J.B. MULTI-NATIONAL TRADE INC.

Décisions


J.B. MULTI-NATIONAL TRADE INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-079

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le mercredi 2 octobre 1996

Appel n o AP-95-079

EU ÉGARD À un appel entendu le 26 janvier 1996 aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 22 mars 1993 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 58 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre présidant

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (la LMSI) à l'égard d'un réexamen effectué par le sous-ministre du Revenu national en vertu de l'article 59 de la LMSI. Au terme de ce réexamen, l'intimé a conclu, en application du sous-alinéa 4b)(ii) de la LMSI, que des droits antidumping devaient être imposés sur les tubes soudés en acier au carbone qui ont été importés par l'appelant pendant la période au cours de laquelle il a été établi que Fornasa S.A. n'avait pas honoré son engagement, avant que ne soit rendue la décision provisoire concernant le dumping de certains tubes soudés en acier au carbone originaires ou exportés du Brésil, du Luxembourg, de la Pologne, de la Turquie et de la Yougoslavie. La question en litige dans le présent appel consiste à savoir si l'intimé a correctement déterminé la valeur normale des marchandises en question qui ont été dédouanées avant que ne soit rendue la décision provisoire de dumping, qui était fondée sur les conclusions selon lesquelles l'engagement n'avait pas été honoré.

DÉCISION : L'appel est rejeté. En premier lieu, le Tribunal s'est demandé s'il avait compétence pour entendre l'appel. Il a conclu que le pouvoir que lui confère l'alinéa 55d) de la LMSI implique nécessairement que le Tribunal est habilité à déterminer si les marchandises en question avaient été dédouanées au cours de la période visée par le sous-alinéa 4b)(i) ou (ii) de la LMSI et qu'il avait compétence pour déterminer si l'intimé avait correctement établi la valeur normale des marchandises en question qui ont été dédouanées avant que la décision provisoire de dumping ne soit rendue.

En examinant la question de savoir si l'intimé a correctement établi la valeur normale des marchandises en question dédouanées avant que la décision provisoire de dumping ne soit rendue, décision fondée sur les conclusions selon lesquelles un engagement n'avait pas été honoré, le Tribunal a interprété l'engagement pris par Fornasa S.A. et, en particulier l'expression «ven[te] des marchandises en question au Canada par l'entremise d'une filiale, d'une succursale, d'un mandataire ou d'une autre société» en tenant compte de l'incidence escomptée de cet engagement ainsi que du lien entre l'appelant et Fornasa S.A. Le Tribunal a conclu, en s'appuyant sur les faits, que dans la vente des marchandises en question à l'appelant, et ce à des prix inférieurs à ceux auxquels Fornasa S.A. s'était engagé, cette société n'avait pas simplement joué le rôle d'un fabricant de tubes en acier mais qu'elle avait, en réalité, vendu les marchandises en question au Canada par l'entremise d'une autre société, soit Fasal S/A-Comércio e Indústria de Produtos Siderúrgicos, en violation de son engagement. Par conséquent, le Tribunal a décidé que l'intimé avait correctement déterminé la valeur normale des marchandises en question pour la période antérieure à la décision provisoire de dumping.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 26 janvier 1996 Date de la décision : Le 2 octobre 1996
Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant Robert C. Coates, c.r., membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Michael Kaylor, pour l'appelant Anick Pelletier, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI) à l'égard d'un réexamen effectué par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 59 de la LMSI. En conséquence de ce réexamen, l'intimé a conclu, en vertu du sous-alinéa 4b)(ii) de la LMSI, que des droits antidumping devaient être imposés sur les tubes soudés en acier au carbone, importés par l'appelant pendant la période au cours de laquelle il a été établi que Fornasa S.A. (Fornasa) n'avait pas respecté son engagement [2] avant que ne soit rendue la décision provisoire de dumping visant certains tubes soudés en acier au carbone originaires ou exportés du Brésil, du Luxembourg, de la Pologne, de la Turquie et de la Yougoslavie en application de l'article 8 de la LMSI (la période rétroactive). La question en litige dans le présent appel consiste à savoir si l'intimé a correctement déterminé la valeur normale des marchandises en question dédouanées avant que ne soit rendue la décision provisoire de dumping, fondée sur les conclusions selon lesquelles l'engagement n'avait pas été honoré.

