HOECHST CANADA INC.

Décisions


HOECHST CANADA INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-94-185

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le vendredi 27 octobre 1995

Appel no AP-94-185

EU ÉGARD À un appel entendu le 13 février 1995 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 17 juin et 20 juillet 1994 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

HOECHST CANADA INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant importe et distribue des produits pharmaceutiques, y compris le produit en cause, l'Ultracaine, qui est un anesthésique local utilisé en médecine dentaire. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le produit en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 3004.39.99 à titre d'autres médicaments à l'intention des humains, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 3004.39.10 à titre d'épinéphrine et ses solutions et extraits pituitaires, préparés en vue d'être administrés par voie parentérale, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que le libellé du numéro tarifaire 3004.39.10 n'exige pas que l'ingrédient actif principal des marchandises classées dans ce numéro tarifaire soit de l'épinéphrine. En outre, le classement à ce niveau est assujetti au libellé «[c]ontenant des hormones ou d'autres produits du no 29.37, mais ne contenant pas d'antibiotiques» et, plus particulièrement, au terme «[c]ontenant» qui figure dans la sous-position de la position no 30.04. De l'avis du Tribunal, ces deux facteurs sous-entendent que les marchandises renfermant une quelconque quantité d'épinéphrine peuvent être classées dans le numéro tarifaire 3004.39.10, dans la mesure où ils remplissent les autres conditions de la position, de la sous-position et du numéro tarifaire ainsi que des notes légales connexes. Le Tribunal conclut que ces autres conditions sont également remplies et, par conséquent, que le produit en cause doit être classé dans le numéro tarifaire 3004.39.10.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 13 février 1995 Date de la décision : Le 27 octobre 1995
Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Michael A. Sherbo, pour l'appelant Stéphane Lilkoff, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 17 juin et 20 juillet 1994.

L'appelant importe et distribue des produits pharmaceutiques, y compris le produit en cause, l'Ultracaine, qui est un anesthésique local utilisé en médecine dentaire. Le produit en cause a été importé dans le cadre d'une série d'opérations survenues entre 1992 et 1994 et il a été classé dans le numéro tarifaire 3004.39.99 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres médicaments à l'intention des humains. L'appelant a déposé des demandes de révision pour que le produit soit classé dans le numéro tarifaire 3004.39.10 à titre d'épinéphrine et ses solutions et extraits pituitaires, préparés en vue d'être administrés par voie parentérale. Ces demandes ont été rejetées. L'appelant a, par la suite, demandé le réexamen de la révision et, par des décisions rendues les 17 juin et 20 juillet 1994, l'intimé a maintenu le classement du produit en cause dans le numéro tarifaire 3004.39.99.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le produit en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 3004.39.99 à titre d'autres médicaments à l'intention des humains, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 3004.39.10 à titre d'épinéphrine et ses solutions et extraits pituitaires, préparés en vue d'être administrés par voie parentérale, comme l'a soutenu l'appelant.

Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes sont rédigées comme suit :

30.04 Médicaments (à l'exclusion des produits des nos 30.02, 30.05 ou 30.06) constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail.

-Contenant des hormones ou d'autres produits du no 29.37, mais ne contenant pas d'antibiotiques :

3004.31--Contenant de l'insuline

3004.32--Contenant des hormones corticosurrénales

3004.39--Autres

3004.39.10---Épinéphrine et ses solutions et extraits pituitaires, préparés en vue d'être administrés par voie parentérale

---Autres :

3004.39.99----Autres

À l'ouverture de l'enquête, le Tribunal a demandé aux parties de confirmer ce qui semblait être une entente qu'elles auraient conclues à l'égard d'un certain nombre de faits portant sur la question en litige dans le présent appel. Les parties ont reconnu que l'épinéphrine est : 1) utilisée pour accroître l'effet de l'articaïne dans le produit en cause; 2) un ingrédient actif secondaire dans le produit en cause; et 3) une hormone ou un produit de la position no 29.37.

Le représentant de l'appelant a cité un témoin, M. Kristof Biniecki, directeur de l'assurance de la qualité chez Hoechst Canada Inc. M. Biniecki a été directeur de l'assurance de la qualité auprès de Roussel Canada Inc. (Roussel) à partir de 1980 jusqu'à la fusion de Roussel avec l'appelant, il y a deux ans. Depuis la fusion, il occupe son poste actuel. À ce titre, M. Biniecki doit veiller à ce que le produit en cause soit fabriqué conformément aux règlements et pratiques pertinents, en analysant la qualité du produit en cause après l'importation. Il doit également libérer les produits qu'il surveille sur le marché canadien.

