DOUBLE N EARTH MOVERS LTD.

Décisions


DOUBLE N EARTH MOVERS LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-94-327

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 19 décembre 1996

Appel n o AP-94-327

EU ÉGARD À un appel entendu le 4 mars 1996 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 10 septembre 1993 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

DOUBLE N EARTH MOVERS LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Anita Szlazak ______ Anita Szlazak Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant exploite une société de construction spécialisée dans le terrassement, dont les activités principales sont la construction de voies de circulation ainsi que le décapage et la remise en place des sols pour les propriétaires et exploitants de gravières. Dans les activités en question, l'appelant exploite une flotte de décapeuses automotrices qui ramassent la terre végétale et les morts-terrains pour les déplacer et les déposer dans des zones déjà excavées. La principale question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les activités en question entrent dans le champ de la définition de l'expression «opérations minières», énoncée au paragraphe 69(1) de la Loi sur la taxe d'accise, rendant ainsi l'appelant admissible à recevoir la ristourne de taxe sur le carburant consommé dans le cadre des activités en question. Plus précisément, le Tribunal doit déterminer si lesdites activités constituent une «récupération, en vue d'autres utilisations, de terrains miniers exploités à ciel ouvert».

DÉCISION : L'appel est rejeté. De l'avis du Tribunal, une simple lecture de la définition d'«opérations minières» dans la Loi sur la taxe d'accise mène à la conclusion que les coûts engagés pour le carburant à l'étape de la mise en valeur de la mine ne sont pas admissibles à la ristourne de taxe sur le carburant, même s'ils sont liés à des aspects admissibles de l'exploitation.

Lieu de l'audience : Edmonton (Alberta) Date de l'audience : Le 4 mars 1996 Date de la décision : Le 19 décembre 1996
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Desmond Hallissey, membre Anita Szlazak, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Frans F. Slatter et Douglas R. Densmore, pour l'appelant Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national le 10 septembre 1993.

L'appelant exploite une société de construction spécialisée dans le terrassement, dont les activités principales sont la construction de voies de circulation ainsi que le décapage et la remise en place des sols pour les propriétaires et exploitants de gravières. Dans les activités en question, l'appelant exploite une flotte de décapeuses automotrices qui ramassent la terre végétale et les morts-terrains pour les déplacer et les déposer dans des zones déjà excavées.

Le 17 novembre 1988, l'appelant a déposé une demande de ristourne de taxe sur le carburant de 5 000,00 $ pour du carburant consommé au cours de la période du 17 novembre 1984 au 17 novembre 1988. L'appelant a alors indiqué qu'il présentait une demande provisoire et que sa demande principale suivrait. Il semblerait que la deuxième demande n'ait jamais été déposée. Le 14 août 1990, par un avis de détermination, la demande de ristourne de l'appelant a été refusée pour diverses raisons, notamment que le gravier n'est pas une «ressource minérale» et que les opérations de l'appelant ne constituent pas des activités d'«opérations minières». Le 12 octobre 1990, par un avis d'opposition, l'appelant s'est opposé à la détermination et a indiqué que la somme en litige était de 83 629,48 $. Le 10 septembre 1993, par un avis de décision, l'intimé a admis en partie l'opposition de l'appelant et a annulé l'avis de détermination. Ce faisant, l'intimé n'a pas admis, entre autres, la portion de l'opposition de l'appelant concernant l'enlèvement des morts-terrains des gravières, mais il a admis la portion de l'opposition concernant le replacement des morts-terrains sur les aires déjà excavées. La somme accordée s'élevait à 13 213,91 $.

La principale question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les activités en question entrent dans le champ de la définition de l'expression «opérations minières», énoncée au paragraphe 69(1) de la Loi, rendant ainsi l'appelant admissible à recevoir la ristourne de taxe sur le carburant consommé dans le cadre des activités en question. Plus précisément, le Tribunal doit déterminer si lesdites activités constituent une «récupération, en vue d'autres utilisations, de terrains miniers exploités à ciel ouvert».

