PEPSI-COLA CANADA LTÉE ET

Décisions


PEPSI-COLA CANADA LTÉE ET
PEPSI-COLA CANADA BEVERAGES (WEST) LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
v.
EMBOUTEILLAGE COCA-COLA LTÉE
Appels nos AP-94-121 et AP-94-122

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le mardi 20 juin 1995

Appels nos AP-94-121 et AP-94-122

EU ÉGARD À des appels entendus le 14 décembre 1994 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 21 et 22 avril 1994 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

PEPSI-COLA CANADA LTÉE ET

PEPSI-COLA CANADA BEVERAGES (WEST) LTD. Appelants

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

ET

EMBOUTEILLAGE COCA-COLA LTÉE Intervenant

Les appels sont rejetés.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les appelants importent un produit de thé glacé embouteillé connu sous l'appellation «Thé infusé glacé Lipton Original». La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si le thé glacé en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 2202.90.90 à titre d'autres eaux et autres boissons non alcooliques, comme l'a établi l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 2101.20.00 à titre de préparations à base de thé, comme l'ont soutenu les appelants.

DÉCISION : Les appels sont rejetés. Le thé glacé en cause, une boisson non alcoolique, est correctement classé dans le numéro tarifaire 2202.90.90.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 14 décembre 1994 Date de la décision : Le 20 juin 1995
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Anthony T. Eyton, membre Raynald Guay, membre
Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Riyaz Dattu, pour les appelants Ian McCowan, pour l'intimé G.P. (Patt) MacPherson, pour l'intervenant





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national conformément à l'article 63 de la Loi.

Le produit en cause est du thé glacé embouteillé connu sous l'appellation «Thé infusé glacé Lipton Original». La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si le thé glacé en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 2202.90.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres eaux et autres boissons non alcooliques, comme l'a établi l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 2101.20.00 à titre de préparations à base de thé, comme l'ont soutenu les appelants.

Les appelants importent du thé glacé embouteillé. Le directeur de la planification des besoins-matières et des achats de thé auprès de Thomas J. Lipton, Inc. (Lipton), M. Peter F. Goggi, a témoigné en faveur des appelants. Comme M. Goggi l'a fait remarquer au Tribunal, Lipton C_uvre depuis longtemps dans le secteur du thé. M. Goggi a fait la preuve de ses vastes connaissances dans le domaine du thé en soulignant les divers postes qu'il a occupés auprès de Lipton, comme chimiste de recherche, dégustateur de thé et directeur de la production. Plus particulièrement, le Tribunal a jugé intéressant son survol de la longue histoire du thé et des diverses étapes de la production du thé (à partir de la cueillette du thé dans les plantations jusqu'à son emballage). Dans le cadre de son témoignage, M. Goggi a indiqué que l'eau constitue l'un des meilleurs agents d'extraction des nombreuses matières solides que l'on retrouve dans les feuilles de thé. En conséquence, bon nombre de composés et de substances sont libérés des feuilles de thé pendant le processus d'infusion. M. Goggi a admis volontiers que la préparation obtenue est une boisson.

M. Goggi a également fait l'historique du thé glacé. Le thé glacé a été présenté pour la première fois aux États-Unis en 1904, à l'occasion de l'Exposition internationale de Saint Louis. Le temps chaud faisait baisser les ventes de thé chaud. Un vendeur de thé a alors versé la boisson chaude sur de la glace pour la vendre aux consommateurs et, selon M. Goggi, cette boisson a connu un succès instantané. La consommation de thé glacé est toujours demeurée une tradition américaine depuis cet événement. M. Goggi a fait remarquer que le thé glacé n'est pas une boisson très populaire ailleurs dans le monde.

Selon M. Goggi, le thé glacé embouteillé a vu le jour en 1992. Le processus de production comprend les étapes suivantes : 1) le versement d'eau chaude sur un mélange de feuilles de thé pour en extraire le thé; 2) l'ajout d'édulcorants, de substances aromatiques ou d'autres ingrédients; et 3) l'embouteillage de la boisson ainsi produite. En lançant ce produit, Lipton visait à reproduire l'arôme du thé glacé infusé à la maison et à l'offrir à la clientèle dans des endroits où l'on vend des produits de consommation courante (par ex. des dépanneurs, des épiceries, des stations-service, etc.). Selon Lipton, l'acheteur type de ce genre de thé préparé est en général un homme dont l'âge s'échelonne de l'adolescence jusqu'à la fin de la vingtaine.

