USAIR, INC.

Décisions


USAIR, INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-94-317

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le vendredi 26 janvier 1996

Appel no AP-94-317

EU ÉGARD À un appel entendu le 22 juin 1995 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 7 octobre 1994 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

USAIR, INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national le 31 mars 1993 au montant de 1 159 732,14 $ relativement à des taxes de transport aérien impayées, intérêts et pénalités en sus, aux termes de l'article 12 de la Loi sur la taxe d'accise. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la totalité ou une partie du montant des forfaits «Visit USA», comprenant un point de destination au Canada et un départ subséquent pour les États-Unis et, de ce pays, une destination à l'étranger, est assujettie à la taxe de transport aérien. À titre d'exemple d'un itinéraire comprenant un point de destination au Canada et un départ subséquent du Canada, on a mentionné Paris—ville de New York—Ottawa—ville de New York—Paris.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le transport décrit dans l'exemple d'itinéraire comprenait un départ d'Ottawa, qui est un point situé au Canada. Les éléments de preuve montrent que l'escale à Ottawa avait pour objet de permettre au passager de visiter la ville et non simplement de prendre un vol de correspondance. Cela étant, le départ d'Ottawa ne résultait pas d'une escale de correspondance. De l'avis du Tribunal, lorsqu'un passager quitte Ottawa, la destination de ce passager est Paris, qui se trouve à l'extérieur de la zone de taxation. En d'autres termes, le voyage du passager prendra fin à Paris, peu importe le fait que l'aéronef, qui part d'Ottawa, atterrira à la ville de New York. Selon le Tribunal, l'escale à la ville de New York peut simplement être décrite comme une «escale intermédiaire», ce qui signifie simplement un arrêt au cours du voyage ou un arrêt au cours d'un voyage plus long avant l'arrêt final. Enfin, dans l'exemple d'itinéraire, le transport comprenait l'embarquement par une personne à un aéroport à Ottawa, qui est au Canada, à bord d'un aéronef pour un vol déterminé à destination d'un aéroport de la ville de New York, qui est à l'étranger, et le débarquement subséquent par la personne à cet aéroport.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 22 juin 1995 Date de la décision : Le 26 janvier 1996
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Desmond Hallissey, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Michel P. Granger
Ont comparu : Dan M. Fiorita, pour l'appelant Anne M. Turley, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national le 31 mars 1993. L'appelant s'est vu imposer une cotisation de 1 159 732,14 $ relativement à des taxes de transport aérien impayées, intérêts et pénalités en sus, aux termes de l'article 12 de la Loi. L'appelant a signifié un avis d'opposition daté du 28 juin 1993 que l'intimé a rejeté dans une décision rendue le 7 octobre 1994.

À l'audience, les avocats des deux parties ont convenu d'une série de faits entourant la présente affaire. Pour obtenir des renseignements supplémentaires, le Tribunal a également appelé comme témoin M. Stuart J. Statland, chef du service des taxes à USAir, Inc.

L'appelant est un transporteur aérien titulaire de licence qui offre des services de transport aérien à ses passagers. Son siège social est situé à Arlington (Virginie). Au cours de la période visée par la cotisation, l'appelant a vendu des forfaits promotionnels appelés «Visit USA» ou «VUSA», pour lesquels les billets devaient être achetés et établis à l'extérieur de l'Amérique du Nord. Ces billets permettaient aux détenteurs de voyager entre divers endroits aux États-Unis et, à l'occasion, de se rendre à un endroit au Canada à partir d'un endroit aux États-Unis. Le voyage débutait et se terminait à un endroit à l'étranger. Les forfaits permettaient aux passagers qui avaient acheté les billets de visiter chaque ville sur l'itinéraire pendant une période indéterminée. La seule restriction était que la durée totale du voyage ne devait pas dépasser 60 jours. À titre d'exemple d'un itinéraire comprenant un point de destination au Canada et un départ subséquent du Canada, on a mentionné Paris—ville de New York—Ottawa—ville de New York—Paris.