L'article 69 de la Loi prévoit que les personnes admissibles peuvent demander la ristourne de taxe sur l'essence ou le combustible diesel consommé en vue de certaines utilisations finales, y compris le carburant utilisé dans les opérations minières. Le paragraphe 69(1) de la Loi définit «opérations minières» comme suit :

«opérations minières» L'extraction de minéraux d'une ressource minérale, le traitement, jusqu'au stade du métal primaire ou son équivalent, des minerais, autres que le minerai de fer, provenant d'une ressource minérale, le traitement, jusqu'au stade de la boulette ou son équivalent, du minerai de fer provenant d'une ressource minérale et la récupération, en vue d'autres utilisations, de terrains miniers exploités à ciel ouvert, à l'exclusion des activités relatives à l'exploration en vue de la découverte de ressources minérales ou à la mise en valeur de celles-ci.

L'avocat de l'intimé a soulevé une question préliminaire concernant la compétence du Tribunal à entendre l'appel. Le Tribunal a déclaré qu'il entendrait les exposés des parties sur cette question, réserverait sa décision jusqu'à ce que ses motifs soient communiqués et entendrait les éléments de preuve et les plaidoiries sur le reste des questions en litige dans le présent appel. Les parties ont convenu de procéder selon la proposition du Tribunal.

L'avocat de l'intimé a soutenu que, aux termes de l'article 81.19 de la Loi, un appelant ne peut interjeter appel que d'une détermination de l'intimé rendue aux termes du paragraphe 72(4) de la Loi. À cet égard, l'avocat a cité le passage suivant de la décision du Tribunal dans l'affaire Essex Topcrop Sales Limited c. Le ministre du Revenu nationa l [2] :

Comme l'appel de la décision du Ministre, rendue conformément au paragraphe 72(4) de la Loi, se fonde sur l'article 81.19 de la Loi, la réclamation de l'appelant se limite aux sommes effectivement payées par erreur et dont il a demandé le remboursement [3] .

L'avocat a soutenu que, puisque l'intimé a accordé une ristourne qui excède le montant de la demande de ristourne de l'appelant et que la détermination a été annulée par la décision, le Tribunal n'a plus rien à examiner.

L'avocat et le conseiller de l'appelant ont soutenu que, pris ensemble, les paragraphes 81.17(5) et (6) et l'article 81.18 de la Loi indiquent qu'un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 est lié à la question du «montant payable», s'il en est, au contribuable qui en appelle de la décision de l'intimé. Dans la présente affaire, la question en litige est spécifiquement liée à l'admissibilité de l'appelant à recevoir une ristourne, c'est-à-dire si les activités en question sont exonérées de la taxe et donc liées au «montant payable» à l'appelant relativement à ces activités. De plus, le montant de la ristourne mentionné dans la demande n'est pas pertinent quant à la détermination de la question en litige devant le Tribunal. La conduite de l'intimé le montre. Même si la demande de ristourne était établie à 5 000 $, l'intimé a versé à l'appelant plus de 13 000 $. L'avocat et le conseiller ont fait valoir que cela indiquait la reconnaissance par l'intimé que la Loi lui prescrit de déterminer le montant payable et de le payer, même s'il dépasse le montant demandé.

Le Tribunal observe que les faits montrent que la demande de ristourne était de 5 000,00 $. Cependant, il apparaît manifeste au Tribunal que la décision de l'intimé reflète la perception de ce dernier que le montant en cause dépasse de beaucoup 5 000,00 $. Le Tribunal comprend mal comment l'intimé peut reconnaître cette perception en déterminant que le montant payable à l'égard de l'opposition de l'appelant est supérieur au montant demandé puis, ensuite, ajouter qu'il ne peut être interjeté appel de la décision parce que le montant demandé était moindre, d'autant plus que la détermination n'a pas touché à la question du montant. La question en litige devant le Tribunal porte sur la détermination qui a mené à l'opposition par l'appelant et sur la décision de l'intimé à l'égard de l'opposition de l'appelant à cette détermination. La décision a été que le «montant payable» conformément à la Loi était de 13 213,91 $. L'appelant s'interroge sur la façon dont l'intimé a déterminé le montant susmentionné et a interjeté appel de la décision auprès du Tribunal aux termes de l'article 81.19 de la Loi. Le Tribunal est donc d'avis qu'il a compétence pour entendre l'affaire.