Une partie du témoignage de M. Goggi a porté sur la description du thé soluble et sur une comparaison de ce produit et du thé glacé en cause. Selon M. Goggi, on obtient du thé soluble en ajoutant de l'eau bouillante à des matières solides de thé séchées (de la poudre ou des cristaux de thé) pour constituer une boisson. De l'avis de M. Goggi, il s'agirait d'une boisson à base d'une préparation de thé soluble. Par contre, le thé glacé en cause est produit de la façon traditionnelle, c.-à-d. par un processus d'infusion de thé plutôt qu'à partir de matières solides de thé séchées. M. Goggi a décrit le thé glacé en cause à titre de «préparations à base de thé».

Enfin, M. Goggi a rejeté la proposition voulant que le thé glacé en cause puisse être considéré comme une eau aromatisée car, à son avis, le processus d'infusion est beaucoup plus complexe que le simple fait d'ajouter une substance aromatique à l'eau. À cet égard, il a invoqué les huiles, les composés aromatiques, les composés de saveur, les polyphénols, les tanins et les autres composés libérés dans la boisson pendant le processus d'infusion.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Goggi a reconnu que le thé glacé en cause renferme plus de 80 p. 100 d'eau. Il a également partagé l'avis de l'avocat de l'intimé, à savoir que le thé glacé en cause est généralement vendu comme boisson désaltérante. M. Goggi est d'avis, tout comme l'avocat, que le thé glacé en cause représente, dans le jargon commercial, une boisson.

M. Goggi a également subi le contre-interrogatoire de l'avocat représentant Embouteillage Coca-Cola Ltée, l'intervenant dans les présents appels. À la question de savoir si deux produits embouteillés, «Thé infusé glacé Lipton Original» et «Nestea», à saveur naturelle de citron, concurrencent sur le marché le thé en boîte «Thé glacé Lipton» et le thé en boîte «Nestea», M. Goggi a répondu par l'affirmative. Il a toutefois ajouté qu'il existe des différences entre ces produits. Il a fait remarquer que l'on trouve plus souvent le thé en boîte dans les épiceries et davantage de thé en bouteille chez les dépanneurs et dans des machines distributrices réfrigérées. Enfin, M. Goggi a déclar 9‚ qu'il n'avait pas apporté avec lui de rapports de fabrication dans lesquels le thé en cause serait désigné à titre de «préparations à base de thé» et il a convenu avec l'avocat de l'intervenant que cette expression ne figure pas dans le processus de commercialisation qu'il a présenté au cours de son témoignage.

Dans sa plaidoirie, l'avocat des appelants a d'abord fait remarquer que, par définition, le terme «thé» comprend les boissons de thé. Il a soutenu que le thé glacé en cause est manifestement du thé mis en bouteille et que la façon dont est contenu le thé ne peut influer sur le classement de ce produit. À son avis, le thé glacé en cause est une forme de thé portative. Il a également fait valoir que la portée du terme «préparation» est suffisamment vaste pour englober le thé glacé en cause. À son avis, le Tribunal n'a reçu aucune définition du dictionnaire indiquant que le terme «préparation» ne devait être appliqué qu'aux aliments ou qu'aux produits solides. Il s'est également reporté au témoignage de M. Goggi, à savoir qu'il faut de l'eau pour produire une préparation à base de thé. En outre, il a invoqué les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [3] (les Notes explicatives). Pour ce qui est de la Note 5 d) des Notes explicatives de la position no 21.01, l'avocat a soutenu essentiellement que cette note n'a pas la même portée que les Notes de Sections ou de Chapitres.

