CHAPS RALPH LAUREN, A DIVISION OF 131384 CANADA INC. ET MODES ALTO-REGAL, INC.

Décisions


CHAPS RALPH LAUREN, A DIVISION OF 131384 CANADA INC. ET MODES ALTO-REGAL, INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
v.
GFT MODE CANADA INC.
Appels nos AP-94-212 et AP-94-213

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 22 décembre 1997

Appels n os AP-94-212 et AP-94-213

EU ÉGARD À des appels entendus les 5 et 6 février 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 29 juillet 1994 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

CHAPS RALPH LAUREN, A DIVISION OF 131384 CANADA INC. ET MODES ALTO-REGAL, INC. Appelants

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

ET

GFT MODE CANADA INC. Intervenant

Les appels sont admis en partie.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes (la Loi) à l'égard des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, qui ont eu pour effet de confirmer les décisions rendues le 26 février 1993, obligeant les appelants à ajouter à la valeur en douane de leurs importations de vêtements une somme égale aux droits et redevances qu'ils ont versés aux termes de certains accords. Les questions en litige dans les présents appels consistent à déterminer : 1) si les redevances payées aux termes d'accords de licence pour l'utilisation des marques de commerce « Chaps Ralph Lauren » et « Polo Ralph Lauren » ont été correctement ajoutées à la valeur en douane des vêtements pour hommes importés portant les marques de commerce susmentionnées, en conformité avec le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi; 2) si les droits versés aux termes d'accords de design en contrepartie des services de Ralph Lauren Design Studio, relativement à la création et au design de vêtements pour hommes portant les marques de commerce « Chaps Ralph Lauren » et « Polo Ralph Lauren », ont correctement été ajoutés à la valeur en douane des vêtements importés portant les marques de commerce susmentionnées, en conformité avec la division 48(5)a)(iii)(D) de la Loi; 3) si les redevances versées aux termes d'une sous-licence des accords de licence et de design ayant trait à la marque de commerce « Chaps Ralph Lauren » ont correctement été ajoutées à la valeur en douane de vêtements pour hommes importés portant la marque de commerce susmentionnée, en conformité avec le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi.

DÉCISION : Les appels sont admis en partie. En ce qui a trait aux redevances versées aux termes des accords de licence, le Tribunal conclut qu'il s'agit de paiements similaires aux paiements que la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada a considérés, dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Reebok Canada, A Division of Avrecan International Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, comme étant des « redevances » aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Le Tribunal conclut que, dans la mesure où l'agent, qui a agi au nom des appelants et a approuvé les produits sous licence en cause pour exportation, était la propriété du donneur de licence, le lien entre l'agent et le donneur de licence est tel que, si les redevances n'avaient pas été payées, les appelants n'auraient pas pu réaliser leurs ventes pour exportation par l'intermédiaire de l'agent. Par conséquent, le Tribunal conclut que les paiements sont des redevances payées en tant que condition de la vente des marchandises en cause pour exportation au Canada et doivent être incluses dans la valeur en douane desdites marchandises.

En ce qui a trait aux droits payés aux termes des accords de design, le Tribunal est convaincu, à la lumière des dispositions des accords de design et des témoignages qu'il a entendus, que ce qui est fourni aux termes des accords de design et, par la suite, fourni aux fabricants étrangers par les appelants peut être qualifié de marchandises et services utilisés lors de la production des vêtements importés en cause et que ces marchandises ou services constituent des « travaux de design », au sens ordinaire de cette expression, exécutés à l'extérieur du Canada et nécessaires pour la production des marchandises importées. Il s'ensuit que les paiements se rapportent à des « aides » aux termes de la division 48(5)a)(iii)(D) de la Loi.

Quant aux redevances payées par 131384 Canada Inc. aux termes d'un accord de sous-licence passé avec Modes Alto-Regal, Inc., le Tribunal conclut que, bien que les paiements puissent être considérés comme étant « relatifs » aux vêtements importés en ce qu'ils sont calculés d'après les ventes nettes des vêtements importés, le Tribunal ne peut admettre que lesdits paiements sont versés, directement ou indirectement, en tant que condition de la vente pour exportation. Ce sont les montants versés par Modes Alto-Regal, Inc. à Polo Ralph Lauren Corporation, et non les montants versés aux termes de l'accord de sous-licence, qui sont versés en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 5 et 6 février 1997 Date de la décision : Le 22 décembre 1997
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Patricia M. Close, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Richard G. Dearden et Kim G. Conboy, pour les appelants Anne M. Turley, pour l'intimé Dean A. Peroff, pour l'intervenant





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, qui ont eu pour effet de confirmer les décisions rendues le 26 février 1993 obligeant les appelants à ajouter à la valeur en douane de leurs importations de certains vêtements une somme égale aux droits et redevances qu'ils ont versés aux termes de certains accords.

Les questions en litige dans les présents appels consistent à déterminer : 1) si les redevances versées aux termes des accords de licence pour l'utilisation des marques de commerce « Chaps Ralph Lauren » et « Polo Ralph Lauren » ont correctement été ajoutées à la valeur en douane des vêtements pour hommes importés portant les marques de commerce susmentionnées, en conformité avec le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi; 2) si les droits versés aux termes des accords de design en contrepartie des services de Ralph Lauren Design Studio, relativement à la création et au design de vêtements pour hommes portant les marques de commerce « Chaps Ralph Lauren » et « Polo Ralph Lauren », ont correctement été ajoutés à la valeur en douane des vêtements importés portant les marques de commerce susmentionnées aux termes de la division 48(5)a)(iii)(D) de la Loi; 3) si les redevances versées aux termes d'une sous-licence des accords de licence et de design ayant trait à la marque de commerce « Chaps Ralph Lauren » ont correctement été ajoutées à la valeur en douane de vêtements pour hommes importés portant la marque de commerce susmentionnée, en conformité avec le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. La division 48(5)a)(iii)(D) et le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi indiquent ce qui suit :

(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n'y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

(iii) la valeur, déterminée de façon réglementaire et imputée d'une manière raisonnable et conforme aux principes de comptabilité généralement acceptés aux marchandises importées, des marchandises et services ci-après, fournis directement ou indirectement par l'acheteur des marchandises, sans frais ou à coût réduit, et utilisés lors de la production et de la vente pour exportation des marchandises importées :

(D) travaux d'ingénierie, d'étude, d'art, d'esthétique industrielle, plans et croquis exécutés à l'extérieur du Canada et nécessaires pour la production des marchandises importées.

(iv) les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises, y compris les paiements afférents aux brevets d'invention, marques de commerce et droits d'auteur, que l'acheteur est tenu d'acquitter directement ou indirectement en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada, à l'exclusion des frais afférents au droit de reproduction de ces marchandises au Canada.

Deux témoins ont comparu au nom des appelants; il s'agit de M. Michael Belcourt, président des sociétés Modes Alto-Regal, Inc. et Chaps Ralph Lauren, A Division of 131384 Canada Inc., et de M. Edward E. Kable, conseiller juridique associé de la société Polo Ralph Lauren Corporation (Polo US). Dans le cadre d'une question préliminaire, le Tribunal a admis une requête de l'avocate de l'intimé visant l'exclusion de M. Kable de l'audience au cours du témoignage de M. Belcourt.

M. Belcourt a renvoyé aux divers accords pertinents aux transactions en question. Il s'agit d'un accord de licence daté du 23 octobre 1982 conclu entre Modes Alto-Regal, Inc. (Modes) et Polo Fashions, Inc., maintenant appelée Polo US, relativement à l'utilisation des marques de commerce « Polo Ralph Lauren », « Ralph [logo du joueur de polo] Lauren » et du logo du joueur de polo (accord de licence Polo) [2] concernant l'importation, la fabrication et la vente de certains vêtements pour hommes portant les marques de commerce « Polo Ralph Lauren », « Ralph [logo du joueur de polo]Lauren » et le logo du joueur de polo. L'accord de licence Polo prévoit aussi le versement par Modes à Polo US de redevances gagnées d'une valeur égale à un pourcentage donné du prix de vente net de tous les produits sous licence vendus aux termes de l'accord.

