SIMARK CONTROLS LTD.

Décisions


SIMARK CONTROLS LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
ET
ASEA BROWN BOVERI INC. ET MEASUREX INC.
Appel no AP-94-329

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le jeudi 25 janvier 1996

AP-94-329SIMARK CONTROLS LTD.Lise BergeronRobert C. Coates, Q.C.Desmond HallisseyApril 27, 1995

Appel no AP-94-329

EU ÉGARD À UN APPEL ENTENDU LE 27 AVRIL 1995 AUX TERMES DE L'ARTICLE 67 DE LA LOI SUR LES DOUANES, L.R.C. (1985), CH. 1, (2E SUPPL.);

ET EU ÉGARD À UNE DéCISION RENDUE PAR LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL LE 16 JANVIER 1995 CONCERNANT UNE DEMANDE DE RéEXAMEN AUX TERMES DE L'ARTICLE 63 DE LA LOI SUR LES DOUANES.

ENTRE

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL INTIMé

ET

ASEA BROWN BOVERI INC. ET MEASUREX INC. INTERVENANTS

L'appel est admis.


Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre présidant

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si deux modèles de marchandises décrites comme étant des débitmètres à turbine, soit le compteur en acier ordinaire à face surélevée et le compteur EZ - IN, sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9026.10.99 à titre d'autres débitmètres, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 9026.10.10 à titre de débitmètres électriques, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis. Les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9026.90.92 à titre de parties de débitmètres électriques. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des parties de débitmètres à turbine, étant donné qu'elles ne peuvent remplir la fonction qui leur est destinée que lorsqu'elles sont munies d'un capteur magnétique et lorsqu'elles sont reliées à un lecteur externe. Cela étant, elles sont essentielles au fonctionnement des débitmètres à turbine, dont elles constituent des composantes nécessaires et intégrantes. Pour déterminer le classement approprié des débitmètres à turbine mêmes, le Tribunal s'est appuyé sur la Note supplémentaire 3 du Chapitre 90 de l'annexe I du Tarif des douanes, qui prévoit qu'aux fins du Chapitre 90, le fonctionnement d'un instrument ou d'un appareil «électrique[s]» dépend d'un phénomène électrique qui varie selon un facteur à être déterminé. Le Tribunal conclut que la production d'une impulsion électrique dans un débitmètre à turbine est un phénomène électrique, que la fréquence de production d'une impulsion électrique varie selon le débit d'eau qui traverse le débitmètre à turbine et que le fonctionnement du débitmètre à turbine dépend de la production de l'impulsion électrique, sans laquelle il serait impossible de mesurer le débit du liquide.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 27 avril 1995 Date de la décision : Le 25 janvier 1996
Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant Robert C. Coates, c.r., membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Douglas J. Bowering, pour l'appelant Ian McCowan, pour l'intimé John R. Peillard, pour les intervenants





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi). La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si deux modèles de marchandises décrites comme étant des débitmètres à turbine, soit le compteur en acier ordinaire à face surélevée et le compteur EZ-IN, sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9026.10.99 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres débitmètres, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 9026.10.10 à titre de débitmètres électriques, comme l'a soutenu l'appelant.

Voici les dispositions pertinentes de l'annexe I du Tarif des douanes:

90.26 Instruments et appareils pour la mesure ou le contrôle du débit, du niveau, de la pression ou d'autres caractéristiques variables des liquides ou des gaz (débitmètres, indicateurs de niveau, manomètres, compteurs de chaleur, par exemple), à l'exclusion des instruments et appareils des n os 90.14, 90.15, 90.28 ou 90.32.

9026.10-Pour la mesure ou le contrôle du débit ou du niveau des liquides

9026.10.10---Débitmètres électriques

---Autres :

9026.10.91----Instruments et appareils à commande électrique

9026.10.99----Autres

9026.90-Parties et accessoires

---Autres :

9026.90.92----Des marchandises du n o tarifaire 9026.10.10

L'appelant et l'intimé ont tous deux convenu que les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position no 9026.10. Toutefois, ils ne s'entendaient pas sur le classement au niveau du numéro tarifaire, soit à titre de débitmètres «électriques» ou à titre d'«autres» débitmètres.

