THINKWAY TRADING CORPORATION

Décisions


THINKWAY TRADING CORPORATION
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-080

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le mardi 19 mars 1996

Appel no AP-95-080

EU ÉGARD À un appel entendu le 22 novembre 1995, aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 6 juin 1995 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

THINKWAY TRADING CORPORATION Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les costumes d'Halloween importés par l'appelant sont correctement classés dans le numéro tarifaire 6114.30.00 à titre d'autres vêtements, en bonneterie, de fibres synthétiques ou artificielles, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 9505.90.90 à titre d'autres articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Aux termes de la Note 1e) du Chapitre 95 de l'annexe I du Tarif des douanes, ce chapitre ne comprend pas «les vêtements de sport, ainsi que les travestis en matières textiles, des Chapitres 61 ou 62». En anglais, l'expression «fancy dress» (rendue en français par «costume», «travesti» ou «déguisement») est un syntagme qui a un sens particulier. Le dictionnaire The Oxford English Dictionary , par exemple, en donne la définition suivante : «[a] costume arranged according to the wearer's fancy, usually representing some fictitious or historical character» ([traduction] un costume assemblé selon la fantaisie de son porteur, qui représente habituellement un personnage fictif ou historique). La nature des marchandises en cause étant ce qu'elle est, le Tribunal est d'avis que ces costumes sont assemblés ou faits selon la fantaisie de leur porteur de manière à représenter des personnages fictifs. Comme cela a été précisé au cours de l'audience, les costumes importés sont faits de matières synthétiques ou artificielles et sont lavables. Les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6114.30.00 à titre d'autres vêtements, en bonneterie, de fibres synthétiques ou artificielles.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 22 novembre 1995 Date de la décision : Le 19 mars 1996
Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Robert Robson, pour l'appelant Janet Ozembloski, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue le 6 juin 1995 par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les costumes d'Halloween importés par l'appelant sont correctement classés dans le numéro tarifaire 6114.30.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres vêtements, en bonneterie, de fibres synthétiques ou artificielles, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 9505.90.90 à titre d'autres articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements, comme l'a soutenu l'appelant.

M. John Barton a témoigné au nom de l'appelant. M. Barton est directeur, Marketing et octroi de licences, de la société Thinkway Trading Corporation. Après avoir rappelé qu'il avait une longue expérience dans le «commerce des articles d'Halloween», c.-à-d. le choix, l'achat, le marchandisage de costumes et d'accessoires pour l'Halloween et la publicité à leur sujet, M. Barton a abordé la question de l'utilisation de ces costumes. Ceux-ci sont utilisés 1) par des enfants qui se promènent dans les rues le soir de l'Halloween et 2) par des adultes ou des adolescents qui assistent à des soirées chez des particuliers. En fait, divers facteurs expliquent que ces costumes soient de plus en plus portés par les gens pour des activités qui se déroulent à l'intérieur. L'appelant vend des costumes d'Halloween à divers points de vente, allant des magasins Wal-Mart aux boutiques d'occasion. L'Halloween étant pour les grands magasins à rayons multiples un événement saisonnier, ce sont les acheteurs de jouets qui sont chargés d'acheter les marchandises en cause. Le témoin a en outre indiqué que, d'après son expérience, le rayon des jouets et celui des articles de sport étaient distincts du rayon des vêtements et articles de mode.