Également, le 23 octobre 1982, M. Ralph Lauren, faisant affaire sous le nom Ralph Lauren Design Studio (R.L. Design Studio), a conclu un accord de design avec Modes (l'accord de design Polo) [3] . L'accord de design Polo stipule, notamment, que Modes « désire, dans le but d'exploiter les droits qui lui ont été cédés aux termes de [l'accord de licence Polo], embaucher M. Lauren et retenir ses services, pour la création et la fourniture [à Modes] des designs de sa gamme de produits sous licence » [traduction]. L'accord prévoit de plus que M. Lauren accepte de fournir de tels designs et de rendre de tels services en fonction des modalités établies dans l'accord de design Polo. L'accord de design Polo prévoit aussi la rémunération de M. Lauren. Modes est tenue de verser à M. Lauren une rémunération gagnée calculée d'après le prix de vente net des produits vendus aux termes de l'accord de design Polo, et la rémunération doit correspondre à un pourcentage donné des ventes nettes de tous les produits sous licence vendus aux termes de l'accord de design Polo.

Un accord de licence a aussi été passé entre Modes et Polo US le 1er mai 1984, relativement à l'utilisation de la marque de commerce « Chaps Ralph Lauren » concernant l'importation, la fabrication, la distribution et la vente de certains vêtements pour hommes portant la marque de commerce « Chaps Ralph Lauren » (l'accord de licence Chaps) [4] , cet accord étant pratiquement identique à l'accord de licence Polo. L'accord de licence Chaps prévoit, notamment, le versement par Modes à Polo US de redevances gagnées d'une valeur égale à un pourcentage donné du prix de vente nette de tous les produits sous licence vendus aux termes de l'accord.

Également le 1er mai 1984, M. Lauren, faisant affaire sous le nom R.L. Design Studio, a conclu un accord de design avec Modes (l'accord de design Chaps) [5] . L'accord de design Chaps stipule, notamment, que Modes « désire, dans le but d'exploiter les droits qui lui ont été cédés aux termes de [l'accord de licence Chaps], embaucher M. Lauren et retenir ses services pour la création et la fourniture [à Modes] des designs de sa gamme de produits sous licence » [traduction]. L'accord prévoit de plus que M. Lauren accepte de fournir de tels designs et de rendre de tels services en fonction des modalités établies dans l'accord de design Chaps. L'accord de design Chaps prévoit aussi la rémunération de M. Lauren. Modes est tenue de verser à M. Lauren une rémunération gagnée calculée d'après le prix de vente net des produits vendus aux termes de l'accord de design Chaps, et la rémunération doit correspondre à un pourcentage donné des ventes nettes de tous les produits sous licence vendus aux termes de l'accord de design Chaps.

Des concepts de design relatifs à des marchandises portant la marque de commerce « Chaps Ralph Lauren » « peuvent être fournis » par d'autres entités, comme Warnaco, Inc. (Warnaco), qui est la société titulaire de licence pour les vêtements pour hommes Chaps Ralph Lauren aux États-Unis [6] . M. Belcourt a confirmé que Warnaco n'est pas une société liée avec Polo US, M. Lauren ou les appelants. De plus, le versement des redevances est fait à Polo US, et le versement des droits de design est fait à R.L. Design Studio, et non à Warnaco.

En novembre 1984, Modes et 131384 Canada Inc. ont conclu un accord de sous-licence, cédée aux termes de l'accord de licence Chaps et de l'accord de design Chaps, pour l'utilisation de la marque de commerce « Chaps Ralph Lauren » concernant la fabrication et la vente au Canada de certains vêtements pour hommes portant la marque de commerce « Chaps Ralph Lauren ». L'accord de sous-licence stipule, notamment, que Modes désire céder par sous-licence à 131384 Canada Inc. certains de ses droits obtenus aux termes de l'accord de licence Chaps et de l'accord de design Chaps. L'accord de sous-licence prévoit aussi, notamment, le versement par 131384 Canada Inc. à Modes de redevances gagnées, selon un calcul fondé sur le prix de vente net de tous les produits sous licence vendus aux termes de l'accord de sous-licence d'une valeur égale à un pourcentage donné des ventes nettes de tous les produits sous licence. Le pourcentage susmentionné est établi en sus du montant des redevances gagnées que Modes est tenue de verser à Polo US aux termes de l'accord de licence Chaps et des montants que Modes est tenue de verser à M. Lauren aux termes de l'accord de design Chaps [7] . M. Belcourt a expliqué que les paiements versés aux termes de l'accord de sous-licence demeurent au Canada.

M. Belcourt a renvoyé à des déclarations qu'il a faites antérieurement dans le cadre d'un appel entendu par le Tribunal concernant les commissions d'achat [8] et a repris la description de son témoignage incluse dans les motifs de la décision rendue dans le cadre dudit appel. Plus précisément, il a repris les éléments de preuve selon lesquels les appelants « ont le dernier mot sur le [...] type et la qualité des marchandises, sur le prix à payer pour les vêtements et sur les éléments touchant l'expédition de ces marchandises [9] ». Il a aussi repris les éléments de preuve selon lesquels « Polo [US] est étranger aux contrats conclus entre les acheteurs canadiens et les confectionneurs de vêtements [10] ».

En outre, M. Belcourt a témoigné qu'il n'existe aucun lien corporatif entre les appelants et les fabricants asiatiques et qu'aucune usine étrangère ne connaît la teneur des accords passés entre les appelants et Polo US. Il a de plus déclaré que les marchandises pouvaient être achetées d'autres usines étrangères sans égard aux versements des redevances [11] .

Abordant plus précisément la question des montants payés aux termes de l'accord de design Chaps et de l'accord de design Polo, M. Belcourt a déclaré qu'il s'agit de paiements qui sont toujours traités comme paiements de redevances. À l'appui de sa déclaration, il a renvoyé à une lettre de Polo US à Modes [12] et à une lettre du ministère du Revenu national (Revenu Canada) à Polo Ralph Lauren, une division de Modes Alto-Regal, Inc. [13] Afin d'étayer davantage sa déclaration, M. Belcourt a indiqué qu'un impôt des non-résidents est prélevé sur les paiements effectués aux termes des deux accords susmentionnés, et a déposé comme pièces des déclarations de revenus pour les années 1991 [14] et 1992 [15] qui démontrent que de l'impôt a été prélevé. M. Belcourt a aussi déposé à titre d'élément de preuve une page tirée d'un guide préparé par Revenu Canada relativement au dépôt de telles déclarations de revenus qui prévoit que le code du revenu englobant les paiements afférents aux accords de design englobe les « redevances et paiements similaires pour l'utilisation, ou le droit d'utiliser, d'autres biens [16] » [traduction].

M. Belcourt a décrit, à l'intention du Tribunal, ce que signifie les expressions « grands thèmes de design et concepts » [traduction] que M. Lauren doit fournir aux appelants en conformité avec l'accord de design Polo et l'accord de design Chaps. Chaque saison, le studio de design conçoit des idées en vue d'une collection de mode, appelées « thèmes ». À chaque collection d'articles de mode ou thème, s'ajoute la marchandise traditionnelle, de base, incluse dans la gamme de vêtements chaque année. À titre d'exemple de groupes d'articles de mode, il a renvoyé aux groupes « Grand Canyon », « Tahiti » et « Vermont Holiday » et a précisé que chaque groupe comprenait une certaine quantité de vêtements illustrant un thème ou un mode de vie. Les appelants reçoivent d'abord une description écrite et des photographies. À partir des groupes d'articles de mode susmentionnés, les appelants décident quels concepts ils choisissent de développer.

À l'étape suivante, les appelants reçoivent les cartons de dessins et un éventail de couleurs. Les appelants peuvent ainsi recevoir de 200 à 300 cartons de R.L. Design Studio. Les cartons de dessins et éventails de couleurs donnent des renseignements plus détaillés au sujet du style, des couleurs et des tissus des articles compris dans un groupe d'articles de mode ainsi que les spécifications, si elles sont disponibles, des échantillons de tissus, des plaquettes de couleurs et des renseignements sur l'usine de tissage. Dans certains cas, les appelants se procurent par leurs propres moyens des échantillons de tissus ou en obtiennent des fabricants et les soumettent au service de design. Les spécifications peuvent varier d'un titulaire de licence à l'autre dans le monde et il existe plusieurs versions différentes de divers articles particuliers de vêtements.

