TIMOTHY H. MAGNUS

Décisions


TIMOTHY H. MAGNUS
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n
o AP-94-187

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 20 janvier 1998

Appel n o AP-94-187

EU ÉGARD À un appel entendu le 17 juin 1997 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 11 février 1994 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

TIMOTHY H. MAGNUS Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national en date du 20 avril 1993 qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale présentée aux termes de l'article 68.2 de la Loi sur la taxe d'accise. La demande a été rejetée pour le motif qu'elle n'avait pas été faite dans le délai prescrit par la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que la conclusion à laquelle il est arrivé dans l'affaire De Mers Electric Limited c. Le ministre du Revenu national s'applique également au présent appel, c'est-à-dire que l'intimé était tenu de fournir le formulaire prescrit à l'appelant pour que ce dernier puisse présenter une demande de remboursement. Le Tribunal est d'avis que, étant donné que l'intimé prescrit l'emploi du formulaire de demande de remboursement et que, de plus, l'appelant a tenté à de nombreuses reprises de se procurer ledit formulaire, mais n'a pu l'obtenir à cause du défaut du ministère du Revenu national de le rendre disponible, l'appel doit être admis. Si l'appelant avait pu obtenir le formulaire lorsqu'il l'a initialement demandé, le Tribunal croit que l'appelant aurait fait sa demande de remboursement dans le délai prescrit. Le Tribunal est disposé, étant donné les nombreuses tentatives faites par l'appelant pour se procurer le formulaire de demande, à considérer la demande comme étant réputée avoir été déposée dans le délai prescrit.

Lieux de l'audience par voie de vidéoconférence : Hull (Québec) et Calgary (Alberta) Date de l'audience : Le 17 juin 1997 Date de la décision : Le 20 janvier 1998
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Patricia M. Close, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffiers : Margaret Fisher et Anne Jamieson
Ont comparu : Timothy H. Magnus, pour l'appelant Janet Ozembloski, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national en date du 20 avril 1993 qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) présentée aux termes de l'article 68.2 de la Loi. La demande a été rejetée pour le motif qu'elle n'avait pas été faite dans le délai prescrit par la Loi. Le 2 juillet 1993, l'appelant a signifié un avis d'opposition à l'intimé. Subséquemment, dans un avis de décision daté du 11 février 1994, l'intimé a ratifié la détermination.

L'appelant a comparu en son propre nom à l'audience du présent appel, qui a été entendu par voie de vidéoconférence à Hull (Québec) et Calgary (Alberta). L'avocate de l'intimé a indiqué que l'intimé ne contestait pas l'énoncé des faits tel qu'il était établi dans le mémoire de l'appelant. Les faits sont résumés dans les deux paragraphes suivants.

L'appelant exploite une entreprise à propriétaire unique, appelée Magnus Diversified, à Calgary, qui fournit du matériel informatique, des logiciels et des services de soutien à ses clients, principalement des professeurs et d'autres membres du personnel de l'Université de Calgary. Entre le 13 mai 1988 et le 28 novembre 1990, l'appelant a vendu des marchandises à un acheteur exempté de la TVF, soit l'Université de Calgary. Ayant auparavant fait diverses demandes de remboursement de la TVF, l'appelant savait qu'il devait déposer sa demande en se servant du formulaire N 15. L'appelant a effectué les tentatives suivantes pour obtenir les formulaires nécessaires auprès du ministère du Revenu national (Revenu Canada). Il a communiqué avec les bureaux locaux de Revenu Canada, Douanes et Accise, situés à l'aéroport de Calgary et au centre-ville de Calgary. Aux deux endroits susmentionnés, il a été informé que le bureau ne s'occupait pas de l'administration des demandes de remboursement et que, par conséquent, aucun formulaire n'y était disponible. Il a alors été avisé de téléphoner à Revenu Canada, au numéro réservé aux « demandes de formules ». À ce numéro, le répondeur a dit à l'appelant ne rien savoir du formulaire N 15, et lui a conseillé de communiquer avec Douanes et Accise. Subséquemment, l'appelant a appelé au numéro des « renseignements généraux » du gouvernement fédéral, puisque l'annuaire téléphonique régional ne portait aucune mention claire du service qu'il conviendrait d'appeler pour obtenir des renseignements au sujet du formulaire en question. Malgré ses nombreux appels au numéro des « renseignements généraux » entre 1988 et 1989, l'appelant n'a jamais pu entrer en communication avec quelqu'un qui aurait pu l'aider à obtenir le formulaire prescrit.

Enfin, en 1990, à l'occasion d'un autre appel au numéro des « renseignements généraux », l'appelant a été aiguillé vers un numéro local. Au cours de la conversation, l'appelant a appris que les formulaires étaient maintenant en stock et qu'il en recevrait un exemplaire par la poste. Cependant, l'appelant n'a jamais reçu le formulaire en question. En 1992, un vérificateur de Revenu Canada a appelé l'appelant au sujet de déclarations de revenus en souffrance. L'appelant lui a répondu qu'il ne ferait sa déclaration que lorsqu'il aurait reçu des exemplaires du formulaire N 15. Le vérificateur a offert d'en trouver pour l'appelant et, en décembre 1992, une nouvelle version du formulaire N 15, soit le N 15(E) (1/89), a été envoyée par la poste à l'appelant. L'appelant a présenté une demande de remboursement de la TVF au montant de 1 386,84 $ le 25 mars 1993, trois mois après avoir reçu le formulaire.

