BDR SPORTSNUTRITION LABORATORIES LTD.

Décisions


BDR SPORTSNUTRITION LABORATORIES LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-050

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le mercredi 6 mars 1996

Appel no AP-95-050

EU ÉGARD À un appel entendu le 23 novembre 1995 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 10 mars 1995 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

BDR SPORTSNUTRITION LABORATORIES LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant est un distributeur de vitamines et de suppléments alimentaires. Au cours de 1991, il a rempli un formulaire de demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire relativement à des marchandises figurant à son inventaire au 1er janvier 1991. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a déposé sa demande de remboursement dans les délais prescrits au paragraphe 120(8) de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est admis. La crédibilité des éléments de preuve que l'appelant a présentés au Tribunal est au cœur même de la détermination de la présente cause. Après avoir attentivement examiné l'ensemble des éléments de preuve, le Tribunal est d'avis que la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire a été déposée par l'appelant avant 1992, c'est-à-dire dans les délais prescrits.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 23 novembre 1995 Date de la décision : Le 6 mars 1996
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Desmond Hallissey, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Kelly L. Ramsay, pour l'appelant Janet Ozembloski, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national en date du 6 octobre 1994.

L'appelant est un distributeur de vitamines et de suppléments alimentaires. Il est inscrit aux fins de la taxe sur les produits et services (TPS) depuis le 1er janvier 1991. Au cours de 1991, l'appelant a demandé un remboursement de 6 485,39 $ au titre de la taxe de vente fédérale (TVF) à l'inventaire payée sur les marchandises figurant à son inventaire au 1er janvier 1991. Selon l'appelant, cette demande a été mise à la poste le 9 octobre 1991. Par un avis de détermination en date du 6 octobre 1994, l'intimé a rejeté la demande de remboursement de l'appelant pour le motif qu'elle n'avait pas été déposée dans les délais prescrits au paragraphe 120(8) de la Loi. Aux termes de ce paragraphe, aucun remboursement n'est versé en application de l'article 120 de la Loi à moins que la demande ne soit déposée avant 1992. Dans un avis d'opposition en date du 16 novembre 1994, l'appelant s'est opposé à cette détermination. Par un avis de décision en date du 10 mars 1995, l'intimé a ratifié la détermination pour le motif que les éléments de preuve indiquaient que la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire n'avait pas été déposée avant 1992.

Le Tribunal doit déterminer si l'appelant a déposé sa demande de remboursement de la TVF à l'inventaire avant 1992.

Le président de la société BDR Sportsnutrition Laboratories Ltd., M. Harry D. Bentley, a témoigné au nom de l'appelant. On trouvera ci-après un résumé des faits présentés par ce témoin pendant son témoignage. M. Bentley a indiqué au Tribunal qu'il avait pris connaissance du programme de remboursement de la TVF à l'inventaire en décembre 1990. Quelques mois plus tard, soit le 4 juin 1991, un employé de l'appelant, M. Devon McKenzie, s'est rendu au bureau de Toronto Nord du ministère du Revenu national (Revenu Canada) pour effectuer le premier paiement trimestriel de la TPS et pour prendre la pochette d'information sur le remboursement de la TVF à l'inventaire. Le 8 octobre 1991, le comptable de l'appelant, M. John Burigana, a vérifié le formulaire de demande rempli par M. McKenzie. Après avoir examiné les chiffres et s'être assuré que les bons pourcentages avaient été utilisés, le comptable a renvoyé la demande à MM. Bentley et McKenzie. L'après-midi du 9 octobre 1991, en se rendant chez lui, M. McKenzie a déposé la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire dans une boîte aux lettres. Cette demande n'a pas été envoyée par courrier recommandé étant donné, selon M. Bentley, que cela n'est pas requis et que cela coûte cher. Selon le journal pertinent (pièce A-1) tenu par l'appelant, M. Burigana a appelé l'appelant quelques jours plus tard pour confirmer l'envoi de la demande.