M. Peter R. Frise, professeur agrégé, Département du génie mécanique et aérospatial, Université Carleton, a comparu à titre de tE9‚moin expert en débitmétrie hydraulique. Il a affirmé qu'il connaît bien le mode d'utilisation et de fonctionnement des débitmètres à turbine Halliburton. À l'aide d'une maquette en coupe de l'une des marchandises en cause, M. Frise a expliqué que l'instrument renferme une petite turbine, semblable à une hélice, qui tourne sous la pression du liquide qui s'écoule dans l'instrument, et que la vitesse de rotation de l'aube est directement reliée à la vitesse à laquelle le liquide s'écoule. Les aubes de la turbine passent dans le champ magnétique induit par un capteur magnétique, ce qui produit une impulsion de courant dans une bobine entourant le capteur magnétique. L'impulsion est ensuite transmise à un circuit de comptage électronique, qui compte les impulsions, et le compte est converti en une valeur que le dispositif de lecture électrique peut afficher. M. Frise a souscrit à la définition suivante de débitmètre : «an instrument for measuring the velocity of flow of a liquid in a pipe [3] » ([traduction] instrument permettant de mesurer la vitesse d'écoulement d'un liquide dans une conduite).

Le représentant de l'appelant a confirmé que les marchandises en cause n'étaient pas munies de capteurs magnétiques au moment de leur importation et qu'elles étaient composées uniquement d'un corps en acier inoxydable et d'une hélice. M. Frise a expliqué que, sans les capteurs magnétiques et les circuits électroniques connexes, comme un indicateur numérique ou un mécanisme d'horlogerie, les marchandises en cause ne sont pas des débitmètres et ne mesurent ni n'indiquent quoi que ce soit. À son avis, les marchandises en cause, munies de capteurs magnétiques et de circuits électroniques connexes, sont des appareils électriques.

M. Frise a souscrit à la définition de «phenomenon» ([traduction] phénomène) présentée par le représentant de l'appelant comme «a fact or event of scientific interest susceptible of scientific description and explanation [4] » ([traduction] un fait ou un événement d'intérêt scientifique susceptible de description et d'explication scientifiques). En outre, il a affirmé qu'à son avis, dans un contexte scientifique ou un contexte technique, un «phénomène» peut être n'importe quoi, et que la fréquence des impulsions générées par l'écoulement d'un liquide dans un débitmètre est un phénomène.

En réponse aux questions de l'avocat de l'intimé, M. Frise a convenu qu'il existe différents types de débitmètres et que certains fonctionnent selon des principes mécaniques, certains selon des principes électriques et certains selon une combinaison de principes mécaniques et électriques. En ce qui concerne plus spécifiquement les marchandises en cause, M. Frise était d'avis que la rotation de l'hélice est un phénomène mécanique et que le nombre d'impulsions est déterminé par l'action mécanique de la rotation de l'hélice, laquelle, à son tour, est déterminée par la vitesse d'écoulement du liquide. Il s'est également dit d'avis que la production de l'impulsion par le mouvement de l'hélice est un phénomène électrique.

L'avocat de l'intimé a renvoyé M. Frise à un autre type de débitmètre, soit un débitmètre magnétique, qui est couramment utilisé dans l'industrie des pâtes et papiers. Le liquide qui coule dans ces types de débitmètres est lui-même un conducteur. Le débitmètre ne renferme aucune pièce qui pourrait gêner l'écoulement du liquide. Plutôt, la canalisation est faite d'un matériau non conducteur, comme du plastique, et elle est entourée de bobines magnétiques. M. Frise a affirmé que le phénomène qui produit la valeur affichée dans un débitmètre magnétique est le même phénomène que celui qui produit la valeur affichée dans les marchandises en cause. Selon lui, un débitmètre magnétique est un type de débitmètre électrique qui ne comporte pas de dispositif mécanique.