M. Biniecki a déclaré que le produit en cause renferme deux ingrédients actifs : 1) de l'articaïne, un anesthésique local qui interrompt temporairement la propagation des influx nerveux le long des nerfs et qui insensibilise la région à traiter; et 2) l'épinéphrine ou adrénaline, qui agit comme vasoconstricteur, c'est-à-dire qui réduit le débit sanguin, favorisant ainsi une plus forte concentration d'articaïne autour d'un nerf pendant une plus longue période. En d'autres termes, l'épinéphrine prolonge les effets de l'articaïne. Lorsqu'on lui a demandé d'indiquer la quantité d'épinéphrine contenue dans le produit en cause, M. Biniecki a reconnu que cette concentration représente la quantité nécessaire pour permettre au médicament d'exécuter sa fonction.

En réponse aux questions des membres du Tribunal, M. Biniecki a confirmé que le produit en cause n'est utilisé qu'en médecine dentaire. Il a ajouté que par «administrés par voie parentérale», on entend l'administration par injection.

L'avocat de l'intimé a cité deux témoins à comparaître. Le premier, M. Wendell Ward, est chef de la Section de l'analyse du Laboratoire des produits organiques/Denrées alimentaires au ministère du Revenu national. M. Ward a été accepté par le Tribunal comme expert en chimie. M. Ward a confirmé qu'il a analysé le produit en cause et qu'il a relevé la présence d'une petite quantité d'épinéphrine, c'est-à-dire 1 milligramme par litre. M. Ward a également confirmé la déclaration qu'il a effectuée dans sa déposition, c'est-à-dire qu'il a établi la liste de certains produits qu'il considérait comme étant de l'«[é]pinéphrine et ses solutions». Cette liste, préparée à partir du Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques [3] ,ne renfermait pas le produit en cause.

En réponse aux questions des membres du Tribunal, M. Ward a indiqué qu'à son avis, aucune disposition des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [4] (les Notes explicatives) ne prévoit qu'un produit doit ou non être classé à titre d'épinéphrine sur la base de la concentration d'épinéphrine dans un tel produit. En outre, M. Ward a déclaré qu'il classerait le produit en cause à titre d'«[a]utres» parce qu'il estime qu'il s'agit d'une solution d'articaïne et qu'il ne pourrait être décrit comme étant de l'«[é]pinéphrine et ses solutions».

Le deuxième témoin de l'avocat de l'intimé était le professeur Pavel D. Hrdina. Ce dernier est professeur de pharmacologie à l'Université d'Ottawa depuis 25 ans. Le Tribunal a accepté professeur Hrdina à titre d'expert en neuropharmacologie.

Le professeur Hrdina a déclaré qu'un ingrédient actif dans un médicament est une partie composante du médicament qui produit un effet pharmacologique actif lorsqu'il est administré dans le corps. Un ingrédient actif principal confère au médicament une caractéristique qui définit l'utilisation du médicament. Un ingrédient actif secondaire pourrait être tout composé qui accroît l'efficacité de l'ingrédient principal ou qui en combat les effets secondaires. Pour ce qui est du produit en cause, l'ingrédient actif principal est l'articaïne, un anesthésique local, et l'ingrédient actif secondaire est l'épinéphrine, qui est utilisée en petites quantités et qui agit comme vasoconstricteur.

De l'avis du professeur Hrdina, l'expression «[é]pinéphrine et ses solutions» ferait référence à un médicament ou à une préparation qui renferme de l'épinéphrine comme ingrédient actif principal. Il a ensuite identifié certains produits auxquels cette expression s'appliquerait. Selon le professeur Hrdina, le produit en cause n'est pas décrit par l'expression «[é]pinéphrine et ses solutions» parce que son ingrédient actif principal est l'articaïne, qui lui confère le caractère d'un anesthésique local.

Au cours du contre-interrogatoire, le professeur Hrdina a reconnu que le produit en cause renferme de l'épinéphrine et que cette substance produit l'effet souhaité. Il a également convenu que le produit en cause est destiné à être administré par voie parentérale. En réponse aux questions des membres du Tribunal, le professeur Hrdina a déclaré que, même si l'épinéphrine peut être considérée comme un élément important du produit en cause parce qu'elle permet de prolonger l'effet de l'anesthésique, il ne croit pas que l'épinéphrine est essentielle au produit en cause parce que ce dernier jouerait quand même le rôle d'un anesthésique même si l'épinéphrine n'était pas utilisée.

Le Tribunal fait remarquer que les parties se sont entendues sur le classement du produit en cause dans la position no 30.04 et dans la sous-position no 3004.39. Elles ne sont, toutefois, pas d'accord sur le classement au niveau de huit chiffres. Par conséquent, il est reconnu que le produit en cause est un médicament «[c]ontenant des hormones ou d'autres produits du no 29.37».

