sacs Ag-Bag afin de faire valoir que leurs caractéristiques sont conçues en fonction de leur utilisation comme unités d'entreposage et non de leur utilisation lorsqu'ils sont fixés à l'appareil Ag-Bagger. Afin d'appuyer ce point de vue, l'avocat a mentionné des facteurs comme la robustesse des sacs Ag-Bag, les matériaux dont ils sont fabriqués ainsi que leurs dimensions.

Pour ce qui est de la question de l'affaire jugée, l'avocat de l'intimé, en se référant à la décision dans la cause Javex Company Ltd. c. Oppenheimer [13] , a soutenu que, dans les présents appels, le principe de l'affaire jugée ne s'applique pas parce que les appels portent sur un nouveau système tarifaire, une nouvelle importation de marchandises et, en dernier lieu, des choix de classement différents et, par conséquent, des questions différentes.

L'avocat de l'intimé a fait valoir que les sacs Ag-Bag sont clairement décrits dans le numéro tarifaire 3923.21.00 à titre de sacs «[e]n polymères de l'éthylène» et, plus généralement, dans la position nº 39.23 à titre d'«[a]rticles de transport ou d'emballage, en matières plastiques». Il a soutenu que le libellé de la position n'appuie pas l'interprétation de l'avocat de l'appelant, à savoir que les sacs Ag-Bag doivent être conçus pour le transport une fois remplis.

En outre, l'avocat de l'intimé a fait valoir que, si le Tribunal en venait à conclure que les sacs Ag-Bag ne sont pas des sacs parce qu'ils sont ouverts aux deux extrémités au moment de leur importation, les sacs Ag-Bag seraient alors décrits correctement à titre de «[t]ubes» dans la position no 39.17. L'avocat a aussi soutenu que rien dans la position no 39.23 ne donne à penser qu'un processus, comme le processus de fermentation dans le présent cas, ne peut se produire à l'intérieur d'un article «de transport ou d'emballage» au moment où il est utilisé pour le transport ou l'emballage.

En réplique, l'avocat de l'appelant a soutenu que les circonstances des présents appels sont similaires à celles décrites dans la décision rendue dans l'affaire Outboard Marine Corporation of Canada. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [14] citée avec l'approbation de la Cour d'appel fédérale dans la cause Androck. Dans l'affaire Outboard Marine, les déflecteurs d'herbe ont été considérés des parties intégrantes d'une tondeuse à gazon et , par conséquent, correctement classés à titre de pièces d'une tondeuse à gazon. Par ailleurs, dans l'affaire Androck, les déflecteurs d'herbe étaient importés en tant qu'ajouts facultatifs pour tondeuses à gazon et n'étaient pas nécessaires pour assurer le fonctionnement d'une tondeuse à gazon.

Pour arriver à sa décision dans les présents appels, le Tribunal a d'abord déterminé si le principe de l'affaire jugée s'applique afin d'empêcher le Tribunal de rendre une conclusion quant à la question de savoir si les sacs Ag-Bag sont des éléments autres que des parties d'une machine agricole aux fins du classement dans l'Annexe I du Tarif des douanes. Après avoir examiné la loi et les faits en l'espèce, le Tribunal estime que le principe de l'affaire jugée ne s'applique pas. Le Tribunal se fonde, à cette fin, principalement sur le fait qu'il n'est pas lié par ses décisions antérieures. Bien que le Tribunal reconnaisse que l'uniformité est souhaitable dans ses décisions, cet objectif ne doit pas être recherché aux dépens du bien-fondé d'une cause particulière.