L'avocat et le conseiller de l'appelant ont convoqué trois témoins. Le premier témoin a été M. Robert J. Tochor, gestionnaire de contrats chez Selene Contractors Ltd., le nom sous lequel l'appelant exerce maintenant ses activités commerciales. M. Tochor a expliqué que l'appelant est un entrepreneur en terrassement qui effectue une quantité considérable de décapage de morts-terrains et de travaux dans les gravières dans la région d'Edmonton (Alberta). Il a aussi expliqué comment l'appelant doit habituellement soumissionner les contrats, en général saisonniers, de décapage de morts-terrains. Quant à la méthode concrète de travail de l'appelant, il a expliqué qu'une gravière est généralement recouverte de différentes couches de matières ou de morts-terrains, et qu'il faut enlever ces dernières pour y accéder. Il existe en général trois couches de morts-terrains : 1) la couche supérieure ou arable, 2) la rhizosphère et 3) l'argile, située immédiatement au-dessus du gravier.

M. Tochor a indiqué que le propriétaire de la gravière demande aux entrepreneurs, comme l'appelant, d'enlever les diverses couches d'une manière précise pour que les terrains exploités puissent plus tard être récupérés, en vue d'autres utilisations. Cela signifie que les trois couches doivent être gardées séparées pour pouvoir les replacer plus tard l'une par-dessus l'autre. Il a également déclaré que, à sa connaissance, le gouvernement de l'Alberta exige la récupération, en vue d'autres utilisations, des terrains après leur exploitation. Cela se fait par une méthode de décapage en continu dans laquelle les parties de la carrière déjà exploitées sont remblayées à mesure que le site se déplace et suit le banc de gravier. Selon M. Tochor, l'enlèvement d'une couche de morts-terrains dans une partie de la carrière et son dépôt dans une partie antérieurement excavée du site ne constitue pas deux activités distinctes, mais une seule.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Tochor a expliqué que, lorsqu'une nouvelle carrière est ouverte, les premières couches de morts-terrains doivent être mises en dépôt jusqu'à ce qu'il y ait une aire excavée où elles peuvent être déposées. Il a également convenu que les morts-terrains ne sont pas enlevés à des fins de remise en état du terrain, mais pour accéder au banc de gravier à exploiter.

Le deuxième témoin de l'appelant a été M. Dan C. Fouts, directeur de district depuis 1981 chez Twin Bridge Gravel Contracting Ltd. (TBG Contracting). M. Fouts a déclaré que TBG Contracting œuvrait dans le domaine de la mise en valeur et de la production d'agrégats, notamment le gravier et le sable. Il a précisé que TBG Contracting était l'un des propriétaires de gravière qui accordait les contrats en vue desquels l'appelant a présenté des soumissions qui ont parfois été retenues.

M. Fouts a déclaré que les lois provinciales sur l'environnement en vigueur durant la période visée par la demande de ristourne exigeaient que les terrains exploités soient retournés à un état comparable à celui d'avant l'exploitation. À cet égard, les propriétaires de carrière devaient déposer un plan de remise en état auprès du gouvernement provincial. Le plan prévoyait la remise en état en continu du site de la carrière, au fur et à mesure que le gravier était enlevé. M. Fouts s'est dit d'avis que l'activité de remise en état d'un site donné commence dès le début de l'excavation et que le procédé en continu de remise en état ne représente qu'une seule activité, et non deux.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Fouts a fait observer que, bien que l'enlèvement des morts-terrains facilitait en effet l'enlèvement du gravier, il est improbable que TBG Contracting aurait obtenu la permission d'enlever le gravier sans remettre le site de la gravière en état. Ainsi, chaque aspect de l'activité contribuait à l'autre, en un seul procédé continu.

Le troisième témoin de l'appelant a été M. Leonard J. Knapik, président de la société Pedocan Land Evaluation Ltd., qui fournit des services de conseil sur les divers aspects de l'activité de remise en état des sols par les sociétés minières, pétrolières et gazières, et autres. M. Knapik a constitué sa société en 1967 et possède une longue expérience et une formation approfondie dans le domaine. Le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert en restauration des mines à ciel ouvert.

M. Knapik a d'abord discuté de l'usage des termes «récupération», «remise en état» et «restauration» qui, a-t-il dit, ont une signification technique différente. M. Knapik a exprimé l'avis que la définition d'«opérations minières» énoncée dans la Loi faisait un usage mélangé et confus du terme «récupération», puisque la notion représentée en réalité en est plutôt une de «remise en état». M. Knapik a expliqué la nature de l'exigence prévue par les lois de l'Alberta quant à la restauration des gravières. D'une façon générale, la loi prévoit que ces terrains, après leur restauration, doivent présenter des qualités équivalentes à leur état originel, ce qui peut être accompli en remettant les morts-terrains en place au moyen d'un procédé en continu de remise en état. De l'avis de M. Knapik, la remise en état commence, dans la présente affaire, au moment de la planification de la gravière et, d'une manière concrète, au moment de l'enlèvement de la première couche de terre arable. M. Knapik s'est aussi dit d'accord avec la déclaration suivante tirée d'une lettre de M. John M. King, ancien président du Land Conservation and Reclamation Council, au sujet de la politique du ministère de l'Environnement de l'Alberta :

En conclusion, le Ministère considère que la récupération et la remise en place de la terre végétale, du sous-sol et des morts-terrains font partie intégrante de la remise en état [4] .

