RUTHERFORD CONTROLS LTD.

Décisions


RUTHERFORD CONTROLS LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-100

TABLE DES MATIERES
Ottawa, le lundi 9 septembre 1996

Appel no AP-95-100

EU ÉGARD À un appel entendu le 26 janvier 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 21 juin 1995 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

RUTHERFORD CONTROLS LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Susanne Grimes ______ Susanne Grimes Secrétaire intérimaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certaines gâches électriques sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8301.60.00 à titre de parties de cadenas, serrures et verrous électriques, comme l'a établi l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8543.80.40 à titre d'autres machines électriques ayant une fonction propre, à commande mécanique, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est rejeté. De l'avis du Tribunal, les marchandises en cause sont des serrures au sens de la position no 83.01. Le Tribunal est d'avis que la position no 83.01 vise un large éventail de serrures. L'opinion du Tribunal est fondée sur les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 83.01, selon lesquelles cette position englobe, entre autres, «les serrures à déclenchement ou à blocage électrique [...] [qui] peuvent fonctionner par exemple, par l'insertion d'une carte magnétique, par composition d'un code sur un clavier électronique». Le Tribunal conclut que les marchandises en cause, qui sont utilisées pour verrouiller les entrées ou en assurer la sécurité, fonctionnent à tous égards à titre de serrures et doivent, par conséquent, être classées dans la position no 83.01.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 26 janvier 1996 Date de la décision : Le 9 septembre 1996
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Raynald Guay, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : John L. Syme
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Douglas J. Bowering, pour l'appelant Brian Tittemore, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 21 juin 1995. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certaines gâches électriques sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8301.60.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre de parties de cadenas, serrures et verrous électriques, comme l'a établi l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8543.80.40 à titre d'autres machines électriques ayant une fonction propre, à commande mécanique, comme l'a soutenu l'appelant.

Les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire sont rédigées comme suit :

83.01 Cadenas, serrures et verrous (à clef, à secret ou électriques), en métaux communs; fermoirs et montures-fermoirs comportant une serrure, en métaux communs; clefs pour ces articles, en métaux communs.

8301.60.00 -Parties

85.43 Machines et appareils électriques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre.

8543.80 -Autres machines et appareils

8543.80.40 ---Autres machines électriques, à commande mécanique

M. Yvan Roberge, président de Norcan-Spec, le mandataire de l'appelant au Québec, a comparu à titre de témoin pour le compte de l'appelant. Il a expliqué que les marchandises en cause sont habituellement installées dans des locaux commerciaux ou industriels, où l'accès par les portes est contrôlé. Une gâche est fixée au chambranle d'une porte, vis-à-vis le pêne de la serrure. Lorsque la porte est verrouillée, le pêne qui sort de l'intérieur de la serrure et se loge dans la gâche vient s'appuyer contre une petite plaque métallique ou «languette». C'est cette plaque de métal qui, avec le pêne, fait en sorte que la porte ne peut être ouverte. Lorsque la gâche est activée électroniquement (p. ex. par composition d'un code sur un clavier numérique), la petite plaque de métal contre laquelle le pêne est appuyé pivote et permet au pêne de passer horizontalement à travers la gâche. À ce moment-là, la porte est déverrouillée et peut être ouverte.

M. Roberge a affirmé que les marchandises en cause ne font pas fonctionner les serrures avec lesquelles elles sont utilisées ou vice-versa. Il a aussi indiqué que les marchandises en cause ne sont pas vendues avec un nécessaire à serrure ou comme partie d'un tel nécessaire. Enfin, le représentant de l'appelant a demandé à M. Roberge de comparer les marchandises en cause aux gâches qui feraient partie d'un ensemble à poignée avec et sans serrure. M. Roberge a précisé que, dans ce dernier cas, les gâches ne sont pas une partie essentielle de tels ensembles et que ceux-ci pouvaient être montés et fonctionner sans les gâches.

Dans sa plaidoirie, le représentant de l'appelant s'est appuyé sur la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [3] qui prévoit, en partie, que le classement est déterminé selon les termes des positions de l'annexe I et des Notes de Sections ou de Chapitres.