À la lumière des renseignements susmentionnés, les appelants dressent une liste de choix de marchandises qu'ils font parvenir à R.L. Design Studio pour obtenir ses observations. La liste de choix de marchandises et les cartons de dessins correspondants sont alors envoyés à l'agent des appelants [17] ou directement au fabricant aux fins de fabrication d'un modèle, ledit modèle étant envoyé à un groupe de concession de licences internationales à New York ou, dans certains cas, à R.L. Design Studio aux fins d'approbation; le modèle peut être retourné au fabricant pour y être modifié. L'agent communique ensuite avec les fabricants pour obtenir des soumissions de prix et de délais de livraison, et les appelants choisissent certains fabricants, dont certains peuvent être les mêmes que ceux auxquels Polo US fait appel, qui produiront des modèles des vêtements choisis d'après les spécifications et les plaquettes de couleurs ou un échantillon du vêtement. Par la suite, les appelants arrêtent leur décision définitive selon le prix et la qualité qu'offrent les divers fabricants. Une fois les modèles approuvés, les fabricants préparent des patrons en papier gradués et des marqueurs (du papier qui comprend toutes les tailles et les pièces du vêtement et qui s'étend aux dimensions exactes sur le tissu) qui servent à fabriquer un échantillon de production, à savoir l'article qui fait l'objet des commandes de vêtements placées par les appelants. Les appelants ne reçoivent pas de patrons de vêtements de Polo US à moins de le demander et, dans ce cas, ils doivent payer des montants supplémentaires pour ces articles.

M. Belcourt a confirmé que, en tant que titulaire de licence concernant une marque de commerce, il importe que les appelants respectent les normes de qualité imposées par le donneur de licence aux termes des accords de licence et de design et, par la suite, de faire en sorte que les fabricants de vêtements portant cette marque de commerce respectent aussi lesdites normes. Les appelants font appel à Polo Sourcing en Extrême-Orient pour veiller à ce que les normes de qualité qui leur sont imposées par Polo US soient satisfaites par les fabricants. Après avoir déterminé que les vêtements répondent aux normes de qualité, Polo Sourcing les approuve en émettant un certificat d'inspection; les fabricants peuvent alors encaisser leur lettre de crédit. Bien que les accords de design prévoient que Polo US a le droit d'inspecter les vêtements, M. Belcourt a indiqué que ce droit n'a jamais été exercé.

M. Belcourt a déposé comme pièce un document intitulé « Transaction between Modes Alto-Regal Inc. and Bond Manufacturing [18] »(« Transaction entre Modes Alto-Regal Inc. et Bond Manufacturing »). Bien que le document susmentionné comprenne un carton de dessins et un éventail de couleurs, selon M. Belcourt, les fabricants n'ont pas besoin de cartons de modèles ni d'éventail de couleurs pour fabriquer les vêtements requis.

M. Belcourt a aussi produit des listes de prix de Polo US pour les gammes « Classics Spring 1996 » « Traditional Classics Fall 1996 » [19] . Il a expliqué que les « classiques » sont des marchandises traditionnelles, indémodables, que les appelants incluent dans la gamme de produits « Ralph Lauren » depuis des années et qui comprennent des produits comme les chemises de tricot « Polo », les chemises de coton oxford à col boutonné, etc. Les classiques sont offerts dans des couleurs traditionnelles ainsi que dans les couleurs indiquées sur le carton de dessins particuliers à un vêtement pour une saison donnée. Selon M. Belcourt, les articles de base classiques qui portent la marque de commerce « Polo Ralph Lauren » représentent 57 p. cent de l'ensemble des ventes et ceux portant la marque de commerce « Chaps Ralph Lauren » représentent 39 p. cent de l'ensemble des ventes. M. Belcourt a témoigné que, même si les appelants vendaient seulement des classiques, ils devraient quand même verser les montants prévus dans les accords de design.

M. Belcourt a reconnu que les accords de licence peuvent être résiliés pour diverses raisons, y compris en cas de non versement des redevances, et que, au moment de la résiliation, Polo US peut se prévaloir d'une option d'achat des stocks en la possession ou sous le contrôle de Modes à un prix déterminé d'après une formule fixée dans les accords.

Le deuxième témoin des appelants, M. Kable, a confirmé qu'il n'existe aucun lien corporatif entre les appelants et l'une ou l'autre des sociétés Polo US ou Warnaco et que leur seul rapport est celui afférent à la cession de licence. M. Kable a aussi confirmé que Polo US ne possède aucune des usines étrangères.

Bien que M. Kable n'ait pas rédigé les accords en question, il a exposé son opinion sur l'intention et l'objet de certaines des dispositions des accords de licence et de design. Plus précisément, il a renvoyé au paragraphe 16.4 de l'accord de licence Polo qui indique, notamment, que « le titulaire de licence peut engager des sous-traitants, sous réserve de l'approbation du donneur de licence, uniquement pour la fabrication des produits sous licence; à la condition, cependant, que la supervision de la production de produits sous licence demeure sous le contrôle du titulaire de licence en conformité avec les dispositions du présent accord et que le sous-traitant satisfasse toutes les normes de qualité prévues au présent accord » [traduction]. M. Kable a fait savoir qu'il s'agit là d'une disposition standard et que tous les propriétaires de marques de commerce l'incluent dans les accords de marque de commerce pour protéger cette dernière et préserver sa réputation sur les marchés en faisant en sorte de maintenir la qualité des produits. M. Kable a ajouté qu'il incombe au titulaire de licence de veiller au respect des normes de qualité et que, à son avis, le paragraphe 16.4 ne confère pas au donneur de licence le droit de forcer un sous-traitant à respecter les obligations relatives aux normes de qualité prévues dans les accords.

M. Kable a aussi été renvoyé aux dispositions de l'accord de licence Polo qui traitent du défaut de paiement et de la résiliation en vertu des paragraphes 9.2 et 10.1. Le paragraphe 9.2 prévoit, notamment, qu'en cas de défaut de paiement, y compris en ce qui concerne les redevances, le donneur de licence a le droit, à sa seule discrétion, de résilier l'accord. Le paragraphe 10.1 prévoit, notamment, que, s'il est mis fin à l'accord, le donneur de licence peut exercer l'option d'acheter du titulaire de licence la totalité ou une partie des stocks existants du titulaire de licence selon certaines modalités. Le paragraphe 10.2 prévoit, notamment, que, si le donneur de licence n'exerce pas l'option susmentionnée, le titulaire de licence peut, sous réserve de certaines conditions, disposer des produits sous licence qu'il détient déjà en stock ou qui sont alors en voie de fabrication. M. Kable a indiqué que les dispositions susmentionnées visent à garantir un approvisionnement constant de marchandises à l'endroit des clients en cas de défaut d'exécution de la part du titulaire de licence. Selon M. Kable, le paragraphe 10.1 se rapporte aux stocks au Canada qui ont déjà été importés, comme le démontre la disposition linguistique 10.1(ii) qui prévoit, notamment, que les stocks autres que les stocks fabriqués au Canada seront achetés par le donneur de licence aux prix rendus du titulaire de licence, c.-à-d. le prix FAB des produits sous licence y compris les frais de douane, les droits, les frais de courtage, le fret et les frais d'assurance.

Les avocats des appelants ont renvoyé M. Kable à la pièce A-1, une lettre datée du 17 juin 1993, du vice-président et conseiller juridique de Polo US, et adressée à Modes, dans laquelle il est dit que « tous les paiements, passés et futurs, versés par la Société à Polo et à Lauren en conformité des accords, sont et ont été effectivement des paiements de redevances basés sur un pourcentage des ventes au Canada » [traduction]. M. Kable a confirmé l'opinion de Polo US selon laquelle les paiements sont des redevances et a ajouté qu'il sait que des impôts sont prélevées sur tous lesdits paiements.

Au cours du contre-interrogatoire, l'avocate de l'intimé a renvoyé M. Kable à l'article 11 de l'accord de licence Polo concernant l'incidence d'une résiliation de l'accord. L'article 11 prévoit, notamment, ce qui suit : « au moment de la résiliation du présent accord, et par après, tous les droits accordés au titulaire de licence [...] seront immédiatement et sans autre procédure ni instrument cédés et retournés au donneur de licence » [traduction]. L'article 11 prévoit aussi, notamment, que « le titulaire de licence exécutera tout instrument requis par le donneur de licence nécessaire pour exécuter ou confirmer » [traduction] la cession et la réversion. L'avocate a dit à M. Kable que l'un des droits qui reviendrait au donneur de licence en cas de résiliation serait le droit de fabrication et que, dans un tel cas, le donneur de licence aurait des droits sur toute marchandise en voie de fabrication. M. Kable a dit ne pas être d'accord sur ce point et a déclaré que, ce qui est transféré, ce sont les droits de propriété intellectuelle et non les droits de propriété sur les marchandises en voie de fabrication à l'extérieur du Canada.