À titre de question préliminaire, l'avocate de l'intimé a soutenu dans son mémoire qu'aux termes de l'article 61 de la LMSI, le Tribunal a uniquement compétence pour entendre les appels concernant la question de déterminer si les marchandises sont de «même description» que les marchandises visées par des conclusions du Tribunal, ainsi que ceux concernant leur valeur normale et leur prix à l'exportation ou le montant de la subvention. L'avocate a fait remarquer que l'appelant ne remet pas en question ou ne conteste pas le réexamen de la valeur normale des marchandises en question effectué par l'intimé, ni la question qui consiste à déterminer si les marchandises en question sont de même description que celles visées par des conclusions du Tribunal, ou même leur prix à l'exportation. L'appelant, selon l'avocate, conteste plutôt le fait que des droits antidumping aient été imposés sur les marchandises en question importées le 22 août 1991 et conteste, par conséquent, l'application du sous-alinéa 4b)(ii) de la LMSI, texte législatif donnant le pouvoir de percevoir des droits rétroactifs en cas de non-respect d'un engagement.

Dès l'ouverture de l'audience, les avocats ont été informés que le Tribunal connaîtrait des arguments portant sur la compétence du Tribunal, en vertu de l'article 61 de la LMSI, d'entendre le présent appel et de rendre une décision à ce sujet et qu'il réserverait son jugement sur cette question jusqu'à la publication de la décision et des motifs écrits.

L'avocat de l'appelant a soutenu que, en vertu du paragraphe 61(3) de la LMSI, le Tribunal «peut rendre les ordonnances ou conclusions indiquées en l'espèce et [...] déclarer soit quels droits sont payables, soit qu'aucun droit n'est payable sur les marchandises visées par l'appel». Il a renvoyé à la décision rendue par le Tribunal dans l'affaire Walker Exhausts, Division of Tenneco Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [3] , dans laquelle celui-ci a conclu que, en donnant au Tribunal le pouvoir de «statuer [...], selon la nature de l'espèce, par ordonnance, constatation ou déclaration» aux termes du paragraphe 67(3) de la Loi sur les douanes [4] , «le législateur lui [Tribunal] a accordé de vastes pouvoirs en matière d'appel». L'avocat a soutenu que les conclusions du Tribunal dans cette affaire s'appliquent également aux dispositions du paragraphe 61(3) de la LMSI du fait que celles-ci ont le même libellé et qu'elles donnent au Tribunal le pouvoir de déclarer que des droits sont payables ou qu'aucun droit n'est payable.

L'avocate de l'intimé a soutenu que, en vertu de l'article 55 de la LMSI, une décision peut être rendue concernant ce qui suit : 1) à savoir si les marchandises en question sont visées par des conclusions; 2) leur valeur normale et 3) leur prix à l'exportation ou le montant de la subvention. Aux termes de l'article 59, l'intimé peut, à la suite d'une demande de réexamen présentée en application de l'article 58 ou, comme c'est le cas dans le présent appel, à la suite d'une décision du Tribunal [5] , réexaminer une décision rendue en application de l'article 55. En vertu de l'article 61, «[q]uiconque s'estime lésé par un rE9‚examen effectué en application de l'article 59 peut en appeler au Tribunal en déposant, auprès du sous-ministre [...] un avis d'appel». Elle a soutenu qu'aux termes de l'article 61, seuls les appels interjetés à l'égard de révisions effectuées en application de l'article 59 sont acceptables et que l'article 59 permet uniquement le réexamen de décisions prévues aux articles 55, 56 ou 57.

L'avocate de l'intimé a en outre fait valoir que le réexamen en litige a été effectué à la suite d'un renvoi du Tribunal donnant à l'intimé la directive de procéder à un réexamen de la valeur normale des marchandises en question. Par conséquent, de l'avis de l'avocate, l'objet de tout appel découlant de ce réexamen devrait être la valeur normale. Cependant, selon l'avocate, l'appelant s'oppose en réalité au fait que des droits antidumping aient été imposés aux termes du sous-alinéa 4b)(ii) de la LMSI, disposition qui donne le pouvoir de percevoir des droits avant que ne soit rendue une décision provisoire de dumping, dans les cas où un engagement n'a pas été honoré.