De plus, le Tribunal appuie sa position sur le fait que les présents appels portent sur différentes importations de marchandises et sur une question qui diffère de celle en cause dans l'appel précédent. Dans l'appel no 2935, il devait se pencher sur le classement de marchandises d'aprE8Šs une version du Tarif des douanes antérieure à celle aux termes de laquelle les sacs Ag-Bag doivent maintenant être classés et dont la nomenclature tarifaire précédait l'entrée en vigueur du Système harmonisé dans la loi canadienne. Dans cet appel, le Tribunal avait conclu que les marchandises en question étaient mieux décrites comme parties de machines agricoles dans le numéro tarifaire 40924-1 qu'à titre d'articles de polypropylène dans le numéro tarifaire 93907-1. Dans les présents appels, le Tribunal doit déterminer si les sacs Ag-Bag doivent être classés à titre de parties de machines et d'appareils pour l'agriculture, de sacs en polymères de l'éthylène pour le transport ou l'emballage, ou encore à titre de tubes en matières plastiques non renforcés d'autres matières ni autrement associés à d'autres matières, sans accessoires. Le Tribunal est d'avis que la question en litige dans l'appel antérieur n'est pas identique à la question en litige dans les présents appels.

Afin de déterminer le classement des sacs Ag-Bag, le Tribunal est conscient du fait que la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [15] (les Règles générales) est d'une extrême importance. La Règle 1 stipule que le classement est déterminé d'abord par les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres pertinentes. Dans la décision que le Tribunal a rendue dans l'affaire York Barbell Co. Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [16] , il a tenu compte de la Règle 1 pour le classement des marchandises soit comme parties d'un ensemble, soit comme entités propres. Dans cette décision, le Tribunal a déclaré que «le Tribunal doit d'abord établir si les marchandises en question sont nommées ou décrites de façon générique dans une position donnée de la liste tarifaire. Si les marchandises sont nommées dans une position, elles sont classées à l'intérieur de celle-ci, sous réserve de toute note légale pertinente. Si tel n'est pas le cas, le Tribunal examinera la position dans laquelle se trouve le produit dont il est prétendu que les marchandises en question font partie [17] ».

Avant de déterminer si les sacs Ag-Bag sont nommés dans une position donnée ou s'ils peuvent être classés à titre de parties d'un autre produit aux fins de classement dans la liste tarifaire, le Tribunal est d'avis qu'il doit d'abord déterminer si les sacs Ag-Bag font partie de l'appareil Ag-Bagger au sens générique.

Le Tribunal reconnaît qu'afin de déterminer si des marchandises font partie ou non d'autres marchandises, il doit examiner les faits propres à chaque cause. Dans le cadre des présents appels, le Tribunal s'appuie sur les éléments suivants pour soutenir sa conclusion voulant que les sacs Ag-Bag ne fassent pas partie de l'appareil Ag-Bagger : 1) les sacs Ag-Bag demeurent fixés à l'appareil Ag-Bagger pendant une journée seulement, mais continuent de faire office d'unité d'entreposage pendant environ deux ans après avoir été retirés de l'appareil Ag-Bagger; 2) il faut très peu de temps, soit de 3 à 5 minutes, pour fixer les sacs Ag-Bag à l'appareil Ag-Bagger; 3) les sacs Ag-Bag doivent être retirés de l'appareil Ag-Bagger pour permettre une fermentation adéquate du fourrage et en assurer le fonctionnement efficace en tant qu'unités d'entreposage; 4) les sacs Ag-Bag ne sont pas réutilisables; et 5) de nombreux sacs Ag-Bag peuvent être utilisés pendant la vie utile d'un appareil Ag-Bagger.

Le Tribunal est d'avis que la distinction faite par la Commission du tarif entre les parties et les fournitures dans sa décision dans l'affaire Xerox Canada est fondée. De l'avis du Tribunal, il manque tout particulièrement aux sacs Ag-Bag le degré de permanence par rapport à leur rôle avec l'appareil Ag-Bagger pour qu'ils soient considérés comme des parties de cet appareil. Bien que les sacs Ag-Bag servent encore pendant environ deux ans après avoir été retirés de l'appareil Ag-Bagger, ils y sont fixés pendant environ une journée seulement. En outre, de la même façon que les marchandises en cause dans Light Touch Stenographic Services Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [18] et Canadian Totalisator Company, A Division of General Instruments of Canada c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [19] ,les sacs Ag-Bag sont destinés à n'être utilisés qu'une seule fois avec l'appareil Ag-Bagger. Bien que le Tribunal accepte le fait que la fermentation et l'entreposage adéquats du fourrage nécessitent le compactage du fourrage dans les sacs Ag-Bag et qu'il faut, à cette fin, que les sacs Ag-Bag soient utilisés avec l'appareil Ag-Bagger pendant une courte période, le Tribunal est d'avis que la fonction première des sacs Ag-Bag est remplie pendant qu'ils ne sont pas fixés à l'appareil Ag-Bagger.