La première demande de renseignements de l'appelant à Revenu Canada relativement à sa demande de remboursement de la TVF à l'inventaire a été faite en avril 1992. Le nom et le numéro de téléphone de M. Glen Wagner ont été donnés à l'appelant. M. Bentley a dit au Tribunal qu'il avait appelé M. Wagner en avril, en mai, en juin et en août 1992. Le témoin a indiqué que les éléments de preuve confirmant ces appels se trouvaient dans son journal. M. Wagner n'a jamais fait d'appel, étant donné qu'il avait quitté son poste. Le 19 novembre 1992, le bureau de Toronto Nord de Revenu Canada a appelé l'appelant. Quelques jours plus tard, soit le 2 décembre 1992, une discussion a eu lieu entre M. McKenzie et M. Geronimo de Revenu Canada. Celui-ci a indiqué qu'il chercherait à retracer la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire de l'appelant. À ce qu'il semble, M. Geronimo n'a jamais demandé à l'appelant de lui fournir une copie de la demande. M. Bentley a dit au Tribunal qu'il n'y avait eu aucune autre communication entre l'appelant et Revenu Canada avant octobre 1993. Cependant, dans l'intervalle, l'appelant a reçu des relevés des arriérés de la TPS. Le 26 octobre 1993, il a reçu de Mme J. Clayton, une employée du bureau de Toronto Ouest de Revenu Canada, une lettre l'avisant que l'appelant n'avait pas produit de déclarations de TPS. Dans une discussion avec Mme Clayton, M. Bentley lui a dit que l'appelant retenait ses versements de TPS parce qu'il n'avait pas encore reçu le remboursement de la TVF à l'inventaire. Mme Clayton lui a demandé une copie de sa demande de remboursement. M. Bentley a dit au Tribunal qu'il a déposé cette copie en personne au bureau de Mme Clayton le 29 octobre 1993. Mme Clayton a mentionné à M. Bentley qu'un employé de Revenu Canada communiquerait avec l'appelant. Au début de décembre 1993, M. Brown, du bureau de Mississauga de Revenu Canada, a appelé le bureau de l'appelant. Il a indiqué qu'un employé du bureau de Toronto Nord l'appellerait concernant sa demande de remboursement. Le 27 janvier 1994, Mme Hill, une agente de recouvrement de la TPS du bureau de Mississauga de Revenu Canada, a communiqué avec l'appelant. Dans une autre conversation qu'elle a eue avec l'appelant, Mme Hill a apparemment dit au témoin que M. Brown s'occupait du compte de l'appelant. Un appel à M. Brown a révélé que M. Roy Restofti s'occupait maintenant de ce compte.

Au printemps 1994, M. Bentley a écrit à son député, M. Sergio Marchi, pour lui demander de l'aider à régler le dossier de l'appelant à l'égard de sa demande de remboursement de la TVF à l'inventaire (pièce A-12). Le 29 mars 1994, l'appelant a reçu un appel de Mme Donna Abalos du bureau de Mississauga de Revenu Canada. Elle demandait à l'appelant de lui présenter ses états financiers pour 1990. À la demande de M. Sodia de Revenu Canada, une réunion a eu lieu au bureau de Mississauga le 17 août 1994 pour discuter de la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire. Une autre réunion a, par la suite, été organisée avec cet agent, M. Sodia ayant des questions au sujet des états financiers de fin d'année pour 1990. L'objet de cette réunion était d'établir que la demande de remboursement avait été mise à la poste par l'appelant. Ont assisté à cette deuxième réunion du 1er septembre 1994, MM. Bentley, McKenzie et Burigana, ainsi que Mme Abalos et M. Sodia.

Dans l'avis de détermination du 6 octobre 1994, Mme Abalos a indiqué que la deuxième rencontre n'avait pas permis d'obtenir des éléments de preuve supplémentaires corroborant le fait que la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire avait été présentée avant 1992.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Bentley a reconnu que la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire était d'une importance cruciale pour l'appelant. Vu cette importance, il lui a été demandé d'expliquer pourquoi l'appelant n'avait rien fait au sujet de la demande entre décembre 1992 et décembre 1993. Comme il l'a indiqué, l'appelant savait qu'il recevrait un remboursement de la TVF à l'inventaire. L'appelant a plutôt décidé de contrebalancer le remboursement de la TVF à l'inventaire par le montant de TPS dû au gouvernement. En effet, aucun paiement de TPS n'a été effectué par l'appelant à Revenu Canada entre le deuxième trimestre de 1991 et le deuxième trimestre de 1994. M. Bentley a indiqué que le montant intégral a finalement été réglé au deuxième trimestre de 1994.