Après avoir admis que le thé glacé en cause peut également, à première vue, être décrit dans le numéro tarifaire 2202.90.90, l'avocat des appelants a soulevé, dans le mémoire des appelants, la question de l'applicabilité de la Règle 3 a) ou de la Règle 3 b) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [4] (les Règles générales). Il a donc soutenu que le numéro tarifaire 2101.20.00 renfermait la description la plus spécifique du thé glacé en cause. Il a ajouté que, s'il était nécessaire d'appliquer la Règle 3 b) des Règles générales, il faudrait envisager le produit d'après son caractère essentiel. À son avis, ce caractère réside dans le thé ou dans les extraits de thé, car le thé glacé en cause est commercialement désigné comme un produit de l'industrie du thé. L'avocat a aussi précisé qu'il suffit de se reporter à la Règle 1 des Règles générales pour statuer sur les présents appels. À son avis, si le thé glacé en cause est réputé préparation à base de thé, cette conclusion aurait préséance sur une catégorie résiduelle désignée «autres boissons non alcooliques».

L'avocat de l'intimé a d'abord fait valoir qu'aux termes de l'article 11 du Tarif des douanes, il faut obligatoirement tenir compte des Notes explicatives pour interpréter les positions de l'annexe I du Tarif des douanes. Puis, invoquant la Note 5 d) des Notes explicatives de la position no 21.01, il a fait remarquer que cette position n'englobe pas les marchandises du Chapitre 22. Par conséquent, compte tenu de la Note 5 d) des Notes explicatives, il convient de consulter d'abord le Chapitre 22. Pour pouvoir être classé dans la position no 21.01, le thé glacé en cause doit ne pas être visé par le Chapitre 22. En deuxième lieu, l'avocat a fait valoir que le thé glacé en cause pourrait être classé par application de la Règle 1 des Règles générales. À cet égard, il a fait remarquer que toutes les parties ont reconnu que le thé glacé en cause constituait une boisson non alcoolique. De l'avis de l'avocat, il s'agit d'un facteur déterminant dans le cadre des présents appels et il n'est pas nécessaire d'appliquer la Règle 2 ou la Règle 3 des Règles générales. Comme solution de rechange, compte tenu du sens large de l'expression «préparations», l'avocat a soutenu que le terme «boissons» est, en fait, plus précis et plus spécifique que l'expression «préparations à base de thé». En outre, il a fait valoir que l'eau constitue le caractère essentiel du thé glacé en cause.

L'avocat de l'intervenant a appuyé la position de l'intimé. En outre, comme il a été précisé dans le mémoire de l'intimé et au cours de la plaidoirie, diverses Notes explicatives indiquent que des boissons spécifiques produites antérieurement ne sont plus couvertes par les chapitres d'origine lorsqu'elles sont transformées en boissons prêtes à consommer et que, lorsqu'elles sont ainsi transformées, elles sont visées par les dispositions du Chapitre 22. Par ailleurs, les Notes explicatives ne semblent pas mentionner une seule fois les boissons prêtes à boire au Chapitre 21. L'avocat a également soutenu qu'il ne convenait pas de classer une boisson au Chapitre 21, position appuyée au plan pratique par le fait que les unités de mesure prescrites pour les numéros tarifaires ou les numéros de classement du Chapitre 21 sont généralement des kilogrammes et non des litres (les seules exceptions portant sur certains concentrés de jus enrichi de la position no 21.06).

Comme il a déjà été mentionné, la question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si le thé glacé en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 2202.90.90 à titre d'autres eaux et autres boissons non alcooliques, comme l'a établi l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 2101.20.00 à titre de préparations à base de thé, comme l'ont soutenu les appelants. La Règle 1 des Règles générales, que les parties ont invoquée, exige que le classement soit déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres pertinentes. En outre, l'article 11 du Tarif des douanes précise qu'il faut tenir compte des Notes explicatives pertinentes. Comme il a été mentionné dans l'affaire York Barbell Co. Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [5] et dans d'autres décisions, dernièrement dans l'affaire Narco Canada Inc., Div. of North American Refractories Co. et North American Refractories Co. c. Le sous-ministre du Revenu national [6] , cet article oblige le Tribunal à tenir compte des Notes explicatives.