M. Statland a expliqué que les billets VUSA étaient vendus à l'étranger conjointement avec des billets transocéaniques internationaux. Selon lui, même si deux compagnies aériennes ou plus pouvaient participer E0… ces forfaits, il n'y avait qu'un seul billet. Cela étant, le détenteur du billet ne faisait qu'un seul voyage ou était transporté seulement une fois. Tous les vols étaient réservés lorsque le passager achetait le billet. Selon M. Statland, l'agence qui vendait les billets percevait normalement toutes les taxes applicables, y compris la taxe de transport aérien. Il a expliqué que tous les vols à l'intérieur de l'Amérique du Nord se faisaient avec USAir, alors que les vols transocéaniques se faisaient normalement avec une autre compagnie aérienne. Il a témoigné que, dans l'itinéraire fourni à titre d'exemple, la destination finale du vol déterminé partant d'Ottawa était la ville de New York, et non Paris.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la totalité ou une partie du montant des forfaits VUSA, comprenant un point de destination au Canada et un départ subséquent pour les États-Unis et, de ce pays, une destination à l'étranger, est assujettie à la taxe de transport aérien aux termes de l'article 12 de la Loi.

Aux fins du présent appel, les dispositions législatives pertinentes sont les articles 8 à 20 de la Loi. Les articles 8 et 12 se lisent, en partie, comme suit :

8. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

«zone de taxation»

a) Le Canada;

b) les États-Unis, à l'exception d'Hawaii;

c) les Îles Saint-Pierre et Miquelon.

12.(1) Une taxe de transport aérien, calculée selon l'article 13, est imposée, prélevée et perçue sur chaque montant payé ou payable au Canada en contrepartie du transport aérien d'une personne lorsque ce transport commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation.

(2) Une taxe de transport aérien, calculée selon l'article 13, est imposée, prélevée et perçue sur chaque montant payé ou payable à l'étranger en contrepartie du transport aérien d'une personne lorsque ce transport :

a) d'une part, commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation;

b) d'autre part, comporte l'embarquement à un aéroport au Canada à bord d'un aéronef pour un vol déterminé à destination d'un aéroport situé à l'étranger, et le débarquement à un aéroport situé à l'étranger.

La personne acquitte la taxe au moment de l'embarquement, à un aéroport situé au Canada et visé à l'alinéa b), à bord d'un aéronef également visé à cet alinéa, sauf si, la taxe ayant déjà été payée à un transporteur aérien titulaire de licence ou à son mandataire, la personne présente, selon les modalités réglementaires, la preuve de ce paiement à une personne relevant d'une catégorie visée à ce règlement.

(3) Pour l'application du paragraphe (1), le transport aérien commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation s'il comprend, en tout ou en partie, au moins un départ à partir d'un point situé dans la zone de taxation, à l'exclusion d'un départ résultant d'une escale de correspondance, vers une destination située à l'extérieur de la zone de taxation.

(4) Pour l'application du paragraphe (2), le transport aérien commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation s'il comprend, en tout ou en partie, au moins un départ à partir d'un point situé au Canada, à l'exclusion d'un départ résultant d'une escale de correspondance, vers une destination située à l'extérieur de la zone de taxation, qu'il y ait ou non des escales intermédiaires.