Par conséquent, le Tribunal est d'avis que les sacs Ag-Bag ne font pas partie de l'appareil Ag-Bagger et ne peuvent donc être considérés comme des parties de machines et d'appareils pour l'agriculture aux fins du classement.

Le Tribunal doit maintenant déterminer si les sacs Ag-Bag sont nommément désignés ou décrits de façon générique dans la position no 39.17 à titre de «[t]ubes [...] en matières plastiques» ou dans la position no 39.23 à titre d'«[a]rticles de transport ou d'emballage, en matières plastiques».

Le Tribunal ne peut conclure que les sacs Ag-Bag sont soit nommément désignés ou décrits de façon générique dans la position no 39.17 à titre de «[t]ubes [...] en matières plastiques». Les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [20] de la position no 39.17 définissent les «tubes et tuyaux» comme «1) les produits creux [...] des types utilisés généralement pour acheminer, conduire ou distribuer des gaz ou des liquides» et «2) les enveloppes tubulaires pour saucisses ou saucissons [...] et autres tubes et tuyaux plats». Le Tribunal est d'avis que les sacs Ag-Bag sont décrits correctement à titre de sacs puisque c'est ainsi qu'on les nomme communément et qu'ils sont scellés à une extrémité afin de permettre le compactage du fourrage. Les arguments de l'avocat de l'intimé selon lesquels il serait illogique de conclure que les sacs Ag-Bag sont des tubes plutôt que des sacs, tout comme le serait une telle conclusion pour des cartons qui sont à plat et pliés au moment de l'importation, ont convaincu le Tribunal. Par conséquent, le Tribunal estime que les sacs Ag-Bag ne sont pas des «tubes» aux fins du classement dans la position no 39.17.

Le Tribunal est d'avis que les sacs Ag-Bag sont décrits de façon générique dans la position no 39.23 à titre d'«[a]rticles [...] d'emballage, en matières plastiques». Le Tribunal n'a pas été convaincu par les arguments de l'avocat de l'appelant selon lesquels la notion de marchandises devant être déplacées est implicite dans l'expression «emballage». Le Tribunal estime que l'expression «emballage», dans son sens clair et grammatical, signifie que les marchandises doivent être remplies, qu'elles soient déplacées ou qu'elles demeurent sur place. Le Tribunal partage l'avis de l'avocat de l'intimé, soit le fait que les sacs Ag-Bag permettent la fermentation du fourrage n'empêche pas leur classement dans cette position. Le Tribunal conclut, en outre, que les sacs Ag-Bag sont correctement classés dans la position no 39.23 et, plus particulièrement, dans le numéro tarifaire 3923.21.00 à titre de sacs en polymères de l'éthylène.

Par conséquent, les appels sont rejetés.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

4. Farmer’s Sealed Storage c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise, Appel no 2935.

5. Ibid. à la p. 2.

6. Ibid.

7. Xerox Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise (1988), non publié, Commission du tarif, appels nos 2678 et 2722, le 15 juillet 1988.

8. Supra, note 4 à la p. 5.

9. Septième éd., Londres, Sweet & Maxwell, 1983 à la p. 288.

10. Pour appuyer son argument, l'avocat s'est référé à l'article 131 du Tarif des douanes et à l'Avis des douanes N-331, Prolongation de l'autorisation de rétablir les taux tarifaires avant le SH, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 15 mai 1989.

11. Londres, LIFFE Books, 1965 à la p. 391.

12. Non publié, Cour d'appel fédérale, no du greffe A-1491-84, le 28 janvier 1987.

13. [1959] R.C. de l'É. 439.

14. (1981), 7 R.C.T. 423.

15. Supra, note 2, Annexe I.

16. Appel no AP-91-131, le 16 mars 1992.

17. Ibid. à la p. 3.

18. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no 2809, le 23 janvier 1989.

19. (1986), 11 R.C.T. 120.

20. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.


Publication initiale : le 28 août 1996