À l'audience, l'appelant a indiqué que, au cours des nombreuses conversations qu'il a eues avec les représentants de Revenu Canada, il n'a jamais été informé de l'existence du délai de deux ans prescrit pour le dépôt d'une demande de remboursement de la TVF aux termes de l'article 68.2 de la Loi. De plus, ni la formule prescrite ni la documentation diffusée par Revenu Canada ne font mention d'un délai réglementaire. L'appelant a souligné que le formulaire N 15 actuel indique qu'une demande de remboursement pour un montant qui dépasse 200 $ peut être faite en tout temps. En réponse aux questions du Tribunal, M. Magnus a ajouté que, à un certain moment, un représentant de Revenu Canada lui a dit que le délai de deux ans pour le dépôt d'une demande de remboursement à l'égard de la taxe sur les produits et services ne s'appliquait pas aux demandes de remboursement de la TVF.

M. Magnus a soutenu que sa plaidoirie repose sur deux points principaux : 1) il n'a jamais été informé de l'existence d'un délai de deux ans pour le dépôt de sa demande; 2) Revenu Canada n'a pas fourni le formulaire requis qui lui aurait permis de présenter sa demande dans le délai prescrit. À l'égard du premier point, l'appelant a soutenu que les représentants de Revenu Canada ont l'obligation d'informer les personnes qui préparent des demandes de remboursement du délai réglementaire imposé pour le dépôt d'une demande et que cela n'a pas été fait dans son cas. À l'égard du deuxième point, l'appelant a soutenu plus précisément que, lorsque la Loi prévoit qu'une demande « doit être faite en la forme prescrite et contenir les renseignements prescrits », comme le prévoit le paragraphe 72(2) de la Loi, il incombe à Revenu Canada de fournir les formules appropriées sur demande [2] . L'appelant a de plus soutenu qu'il a effectué toutes les démarches raisonnables pour obtenir le formulaire nécessaire bien avant la fin des deux ans qui ont suivi la vente des marchandises. Ses nombreuses tentatives pour obtenir le formulaire devraient, de l'avis de l'appelant, être considérées comme étant une indication verbale de son intention de faire une demande dans le délai de deux ans. Le défaut de sa part de soumettre le formulaire de demande durant la période de deux ans est entièrement attribuable au défaut, de la part de Revenu Canada, de lui en fournir des exemplaires.

En réponse aux arguments de l'appelant, l'avocate de l'intimé a soutenu que les faits principaux dans le présent appel sont que l'appelant admet avoir déposé sa demande de remboursement après le délai prescrit par la Loi. La question en litige consiste, par conséquent, à déterminer si le délai prescrit par la Loi peut être prorogé pour des motifs d'équité. L'avocate a soutenu que tout droit que l'appelant pourrait avoir à l'endroit d'un redressement doit être prévu aux termes d'une loi du Parlement et que le Tribunal n'a pas compétence pour statuer sur des principes de droit commun ou d'équité. De plus, il incombe à l'appelant de démontrer que la détermination de l'intimé était incorrecte.

Dans la présente affaire, la Loi indique clairement que la demande de remboursement doit être faite dans les deux ans suivant la vente, à un acheteur exempté de la taxe, des marchandises qui font l'objet de la demande de remboursement. L'avocate de l'intimé a soutenu que nul ne conteste le fait que l'appelant a fait sa demande de remboursement après le délai prescrit par la Loi et que Revenu Canada est tenu d'appliquer la Loi telle qu'elle est rédigée, même lorsque les circonstances semblent injustes ou sont pénibles pour le demandeur. De plus, le Tribunal n'a pas compétence pour annuler, modifier ou proroger le délai prescrit pour des motifs d'équité.

En ce qui a trait à l'allégation de l'appelant selon laquelle un représentant de Revenu Canada aurait laissé à penser qu'aucun délai de deux ans ne s'appliquait, l'avocate de l'intimé a fait valoir que l'appelant n'a pas pu affirmer, avec une certitude absolue, qu'une telle déclaration a bel et bien été faite, mais que, en tout état des choses, l'appelant aurait dû savoir, en tant qu'homme d'affaires, qu'il existait un tel délai. L'avocate a de plus fait valoir que le délai prescrit est énoncé dans la Loi, qui est du domaine public, et que l'appelant aurait pu obtenir ce renseignement par ses propres moyens. L'avocate a enfin souligné que, même si l'appelant avait été mal renseigné par des représentants de Revenu Canada au sujet du délai applicable, ce qui n'est aucunement admis en l'espèce, la Couronne n'est pas liée par les déclarations de ses représentants.