Dans leur plaidoirie, les avocats des appelants ont soutenu que la règle de base pour l'interprétation des lois veut qu'il soit tenu compte de l'intention des lois et que, pour découvrir cette intention, une cour de révision doit lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire qui s'harmonise avec l'esprit de la loi [20] . Les avocats ont de plus soutenu qu'il peut être tenu compte de l'Accord relatif à la mise en œuvre de l'article VII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce [21] et des avis consultatifs du Comité technique de l'évaluation en douane [22] dans l'interprétation de l'article 48 de la Loi, ainsi que l'a énoncé le Tribunal dans l'affaire Jana & Company c. Le sous-ministre du Revenu national [23] .

Les avocats des appelants ont soutenu que les redevances payées en conformité avec les accords de licence ne sont pas passibles de droits aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi, puisque ce ne sont pas des paiements « relatifs » aux vêtements importés ni une « condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada ».

En premier lieu, au sujet des redevances, les avocats des appelants ont soutenu, invoquant les décisions du Tribunal dans les affaires Reebok Canada Inc., A Division of Avrecan International Inc. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [24] , Jana, PMI Food Equipment Group Canada, A Division of Premark Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national [25] et Mattel Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national [26] , que le paiement de frais n'est pas une condition de la vente si l'acheteur peut acheter et importer les marchandises sans payer les frais. Les avocats ont soutenu qu'il n'y a aucun lien, de nature contractuelle ou autre, entre les fabricants étrangers, des vêtements importés par les appelants et les donneurs de licence qui puisse laisser croire à un rapport ou à un lien entre la vente des vêtements par les fabricants étrangers en vue de leur exportation aux appelants situés au Canada et le paiement des redevances par les appelants aux donneurs de licence. De plus, les avocats ont invoqué une décision antérieure du Tribunal [27] concernant les appelants à l'appui de leur affirmation, selon laquelle le contrôle exercé par les donneurs de licence sur les fabricants étrangers n'est pas appréciable au point de restreindre la possibilité des appelants d'acheter les vêtements desdits fabricants s'ils ne versent pas les redevances aux donneurs de licence. Plus précisément, les avocats ont invoqué les éléments de preuve selon lesquels les appelants ont le dernier mot sur le choix des fabricants et la qualité des marchandises.

Les avocats des appelants ont renvoyé aux dispositions spécifiques des accords de licence et de sous-licence, portant sur le respect par les sous-traitants des normes de qualité, sur le défaut de paiement, la résiliation et la réversion des droits, invoquées par l'avocate de l'intimé comme preuve d'un lien entre Polo US et les fabricants étrangers. Les avocats des appelants ont soutenu que les donneurs de licence n'ont aucun rapport avec les contrats passés entre les appelants et les fabricants étrangers et que les dispositions des accords de licence et de sous-licence lient les appelants, mais non les fabricants étrangers. Il s'ensuit que les accords de licence et de sous-licence ne confèrent pas aux donneurs de licence le droit d'obliger les fabricants à l'étranger, des tiers parties, à se conformer auxdites dispositions ou à remplacer les appelants à titre de partie à un contrat passé avec un fabricant à l'étranger relativement à la vente de vêtements pour exportation au Canada. De plus, les avocats des appelants ont soutenu que le fait que les accords de licence et de sous-licence fassent mention de l'achat des stocks par les donneurs de licence aux prix rendus indique que ce qui était prévu c'est que les appelants compléteraient la transaction d'importation et que les donneurs de licence achèteraient ensuite les vêtements lorsque ces vêtements feraient partie des stocks des appelants au Canada.

Dans leur plaidoirie au sujet des montants payés en conformité avec les accords de design, les avocats des appelants ont soutenu que ces paiements ne sont pas des aides, au sens de la division 48(5)a)(iii)(D) de la Loi et que lesdits paiements sont, effectivement, des redevances relatives au droit d'utiliser le nom et l'image de « Ralph Lauren » en association avec les vêtements importés par les appelants. Les avocats ont soutenu que les décisions de Revenu Canada, datées du 26 février 1993, n'ont pratiquement fourni aucun motif pour le rejet de l'affirmation des appelants selon laquelle les montants afférents au design versés sont, effectivement, des « redevances » même si les accords de design sont rédigés d'une manière semblable aux accords de licence et prévoient des paiements minimums fondés sur un pourcentage de ventes nettes par opposition à des paiements pour des services distincts comme le prévoit la division 48(5)a)(iii)(D) de la Loi. Les avocats ont soutenu que les appelants traitent les paiements versés en conformité avec l'accord de design comme des redevances pour fins de comptabilité et prélèvent l'impôt sur ces paiements en tant que redevances.

Les avocats des appelants ont soutenu que les accords de design sont une répartition de fait des coûts associés au développement continu de la valeur des marques de commerce « Ralph Lauren », d'une part, et des produits qui portent ces marques de commerce, d'autre part. Selon les avocats, l'objet des montants est le droit d'utiliser l'image et la réputation de « Ralph Lauren » au Canada en association avec les marques de commerce sous licence et non les designs eux-mêmes. De plus, les avocats ont soutenu que l'intention des parties aux accords de design étaient que les paiements versés en vertu desdits accords seraient des paiements de redevances, que lesdits paiements ont été traités comme tels aux fins de l'impôt sur le revenu, que les vêtements en cause étaient dans une grande proportion de coupe classique et que les paiements représentant une « rémunération gagnée » n'étaient pas expressément appelés « design fee » (« montant pour design »).

Dans leurs exposés sur l'application de la division 48(5)a)(iii)(D) de la Loi aux montants versés en vertu des accords de design, les avocats des appelants ont soutenu que les travaux de design visés par la disposition susmentionnée doivent être exécutés à l'extérieur du Canada et sont nécessaires pour la production des marchandises importées, autrement dit, essentiels et indispensables à la production des marchandises. Les avocats ont renvoyé à la version française de la division 48(5)a)(iii)(D) qui prévoit, notamment, que les travaux de design visés par la division doivent être « utilisés lors de la production ». Les avocats ont soutenu que le libellé laisse à penser que les travaux de design doivent être utilisés « durant » ou « pendant » la période de production. Selon les avocats, les biens incorporels, comme les grands thèmes et concepts, n'entrent pas dans le champ d'application de la division 48(5)a)(iii)(D) de la Loi. De plus, selon les avocats, les montants payés en vertu de l'accord de design Chaps ne pourraient être considérées comme des aides, puisqu'ils sont versés à M. Lauren, bien que les travaux de design soient reçus de Warnaco.

L'avocat de l'intervenant a plaidé en faveur des appelants. L'avocat a soutenu que la position de l'intimé, selon laquelle les paiements en question devraient être inclus dans la valeur en douane de certains vêtements importés, est contraire à l'évolution de la jurisprudence devant le Tribunal et aux principes généraux de règles du droit en matière de douanes et de commerce. L'avocat a invoqué les décisions du Tribunal dans les affaires Reebok et Jana qui, selon lui, fondent l'opinion selon laquelle le donneur de licence doit avoir un lien avec le vendeur et exercer un contrôle appréciable sur le vendeur pour que les redevances soient passibles de droits. Une telle opinion, selon l'avocat, se trouve confirmée dans les décisions que le Tribunal a rendues dans les affaires Mattel et PMI.

Selon l'avocat de l'intervenant, la question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si le vendeur a le droit de résilier l'accord portant sur la vente des marchandises pour exportation au Canada en cas de non-paiement d'une redevance. L'avocat a fait valoir que, pour que le paiement d'une redevance soit passible de droits, l'accord portant sur la vente des marchandises pour exportation au Canada doit prévoir l'obligation de payer la redevance. À l'appui de son argument, l'avocat a renvoyé à l'Avis consultatif 4.8 du Comité technique de l'évaluation en douane [28] .