M. Gilles Bouchard, ingénieur en mécanique et spécialiste en régulation industrielle auprès de Sandwell Inc., a comparu pour le compte de l'intimé et a été reconnu par le Tribunal à titre de témoin expert dans le domaine de l'instrumentation et des appareils de régulation industrielle, y compris les débitmètres. Dans son rapport d'expertise, ainsi que dans son témoignage à l'audience, M. Bouchard a avancé que [traduction] «le fonctionnement du débitmètre à turbine ne dépend pas d'un phénomène électrique, mais plutôt d'une action mécanique proportionnelle au débit massique qui est ensuite convertie en impulsions électriques» et [traduction] «[qu']aucune alimentation électrique n'est nécessaire pour faire fonctionner un débitmètre à turbine».

En décrivant le fonctionnement des marchandises en cause, M. Bouchard a affirmé qu'il y a un certain mouvement d'écoulement à l'intérieur du tube et que les aubes de la turbine sont mises en mouvement par un aimant soumis à un courant induit. La bobine de captage dans l'aimant convertit la rotation des aubes de la turbine en impulsions. Selon M. Bouchard, il n'y a aucune différence d'une impulsion à l'autre, et le débit est en fait mesuré selon l'intervalle entre les impulsions, c'est-à-dire le nombre d'impulsions, divisé par le temps, et non selon les impulsions elles-mêmes. Selon M. Bouchard, la méthode de mesure des marchandises en cause n'est pas un phénomène électrique, étant donné que les impulsions sont invariantes et qu'il n'y a pas d'alimentation électrique au débitmètre. Au cours du contre-interrogatoire, M. Bouchard a reconnu que la production d'une impulsion est un phénomène électrique, mais il a ajouté que, selon lui, pour qu'elles soient considérées comme des débitmètres électriques, les marchandises en cause doivent recevoir une excitation externe.

À des fins de comparaison, M. Bouchard a mentionné divers types de débitmètres qui, à son avis, dépendent effectivement d'un phénomène électrique, contrairement aux marchandises en cause. Premièrement, M. Bouchard a décrit les débitmètres magnétiques qui, selon lui, sont beaucoup utilisés dans l'industrie des pâtes et papiers. Il les a décrits comme des appareils composés d'un tube dans lequel s'écoule un liquide. Le liquide qui s'écoule dans le tube est un conducteur, et il est soumis à un courant d'excitation qui le traverse. Le mouvement du liquide dans ce courant d'excitation produit sur les bobines de captage un signal en tension continu proportionnel au débit. La bobine de captage crée ensuite un champ magnétique. M. Bouchard a affirmé que, dans ce type de débitmètre, la tension est le phénomène qui varie.

M. Bouchard a également décrit des débitmètres de pression. Il a affirmé que ces débitmètres créent une pression, qui est fondamentalement une différence de pression. Cette différence est ensuite interprétée par une jauge ou par un convertisseur ou un transducteur. Un courant électrique traverse la cellule dans le transducteur. De l'avis de M. Bouchard, le courant qui traverse la cellule est un phénomène électrique, car il varie selon la pression qui est exercée sur lui.

Dans sa plaidoirie, le représentant de l'appelant a analysé le libellé de la position no 90.26 ainsi que les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [5] (les Notes explicatives) pertinentes. Les Notes explicatives de la position no 90.26 prévoient que «[l]es appareils compris [dans la position no 90.26] peuvent comporter notamment des enregistreurs, des organes de signalisation ou des dispositifs optiques de lecture. Ils peuvent également transmettre à distance l'information recueillie par l'intermédiaire d'un dispositif de sortie approprié (électrique, pneumatique ou hydraulique)». Le représentant a souligné le fait que les Notes explicatives prévoient que les instruments et les appareils compris dans la position no 90.26 «peuvent» comporter ces éléments, mais qu'il n'est pas nécessaire qu'ils en soient munis pour être classés dans la position no 90.26. Le représentant a ajouté que l'on traite expressément des débitmètres au paragraphe I(A) des Notes explicatives de la position no 90.26, qui disposent que les débitmètres «sont des indicateurs de débits (quantités par unité de temps) utilisés [...] pour la mesure de courants». S'arrêtant tout particulièrement au mot «indicateurs», le représentant a allégué qu'un débitmètre électrique compris dans le numéro tarifaire 90.26.10.10 doit être considéré comme la combinaison complète des marchandises nécessaires pour mesurer le débit.