Le Tribunal est d'avis que la plaidoirie de l'appelant repose principalement sur le fait que, même si la Loi oblige le demandeur à faire sa demande dans un délai de deux ans suivant la date de la vente des marchandises qui font l'objet du remboursement, l'intimé est tenu de fournir les formulaires appropriés aux demandeurs éventuels lorsque lesdits formulaires sont prescrits. Le Tribunal est d'accord avec l'appelant sur l'obligation faite à l'intimé de fournir les formulaires prescrits. Le paragraphe 72(2) de la Loi prévoit qu'une demande doit être faite « en la forme prescrite et contenir les renseignements prescrits ». Le formulaire « Demande de remboursement ou de déduction des taxes de vente et (ou) d'accise fédérales [3] », indique que « [c]e formulaire et le supplément sont les documents réglementaires et prescrits pour présenter une demande conforme à la Loi sur la taxe d'accise. Les formulaires sont disponibles au bureau de l'Accise de votre localité ».

Dans la décision qu'il a rendue dans l'affaire De Mers, le Tribunal a conclu que l'intimé était tenu en l'espèce de fournir à l'appelant le formulaire prescrit afin que ce dernier puisse présenter sa demande de remboursement de la TVF à l'inventaire avant 1992. Le paragraphe 72(2) de la Loi s'appliquait d'une façon semblable dans cette affaire. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal a invoqué la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Dai Nguyen de Groupe Solidarité, Luong Manh Nguyen c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration [4] . Cet appel portait sur une requête pour obtenir une ordonnance imposant une obligation légale envers le requérant. La Cour a statué dans cette dernière affaire que, d'après les décisions antérieures et la portée de la Loi sur l'immigration [5] et du Règlement connexe, l'intimé avait bel et bien l'obligation de fournir un formulaire de demande du droit d'établissement au Canada à titre de réfugié à une personne qui en faisait la demande, même si la loi ne renferme pas d'obligation explicite en ce qui touche l'envoi d'un tel formulaire. À l'appui de sa décision, la Cour avait invoqué l'arrêt qu'elle avait rendu dans l'affaire Yee Chuen Choi c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration et le Secrétaire d'État aux Affaires extérieures [6] . Dans cette affaire, la Cour a conclu que le requérant avait subi un préjudice parce qu'il n'avait pas reçu immédiatement le formulaire approprié; le dépôt de ce dernier dans le délai prescrit aurait valu au requérant une appréciation plus favorable. En expliquant les motifs de la décision qu'elle avait rendue dans l'affaire Yee Chuen Choi, la Cour a cité une décision antérieure où il a été déterminé qu'il existait une obligation de fournir un formulaire à une personne tentant de parrainer l'admission d'un autre personne au Canada lorsque le droit de parrainer ne peut être exercé à défaut d'obtenir le formulaire prescrit des autorités de l'immigration. Dans le contexte, la Cour a poursuivi avec ce qui suit :

lorsque le gouvernement canadien s'engage, par l'entremise de ses agents, à fournir à ceux qui veulent immigrer des renseignements sur la façon de s'y prendre, il s'engage pour le moins à les bien renseigner. Cela ne signifie pas que les autorités canadiennes doivent faire l'exégèse détaillée de la loi et des procédures en matière d'immigration, ni fournir aux immigrants éventuels des avis juridiques sur les conséquences juridiques des choix offerts, mais il n'en reste pas moins que les autorités de l'immigration sont tenues en toute équité de fournir les renseignements fondamentaux sur les façons de faire une demande, et de rendre disponibles les formules appropriées [7] .

Le Tribunal est d'avis que la conclusion à laquelle il est arrivé dans l'affaire De Mers s'applique également au présent appel, c'est-à-dire que l'intimé était tenu de fournir le formulaire prescrit à l'appelant pour que ce dernier puisse présenter une demande de remboursement. Bien que le Tribunal n'ait pas accueilli l'appel dans De Mers, le Tribunal, dans le présent appel, arrive à la conclusion contraire. Le Tribunal est d'avis que, étant donné que l'intimé prescrit l'emploi du formulaire de demande de remboursement et que, de plus, l'appelant a tenté à de nombreuses reprises de se procurer ledit formulaire, mais n'a pu le faire à cause du défaut de Revenu Canada de le rendre disponible, l'appel doit être admis. Si l'appelant avait pu obtenir le formulaire lorsqu'il l'a initialement demandé, le Tribunal croit que l'appelant aurait fait sa demande de remboursement dans le délai prescrit. Le Tribunal est disposé, à la lumière des nombreuses tentatives faites par l'appelant pour se procurer le formulaire de demande, à considérer la demande comme étant réputée avoir été déposée dans le délai prescrit.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. À l'appui de son argument, l'appelant a invoqué, en partie, l'opinion dissidente du membre Gracey dans l'affaire De Mers Electric Limited c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-93-051, le 12 avril 1994.

3. N 15 (E) (1/89).

4. [1994] 1 C.F. 232.

5. L.R.C. (1985), ch. I-2.

6. [1992] 1 C.F. 763.

7. Ibid. aux pp. 769-770.


Publication initiale : le 21 avril 1998