L'avocat de l'appelant a soutenu que l'intimé avait mal interprété les paragraphes 12(2) et 12(4) de la Loi en décidant que les forfaits VUSA, qui prévoyaient des départs à partir d'un point situé au Canada vers une destination située aux États-Unis, constituaient un transport aérien qui «commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation». Il a fait valoir que tous les vols partant du Canada se terminaient aux États-Unis, qui se trouvent dans la zone de taxation. Il a souligné que, dans l'itinéraire fourni comme exemple, la destination du vol déterminé à partir d'Ottawa ainsi que du passager était la ville de New York, et non Paris, qui est un point situé à l'extérieur de la zone de taxation. L'avocat a soutenu que la ville de New York ne constitue pas une «escale intermédiaire». Il a allégué que cette interprétation était contraire à la définition du terme figurant dans le Mémorandum de l'Accise ET 108 [2] (le Mémorandum ET 108). L'expression «escale intermédiaire» est définie comme «toute escale effectuée au cours d'un voyage aérien à un endroit autre que le point de destination du vol». Selon l'avocat, aucune partie d'un itinéraire VUSA ne renfermait un départ d'un point au Canada à destination d'un point à l'extérieur de la zone de taxation. Dans tous les cas, le départ à destination d'un point situé à l'extérieur de la zone de taxation se faisait à partir des États-Unis. En outre, l'avocat a souligné que, dans l'itinéraire donné comme exemple, le transport ou le voyage de 60 jours commençait à Paris, un point situé à l'extérieur de la zone de taxation.

L'avocate de l'intimé a soutenu qu'il incombe manifestement à l'appelant de prouver que la cotisation de l'intimé est incorrecte. Elle a fait valoir que, étant donné qu'il avait été satisfait à toutes les conditions des articles pertinents de la Loi, l'appelant s'était vu imposer une cotisation correcte relativement à des taxes de transport aérien impayées. Plus précisément, l'avocate a allégué que, dans l'exemple d'itinéraire présenté à des fins d'analyse, le coût du transport était payé ou payable à l'extérieur du Canada. En outre, le transport comprenait un départ d'Ottawa, qui est un point situé au Canada, et l'escale à Ottawa n'était pas une «escale de correspondance», car elle avait pour objet de permettre au passager de visiter la ville et non simplement de débarquer pour prendre un vol de correspondance. L'avocate a soutenu que le vol d'Ottawa partait pour Paris, qui est un point à l'extérieur de la zone de taxation. Selon elle, l'escale à la ville de New York constituait une «escale intermédiaire», et non une «escale de correspondance». Selon l'avocate, l'expression «escale intermédiaire» désigne une escale au cours du voyage, ou une escale pendant un voyage plus long avant d'arriver au point de destination final. Par conséquent, Paris, et non la ville de New York, était le point de destination final du vol déterminé qui partait d'Ottawa. L'avocate a soutenu que la Loi a pour objet d'imposer une taxe à un passager qui achète un billet prévoyant un départ d'un point au Canada, et non une taxe pour l'aéronef ou le vol déterminé.

En outre, l'avocate de l'intimé a fait valoir que la Loi est claire, et qu'il n'est pas nécessaire de se reporter à des sources extrinsèques, comme le Mémorandum ET 108, pour interpréter la signification courante des expressions «escale de correspondance» et «escale intermédiaire». Toutefois, au cas où le Tribunal jugerait que le paragraphe 12(4) de la Loi est ambigu, l'avocate a maintenu qu'il y aurait lieu de tenir compte de la signification donnée à ces termes par l'industrie, telle qu'énoncée par l'Office national des transports, et non du Mémorandum ET 108 qui, selon l'avocate, ne fait que confondre leurs significations courantes et ordinaires.

En l'espèce, l'intimé a imposé une taxe de transport aérien sur les montants payés ou payables à l'extérieur du Canada conformément au paragraphe 12(2) de la Loi, qui dispose que cette taxe doit être imposée, prélevée et perçue en contrepartie du transport aérien d'une personne, lorsque ce transport commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation.

Le paragraphe 12(4) de la Loi dispose que, pour l'application du paragraphe 12(2), le transport aérien commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation s'il comprend, en tout ou en partie, au moins un départ d'un point situé au Canada, à l'exclusion d'un départ résultant d'une escale de correspondance. En l'espèce, le transport décrit dans l'itinéraire donné comme exemple comprend un départ d'Ottawa, qui est un point situé au Canada. L'expression «escale de correspondance» n'est pas définie dans la Loi. Il est bien établi, toutefois, que «[l]es politiques et l'interprétation administratives ne sont pas déterminantes, mais elles ont une certaine valeur et, en cas de doute sur le sens de la législation, elles peuvent être un “facteur important” [3] ». À cet égard, le Tribunal s'est reporté au Mémorandum ET 108 qui définit «escale de correspondance» comme «tout arrêt à un aéroport par un aéronef, duquel le passager ne débarque que pour prendre un vol de correspondance». Les éléments de preuve montrent que l'escale à Ottawa avait pour objet de permettre au passager de visiter la ville et non simplement de prendre un vol de correspondance. Par conséquent, le départ d'Ottawa ne résultait pas d'une escale de correspondance.