[Traduction]

Au cours du contre-interrogatoire, M. Knapik a convenu que, dans une gravière, il faut enlever les morts-terrains pour accéder au banc de gravier à exploiter et qu'on ne l'enlève pas seulement pour les remettre en place. Il a également convenu qu'il y a une différence entre la préparation du site et sa remise en état, tout comme il y a une différence entre la mise en valeur de la gravière et son exploitation.

Dans leur plaidoirie, l'avocat et le conseiller de l'appelant ont soutenu que l'exploitation minière de l'appelant devait être considérée comme une activité bivalente. Ils ont fait valoir que l'appelant ne contestait pas qu'il faille enlever les morts-terrains pour accéder à la ressource, mais avancent que leur enlèvement est également la première étape du procédé de remise en état. Il s'agit d'un procédé en continu intégré qui consiste à enlever les morts-terrains et à les déplacer en une seule opération, en suivant le site d'exploitation qui avance lentement. L'avocat et le conseiller ont soutenu que la jurisprudence qu'ils citeraient plus tard appuie l'opinion que, en présence de deux volets d'activité, dont l'un est exempté et l'autre ne l'est pas, le contribuable est admissible à l'exonération de la taxe. Ils ont mis cette jurisprudence en opposition avec ce qu'ils ont avancé être l'opinion de l'intimé que, en réalité, l'enlèvement des morts-terrains et leur déplacement jusqu'à un point quelconque fait partie des opérations minières et que le déplacement des morts-terrains au-delà de ce point théorique fait partie de la remise en état. L'avocat et le conseiller ont fait valoir que la théorie de l'intimé dans la présente affaire n'est fondée sur aucun élément de preuve.

L'avocat et le conseiller de l'appelant ont fait observer que la mention, dans la Loi, de la récupération de terrains miniers exploités à ciel ouvert ne précise pas le procédé afférent. Toutefois, ont-ils avancé, le Tribunal doit supposer que le Parlement connaissait les méthodes d'exploitation à ciel ouvert lorsqu'il a rédigé la définition d'«opérations minières». L'avocat et le conseiller ont alors renvoyé à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Johns-Manville Canada Inc. c. Sa Majesté la Reine [5] et, plus précisément, à un extrait des motifs du juge Estey : «si la loi fiscale n'est pas explicite, l'incertitude raisonnable ou l'ambiguïté des faits découlant du manque de clarté de la loi doit jouer en faveur du contribuable [6] ». L'avocat et le conseiller ont soutenu que, bien que la Loi fasse mention de récupération, elle n'aborde pas le fait que le procédé minier est, en l'espèce, un procédé intégré dans lequel l'exploitation de la ressource minière et la remise en état du terrain sont simultanées. Ils ont fait valoir qu'il s'agit là exactement du type d'«ambiguïté des faits» dont parlait le juge Estey et qu'il fallait donc accorder à l'appelant le bénéfice du doute. L'avocat et le conseiller ont ajouté que, si le Parlement avait eu l'intention de se servir de termes restrictifs ou qui expriment que seule une certaine partie du carburant serait admissible à la ristourne, il aurait pu le faire, mais qu'il ne l'a pas fait.