Les sous-positions à deux tirets, sous le libellé «[c]ontenant des hormones ou d'autres produits du no 29.37, mais ne contenant pas d'antibiotiques» renferment trois catégories, c'est-à-dire «[c]ontenant de l'insuline» (sous-position no 3004.31), «[c]ontenant des hormones corticosurrénales» (sous-position no 3004.32) et «[a]utres» (sous-position no 3004.39). Au cours des témoignages et de la plaidoirie, on a longuement discuté de la signification et de la portée du terme «[a]utres». De l'avis du Tribunal, dans ce contexte, le terme «[a]utres» ne peut désigner que le type de marchandises pouvant être classées dans la sous-position no 3004.39. En d'autres termes, l'expression «[a]utres» dans la sous-position no 3004.39 a trait à tout médicament de la position no 30.04 qui contient des hormones ou d'autres produits de la position no 29.37, mais non des antibiotiques, de l'insuline ou des hormones corticosurrénales.

On trouve l'expression «[é]pinéphrine et ses solutions et extraits pituitaires, préparés en vue d'être administrés par voie parentérale» au niveau comportant huit chiffres, dans le numéro tarifaire 3004.39.10. Selon le Tribunal, le produit en cause est décrit en détail dans ce numéro tarifaire parce que les éléments de preuve révèlent qu'il s'agit d'un médicament renfermant une hormone, qui n'est ni de l'insuline ni une hormone corticosurrénale de la sous-position no 3004.31 ou 3004.32, mais qui est une «[a]utre» hormone de la position no 29.37, plus particulièrement de l'épinéphrine.

Selon l'avocat de l'intimé, étant donné que l'épinéphrine contenue dans le produit en cause n'est présente qu'en très faibles concentrations et qu'elle ne peut être décrite, en termes pharmacologiques, comme étant de l'«[é]pinéphrine et ses solutions», elle ne doit pas être classée dans le numéro tarifaire 3004.39.10. Le Tribunal n'accepte pas cette position parce qu'il est convaincu que les éléments de preuve indiquent clairement que le produit en cause contient de l'épinéphrine et qu'aucune exigence ni directive n'est formulée dans le libellé de la position, de la sous-position, du numéro tarifaire, des Notes de Chapitres ou de Sections ou des Notes explicatives pour établir une concentration minimale en deçà de laquelle un produit ne peut être classé à titre d'«[é]pinéphrine et ses solutions».

L'avocat de l'intimé a également soutenu que les éléments de preuve révèlent que l'expression «[é]pinéphrine et ses solutions» a un sens pharmacologique précis, c'est-à-dire qu'elle décrit un produit dans lequel l'épinéphrine est l'ingrédient actif principal. Selon lui, puisque l'épinéphrine n'est pas l'ingrédient actif principal dans le produit en cause, ce dernier ne peut être classé dans le numéro tarifaire invoqué par l'appelant. La signification de l'expression «[é]pinéphrine et ses solutions» donnée par le professeur Hrdina à titre d'expert en pharmacologie ne fait aucun doute. Cependant, le Tribunal n'est pas convaincu que le numéro tarifaire en litige doit être interprété sur cette base. Le Tribunal convient avec le représentant de l'appelant que l'intimé a reconnu que le produit en cause doit être classé aux niveaux de quatre et de six chiffres sur la foi de son contenu et qu'en fait, il tente de le classer au niveau de huit chiffres en invoquant un motif différent, c'est-à-dire l'utilisation finale.

Cette approche ne tient pas compte du fait que le libellé du numéro tarifaire n'exige pas qu'un produit renferme de l'épinéphrine comme ingrédient actif principal pour être classé dans ce numéro tarifaire. Elle néglige également le fait que l'expression «[c]ontenant des hormones ou d'autres produits du no 29.37, mais ne contenant pas d'antibiotiques» et, plus particulièrement, le terme «[c]ontenant» s'appliquent au classement de toute marchandise pouvant être classée en deçà du niveau de la sous-position. De l'avis du Tribunal, ces deux facteurs sous-entendent que les marchandises renfermant une quelconque quantité d'épinéphrine peuvent être classées dans le numéro tarifaire 3004.39.10, dans la mesure où ils remplissent les autres conditions de la position, de la sous-position et du numéro tarifaire ainsi que des notes légales connexes. Comme il a été discuté précédemment, le produit en cause remplit ces autres conditions et, par conséquent, il doit être classé dans le numéro tarifaire 3004.39.10.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Vingt-neuvième éd., Ottawa, Association pharmaceutique canadienne, 1994.

4. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.


Publication initiale : le 28 août 1996