Le représentant de l'appelant a également mentionné les Notes explicatives du Chapitre 90 qui, dans la Partie III intitulée «Parties et accessoires», disposent que «les parties et accessoires reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux machines, appareils ou instruments du présent Chapitre, sont classés avec ceux-ci.» Il a fait valoir que les marchandises en cause sont des composantes de débitm 8Štres à turbine, lesquels comportent à la fois des dispositifs de mesure et des dispositifs d'indication. Le représentant s'est également reporté à la décision de la Commission du tarif dans Simark Controls Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [6] , et il a attiré l'attention du Tribunal sur l'extrait suivant de cette décision :

Dans le présent appel, même si les marchandises importées sont appelées des compteurs, elles ne peuvent ni mesurer ni enregistrer des quantités à moins d'être utilisées avec un capteur de vitesse électro-magnétique et un enregistreur. Lorsque les marchandises sont ainsi utilisées, la combinaison de leurs fonctions fait qu'elles peuvent servir de compteur. Les marchandises en question n'ont aucune fonction autre que celle d'être des pièces composantes d'un compteur qui ne peut fonctionner sans elles. Les appareils doivent donc être considérés comme des pièces de compteurs [7] .

Enfin, le représentant de l'appelant s'en est remis aux Notes supplémentaires du Chapitre 90 de l'annexe I du Tarif des douanes. La Note supplémentaire 3 prévoit ce qui suit :

Au sens des n os tarifaires du présent Chapitre, le terme «électrique» lorsqu'il se rapporte aux instruments, appareils et machines désigne ceux dont le fonctionnement dépend d'un phénomène électrique qui varie selon un facteur à être déterminé.

Le représentant a allégué que ce sont les impulsions électriques qui sont effectivement mesurées et qu'elles sont directement proportionnelles au débit, qui est le facteur à être déterminé.

À l'appui de la position de l'appelant, le représentant des intervenants, qui utilisent des débitmètres comme parties des appareils qu'ils vendent au Canada à l'industrie des pâtes et papiers, a fait valoir que la Note 3 des Notes supplémentaires du Chapitre 90 ne renferme aucune disposition restrictive prévoyant qu'aucune partie du fonctionnement du dispositif ne peut être d'origine mécanique. Il s'est reporté à la définition suivante du mot «electrical» (électrique) : «[r]elating to electricity [8] » ([traduction] relatif à l'électricité).

Le représentant des intervenants a également souligné le mot «indicateurs» dans les Notes explicatives, ajoutant que la Règle 2 a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [9] (les Règles générales) traite expressément d'articles incomplets comme les marchandises en cause. Il a soutenu que les marchandises en cause sont non seulement des parties de débitmètres à turbine, mais aussi des débitmètres incomplets. Il a allégué que, selon la façon dont elles sont conçues, les tours des marchandises en cause doivent être munies de capteurs magnétiques.

Enfin, le représentant des intervenants s'est reporté aux Notes explicatives du Chapitre 90, à la partie IV intitulée «Unités fonctionnelles». En particulier, il a mentionné la Note 3 du Chapitre 90, qui précise que les dispositions de la Note 4 de la Section XVI s'appliquent au Chapitre 90. La Note 4 de la Section XVI prévoit ce qui suit :

Lorsqu'une machine ou une combinaison de machines sont constituées par des éléments distincts (même séparés ou reliés entre eux par des conduites, des dispositifs de transmission, des câbles électriques ou autre aménagement) en vue d'assurer concurremment une fonction bien déterminée comprise dans l'une des positions du Chapitre 84 ou du Chapitre 85, l'ensemble est à classer dans la position correspondant à la fonction qu'il assure.