L'avocat de l'intervenant a abordé spécifiquement l'argument de l'intimé au sujet de certaines dispositions concernant le contrôle de la qualité contenues dans les accords de licence. Il a souligné que des dispositions similaires figuraient dans des accords qui ont déjà fait l'objet de l'examen du Tribunal dans le cadre d'autres appels et qu'elles n'ont pas été considérées comme un facteur déterminant pour décider si le paiement d'une redevance est passible de droits. L'avocat a soutenu que l'existence de droits visant le contrôle de la qualité, en l'absence de tout lien commercial entre le donneur de licence et les fabricants, ne fait pas du donneur de licence et des fabricants des entités liées. De plus, l'avocat a soutenu que les dispositions de la loi sur les marques de commerce exigent du propriétaire d'une marque de commerce qu'il exerce certains droits sur le contrôle de la qualité pour maintenir son droit de propriété.

De plus, l'avocat de l'intervenant a abordé spécifiquement le fait que l'avocate de l'intimé a invoqué certaines dispositions des accords de licence concernant la résiliation des accords; il a soutenu que lesdites dispositions se rapportent aux accords de licence et non aux accords portant sur la vente des marchandises pour exportation au Canada.

Dans sa plaidoirie sur la question de savoir si les montants versés aux termes des accords de design sont passibles de droits, l'avocat de l'intervenant a renvoyé à un passage de Customs Valuation in Canada [29] , ainsi qu'à une décision de l'administration douanière des États-Unis [30] , et a soutenu qu'il faut distinguer entre les spécifications relatives à la commande de produits et les designs relatifs à la fabrication. Seuls ces derniers, selon l'avocat, servent véritablement dans la fabrication des marchandises et, par conséquent, sont passibles de droits. Il a aussi soutenu qu'il faut établir une distinction entre les concepts de design généraux et les concepts de design spécifiques et que seuls ces derniers sont nécessaires à la production et, par conséquent, passibles de droits. Enfin, l'avocat a soutenu qu'il faut distinguer entre un travail de design unique et un travail de design dérivé. De l'avis de l'avocat, un travail de design qui n'est pas unique n'est pas passible de droits.

L'avocate de l'intimé a soutenu que, pour que les montants versés en vertu des accords de licence et de sous-licence en question soient ajoutés à la valeur en douane des vêtements importés, il faut qu'il s'agisse de paiement de redevances ou de droits de licence, qu'ils soient payés relativement aux marchandises importées et qu'ils soient versés directement ou indirectement par les appelants en tant que condition de la vente de vêtements pour exportation au Canada. Selon l'exposé de l'avocate, les trois conditions susmentionnées sont, en l'espèce, satisfaites.

En premier lieu, l'avocate de l'intimé a fait valoir que manifestement, d'après le libellé des accords de licence et de sous-licence, les paiements sont des paiements de redevances et que les appelants ne contestent pas le fait que les paiements sont des paiements de redevances.

Dans sa plaidoirie sur la question de savoir si les paiements sont « relatifs » aux vêtements importés, l'avocate de l'intimé a soutenu, s'appuyant sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gene A. Nowegijick c. Sa Majesté la Reine [31] , qu'il convient de donner à ce mot la portée la plus large possible. L'avocate a soutenu que les redevances versées aux termes d'accords de licence et de sous-licence sont calculés d'après un pourcentage des ventes nettes. Par conséquent, les redevances versées varient et dépendent du prix de vente des marchandises et sont, de ce fait, des paiements relatifs aux marchandises particulières qui sont vendues. De plus, l'avocate a souligné que le paragraphe 1.1 de l'accord de licence Polo prévoit que la redevance est versée en contrepartie du « droit incessible d'utiliser la marque de commerce relativement à l'importation, la fabrication et la vente de produits sous licence » [traduction].

En ce qui a trait à la troisième condition, à savoir que les redevances soient versées, directement ou indirectement, en tant que condition de la vente pour exportation des vêtements, l'avocate de l'intimé a invoqué la décision du Tribunal dans l'affaire Reebok et, plus précisément, la déclaration selon laquelle un droit peut être une condition de la vente « tant qu'il existe un lien entre lui et les marchandises achetées [32] ». Selon l'avocate, un tel lien existe puisque le produit sous licence peut uniquement être fabriqué, importé et vendu en conformité avec l'accord de licence et que l'accord de licence prévoit que les redevances deviennent dues et exigibles trimestriellement. De plus, l'avocate a soutenu que, bien qu'il ne soit pas nécessaire qu'il soit démontré que le donneur de licence exerce un contrôle appréciable sur le fabricant des marchandises importées pour conclure à l'existence d'un lien, des éléments de preuve montrent, en l'espèce, que les donneurs de licence dans les présents appels ont exercé un contrôle appréciable sur le processus de fabrication. Plus précisément, l'avocate a renvoyé à plusieurs dispositions des accords de licence, y compris celles qui portent sur la conformité aux accords de design [33] , la fourniture d'échantillons de production au donneur de licence [34] et l'approbation des sous-traitants chargés de fabriquer un produit sous licence [35] .

Comme autres preuves du contrôle exercé par le donneur de licence, l'avocate de l'intimé a mentionné le fait que les appelants comptent sur le donneur de licence pour obtenir des designs et des concepts et qu'il leur faut obtenir du donneur de licence l'approbation de tous les designs et modèles avant leur fabrication. Le fabricant, à son tour, compte sur les appelants pour obtenir les directives, designs et concepts de design. L'avocate a aussi renvoyé aux dispositions sur le défaut de paiement [36] et la résiliation [37] comprises dans les accords de licence et de sous-licence et qui confèrent au donneur de licence certains droits sur les stocks et les marchandises non finies en cas de résiliation d'un accord au motif de défaut de paiement de la redevance par les appelants. En outre, les accords de licence prévoient la cession et la réversion immédiate aux donneurs de licence de tout intérêt dans les marques de commerce au moment de la résiliation des accords [38] . L'avocate a soutenu que les dispositions des accords doivent être interprétées à la lumière de la réalité commerciale selon laquelle, lorsque le paiement de redevance n'est pas versé, les accords de licence prennent fin et les appelants n'ont pas le droit légal de fabriquer, d'importer ni de vendre les produits sous licence. À la lumière de toutes les dispositions susmentionnées, l'avocate a soutenu que les appelants ne peuvent faire fabriquer de vêtements et les importer sans détenir les licences nécessaires à la fabrication, à l'importation et à la vente des produits sous licence.

Par conséquent, l'avocate de l'intimé a soutenu que les paiements de redevances versés aux termes des accords de licence ont correctement été inclus dans la valeur en douane des vêtements importés en cause.

Quant à la question de savoir si les montants versés au titre de droits ou de redevances de design sont passibles de droits, l'avocate de l'intimé, dans sa plaidoirie, a renvoyé aux diverses dispositions des accords de design qui, a-t-elle fait valoir, indiquent que les montants versés aux termes des accords de design sont versés en contrepartie de designs, de concepts de design ou de services de design incorporés dans les vêtements importés et que ces travaux de design sont nécessaires pour la production du produit sous licence.

À l'appui de sa position selon laquelle les frais de design sont passibles de droits, l'avocate de l'intimé a renvoyé à deux études de cas du Comité technique de l'évaluation en douane de l'Organisation mondiale des douanes, qui traitent de la question de tels droits. L'étude de cas 8.1 [39] traite d'un importateur qui verse au donneur de licence des redevances égales à un certain pourcentage des ventes, en contrepartie du droit d'utiliser des patrons en papier, incorporant les designs réalisés par le donneur de licence. Le Comité a déterminé que la valeur des patrons en papier doit être incluse dans la valeur en douane, comme aide. L'étude de cas 8.2 [40] traite d'une bande originale de vidéos-clips musicaux compilés par le donneur de licence, qui était fournie au titulaire de licence, l'importateur, en contrepartie d'un droit de licence calculé d'après un pourcentage des ventes. Le Comité a déterminé que la valeur du pourcentage versé fait partie de la valeur en douane des marchandises importées pour le motif que la « compilation est une activité qui relève des travaux de design et d'étude entrepris pour les disques laser vidéo importés [41] ».