L'article 61 de la LMSI prescrit que «[q]uiconque s'estime lésé par un réexamen effectué en application de l'article 59 peut en appeler au Tribunal en déposant, auprès du sous-ministre [...] un avis d'appel». Et, selon l'article 59, l'intimé peut, dans certaines circonstances, réexaminer toute décision ou révision prévue aux articles 55, 56 ou 57. Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes se retrouvent à l'article 55, notamment les alinéas suivants :

le sous-ministre fait déterminer par un agent désigné, dans les six mois suivant la date de l'ordonnance ou des conclusions :

c) la question de savoir si les marchandises dédouanées pendant la période prévue, selon le cas, au sous-alinéa 4b)(i) ou (ii), ou à l'alinéa 5b) ou 6b), et qui semblent de même description que celles désignées dans l'ordonnance ou les conclusions sont en fait de même description;

d) la valeur normale et le prix à l'exportation de ces marchandises ou le montant de la subvention octroyée pour elles;

e) si les articles 6 et 10 s'appliquent aux marchandises, le montant de la subvention à l'exportation octroyée pour elles.

L'alinéa 55c) de la LMSI renvoie explicitement aux marchandises dédouanées pendant la période prévue au sous-alinéa 4b)(i) ou (ii). Or, les sous-alinéas 4b)(i) et (ii), qui portent sur l'imposition de droits provisoires, prévoient, en partie, ce qui suit :

4. Les marchandises sous-évaluées ou subventionnées importées au Canada :

b) d'autre part, dont le dédouanement a eu lieu :

(i) soit au cours de la période commençant à la date de la décision provisoire et se terminant à la date de l'ordonnance ou des conclusions du Tribunal prévues à l'alinéa a),

(ii) soit au cours de la période commençant à la date où un engagement portant sur ces marchandises n'est pas honoré ou le quatre-vingt-dixième jour précédant la date où avis qu'il y a été mis fin est donné conformément à l'alinéa 52(1)f) — la date la plus rapprochée de celle de l'avis étant à retenir — et se terminant le jour où le paragraphe 8(1) devient applicable aux marchandises,

sont assujetties aux droits suivants.

De l'avis du Tribunal, le fait que l'alinéa 55c) renvoie au sous-alinéa 4b)(i) ou (ii), ou à l'alinéa 5b) ou 6b) de la LMSI, amène à penser que le pouvoir du Tribunal de déterminer si des marchandises importées sont des marchandises de même description que celles visées dans des conclusions ou une ordonnance du Tribunal ne porte que sur les marchandises importées qui ont été dédouanées au cours de la période visée au sous-alinéa 4b)(i) ou (ii) ou à l'alinéa 5b) ou 6b). Par conséquent, l'exercice par le Tribunal du pouvoir prévu à l'alinéa 55c) inclut nécessairement le pouvoir de déterminer si les marchandises en question ont été dédouanées au cours de la période visée au sous-alinéa 4b)(i) ou (ii) ou à l'alinéa 5b) ou 6b).

Alors que l'alinéa 55d) de la LMSI, qui porte sur la détermination de la valeur normale, ne renvoie pas explicitement au sous-alinéa 4b)(i) ou (ii) ni à l'alinéa 5b) ou 6b), de l'avis du Tribunal, l'expression «de ces marchandises [dédouanées]» désigne les marchandises dédouanées de la manière énoncée à l'alinéa 55c), en d'autres mots, aux fins du présent appel, les marchandises dédouanées au cours de la période prévue au sous-alinéa 4b)(i) ou (ii). Par conséquent, le Tribunal conclut que son pouvoir de déterminer la valeur normale et le prix à l'exportation des marchandises en question ou le montant de la subvention accordée en application de l'alinéa 55d) vise également les marchandises importées qui ont été dédouanées au cours de la période visée au sous-alinéa 4b)(i) ou (ii). Par conséquent, l'exercice par le Tribunal du pouvoir prévu à l'alinéa 55d) inclut nécessairement le pouvoir de déterminer si les marchandises en question ont été dédouanées au cours de la période visée au sous-alinéa 4b)(i) ou (ii).

Dans le présent appel, l'avocat de l'appelant a soutenu que l'intimé avait incorrectement imposé des droits antidumping sur les marchandises dédouanées au cours de la période visée au sous-alinéa 4b)(ii) de la LMSI, c.-à-d. entre la violation de l'engagement et le dépôt de l'ordonnance ou des conclusions du Tribunal relativement aux marchandises de cette description. L'intimé a déterminé que le sous-alinéa 4b)(ii) était la disposition qui s'appliquait, en s'appuyant sur les conclusions selon lesquelles l'importation des marchandises en question constituait une violation de l'engagement pris par une autre société, à savoir Fornasa.