Le paragraphe 12(4) de la Loi prévoit également que le départ doit se faire vers une destination située à l'extérieur de la zone de taxation, qu'il y ait ou non des escales intermédiaires. Le mot «destination» (destination) est défini dans The Oxford English Dictionary [4] comme «the place for which a person or thing is destined; the intended end of a journey or course [5] » ([traduction] l'endroit où doit se rendre une personne ou une chose; l'endroit où doit prendre fin un voyage). De l'avis du Tribunal, lorsqu'un passager quitte Ottawa, sa destination est Paris, qui se trouve à l'extérieur de la zone de taxation. En d'autres termes, le voyage du passager prendra fin à Paris, peu importe le fait que l'aéronef, qui part d'Ottawa, atterrira à la ville de New York. Le Tribunal est d'avis que l'escale à la ville de New York peut simplement être décrite comme une «escale intermédiaire». Cette expression est définie dans le Mémorandum ET 108 comme «toute escale effectuée au cours d'un voyage aérien à un endroit autre que le point de destination du vol». Les éléments de preuve montrent que l'objet de l'escale à la ville de New York était de permettre au passager de visiter la ville. Pour cette raison, la ville de New York n'est pas le point de destination final du passager, qui tôt ou tard arrivera à Paris. Par conséquent, le Tribunal n'accepte pas l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel il doit s'appuyer sur la définition de l'expression «escale intermédiaire» figurant dans le Mémorandum ET 108 ou, plus particulièrement, sur l'interprétation donnée par l'avocat à l'expression «vol déterminé». Le Tribunal convient avec l'avocate de l'intimé que cela créerait de la confusion dans la législation ou, plus particulièrement, dans la signification de l'alinéa 12(2)b) de la Loi, comme il est indiqué ci-après. Selon le Tribunal, l'expression «escale intermédiaire» signifie simplement un arrêt au cours du voyage ou un arrêt au cours d'un voyage plus long avant l'arrêt final. Le Tribunal fait remarquer qu'il n'est pas lié par les définitions figurant dans le Mémorandum ET 108 [6] . Par conséquent, le Tribunal conclut qu'il est fait satisfaction aux dispositions de l'alinéa 12(2)a) et que le transport commence à un point situé dans la zone de taxation, qui est Ottawa, et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation, qui est Paris.

L'alinéa 12(2)b) de la Loi prévoit que le transport doit comporter l'embarquement par une personne à un aéroport au Canada à bord d'un aéronef pour un vol déterminé à destination d'un aéroport situé à l'étranger, et le débarquement subséquent par une personne à un aéroport situé à l'étranger. Dans l'exemple d'itinéraire, le transport comprenait l'embarquement par une personne à un aéroport à Ottawa, qui est au Canada, à bord d'un aéronef pour un vol déterminé à destination d'un aéroport à la ville de New York, qui est situé à l'étranger, et le débarquement subséquent par la personne à cet aéroport. Il est donc fait satisfaction aux dispositions de l'alinéa 12(2)b).

Pour tous ces motifs, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15.

2. Instructions relatives à la taxe de transport aérien, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 31 mars 1989.

3. Gene A. Nowegijick c. Sa Majesté La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29 à la p. 37; et Smed Manufacturing Inc. c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP - 93 - 081, le 17 mai 1994, à la p. 6.

4. Deuxième éd., vol. IV, Oxford, Clarendon Press, 1989.

5. Ibid. à la p. 536.

6. Supra, note 3.


Publication initiale : le 28 août 1996