L'avocat et le conseiller de l'appelant ont renvoyé au concept de «bivalence» et à diverses affaires [7] qui, ont-ils fait valoir, appuyaient l'opinion que, si un contribuable démontre qu'il accomplit une activité bivalente et que l'une de ces étapes est exemptée de la taxe, l'activité est alors exonérée de la taxe. L'avocat et le conseiller ont longuement renvoyé à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Coca-Cola portant sur des contenants de boissons gazeuses déplacés sur des convoyeurs pour les diverses étapes de la production et transportés jusqu'à l'entrepôt du fabricant, à partir duquel le produit final était distribué. L'avocat et le conseiller ont soutenu qu'il s'agit là d'un procédé intégré similaire aux opérations minières de l'appelant. Tout comme la Cour d'appel fédérale a décidé dans cette affaire qu'elle ne pouvait tracer la ligne de démarcation et dire où les activités de production s'arrêtaient pour laisser place à celles d'entreposage, dans la présente affaire, l'enlèvement des morts-terrains pour accéder à la ressource est la première étape du procédé de récupération du site d'exploitation et le Tribunal ne peut tracer la ligne de démarcation entre les deux volets de l'activité. Ils ont ajouté que, tout comme les contenants qui servaient ultérieurement à l'entreposage n'étaient pas pertinents dans l'affaire Coca-Cola, dans le présent appel, le fait que l'enlèvement des morts-terrains dégage la ressource doit également être considéré comme non pertinent. La question en litige consiste à déterminer si le carburant est consommé pour la récupération, en vue d'autres utilisations, des terrains où ont été exploitées les mines à ciel ouvert, et la réponse est qu'il l'est.

En ce qui a trait à la question de répartir une partie du coût du carburant, l'avocat et le conseiller de l'appelant ont renvoyé à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Irving Oil Limited, Foster Wheeler Limited et Canaport Limited c. Le secrétaire provincial de la province du Nouveau-Brunswick [8] . La Cour suprême du Canada a déclaré, quant à l'«utilisation directe» prescrite dans l'annexe III de la Loi, que cette exigence «est respectée, quelle que soit l'importance que l'on puisse attribuer à son utilisation dans la fabrication par opposition à d'autres processus tel l'emmagasinage et la distribution [9] ». L'avocat et le conseiller ont soutenu que, par analogie, l'intimé ne doit pas être autorisé à répartir le coût du carburant entre la récupération des terrains et la mise en valeur des ressources.

L'avocat de l'intimé a soutenu que la question en litige dans la présente affaire consiste à déterminer s'il doit être considéré que toutes les activités de terrassement accomplies dans le cadre du procédé d'exploitation à ciel ouvert font partie de la remise en état. Il a fait valoir que la position de l'appelant semble être que toutes les activités liées au terrassement doivent être considérées comme de la récupération des terrains et, de ce fait, exonérées de la taxe. La position de l'intimé est qu'une partie seulement de cette activité doit être considérée comme de la récupération.

Abordant les questions de la définition d'«opérations minières» et de la décision de la Commission du tarif dans l'affaire Denison Mines Limited c. Le ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [10] , l'avocat de l'intimé a indiqué que la définition établit les quatre activités considérées comme étant des opérations minières. En ce qui a trait spécifiquement à la récupération des terrains où ont été exploitées des mines à ciel ouvert, l'avocat a soutenu que le mot «récupération» doit se rapporter à une chose qui est faite après une autre chose, déjà faite. En outre, l'utilisation du passé indique bien qu'il s'agit de terrains déjà excavés. Le procédé en cause doit donc comporter au moins deux étapes : une étape où la mine à ciel ouvert est exploitée, c'est-à-dire par l'enlèvement des morts-terrains, et une autre où du terrain est récupéré, c'est-à-dire le dépôt des morts-terrains quelque part ailleurs. L'avocat a fait valoir que les éléments de preuve, et plus précisément le témoignage selon lequel le fait d'accomplir un aspect de l'activité aide à accomplir l'autre, et vice versa, appuient une telle conclusion.

Quant aux affaires que l'avocat et le conseiller de l'appelant ont présentées comme illustrant le principe ou le test de «bivalence», l'avocat de l'intimé a fait valoir qu'aucun principe semblable n'y est articulé. Il a déclaré que chacune de ces affaires portait sur la détermination de la fin principale des marchandises en cause et non sur la détermination de la double fonction d'une activité et de la préférence de la fonction exemptée.

En réponse, l'avocat et le conseiller de l'appelant ont soutenu que les affaires portant sur la notion de «bivalence» ou «double fonction» ne font pas la distinction entre la fonction principale et la fonction accessoire.

Dans ses motifs, le Tribunal fait d'abord observer que la question pourrait se poser à savoir si le gravier est ou non un véritable minerai ou constitue une ressource minérale selon les définitions. Toutefois, compte tenu des directives qu'a reçues l'avocat de l'intimé de ne pas contester ce point et de considérer la récupération des terrains où ont été exploitées des mines à ciel ouvert comme des opérations minières, ce que le Tribunal interprète comme signifiant que l'intimé a concédé ce point, le Tribunal examinera l'affaire en présumant qu'elle porte sur une ressource minérale et, donc, sur des opérations minières. Ce faisant, le Tribunal doit accepter que, dans le présent appel, il traite d'une ressource minérale et que la question de l'admissibilité à la ristourne doit être tranchée dans le contexte de la définition intégrale d'«opérations minières».