Contrairement à l'argument des avocats des appelants selon lequel les montants payés en vertu des accords de design sont, de fait, des redevances, l'avocate de l'intimé a soutenu que, à la lumière des accords de licence, il est manifeste que les montants versés ne sont pas des redevances. Plus précisément, l'avocate a renvoyé au paragraphe 3.1 des accords de licence qui stipule que les accords de design prévoient la fourniture, aux appelants par R.L. Design Studio, de concepts de design et d'autres services professionnels. Le paragraphe 3.2 des accords de licence stipule en outre que les détails et caractéristiques intégrés dans les designs fournis aux termes des accords de design doivent être tous strictement respectés.

À la lumière des éléments qui précèdent, l'avocate de l'intimé a soutenu que les montants versés aux termes de l'accord de design Chaps et de l'accord de design Polo ont correctement été inclus dans la valeur en douane en conformité avec la division 48(5)a)(iii)(D) de la Loi à titre de « travaux […] d'étude, d'art, [...] plans et croquis exécutés à l'extérieur du Canada et nécessaires pour la production des marchandises importées ».

Avant de publier sa décision et ses motifs, le Tribunal a pris connaissance de la décision rendue par la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Reebok Canada, A Division of Avrecan International Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [42] (Reebok - CF). Dans une lettre datée du 22 juillet 1997, le Tribunal a indiqué aux parties que, à son avis, il devait tenir compte de l'affaire susmentionnée pour rendre sa décision dans les présents appels. Le Tribunal a reconnu que les parties n'avaient pas eu l'occasion d'examiner l'incidence de la décision de la Cour fédérale et, par conséquent, leur a donné l'occasion de déposer des exposés à cet égard. Toutes les parties ont déposé des exposés en conformité avec les directives du Tribunal.

Les avocats des appelants ont soumis que la décision confirme le bien-fondé de l'interprétation et de l'approche juridiques du Tribunal pour déterminer si des paiements versés à des donneurs de licence sont passibles de droits aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Les avocats ont fait valoir que la Cour fédérale adopte implicitement la notion de contrôle appréciable en tant que critère juridique pour déterminer l'existence d'un lien quelconque entre le paiement de redevances à un donneur de licence et les fabricants à l'étranger qui produisent les marchandises pour exportation au titulaire de licence. Les avocats ont ensuite poursuivi en soulignant les principales différences entre les faits de l'affaire Reebok et ceux des présents appels. Plus précisément, les avocats ont soutenu que : 1) les appelants ont le dernier mot sur le choix des fabricants et des usines; 2) les donneurs de licence ne sont pas au fait des contrats passés entre les appelants et les fabricants, et la participation des donneurs de licence au niveau de la fabrication en usine est nulle; 3) il n'existe aucun lien corporatif entre les appelants, les donneurs de licence et les usines qui fabriquent les marchandises vendues pour exportation; 4) les donneurs de licence n'ont jamais inspecté une usine utilisée par les appelants et n'ont aucun droit d'obliger une usine à respecter les obligations sur la qualité qui sont incluses dans les accords de licence.

L'avocat de l'intervenant a soutenu que la Cour fédérale a fait preuve d'égards judiciaires particuliers non seulement à l'endroit de la décision du Tribunal dans l'affaire Reebok, mais aussi à l'endroit de « l'évolution de la jurisprudence » du Tribunal. Il a en outre soutenu que la considération de la Cour fédérale à l'endroit de l'expertise du Tribunal est fondée sur la perception de la Cour fédérale d'une « cohérence » dans l'évolution de la jurisprudence du Tribunal en ce qui touche le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi, la Cour ayant reconnu implicitement l'importance de situer la décision du Tribunal dans le contexte des autres décisions qu'il a rendues. Selon l'avocat, Jana est au cœur de l'évolution de la jurisprudence du Tribunal, puisque cette affaire a suivi Reebok et précédé Mattel et PMI. Il a soutenu, par conséquent, que la valeur accrue de précédent des affaires Reebok et Jana est importante puisqu'il a invoqué les deux décisions pour fonder ses arguments. Selon l'avocat, la Cour fédérale, dans l'affaire Reebok-CF, a rendu une conclusion implicite que le contrôle appréciable est une condition préalable nécessaire à l'application du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi et que d'établir une distinction entre le critère « un certain lien » et le critère « un contrôle appréciable » n'a aucune signification véritable puisque, pour être pertinent en loi, le « contrôle appréciable » doit être une condition nécessaire du critère « un certain lien ».

L'avocate de l'intimé a soutenu que la Cour fédérale, dans l'affaire Reebok-CF, en concluant que le Tribunal avait eu raison de décider que la redevance était correctement ajoutée au prix payé ou à payer des marchandises importées aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi, a reconnu le fait, et s'est appuyé sur ce fait, que le défaut de payer les redevances donnerait lieu à un redressement pour dommages subis par le donneur de licence et à la possibilité de perte du droit exclusif ou autre de vendre les marchandises portant la marque de commerce. L'avocate a soutenu que, dans les présents appels, les accords de licence et de sous-licence prévoient un tel redressement puisque le défaut de payer les redevances peut mener à la résiliation des accords et que, au moment de la résiliation, tous les droits accordés, à savoir, le droit de fabriquer, d'importer et de vendre des marchandises portant la marque de commerce, font l'objet de cession et de réversion au donneur de licence. L'avocate a de plus fait valoir que, au moment de la résiliation, les marchandises comprises dans les stocks du titulaire de licence seraient achetées et reprises par le donneur de licence, tout comme les marchandises en cours de route et les marchandises en voie de fabrication. L'avocate a conclu que la décision dans l'affaire Reebok appuie la position de l'intimé selon laquelle le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi doit être interprété à la lumière de la réalité commerciale, à savoir que, lorsqu'une redevance n'est pas payée, la licence est résiliée et l'appelant n'a plus le droit légal de fabriquer, d'importer ni de vendre des marchandises sous licence.

En ce qui a trait à la question du « contrôle appréciable » en tant que facteur pour déterminer si le paiement des redevances est une condition de la vente, l'avocate de l'intimé a soutenu que la Cour fédérale a qualifié la conclusion de contrôle appréciable que le Tribunal a rendue dans l'affaire Reebok de conclusion de fait basée sur les éléments de preuve dans cette affaire. À ce titre, une telle conclusion ne peut être importée et appliquée à toutes les causes et ne constitue pas un précédent juridique qui établirait l'obligation de démontrer l'existence d'un contrôle appréciable pour conclure que le paiement d'une redevance est une condition de la vente aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Selon l'avocate, le « contrôle appréciable » n'est qu'une des façons d'établir un lien entre la redevance et la vente pour exportation.

Comme l'a avancé l'avocate de l'intimé, fondamentalement, le Tribunal doit décider de trois questions dans les présents appels. En premier lieu, le Tribunal doit déterminer si les redevances versées par Modes aux termes de l'accord de licence Polo et de l'accord de licence Chaps sont passibles de droits aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi à titre de paiements afférents aux marques de commerce relatifs aux vêtements importés que l'appelant doit payer, directement ou indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada. En deuxième lieu, le Tribunal doit déterminer si les frais de design versés par Modes aux termes de l'accord de design Polo et de l'accord de design Chaps sont passibles de droits aux termes de la division 48(5)a)(iii)(D) de la Loi à titre de montants payés pour des travaux de design exécutés à l'extérieur du Canada et nécessaires pour la production des vêtements importés. En troisième et dernier lieu, le Tribunal doit déterminer si les redevances payées par la société 131384 Canada Inc. à Modes aux termes de l'accord de sous-licence sont passibles de droits aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi à titre de paiements afférents aux marques de commerce relatifs aux vêtements importés que l'appelant doit payer, directement ou indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

Dans l'examen de la première question, le Tribunal a passé en revue ses décisions antérieures ainsi que les décisions de la Cour fédérale concernant la question de l'inclusion des redevances dans la valeur en douane de marchandises importées. Le Tribunal a toujours soutenu que, pour qu'un paiement de redevances soit passible de droits, le paiement doit être : 1) relatif aux marchandises importées; 2) versé, directement ou indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada, comme le prévoit le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi.

Le Tribunal conclut que, en l'espèce, les paiements sont des redevances « relati[ves] » aux marchandises en cause. Le Tribunal a interprété l'expression « relatifs aux marchandises » comme signifiant que le paiement ne doit pas être un paiement général indépendant des marchandises particulières importées. De l'avis du Tribunal, cette condition est satisfaite dans les présents appels, puisque le montant des paiements de redevances est calculé d'après les ventes nettes des marchandises importées au Canada et que, par conséquent, lesdites marchandises ont une incidence sur ce montant. Cependant, la question de savoir si les redevances sont payées, directement ou indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada est plus complexe.