L'avocat de l'appelant a soutenu que des droits antidumping n'auraient dû être imposés sur les marchandises en question dédouanées qu'à la date ou après la date où la décision provisoire de dumping a été rendue. De l'avis du Tribunal, en recourant à cet argument, l'avocat a en fait soutenu que l'intimé avait incorrectement déterminé la valeur normale des marchandises en question qui se sont révélées avoir été dédouanées après la violation d'un engagement. Selon l'avocat, l'intimé n'aurait pas dû déterminer la valeur normale des marchandises dédouanées avant que la décision provisoire de dumping ne soit rendue et n'aurait pas dû les assujettir à des droits antidumping. L'intimé n'aurait dû déterminer la valeur normale que des marchandises dédouanées après la décision provisoire de dumping, et leur imposer des droits antidumping. En s'appuyant sur cette interprétation, le Tribunal est d'avis qu'il a compétence pour déterminer si l'intimé a correctement déterminé la valeur normale des marchandises en question.

Ayant établi qu'il est de son ressort d'étudier le bien-fondé du présent appel, le Tribunal s'est demandé si l'intimé avait correctement déterminé la valeur normale des marchandises en question qui ont été dédouanées avant que la décision provisoire de dumping ne soit rendue, en se basant sur ses conclusions selon lesquelles un engagement n'avait pas été honoré.

Un exposé conjoint des faits [6] [traduction ci-dessous] signé par les avocats des deux parties a été déposé auprès du Tribunal avant l'audience. On y retrouve les points suivants :

1. Le 16 septembre 1987, ou aux environs de cette date, le ministère du Revenu national (ci-après le «Ministère») a ouvert une enquête de dumping concernant certains tubes soudés en acier au carbone originaires ou exportés de divers pays, incluant le Brésil.

2. Le 29 janvier 1988, ou aux environs de cette date, l'enquête a été suspendue lorsqu'ont été acceptés les engagements pris par les exportateurs représentant pratiquement toutes les exportations au Canada.

3. Deux de ces exportateurs qui ont pris des engagements étaient installés au Brésil. L'un de ces deux signataires brésiliens était la société Fornasa S.A. (ci-après «Fornasa»). À ce moment-là, Fornasa était à la fois un fabricant et un exportateur desdits tubes.

4. Le sous-ministre du Revenu national (ci-après l'«Intimé») a décidé que deux signataires brésiliens avaient violé leurs engagements au début de 1991 en vendant les tubes en question au Canada à des prix inférieurs à ceux convenus dans l'engagement et, pour cette raison, l'Intimé a mis fin aux engagements et rendu une décision provisoire de dumping, comme l'exige l'article 52 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (ci-après [LMSI]).

5. La décision provisoire a été rendue le 25 septembre 1991 et l'enquête a repris.

6. Une décision définitive a été rendue le 9 décembre 1991. Le 23 janvier 1992, le Tribunal canadien du commerce extérieur a rendu des conclusions de dommage complet visant le Brésil.

7. Un réexamen visant à établir la valeur normale et le prix à l'exportation des marchandises en question qui ont été importées au Canada au cours des périodes à effet rétroactif et provisoire a été commencé le 26 février 1992 et terminé le 4 juin 1992.

8. En cas de conclusions de dommage, le Ministère effectue un réexamen en vue de déterminer les valeurs normales et les prix à l'exportation des marchandises exportées au Canada au cours de la période provisoire (la période entre la date de la décision provisoire et la date des conclusions du Tribunal) afin d'établir de façon définitive le montant des droits antidumping s'appliquant à ces expéditions. Lorsqu'une affaire a été suspendue à la suite de l'acceptation d'un engagement et que, par la suite, cet engagement n'est pas honoré, la [LMSI] prévoit que les importations seront assujetties à des droits antidumping à partir de la date à laquelle l'engagement n'a pas été honoré ou le quatre-vingt-dixième jour précédant la date où avis a été donné qu'il y a été mis fin — la date la plus rapprochée de celle de l'avis étant à retenir — et se terminant le jour où une décision provisoire est rendue.

9. Au cours du réexamen, il a été établi que trois importateurs de la région de Montréal, notamment J.B. Multi-National Trade Inc. (ci-après l'«Appelant»), avaient importé les marchandises en question au cours de la période à effet rétroactif. En vertu de l'article 4 de la [LMSI], ces importations ont été assujetties à des droits antidumping.