Il a soutenu que la sous-position no 9026.10, qui inclut les débitmètres, renvoie à une combinaison de dispositifs qui sont distincts, mais qui sont reliés entre eux et qui doivent manifestement être utilisés ensemble pour pouvoir assurer une fonction déterminée. À l'appui de cette position, il s'est reporté à la décision de la Commission du tarif dans Landis and Gyr Inc. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [10] , où la Commission a conclu que la combinaison d'un transmetteur et d'un amplificateur ou d'un lecteur, installés aux deux extrémités d'une ligne de transmission d'énergie et situés à des milles de distance l'un de l'autre, pourrait être considérée comme un instrument de mesure électrique.

L'avocat de l'intimé a allégué que les débitmètres se composent des marchandises en cause et de capteurs magnétiques, et qu'ils ne comprennent pas les lecteurs, qu'il s'agisse d'un compteur, d'un ordinateur, etc. Pour appuyer cette position, l'avocat s'est reporté à la documentation sur les marchandises contenue dans les mémoires de l'appelant et de l'intimé et qui, à son avis, montre que les marchandises commercialisées, mises en valeur et annoncées comme des débitmètres comprennent un capteur magnétique. En outre, l'avocat a signalé que, dans leurs mémoires, l'appelant et les intervenants ont souscrit à sa définition de ce qui constitue un débitmètre. En particulier, il a cité l'énoncé dans le mémoire des intervenants, selon lequel «[t]he Haliburton [sic] flowmeters are designed for use with the Haliburton [sic] electronic readout» ([traduction] les débitmètres Halliburton sont conçus pour être utilisés avec un lecteur électronique Halliburton). L'avocat a aussi soutenu que les Notes explicatives de la position no 90.26 confirment cette opinion, car elles prévoient que les instruments et les appareils compris dans cette position «peuvent comporter notamment des enregistreurs, des organes de signalisation ou des dispositifs optiques de lecture.»

L'avocat de l'intimé a soutenu que la décision de la Commission du tarif dans l'affaire Simark est peu utile dans le présent appel, car elle est antérieure à l'introduction de la Note supplémentaire 3 du Chapitre 90, et l'extrait cité de cette décision, sur lequel s'appuyait le représentant de l'appelant, est tiré d'un jugement dissident.

Enfin, l'avocat de l'intimé a fait valoir que le fait que la nomenclature tarifaire fait une distinction entre les débitmètres électriques et les débitmètres non électriques indique qu'il faut établir une distinction. De l'avis de l'avocat, le libellé de la définition du mot «électrique» dans la Note supplémentaire 3 du Chapitre 90 joue un rôle déterminant dans le classement des marchandises en cause. L'avocat a soutenu que, selon la définition, pour être considéré comme un instrument ou un appareil électriques aux termes du Chapitre 90, le fonctionnement de l'appareil ou de l'instrument doit dépendre d'un phénomène électrique qui varie selon le facteur à être déterminé. L'avocat a soutenu que le facteur à être déterminé par les marchandises en cause, c'est-à-dire l'intervalle entre les impulsions, n'est pas un phénomène électrique qui varie.

En se fondant sur les témoignages des témoins experts tant de l'appelant que de l'intimé, le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause sont des parties des débitmètres à turbine Halliburton EZ-IN de la série BF. Même s'il n'y a pas de critère universellement applicable pour déterminer si une marchandise est une partie d'une autre marchandise, et que chaque cause doit être jugée selon ses particularités propres [11] , le Tribunal a jugé que les facteurs suivants étaient pertinents pour déterminer si une marchandise est une partie : 1) si la marchandise est essentielle au fonctionnement d'une autre marchandise; 2) si la marchandise est une composante nécessaire et intégrante d'une autre marchandise; 3) si la marchandise est installée sur l'autre marchandise; et 4) les pratiques et usages commerciaux courants [12] . Comme l'ont mentionné les deux témoins experts, les marchandises en cause ne peuvent remplir la fonction qui leur est destinée, c'est-à-dire mesurer le débit d'un liquide, que lorsqu'elles sont munies d'un capteur magnétique et lorsqu'elles sont reliées à un lecteur externe. En outre, selon la documentation sur les marchandises incluses dans les mémoires tant de l'appelant que de l'intimé, pour une application donnée, le débitmètre à turbine Halliburton EZ-IN de la série BF se compose d'un débitmètre à turbine, d'un capteur et d'un lecteur électronique. La documentation pertinente précise ce qui suit à cet égard :