Le Tribunal fait d'abord remarquer que toutes les parties reconnaissent que le thé glacé en cause est une boisson non alcoolique. À cet égard, les éléments de preuve déposés devant le Tribunal révèlent que cette boisson, qui est constituée à plus de 80 p. 100 d'eau, est commercialisée comme une boisson désaltérante. Le thé glacé embouteillé se retrouve dans divers points de vente, comme des dépanneurs et des stations-service; ce produit étant habituellement réfrigéré, il est prêt à boire. Cette boisson s'adresse à un marché particulier, c'est-à-dire les jeunes clients. L'acheteur type de thé préparé, comme le thé glacé en cause, est en général un homme dont l'âge se situe entre l'adolescence et la fin de la vingtaine. Le Tribunal fait également remarquer que le thé glacé en cause serait désigné, dans le jargon commercial, comme une boisson.

Le Tribunal a tenu compte des Notes explicatives pertinentes, plus particulièrement des Notes 4 et 5 d) des Notes explicatives de la position no 21.01. Ainsi, la Note 4 donne deux exemples de «préparations à base de café, de thé ou de maté». Il s'agit des «pâtes de café» et des «préparations à base de thé consistant en un mélange de thé, de lait en poudre et de sucre». Le Tribunal reconnaît que ces exemples ne sont pas exhaustifs. Le Tribunal estime, néanmoins, qu'aucun de ces exemples ne porte à croire qu'il s'agit d'une boisson prête à boire. À ce sujet, la Note 5 des Notes explicatives de la position no 21.01 renseigne également sur la portée réelle de cette position. Elle porte sur la «chicorée torréfiée et autres succédanés torréfiés du café et leurs extraits, essences et concentrés».

Cela dit, le Tribunal est d'avis qu'il est très important que les Notes explicatives indiquent sans équivoque que la position no 21.01 ne vise pas «[l]es produits du Chapitre 22». Comme l'a correctement soutenu l'avocat de l'intimé, pour que les appelants aient gain de cause, le thé glacé en cause doit être considéré comme non visé par le Chapitre 22. En d'autres termes, il faut conclure que le thé glacé embouteillé n'est pas une boisson non alcoolique. Comme il a déjà été précisé, il est évident, sur la foi éléments de preuve dont dispose le Tribunal, que le thé glacé en cause constitue effectivement une boisson non alcoolique. Le Tribunal convient avec l'avocat de l'intimé qu'il s'agit d'un facteur déterminant dans le cadre des deux appels et que les Notes explicatives éliminent le thé glacé en cause du classement proposé par les appelants. Si le classement proposé par les appelants était retenu, les Notes explicatives perdraient leur sens.

En outre, le Tribunal fait remarquer que les Notes explicatives du Chapitre 22 indiquent clairement que«[l]es produits compris dans ce Chapitre forment une classe bien distincte des préparations alimentaires visées dans les Chapitres précédents de la Nomenclature», et comprennent notamment «[l]'eau, les autres boissons non alcooliques et la glace». À ce sujet, un examen minutieux du groupe de positions du Chapitre 22 (positions nos 22.01 à 22.06) révèle que toutes les boissons prêtes à boire, à l'exception du lait du Chapitre 4 et des jus de fruits et de légumes du Chapitre 20, qu'elles soient ou non alcooliques, doivent être classées dans ce chapitre particulier. Encore une fois, comme il ne fait pas de doute que le thé glacé en cause est une boisson non alcoolique, les Notes explicatives du Chapitre 22 révèlent manifestement que la position no 21.01 est la seule position convenable pour le thé glacé en cause. Il n'est pas nécessaire de poursuivre l'examen des Règles au-delà de la Règle 1 des Règles générales pour déterminer le classement approprié dans les présents appels.

Compte tenu de ce qui précède, les appels sont rejetés.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

4. Supra, note 2, annexe I.

5. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-91-131, le 16 mars 1992.

6. Tribunal canadien du commerce extérieur, appels nos AP-94-016 et AP-94-109, le 7 décembre 1994.


Publication initiale : le 20 septembre 1996