Le représentant de l'appelant a soutenu que les marchandises en cause ne sont ni des serrures pour portes ni des parties de ces serrures, mais plutôt des dispositifs de déverrouillage de porte qui mettent hors circuit le mécanisme de verrouillage des portes. Selon le représentant, les marchandises en cause fonctionnent de façon indépendante des verrous avec lesquels elles peuvent être montées. Puisque les marchandises en cause sont des dispositifs de déverrouillage plutôt que de verrouillage, le représentant a soutenu qu'elles ne pouvaient être classées à titre de serrures dans la position no 83.01.

Le représentant de l'appelant a également soutenu que les marchandises en cause ne sont pas des «fermoirs», visés par la position no 83.01. D'abord, les marchandises en cause sont des dispositifs électriques tandis que, selon le représentant, les fermoirs décrits à la position no 83.01 ne le sont pas. Par surcroît, les marchandises en cause ne sont pas, en fait, des fermoirs, puisque ceux-ci sont des dispositifs consistant à attacher ensemble deux ou plusieurs choses ou parties du même objet. De l'avis du représentant, les marchandises en cause ne remplissent pas une fonction de ce genre.

Le représentant de l'appelant a soutenu que les marchandises en cause doivent être classées à titre de machines électriques, à commande mécanique, ayant une fonction propre. Le représentant a soutenu qu'il ne fait aucun doute que les marchandises en cause sont des machines électriques. Pour ce qui est de la fonction propre, le représentant a soutenu que les marchandises en cause ont bien une fonction propre qui consiste à déverrouiller une porte, fonction qui est distincte de la fonction de verrouillage d'une serrure classique.

L'avocat de l'intimé a invoqué plusieurs arguments pour appuyer la position de l'intimé. D'abord, il a fait valoir que la position no 83.01 vise un large éventail de serrures (c.-à-d. à clef, à secret ou électriques). De l'avis de l'avocat, l'élément essentiel d'une serrure ou celui qui la définit est qu'elle libère une porte lorsqu'elle est déverrouillée et bloque l'ouverture de la porte lorsqu'elle est verrouillée. Selon l'avocat, les marchandises en cause remplissent précisément ces fonctions.

L'avocat de l'intimé a soutenu que la position de l'intimé était conforme aux Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [4] (les Notes explicatives) de la position no 83.01.

L'avocat de l'intimé a présenté deux arguments pour réfuter le classement proposé par l'appelant. D'abord, le Chapitre 85 fait partie de la Section XVI de l'annexe I du Tarif des douanes. L'avocat a fait remarquer que les marchandises en cause ne pouvaient être classées dans le numéro tarifaire 8543.80.40, puisque la Note 1 k) de la Section XVI exclut expressément les articles des Chapitres 82 et 83.

Deuxièmement, l'avocat de l'intimé a indiqué que les marchandises en cause ne sont pas des dispositifs électriques ayant une «fonction propre [5] ». Les Notes explicatives de la position no 84.79 prévoient que :

Les dispositifs mécaniques qui ne peuvent fonctionner que montés sur une autre machine, un autre appareil ou engin ou incorporés dans un ensemble plus complexe, [peuvent être considérés comme ayant une fonction propre] à la condition cependant que leur fonction :

1°) soit distincte de celle de la machine, de l'appareil ou de l'engin sur lesquels ils doivent être montés ou de celle de l'ensemble dans lequel ils doivent être incorporés, et

2°) qu'elle ne participe pas d'une manière intégrante et indissociable au fonctionnement de cette machine, de cet appareil, engin ou ensemble.

De l'avis de l'avocat de l'intimé, la fonction des marchandises en cause n'est pas indépendante de celle des serrures avec lesquelles elles sont normalement installées. Plutôt, les deux composants fonctionnent ensemble comme un tout intégré.