Le Tribunal est d'avis que, compte tenu de la définition d'«opérations minières», la question sur laquelle il doit statuer est plutôt simple. La définition indique clairement que les activités relatives à la mise en valeur de ressources minérales ne sont pas admissibles à la ristourne, et une partie de l'activité de l'appelant doit être considérée comme relative à la «mise en valeur» de la mine; il n'y aurait pas, autrement, de ressources à exploiter. Autrement dit, il faut tracer quelque part dans le procédé la ligne de démarcation entre la mise en valeur et les autres activités. À cet égard, le Tribunal est d'accord avec les observations de la Commission du tarif dans l'affaire Denison Mines selon lesquelles la définition d'«opérations minières» reflète l'intention du Parlement de séparer ou d'exclure de l'admissibilité à la ristourne certaines activités, comme les activités liées à la mise en valeur d'une ressource minérale, qui seraient autrement considérées des activités intégrées aux opérations minières [11] .

Les exposés de l'avocat et du conseiller de l'appelant concernant ce qu'ils appellent le principe de «bivalence» suggèrent que le Tribunal n'a pas à «faire la démarcation» pour interpréter la définition d'«opérations minières». À l'exception de la décision de la Commission du tarif dans l'affaire Firwin, le Tribunal n'est pas d'accord avec l'avocat et le conseiller que les affaires auxquelles ils ont renvoyé fondent la proposition qu'ils avancent. En premier lieu, le Tribunal fait observer que ces affaires traitent d'une disposition de la Loi différente de celle qui est en question. En second lieu, le Tribunal est d'avis que la question en litige dans lesdites affaires ne consiste pas à déterminer si une activité ou une autre du contribuable était exonérée de la taxe ou non, mais plutôt si les marchandises en cause utilisées par le contribuable étaient des machines ou des appareils devant être directement utilisés par un fabricant dans la fabrication ou la production de marchandises. Il s'agit là d'une question bien différente de celle de savoir si le coût du carburant engagé par l'appelant est exonéré de la taxe dans le contexte de la définition d'«opérations minières» énoncée dans la Loi.

Le Tribunal est conscient que, dans l'affaire Firwin, la Commission du tarif discute effectivement de la notion de double fonction. Cependant, aux fins du présent appel, le Tribunal comprend mal comment la définition d'«opérations minières» peut être lue de telle sorte qu'il puisse être conclu que le coût intégral du carburant qui sert dans une entreprise minière est admissible à la ristourne alors que, au vu de la définition, les activités de mise en valeur ne sont pas incluses. Ainsi, de l'avis du Tribunal, une simple lecture de la définition d'«opérations minières» dans la Loi mène à la conclusion que les coûts engagés pour le carburant à l'étape de la mise en valeur de la mine ne sont pas admissibles à la ristourne de taxe sur le carburant, même s'ils sont liés à des aspects admissibles de l'exploitation. De plus, bien qu'il soit conscient des énoncés de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Irving Oil, le Tribunal conclut qu'ils ne s'appliquent pas en l'espèce, puisque la définition d'«opérations minières» montre que le Parlement a prévu la possibilité d'une répartition du coût en incluant l'expression «à l'exclusion des».

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Appel no AP-91-121, le 6 avril 1992.

3. Ibid. à la p. 6.

4. Mémoire de l'appelant, onglet 13 à la p. 2.

5. [1985] 2 R.C.S. 46.

6. Ibid. à la p. 72.

7. Coca-Cola Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, [1984] 1 C.F. 447; Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise c. Steel Company of Canada Limited (1983), non publiée, Cour d'appel fédérale, no du greffe A-239-82, le 13 juin 1983; Amoco Canada Petroleum Company Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1983), 8 R.C.T. 696; et Firwin Corp. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1985), 10 R.C.T. 104.

8. [1980] 1 R.C.S. 787.

9. Ibid. à la p. 796.

10. Non publiée, appels nos 2972 et 2973, le 9 décembre 1988.

11. Ibid. à la p. 11.


Publication initiale : le 21 mars 1997