10. En l'occurrence, il a été décidé que la période à effet rétroactif était la période de 90 jours précédant la date où avait été donné l'avis de révocation de l'engagement. Comme l'avis a été donné à la même date que l'avis provisoire de dumping, la période à effet rétroactif est donc la période de 90 jours précédant la décision provisoire.

11. L'Appelant avait importé les marchandises en question le 22 août 1991, par conséquent, au cours de la période rétroactive.

12. L'Appelant avait également importé les marchandises en question le 31 octobre 1991, date qui tombe dans la période visée par la décision provisoire de l'enquête.

13. Le 4 juin 1992, un agent désigné a, en vertu de l'article 55 de la [LMSI], rendu une décision.

14. Des droits antidumping ont été imposés aux marchandises importées le 22 août 1991 et à celles importées le 31 octobre 1991.

15. L'Appelant a par la suite interjeté appel de cette décision au sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 58 de la [LMSI].

16. Le 22 mars 1993, le Sous-ministre a confirmé, aux termes de l'article 59 de la [LMSI], la décision rendue par l'agent désigné.

17. Le 26 mai 1993, l'Appelant a interjeté appel de cette décision auprès [du] Tribunal (ci-après l'«appel antérieur»).

18. Dans une décision du 28 avril 1994, [le] Tribunal a conclu, qu'en appliquant l'alinéa 19b) de la [LMSI] en vue de déterminer la valeur normale des marchandises en question, l'Intimé avait incorrectement déterminé l'identité de l'exportateur desdites marchandises et, pour cette raison, n'avait pas correctement déterminé la valeur normale.

19. Selon ce qu'a conclu le Tribunal, Fornasa n'était pas l'exportateur des tubes importés les 22 août et 31 octobre 1991.

20. En réalité, en 1990, par suite de problèmes financiers, Fornasa a été incapable de rassembler les sommes nécessaires pour continuer d'acheter les bobines dont elle avait besoin pour fabriquer des tubes. Pour continuer de fabriquer des tubes destinés à l'exportation, Fornasa a conclu un accord avec la société Fasal.

21. Cet accord prévoyait, entre autres choses, que Fornasa serait chargée de négocier les ventes de tubes à ses clients habituels, y compris de transférer des lettres de crédit pour le compte de Fasal et accepterait les commandes de nouveaux clients que lui présenterait Fasal.

22. En exécutant l'accord pour ce qui est des ventes de l'Appelant, qui était l'un de ses anciens clients, Fornasa a continué de négocier les modalités de vente des tubes, notamment leur prix, et a continué d'avoir des contacts réguliers avec l'Appelant.

23. Par conséquent, en exécutant l'accord relativement aux ventes de l'Appelant, Fornasa a été le mandataire du fournisseur-exportateur, Fasal.

24. Dans ladite décision, le Tribunal a conclu que la société qui avait fourni les bobines, c.-à-d. Fasal, et non Fornasa (comme l'avait envisagé l'Intimé), était l'exportateur des marchandises en question.

25. Le Tribunal a par conséquent admis l'appel et renvoyé l'affaire à l'Intimé pour qu'il effectue une révision de la valeur normale des marchandises en question en s'appuyant sur les ventes ou les frais de Fasal comme exportateur.

26. Au terme de la nouvelle enquête portant sur Fasal, cette société a fourni assez de renseignements pour que soit établie la valeur normale en fonction de ses activités selon les indications [du] Tribunal.

27. Par conséquent, le 12 mai 1995, l'Intimé a procédé à un réexamen, en application de l'alinéa 59(1)d) de la [LMSI], de deux activités d'importation des marchandises en question effectuées par l'Appelant sous le numéro d'opération 15009-00169231-5, en date du 22 août 1991, et le numéro d'opération 15009-0018307-7, en date du 31 octobre 1991.

28. Comme les valeurs normales étaient inférieures à celles qui étaient antérieurement en vigueur, un remboursement partiel des [droits] antidumping a été accordé relativement à ces deux activités d'importation à la suite du réexamen.

29. Comme cela a été le cas dans l'appel antérieur, des droits antidumping ont été imposés sur les deux activités d'importation susmentionnées.

30. Dans une lettre du 15 juin 1995, l'Appelant a interjeté appel auprès [du] Tribunal.

31. Seules les marchandises importées le 22 août 1991, qui sont entrées au Canada au cours de la période rétroactive, sont visées par le présent appel.

32. Syntax Comercio, Importacao E Exportacao Ltd., Rua de Passcio no 70, 8º, andar, Rio de Janeiro - R.J. Brésil, était également un exportateur des marchandises en question au Canada après l'acceptation des engagements.