Le Tribunal est d'avis que la position no 83.01 vise un vaste éventail de serrures. D'abord, le libellé de la position lui-même est extrêmement englobant, «[c]adenas, serrures et verrous (à clef, à secret ou électriques), en métaux communs». En outre, les Notes explicatives de la position no 83.01 précisent que cette position englobe une très grande variété de serrures. En particulier, le Tribunal a retenu les Notes explicatives suivantes de la position no 83.01 :

La présente position englobe un ensemble de dispositifs de fermeture dont le mécanisme est actionné à l'aide d'une clef (y compris les dispositifs de sûreté à cylindre, à pompe, à gorges multiples, par exemple) ou au moyen d'une combinaison de chiffres ou de lettres (articles dits à secret).

On y range également les serrures à déclenchement ou à blocage électriques (pour portes extérieures d'immeubles, pour ascenseurs, notamment). Ces serrures peuvent fonctionner par exemple, par l'insertion d'une carte magnétique, par composition d'un code sur un clavier électronique ou par signal radio.

Les dispositifs de fermeture en cause comprennent :

A) Les cadenas de tout genre pour portes, malles, coffres, sacs, bicyclettes, etc. y compris les moraillons de sûreté avec clefs.

B) Les serrures de tout genre, ainsi que les verrous de sûreté, pour portes de bâtiments, de clôtures, de boîtes aux lettres, pour coffres-forts, meubles, pianos, malles, valises, coffrets, étuis, articles de maroquinerie (sacs de dames, portefeuilles, serviettes, etc.), pour véhicules (automobiles, wagons de chemins de fer, tramways, etc.), pour ascenseurs, rideaux de fermeture métalliques, etc.

De l'avis du Tribunal, ni l'un ni l'autre des classements proposés par les parties au présent appel ne sont corrects. Les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 83.01. Le Tribunal en est venu à cette décision en s'appuyant sur le fait que les marchandises en cause ne sont pas des parties de serrures, mais plutôt des serrures par et en elles-mêmes.

Au sens le plus général, une serrure est un appareil ou un mécanisme servant à fixer ou à verrouiller une porte, une fenêtre, un rebord, etc. Une serrure donne aux personnes les moyens nécessaires pour la faire fonctionner — que ce soit une clef, une carte ou un autre dispositif, en composant une combinaison de façon manuelle ou électronique — de verrouiller ou de déverrouiller la porte, la fenêtre, etc., sur laquelle le dispositif est monté. Une serrure est une façon de contrôler l'accès à une aire ou à un espace défini.

Le représentant de l'appelant a soutenu que les marchandises en cause déverrouillent les portes, mais qu'elles ne les verrouillent pas. Le Tribunal n'est pas disposé à accepter cette distinction. Là où elles sont installées, les marchandises en cause servent à la fois à verrouiller et à déverrouiller les portes. Elles les déverrouillent lorsqu'elles sont activées, en permettant qu'un pêne qui sort de la serrure passe horizontalement au travers d'elles, libérant ainsi la porte qui peut alors être ouverte. Elles verrouillent la porte lorsqu'elles ne sont pas activées du fait qu'elles retiennent le pêne fermement en place, empêchant que la porte soit ouverte. Le Tribunal a conclu que les marchandises en cause sont des serrures, par et en elles-mêmes, plutôt que des parties de serrures, parce qu'elles pourraient être utilisées sur les portes sans un autre dispositif quelconque de verrouillage. En d'autres mots, les marchandises en cause n'ont pas nécessairement à être utilisées avec un ensemble poignée-serrure ou une autre forme de serrure pour remplir une fonction de verrouillage. Seul un pêne ou une autre forme de dispositif sortant d'une porte, dispositif qui n'a pas à faire partie d'une serrure, est requis pour permettre aux marchandises en cause de remplir leur fonction.

Compte tenu de ce qui précède, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Supra note 2, annexe I.

4. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

5. En cherchant à établir si une machine a une fonction propre, les Notes explicatives de la position no 85.43 précisent que les dispositions introductives des Notes explicatives de la position no 84.79, qui fixent les critères permettant d'établir la «fonction propre», sont applicables mutatis mutandis à la position no 85.43.


Publication initiale : le 17 décembre 1996