Pour ce qui est de la valeur moyenne des costumes en cause importés, M. Barton a donné des chiffres d'environ 3,00 $ à 3,50 $ US. Pendant sa déposition, un grand nombre de costumes ont été présentés comme pièces, par exemple le «Messager de feu pour adultes» (pièce A-6) et le «Prisonnier pour adultes» (pièce A-8). Enfin, M. Barton a mentionné au Tribunal qu'en vertu de la loi canadienne, tous ces costumes doivent être confectionnés de matières ignifuges et résistantes au feu.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Barton a mentionné au Tribunal que les costumes en cause représentent des personnages imaginaires ou de la vie réelle. Il a également reconnu, compte tenu du caractère saisonnier du «commerce des articles d'Halloween», que les costumes pouvaient changer d'une année à l'autre. Environ 80 p. 100 de toutes les marchandises pour l'Halloween, qu'il s'agisse de costumes ou de seaux en forme de citrouille, viennent de l'Orient. M. Barton a, en outre, indiqué que le «commerce des articles d'Halloween» a tout à fait explosé, en raison essentiellement de l'engouement pour les fêtes tenues à l'intérieur. Le témoin n'a pu donner de réponse affirmative à la question de savoir si les costumes peuvent être réutilisés à d'autres moments qu'à l'Halloween. À son avis, le goût de changement et le très bas prix de ces costumes laissent supposer que la plupart des gens en achètent un différent chaque année. Il a également été d'accord pour dire avec l'avocate de l'intimé que les costumes en cause sont lavables à la machine et que le polyester (un élément de ces costumes) est un tricot. Enfin, pour ce qui est des prix de vente au détail de ces costumes, il a précisé qu'ils étaient très bas (p. ex., le prix de 9,99 $ fixé par Wal-Mart pour un costume pour adultes).

Selon M. Barton, l'expression anglaise «fancy dress» désigne des vêtements haut de gamme (p. ex., une robe de 100 $ à 200 $ pour sa femme). Il a également mentionné au Tribunal que ce terme n'a absolument aucune signification pour le «commerce des articles d'Halloween».

Dans son argumentation, le représentant de l'appelant a invoqué la définition de l'adjectif anglais «fancy» (fantaisie) tirée du dictionnaire The World Book Dictionary [3] , à savoir «a fancy blouse, fancy trimming. SYN : elegant, fine. 2 requiring much skill [4] » ([traduction] un chemisier, une décoration de fantaisie. SYN : élégant, fin. 2 exigeant beaucoup de talent). À son avis, les costumes en cause sont d'une confection très simple et comportent un motif imprimé. En outre, certains de ces costumes n'ont pas d'ourlet. Or, pour comprendre le sens d'un numéro tarifaire, il faut en analyser la structure. En ce qui concerne la position no 95.05, à savoir «Articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements, y compris les articles de magie et articles-surprises», le représentant a fait valoir que les auteurs des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [5] (les Notes explicatives) ont choisi de ne pas exclure tous les articles textiles mais uniquement les «travestis en matières textiles» et les vêtements de sport. Tous les vêtements «en matières textiles» auraient pu être exclus, mais tel n'a pas été le cas. À son avis, l'intention du législateur était d'exclure les vêtements chers, fins ou élaborés. Le simple fait que les «costumes d'Halloween» sont faits «de matières textiles» ne devrait pas être suffisant pour empêcher que les marchandises en cause soient classées dans la position no 95.05.

L'avocate de l'intimé a fait remarquer que l'appelant n'avait pas réussi à montrer que l'intimé avait incorrectement classé les marchandises en cause. En outre, elle a soutenu, sur la foi des Notes explicatives pertinentes, que le Chapitre 95 de l'annexe I du Tarif des douanes ne comprend certes pas «les travestis en matières textiles». À son avis, la question dont le Tribunal est saisi est très précise, à savoir celle du sens exact, en anglais, de l'expression «fancy dress, of textiles» (travestis en matières textiles). Pour y répondre, elle a fourni au Tribunal la définition du syntagme anglais «fancy dress» (rendu en français par «costume», «travesti» ou «déguisement») selon le dictionnaire The Oxford English Dictionary [6] , à savoir «[a] costume arranged according to the wearer's fancy, usually representing some fictitious or historical character [7] » ([traduction] un costume assemblé selon la fantaisie de son porteur, qui représente habituellement un personnage fictif ou historique). Elle a soutenu que l'expression «fancy dress» est, en anglais, un concept ou un syntagme qui a une définition précise. Bref, il ne faut pas, en anglais, examiner la définition des deux mots, «fancy» (fantaisie) et «dress» (vêtements) séparément. L'essentiel, c'est qu'en anglais l'expression «fancy dress» doit être prise, de concert avec les diverses définitions données par les dictionnaires, comme un syntagme terminologique. Elle a ajouté que les termes «fancy dress, of textiles» (travestis en matières textiles) incluaient certainement les costumes en cause (ces costumes sont faits de polyester). Elle a également rejeté le lien que l'appelant établissait entre l'expression anglaise «fancy dress» et un vêtement plus élaboré comme une robe de bal. À son avis, il n'existe aucune corrélation entre ces marchandises.