Le débitmètre Halliburton EZ-IN de la série BF est d'une précision remarquable pour une vaste gamme d'applications nécessitant des compteurs industriels. Instrument de mesure des liquides monté sur le réseau, le débitmètre à turbine se compose d'une turbine de précision dotée d'un arbre et de coussinets en carbure de tungstène, qui est entraînée par un liquide qui traverse le corps de l'appareil. Les aubes de la turbine, qui tournent à une vitesse directement proportionnelle au débit, coupent les lignes de force magnétique d'un capteur (un aimant permanent entouré d'une bobine électrique). Les impulsions électriques sont transmises à l'instrument de mesure utilisé dans le système. Le débitmètre à turbine Halliburton est conçu pour être utilisé avec les lecteurs électroniques Halliburton.

[Traduction]

À ce titre, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont essentielles au fonctionnement des débitmètres à turbine, qu'elles sont des composantes nécessaires et intégrantes de ces débitmètres et, par conséquent, qu'elles en constituent des parties.

Ayant conclu que les marchandises en cause sont des parties de débitmètres à turbine, le Tribunal doit aussi déterminer si les débitmètres à turbine constituent des débitmètres «électriques», prévus dans le numéro tarifaire 9026.10.10, ou d'«autres» débitmètres, dans le numéro tarifaire 9026.10.99. Le Tribunal juge la Note supplémentaire 3 du Chapitre 90 utile pour l'interprétation du mot «électriques» dans le numéro tarifaire 9026.10.10. La Note supplémentaire 3 prévoit qu'aux fins du Chapitre 90, le fonctionnement d'un instrument ou d'un appareil «électrique[s]» dépend d'un phénomène électrique qui varie selon un facteur à être déterminé. Le Tribunal est d'avis que les débitmètres à turbine répondent à cette définition. Selon la définition de «phénomène» présentée par le représentant de l'appelant, c'est «a fact or event of scientific interest susceptible of scientific description and explanation [13] » ([traduction] un fait ou un événement d'intérêt scientifique susceptible de description et d'explication scientifiques). Le Tribunal conclut que la production d'une impulsion électrique dans un débitmètre à turbine est un phénomène électrique. En outre, le Tribunal convient avec les deux témoins experts que la fréquence de production d'une impulsion électrique varie selon le débit d'eau qui traverse le débitmètre à turbine. Enfin, le Tribunal conclut que le fonctionnement du débitmètre à turbine dépend de la production de l'impulsion électrique, sans laquelle il serait impossible de mesurer le débit du liquide.

Par conséquent, l'appel est admis. Les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9026.90.92 à titre de parties de débitmètres électriques.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

3. Webster’s Third New International Dictionary of the English Language , Springfield, Merriam - Webster, 1986 à la p. 876.

4. Ibid . à la p. 1696.

5. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1986.

6. (1985), 10 R.C.T. 221.

7. Ibid. à la p. 227

8. The Concise Oxford Dictionary of Current English , 5 e éd., Oxford, Clarendon Press, 1964 à la p. 392.

9. Supra , note 2, annexe I.

10. Version française non publiée, appel n o 708, le 23 décembre 1963.

11. Voir York Barbell Company Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP - 90 - 161, le 19 août 1991.

12. Ces facteurs ont déjà été appliqués par le Tribunal dans York Barbell, ibid.; Hoover Canada, A Division of MH Canadian Holdings Limited c. Le sous-ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP - 93 - 128, le 14 juillet 1994; et SnyderGeneral Canada Inc. c. Le sous--ministre du Revenu national , Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP - 92 - 091, le 19 septembre 1994.

13. Supra , note 4.


Publication initiale : le 10 octobre 1996