Le Tribunal observe que la décision de la Cour fédérale dans l'affaire Reebok-CF confirme la décision que le Tribunal a rendue dans l'affaire Reebok, selon laquelle les sommes versées étaient des paiements qui répondaient à la définition de redevances, au sens du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Dans sa décision, la Cour fédérale déclare que les redevances se rapportent à l'utilisation et à la vente exclusive de marchandises portant des marques de commerce de valeur et que les paiements se rapportent à des droits de propriété intellectuelle ayant une valeur, associés à l'achat et à la vente des marchandises en cause et que la décision du Tribunal est cohérente avec l'évolution de la jurisprudence en la matière. La Cour fédérale renvoie ensuite à la décision du Tribunal dans l'affaire Polygram Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [43] et à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Signature Plaza Sport Inc. c. Sa Majesté la Reine [44] . Le Tribunal souhaite faire certaines observations sur ces décisions et sur les décisions qu'il a rendues après les affaires Polygram et Reebok, comme Jana et Mattel.

La Cour d'appel fédérale a souligné, dans l'affaire Signature Plaza, que la question de savoir qui est le vendeur des marchandises est d'une importance cruciale pour évaluer s'il peut être dit qu'une redevance est une condition de la vente pour exportation. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve montrent que les fabricants asiatiques sont les vendeurs des marchandises en cause, et non Polo US. Un tel fait distingue les présents appels de l'affaire Signature Plaza.

Le Tribunal a indiqué, dans des décisions antérieures, qu'à son avis l'existence d'un accord de licence et l'obligation de verser une redevance ne suffisent pas, en elles-mêmes, à faire du paiement d'une redevance une condition de la vente entre un titulaire de licence et un fabricant étranger. Autrement, un tel paiement ne serait presque jamais inclus dans la valeur en douane aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Le Tribunal est d'avis que là n'est pas l'intention de la disposition susmentionnée. Ainsi que l'indiquent les avis consultatifs et comme le Tribunal en a discuté dans l'affaire Jana, les circonstances où l'obligation de payer une redevance découle d'un accord distinct sans rapport avec la vente pour exportation des marchandises ou celles où l'acheteur n'est pas tenu de payer la redevance pour pouvoir acheter les marchandises sont des circonstances où la redevance ne doit pas être incluse dans la valeur en douane desdites marchandises [45] .

L'examen des faits dans les décisions antérieures qui mettaient le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi à l'étude indique que les paiements de redevances ont été considérés comme étant une condition de la vente pour exportation au Canada lorsque des éléments de preuve montraient une importante mesure de participation du donneur de licence à la fabrication, à l'achat et à l'importation des marchandises. Par exemple, dans l'affaire Signature Plaza, il a été conclu que des montants de redevances payés par un acheteur canadien à un titulaire de licence étaient passibles de droits, le titulaire de licence prenant les dispositions nécessaires à l'étranger pour l'achat, la coupe, la confection et la finition des tissus dans des usines à l'étranger et la livraison à l'acheteur canadien des produits finis. Dans l'affaire Reebok, les redevances payées à un titulaire de licence, ce dernier ayant passé des accords de fabrication et de finition avec des fabricants à l'étranger, ont été considérés comme étant passibles de droits. Dans les affaires Polygram, Reebok et PMI, des redevances versées à un titulaire de licence qui était aussi le vendeur ou le fabricant ont été considérées comme étant passibles de droits.

Le Tribunal est d'avis que les redevances payées aux termes des accords de licence en question peuvent être définies d'une façon semblable à celles afférentes aux marchandises dans l'affaire Reebok-CF dont il a été conclu qu'elles étaient des redevances aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Plus précisément, les redevances en question se rapportaient à l'utilisation et à la vente en exclusivité de marchandises portant les marques de commerce « Chaps Ralph Lauren » et « Polo Ralph Lauren » et aux droits de propriété intellectuelle ayant une valeur associés à l'achat et à la vente desdites marchandises.

De plus, le Tribunal a examiné les liens entre les diverses parties qui ont participé aux transactions d'importation en question. Le Tribunal est convaincu que les fabricants dans les présents appels n'auraient pas vendu les marchandises en cause aux appelants si ces derniers avaient cessé de verser les paiements de redevances. Même si, dans le cours normal de leur activité commerciale, aucun élément de preuve ne montre que les appelants sont tenus d'établir qu'ils ont versé les redevances avant que la vente pour exportation soit passée, le Tribunal est convaincu que la réalité commerciale en ce qui a trait aux marchandises en cause est que la vente desdites marchandises pour exportation au Canada n'aurait pas lieu si les redevances n'étaient plus payées. Polo Sourcing, l'agent de Modes, devait inspecter la marchandise avant que les fabricants puissent encaisser les lettres de crédit et expédier la marchandise au Canada. Polo Sourcing était, à ce moment, une filiale de Polo US. Bien que Polo Sourcing ait agi à titre d'agent de Modes en ce qui a trait aux transactions courantes quotidiennes, Polo Sourcing ne l'aurait pas nécessairement fait si les accords de licence avaient été résiliés et qu'à ce moment, en conformité avec les accords de licence, les marchandises en cours de fabrication avaient été assujetties à l'option de reprise de possession par le donneur de licence [46] . Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal est d'avis que les redevances versées par les appelants aux termes de l'accord de licence Chaps et de l'accord de licence Polo sont versées en tant que condition de la vente de vêtements en cause pour exportation au Canada et donc correctement ajoutées au prix payé ou à payer pour lesdits vêtements.

Pour statuer sur la deuxième question, à savoir, si les montants versés aux termes de l'accord de design Polo et de l'accord de design Chaps sont passibles de droits, le Tribunal doit déterminer les points suivants : 1) si ces montants sont des paiements afférents à des travaux de design; 2) si ces montants sont payés pour des biens et services fournis directement ou indirectement par les appelants et utilisés lors de la production et de la vente pour exportation des marchandises importées; 3) si les travaux de design sont exécutés ailleurs qu'au Canada et nécessaires pour la production des marchandises importées.

Dans l'examen qui consiste à savoir si les montants sont des paiements afférents à des travaux de design, le Tribunal fait observer qu'il a conclu, dans l'affaire Capital Garments Co. Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national [47] , que le mot « design » (« design ») peut être interprété comme signifiant : « an outline, sketch, or plan, as of the form and structure of a work of art, an edifice, or a machine to be executed or constructed » (« un tracé, un croquis ou un plan, par exemple de la forme ou de la structure d'une œuvre d'art, d'un bâtiment ou d'une machine à exécuter où à construire ») [48] . Le mot « plan » (« plan ») a alors été défini comme signifiant « a formulated and esp. detailed method by which a thing is to be done; a design or scheme » (« une méthode élaborée et particulièrement détaillée selon laquelle une chose doit être faite; un design ou un projet ») [49] .

Les éléments de preuve dont dispose le Tribunal indiquent que ce que les appelants ont reçu de M. Lauren aux termes des accords de design sont de « grands thèmes de design et concepts », des descriptions écrites, des photographies, des cartons de dessins et des éventails de couleurs, qui donnent des renseignements plus détaillés au sujet du style, des couleurs et des tissus des articles compris dans un groupe d'articles de mode, ainsi que des spécifications, si elles sont disponibles, des échantillons de tissus et des renseignements sur l'usine de tissage. Le Tribunal est d'avis que les marchandises et services susmentionnés constituent des « travaux de design » au sens ordinaire de cette expression. Bien que le Tribunal reconnaisse que plusieurs designs classiques sont produits année après année avec peu ou pas de modifications, les éléments de preuve indiquent que, même alors, certaines caractéristiques, comme la couleur, changent.

Les éléments de preuve convainquent le Tribunal que les appelants ont fourni aux fabricants, soit directement soit par l'entremise de leur agent, les détails de design reçus de M. Lauren. Le Tribunal est d'avis que, sans ces détails de design, les fabricants n'auraient pas pu produire les vêtements « Ralph Lauren » pour la saison visée. Le Tribunal est convaincu, à la lumière des dispositions des accords de design et des déclarations des témoins, que ce qui est fourni aux termes des accords de design et, par la suite, aux fabricants à l'étranger par les appelants peut être qualifié de marchandises et services utilisés lors de la production et de la vente des vêtements importés en cause.