33. L'Appelant a importé de Syntax un lot des marchandises en question dans le cadre d'une déclaration de marchandises dédouanées le 15 août 1991, sous le numéro d'opération 15008001690837.

34. Syntax n'a pas produit d'engagement aux fonctionnaires du ministère du Revenu national et il ne lui a pas été demandé de produire un tel engagement puisqu'elle n'était pas un exportateur des marchandises en question au moment où l'engagement a été accepté (le 29 janvier 1988).

35. L'importation des marchandises en question par l'Appelant en provenance de Syntax, le 15 août 1991, a été effectuée au cours de la période à effet rétroactif, mais les fonctionnaires du ministère du Revenu national n'ont imposé aucun droit antidumping.

Lors de l'audience, les avocats des deux parties se sont entièrement fiés à l'exposé conjoint des faits sans avancer d'autres éléments de preuve et ont présenté des arguments sur la façon appropriée d'interpréter les dispositions pertinentes de la LMSI.

L'avocat de l'appelant a indiqué qu'aucun engagement n'avait été donné par Fasal S/A-Comércio e Indústria de Produtos Siderúrgicos (Fasal) ou en son nom et que, par conséquent, le sous-alinéa 4b)(ii) de la LMSI ne s'applique pas aux marchandises en question exportées par Fasal et dédouanées avant la date de la décision provisoire de dumping. L'avocat a plutôt fait valoir que c'est le sous-alinéa 4b)(i), qui vise les marchandises dédouanées au cours de la période commençant le jour de la décision provisoire de dumping et se terminant le jour de l'ordonnance ou des conclusions du Tribunal, qui s'applique aux exportations de Fasal.

L'avocat de l'appelant a soutenu que le libellé du sous-alinéa 4b)(ii) de la LMSI est clair et a renvoyé le Tribunal à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Jake Friesen c. Sa Majesté la Reine [7] qui doit guider le Tribunal dans son interprétation de cette disposition. Il a, en particulier, relevé la citation suivante, tirée de l'ouvrage Principles of Canadian Income Tax Law du Pr Hogg et invoquée par le juge Major :

It would introduce intolerable uncertainty into the Income Tax Act if clear language in a detailed provision of the Act were to be qualified by unexpressed exceptions derived from a court's view of the object and purpose of the provision.... [The Antosko case] is simply a recognition that “object and purpose” can play only a limited role in the interpretation of a statute that is as precise and detailed as the Income Tax Act. When a provision is couched in specific language that admits of no doubt or ambiguity in its application to the facts, then the provision must be applied regardless of its object and purpose. [8]

([Traduction] La Loi de l'impôt sur le revenu serait empreinte d'une incertitude intolérable si le libellé clair d'une disposition détaillée de la Loi était nuancé par des exceptions tacites tirées de la conception qu'un tribunal a de l'objet de la disposition. [...] [L'arrêt Antosko] ne fait que reconnaître que «l'objet» ne peut jouer qu'un rôle limité dans l'interprétation d'une loi aussi précise et détaillée que la Loi de l'impôt sur le revenu. Lorsqu'une disposition est rédigée dans des termes précis qui n'engendrent aucun doute ni aucune ambiguïté quant à son application aux faits, elle doit être appliquée nonobstant son objet.)

L'avocat de l'appelant a renvoyé au paragraphe 4 de l'engagement de Fornasa sur lequel s'est appuyé l'avocate de l'intimé pour démontrer que l'engagement n'avait pas été honoré. Le texte du paragraphe 4 de l'accord est le suivant :

Fornasa will not circumvent this undertaking by the shipment or sale of the subject goods to Canada through a subsidiary, branch, agent or other company, or by the direct or indirect shipment of the subject goods to Canada from or through another country.

([Traduction] Fornasa ne cherchera pas à contourner cet engagement en expédiant ou en vendant les marchandises en question au Canada par l'entremise d'une filiale, d'une succursale, d'un mandataire ou d'une autre société, ou en expédiant directement ou indirectement les marchandises en question au Canada via un autre pays.)

L'avocat de l'appelant a soutenu que l'utilisation du terme «contourner» implique qu'il existe un élément de planification ou de tromperie de la part de Fornasa pour éviter que l'engagement ne s'applique. L'avocat a soutenu que tel n'était pas le cas dans les faits au présent appel. L'avocat a souligné que Fornasa et l'appelant sont deux sociétés indépendantes et que leur relation ne visait pas à contourner l'engagement. En outre, l'avocat a souligné que l'appelant n'était pas le mandataire de Fornasa. Le Tribunal a, contrairement à cette affirmation, conclu que Fornasa était le mandataire de l'appelant.