Après avoir examiné les éléments de preuve et étudié les arguments, le Tribunal est d'avis que l'appel doit être rejeté. La Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé (les Règles générales) est d'une importance cruciale pour le classement des marchandises. Cette règle prévoit que le classement est déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres. En outre, aux termes de l'article 11 du Tarif des douanes, il faut tenir compte des Notes explicatives pertinentes. Comme le Tribunal l'a déjà mentionné de nombreuses fois, cet article impose au Tribunal l'obligation de prendre en compte les Notes explicatives [8] .

Aux termes de la Note 1e) du Chapitre 95 de l'annexe I du Tarif des douanes, ce chapitre ne comprend pas «les vêtements de sport, ainsi que les travestis en matières textiles, des Chapitres 61 ou 62». Le Tribunal est d'accord avec l'avocate de l'intimé pour dire que l'expression anglaise «fancy dress» est un syntagme ayant un sens propre. Par exemple, le Merriam-Webster's Collegiate Dictionary [9] précise que l'expression «fancy dress» désigne «a costume (as for a masquerade) chosen to suit the wearer's fancy [10] » ([traduction] un costume (par exemple pour une mascarade) qui concrétise la fantaisie de son porteur). De son côté, le dictionnaire The Oxford English Dictionary donne de cette expression la définition suivante : «[a] costume arranged according to the wearer's fancy, usually representing some fictitious or historical character» ([traduction] un costume assemblé selon la fantaisie de son porteur, qui représente habituellement un personnage fictif ou historique). Soit dit en passant, le Tribunal fait remarquer que la version française de la Note 1e) utilise le mot «travesti[...]». Ce mot signifie, selon le Grand Larousse Universel [11] , «Vêtement qui permet de se déguiser en un personnage [12] ».

La nature des marchandises en cause étant ce qu'elle est, le Tribunal est d'avis que ces costumes sont assemblés ou faits selon la fantaisie de leur porteur de manière à représenter des personnages fictifs. Comme l'a reconnu M. Barton au cours du contre-interrogatoire, bien qu'à contrecœur, les personnages représentés par les costumes, p. ex., des clowns, des pirates, etc., renvoient à des personnages imaginaires [13] . Compte tenu des explications précédentes, le Tribunal ne peut donner à l'expression anglaise «fancy dress» le sens que propose l'appelant; il n'existe aucun lien entre ce terme et des vêtements plus élaborés ou chics.

Par ailleurs, le Tribunal a pris en compte les Notes explicatives pertinentes, à savoir celles qui portent sur la position no 95.05. Cette position couvre les articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements qui, à cause de l'utilisation à laquelle ils sont destinés, sont généralement confectionnés de matières non durables. Le Tribunal souscrit à la prétention de l'avocate de l'intimé selon laquelle les Notes explicatives reflètent la portée réelle de cette position lorsqu'elles énumèrent les types de marchandises envisagées comme les masques, les faux nez et les fausses oreilles, les perruques et les fausses barbes. Comme l'a fait remarquer avec propos l'avocate de l'intimé dans son mémoire, ces marchandises désignent davantage des déguisements de la figure que de véritables vêtements.

Comme cela a été indiqué pendant l'audience, les costumes en cause sont faits de matières synthétiques ou artificielles et sont lavables. Les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6114.30.00 à titre d'autres vêtements, en bonneterie, de fibres synthétiques ou artificielles.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Chicago, World Book, 1990.

4. Ibid. à la p. 770.

5. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

6. Deuxième éd., Oxford, Clarendon Press, 1989.

7. Ibid. à la p. 716.

8. Voir, par exemple, Narco Canada Inc., Div. of North American Refractories Co. et North American Refractories Co. c. Le sous-ministre du Revenu national, appels nos AP - 94 - 016 et AP - 94 - 109, le 7 décembre 1994.

9. Dixième éd., Springfield, Merriam-Webster, 1993.

10. Ibid. à la p. 420.

11. Paris, Librairie Larousse, 1991.

12. Ibid. à la p. 10385.

13. Transcription de la session publique, le 22 novembre 1995 à la p. 27.


Publication initiale : le 28 août 1996