Quant à savoir si les travaux de design sont nécessaires pour la production, le Tribunal est d'avis que, sans les marchandises et services susmentionnés, les appelants pourraient faire fabriquer les marchandises uniquement en attendant qu'une pièce de vêtement particulière devienne publiquement disponible et puisse être envoyée à un fabricant afin d'y être copiée. Tout en étant conscient que les fabricants ont besoin d'autre matériel, comme des patrons et du tissu, la fabrication d'un article de vêtement comporte plusieurs étapes et le Tribunal n'interprète pas l'expression « nécessaires pour la production » de façon tellement restrictive qu'elle se limite uniquement à la fabrication directe comme telle du vêtement en usine. De plus, les accords de sous-licence décrivent les concepts de design comme étant ceux « qui seront utilisés dans la fabrication des produits sous licence [50] » [traduction].

En ce qui a trait au dernier point, ou dernière condition, à savoir, que les travaux de design doivent être exécutés à l'extérieur du Canada et nécessaires pour la production des marchandises importées, le Tribunal est d'avis que cette condition est satisfaite. Les travaux sont manifestement exécutés par M. Lauren ou R.L. Design Studio aux États-Unis.

Le Tribunal conclut donc que les droits payés par les appelants à M. Lauren ou à R.L. Design Studio aux termes à la fois de l'accord de design Polo et de l'accord de design Chaps sont des paiements afférents aux travaux de design passibles de droits aux termes de la division 48(5)a)(iii)(D) de la Loi.

La troisième et dernière question sur laquelle le Tribunal doit statuer est celle de savoir si les redevances payées par 131384 Canada Inc. aux termes de l'accord de sous-licence passé avec Modes sont passibles de droits. Le Tribunal conclut que, bien que les paiements en cause puissent être considérés comme étant « relatifs » aux vêtements importés en ce qu'ils sont calculés d'après les ventes nettes des vêtements importés, le Tribunal ne peut admettre que lesdits paiements sont versés, directement ou indirectement, en tant que condition de la vente pour exportation. En premier lieu, l'accord de sous-licence prévoit que 131384 Canada Inc., une société canadienne, doit verser des redevances à Modes, elle aussi une société canadienne ayant les mêmes propriétaires, la même direction et le même personnel que 131384 Canada Inc. La société 131384 Canada Inc. n'assume donc aucune responsabilité à l'endroit du versement des redevances à Polo US aux termes de l'accord de licence Chaps ni à l'endroit du versement des droits de design à M. Lauren aux termes de l'accord de design Chaps. Modes continue d'être responsable du versement des redevances et des droits de design. Le versement du paiement à Modes par 131384 Canada Inc. n'a rien à voir avec la condition touchant la vente pour exportation au Canada. Ladite condition est satisfaite par Modes lorsque cette dernière verse les redevances et les droits de design à Polo US et non lorsque 131384 Canada Inc., si elle le fait, et qu'elle le fasse ou non, verse les redevances et les droits de design à Modes. De plus, bien que 131384 Canada Inc. et Modes soient incorporées en tant que deux sociétés distinctes, elles ne sont véritablement qu'une seule et même entité.

Par conséquent, les appels sont admis en partie.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L’accord de licence Polo a été modifié le 8 mai 1986 et le 21 novembre 1988.

3. L'accord de design Polo a été modifié le 8 mai 1986 et le 21 novembre 1988.

4. L'accord de licence Chaps a été modifié le 1er janvier 1986, le 1er février 1988 et le 1er novembre 1989.

5. L'accord de design Chaps a été modifié le 1er janvier 1986, le 1er février 1988 et le 1er novembre 1989.

6. Paragraphe 1.6 de l'accord de design Chaps.

7. Le 19 novembre 1992, le pourcentage de redevances que doit verser 131384 Canada Inc. à Modes a été réduit à ceux payés par Modes à Polo US aux termes de l'accord de licence Chaps et à M. Lauren aux termes de l'accord de design Chaps.

8. Chaps-Ralph Lauren, Division of 131384 Canada Inc. et Modes Alto Regal c. Le sous-ministre du Revenu national, appels nos AP-94-190 et AP-94-191, le 1er novembre 1995.

9. Ibid. à la p. 7.

10. Ibid. aux pp. 7 et 8.

11. Transcription de la session publique, le 5 février 1997 aux pp. 59 et 60.

12. Pièce A-1.

13. Pièce A-2.

14. Pièce A-5.

15. Pièce A-4.

16. Pièce A-6.

17. Au moment des transactions en question, les appelants se servaient de Polo Ralph Lauren Sources Pte. Ltd. (Polo Sourcing) comme agent d'achat en Extrême-Orient. Polo Sourcing était, à ce moment, une filiale de Polo US appartenant à M. Lauren et contrôlée par ce dernier. Voir Chaps-Ralph Lauren, supra note 8.

18. Pièce A-15.

19. Pièces A-16 (exemplaire unique) et A-17 (exemplaire unique).

20. Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312 à la p. 326.

21. Genève, mars 1980, GATT IBDD, 26e suppl. à la p. 127.

22. Accord du GATT et Textes du Comité technique de l'évaluation en douane, Conseil de coopération douanière, Bruxelles.

23. Appel no AP-94-150, le 3 septembre 1996 à la p. 11.

24. Appel no AP-92-224, le 1er septembre 1993.

25. Appel no AP-95-123, le 10 janvier 1997.

26. Appels nos AP-95-126 et AP-95-255, le 15 janvier 1997.

27. Chaps-Ralph Lauren, Division of 131384 Canada Inc. et Modes Alto Regal c. Le sous-ministre du Revenu national, appels nos AP-94-190 et AP-94-191, le 1er novembre 1995.

28. L'avis prévoit qu'une redevance ne constitue pas une redevance payée directement ou indirectement comme condition de vente à l'exportation lorsqu'une « obligation résulte d'un accord distinct qui ne se rapporte pas à la vente des marchandises pour l'exportation à destination du pays d'importation ».

29. M. Irish, Don Mills, CCH Canadian, 1985 à la p. 184.

30. Dossier no CLA-2 CO:R:CV:V 542830 BS, le 28 juillet 1982. La décision indique que les designs, les échantillons, les prototypes, etc., ne sont pas passibles de droits puisque le fabricant « pouvait produire les vêtements désirés sans devoir se servir des photographies, des croquis, des designs, des prototypes et des patrons fournis par l'importateur » [traduction].

31. [1983] 1 R.C.S. 29 à la p. 39.

32. Supra note 24 à la p. 6.

33. Paragraphes 3.1 et 3.2 de l'accord de licence Chaps et de l'accord de licence Polo et paragraphes 4.1 et 4.2 de l'accord de sous-licence.

34. Paragraphe 3.2 de l'accord de licence Chaps et de l'accord de licence Polo et paragraphe 4.2 de l'accord de sous-licence.

35. Paragraphe 16.4 de l'accord de licence Chaps et de l'accord de licence Polo et paragraphe 18.4 de l'accord de sous-licence.

36. Paragraphe 9 de l'accord de licence Chaps et de l'accord de licence Polo et section X de l'accord de sous-licence.

37. Paragraphe 10 de l'accord de licence Chaps et de l'accord de licence Polo et section XI de l'accord de sous-licence.

38. Paragraphe 11 de l'accord de licence Chaps et de l'accord de licence Polo et section XII de l'accord de sous-licence.

39. Annexe IV au doc. 39.000F.

40. Annexe V au doc. 39.000F.

41. Ibid. au par. 9.

42. Non publié, no du greffe T-864-94, le 30 juin 1997.

43. Appels nos AP-89-151 et AP-89-165, le 7 mai 1992.

44. Non publié. Cour d'appel fédérale, no du greffe A-453-90, le 18 février 1994.

45. Avis consultatifs 4.8 et 4.13 respectivement et supra note 23.

46. Paragraphe 10.2 de l'accord de licence Chaps et de l'accord de licence Polo et paragraphe 11.2 de l'accord de sous-licence.

47. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-96-002, le 3 juin 1997.

48. Ibid. à la p. 7.

49. Ibid. aux pp. 7-8

50. Paragraphe 1.1 de l'accord de sous-licence.


Publication initiale : le 31 mars 1998