Renvoi a été fait à l'extrait suivant, qui traite des activités trompeuses, tiré du jugement rendu dans l'affaire Stubart Investments Limited c. Sa Majesté la Reine [9] et cité par le Tribunal dans la décision qu'il a rendue dans l'affaire Société canadienne des Pneus Michelin Ltée c. Le ministre du Revenu national [10] :

Les tribunaux n'ont pas encore jusqu'ici étendu le concept du trompe-l'œil à une opération valide par ailleurs, mais conclue par des parties liées. De même la possibilité d'annuler l'opération parce que les propriétaires sont communs n'a jamais été considérée, dans aucune des affaires signalées à l'attention de la Cour, comme un élément qui permet de retenir ou non l'opération parce qu'il s'agirait d'un trompe-l'œil. [...] En bref, il y a absence totale de l'élément de tromperie qui est au cœur même du trompe-l'œil [11] .

L'avocat de l'appelant a reconnu que cette dE9‚claration a été faite à l'occasion d'une affaire portant sur la Loi de l'impôt sur le revenu [12] , mais a soutenu que le même principe s'appliquerait dans l'interprétation de la LMSI. L'avocat a fait valoir que le lien existant entre l'appelant et Fornasa est issu des problèmes financiers éprouvés par Fornasa et qu'absolument aucun élément de trompe-l'œil ou de tromperie n'entachait leurs relations.

Enfin, l'avocat de l'appelant a renvoyé au traitement que le ministère du Revenu national avait accordé aux marchandises importées par un autre exportateur du Brésil, en l'occurrence Syntax Commercio, Importacao E Exportacao Ltd. (Syntax), dédouanées au cours de la période précédant la publication de la décision de dumping provisoire. En particulier, l'avocat a souligné le fait que, à l'instar de l'appelant, Syntax n'avait présenté aucun engagement au ministère du Revenu national. Par conséquent, les marchandises importées le 15 août 1991 et dédouanées avant la décision provisoire de dumping n'ont pas été assujetties à des droits antidumping.

L'avocate de l'intimé a soutenu que le sous-alinéa 4b)(ii) de la LMSI exige uniquement qu'il y ait violation de l'engagement et que rien dans cette disposition n'indique qu'elle vise les cas où la violation est intentionnelle ou que cette intention est un facteur. Elle a souligné que la question de savoir si certaines circonstances constituent une violation d'un engagement dépend du libellé de celui-ci. Elle a plus précisément renvoyé au paragraphe 4 de l'engagement de Fornasa et soutenu, en s'appuyant sur la disposition, qu'il n'est pas nécessaire, pour établir que l'engagement n'a pas été honoré, que Fornasa soit l'exportateur ou le vendeur. À son avis, cette disposition n'écarte pas qu'il puisse y avoir infraction même si Fornasa n'est ni l'exportateur ni le vendeur.

L'avocate de l'intimé a renvoyé à une décision antérieure du Tribunal [13] concernant les mêmes faits, dans laquelle le Tribunal a conclu que Fasal, et non Fornasa, était l'exportateur des tubes en acier en question. En particulier, l'avocate a fait référence aux conclusions du Tribunal selon lesquelles Fornasa, qui était antérieurement un fabricant et un exportateur de tubes en acier, avait eu des problèmes financiers et avait donc conclu un accord avec Fasal afin de pouvoir continuer de fabriquer des tubes en acier pour exportation. L'accord stipulait que Fornasa serait chargée de négocier les ventes des tubes en acier à ses clients habituels, y compris de transférer des lettres de crédit pour le compte de Fasal, et accepterait les commandes de nouveaux clients. Enfin, le Tribunal a conclu que, dans l'exécution de l'accord conclu avec l'appelant, Fornasa avait continué de négocier les modalités, notamment le prix, et que Fornasa avait été le mandataire de l'appelant, qui était le fournisseur et l'exportateur. L'avocate a fait valoir, en s'appuyant sur ces conclusions, que Fornasa, en toute connaissance des prix et des modalités de l'engagement, avait négocié les prix de vente des marchandises expédiées au Canada et accepté que ces prix soient inférieurs aux prix prévus à l'engagement et, par conséquent, n'avait pas honoré son engagement.

L'argument de l'avocat de l'appelant, selon lequel le libellé du paragraphe 4 de l'engagement de Fornasa exige qu'il y ait une intention explicite et claire de violation, ne convainc pas le Tribunal. En outre, le Tribunal est d'avis que, dans le texte de l'engagement, le terme «by» (par) suivi d'une liste d'activités précise le sens du terme «contourner» en indiquant les activités susceptibles de constituer une infraction. En interprétant le terme «contourner» de cette façon, la décision du Tribunal sur la question de savoir si l'engagement de Fornasa n'a pas été honoré dépend des conclusions qu'il rendra , à savoir si, en s'appuyant sur les faits, Fornasa a vendu les marchandises en question au Canada par l'entremise d'une autre société, en l'occurrence l'appelant, en violation du paragraphe 4 de son engagement.

Le Tribunal est d'avis que le paragraphe 4 de l'engagement signé par Fornasa et, en particulier, l'expression «ven[te] des marchandises en question au Canada par l'entremise d'une filiale, d'une succursale, d'un mandataire ou d'une autre société» doit être interprété en tenant compte de l'effet visé par cet engagement et de la relation existant entre l'appelant et Fornasa. Le Tribunal conclut que le paragraphe 4 de l'engagement visait à empêcher que les marchandises produites par Fornasa soient vendues au Canada par l'entremise d'une autre société à des prix inférieurs à ceux convenus dans le cadre de l'engagement.

Dans sa décision antérieure, le Tribunal a reconnu que Fornasa avait conclu un accord avec Fasal pour être capable de continuer à fabriquer des tubes pour exportation et pour poursuivre ses activités, et que cet accord prévoyait que : 1) Fasal fournirait des bobines à Fornasa et que cette dernière les convertirait en tubes et les enverrait à un entrepôt portuaire désigné; 2) Fornasa serait chargée de négocier les ventes de tubes à ses clients habituels, y compris de transférer des lettres de crédit pour le compte de Fasal, et accepterait des commandes de nouveaux clients que lui présenterait Fasal; 3) Fasal recevrait le paiement des tubes par lettre de crédit de l'acheteur et verserait le solde à Fornasa après avoir acquitté tous ses frais, y compris les frais d'arrimage, les taxes, les frais de transport et d'entreposage, les commissions des agents et un certain montant pour les matières premières, à même les fonds reçus de l'acheteur. Le Tribunal a également reconnu que l'accord, tel qu'il a été modifié, établissait qu'un prix minimum de 297 $ US la tonne serait retenu par Fasal sur les recettes versées par l'acheteur des bobines [14] .

Tout en reconnaissant que le lien existant entre Fornasa et Fasal découle des problèmes financiers de Fornasa, le Tribunal est d'avis que les faits indiquent que la participation de Fornasa à la vente des marchandises en question à l'appelant, à des prix inférieurs à ceux convenus dans l'engagement de Fornasa, ne consistait pas simplement à fabriquer des tubes en acier et qu'en fait, Fornasa a vendu des marchandises au Canada par l'entremise d'une autre société, Fasal, en violation de son engagement. Bien que Fornasa n'ait peut-être pas été propriétaire des marchandises en question, elle en négociait les modalités de vente et était payée à partir des recettes des ventes des marchandises en question, au lieu d'être payée directement par Fasal pour la fabrication des marchandises en question sans que cela ait un rapport quelconque avec les ventes des marchandises en question à l'appelant au Canada et en totale ignorance de ces ventes.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Aux termes de l’article 2 de la LMSI, le terme «engagement» est un engagement ayant pour objet «soit de réviser conformément aux termes de l’engagement le prix auquel [les marchandises en question] sont vendues à des importateurs se trouvant au Canada, soit d’en cesser le dumping».

3. Appel no AP-93-063, le 6 juillet 1994.

4. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

5. J.B. Multi-National Trade Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise , appel no AP-93-055, le 28 avril 1994.

6. Document no AP-95-079-17, télécopié le 25 janvier 1996 par l'avocate de l'intimé, comprenant un exposé conjoint des faits (en anglais) établi par les deux parties.

7. [1995] 3 R.C.S. 103.

8. Ibid. à la p. 114.

9. [1984] 1 R.C.S. 536.

10. Appel no AP-93-333, le 22 mars 1995.

11. Ibid. à la p. 10.

12. L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

13. Supra note 5.

14. Supra note 5 aux pp. 1 et 2.


Publication initiale : le 20 décembre 1996