La représentante de l'appelant a indiqué que celui-ci a déposé sa demande de remboursement de la TVF à l'inventaire dans les délais prescrits. Après avoir indiqué qu'elle rejetait la façon dont l'intimé avait présenté les faits et après avoir mis en évidence les aspects pertinents des éléments de preuve, elle a soutenu que Revenu Canada avait fait preuve de négligence dans plusieurs domaines. Elle a notamment fait état des huit lacunes suivantes : absence de responsabilité des agents, caractère inadéquat du système de communication, absence d'un système administratif adéquat pour le traitement des demandes, absence d'un système adéquat pour s'occuper des formules de TVF, absence de supervision des agents et absence de clarté dans l'énoncé des responsabilités des agents. Elle a également émis des doutes sur le bien-fondé de la ligne de conduite suivie par Revenu Canada. Sur ce point, elle a mentionné que Revenu Canada n'avait fourni aucun élément de preuve concernant l'existence d'un «registre des contacts» avec le public canadien. Elle a soutenu que Revenu Canada n'a pas les politiques et les procédures qu'il devrait avoir pour fournir des services au public. À son avis, puisque Revenu Canada a été incapable de présenter des éléments de preuve, il faut prendre comme vraie et exacte la preuve prima facie fournie par l'appelant.

L'avocate de l'intimé a d'abord fait remarquer que M. McKenzie, c'est-à-dire la personne qui a prétendument mis la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire à la poste, n'a fourni aucun élément de preuve direct. Elle a rejeté l'affirmation de l'appelant selon laquelle la preuve prima facie doit être prise comme vraie et correcte. Elle a soutenu qu'il n'existe absolument aucun renseignement corroborant (p. ex., une lettre d'envoi, un reçu de courrier recommandé) qui indique que la demande a été déposée dans les délais prescrits. À son avis, [traduction] «les journaux ne prouvent rien du tout [2] ». Aucune preuve n'a été présentée concernant l'exactitude de ces journaux. Elle a également fait valoir que des gens en affaires depuis 1979, année où l'appelant a été créé, auraient dû faire des démarches supplémentaires concernant la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire, compte tenu de l'importance cruciale du remboursement pour les entreprises. À cet égard, elle a également soutenu que l'appelant aurait dû agir entre décembre 1992 et décembre 1993. Enfin, elle a soutenu que l'appelant devrait garder de meilleurs registres.

L'avocate de l'intimé a soutenu qu'il incombait à l'appelant d'établir son droit à un remboursement et que la détermination de l'intimé est incorrecte. À son avis, l'appelant ne s'est pas acquitté de cette obligation, car il n'a pas réussi à montrer que toutes les conditions statutaires requises pour avoir droit à un remboursement ont été satisfaites. À cet égard, elle a attiré l'attention du Tribunal sur deux de ses décisions, à savoir Jim's Motor Repairs (Calgary) Ltd. c. Le ministre du Revenu national [3] et Vitrerie Orléans Inc. c. Le ministre du Revenu national [4] . Elle a soutenu que l'appelant ne s'est pas conformé aux dispositions du paragraphe 120(8) de la Loi, en ce sens que sa demande n'a été reçue par l'intimé que le 29 octobre 1993. Enfin, elle a allégué qu'aucune disposition de la Loi ne donne au Tribunal le pouvoir d'annuler ou de proroger des délais statutaires.

La crédibilité des éléments de preuve que l'appelant a présentés au Tribunal est au cœur même de la détermination de la présente cause. Après avoir attentivement examiné l'ensemble des éléments de preuve, le Tribunal conclut que la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire a été déposée par l'appelant avant 1992, c'est-à-dire dans les délais prescrits. Il aurait sans doute été préférable que l'appelant demande à M. McKenzie de témoigner ou présente des éléments de preuve corroborants non équivoques, par exemple, un reçu de courrier recommandé; le Tribunal demeure cependant persuadé, sur la foi du témoignage détaillé de M. Bentley, que la mise à la poste de la demande de l'appelant a eu lieu avant 1992. En soupesant les éléments de preuve, le Tribunal a, en particulier, relevé l'apparente confusion qui semblait régner entre les bureaux de Revenu Canada (Toronto Nord et Mississauga) qui se sont occupés de la demande de remboursement de la TVF à l'inventaire de l'appelant. C'est peut-être la raison pour laquelle la demande originale de l'appelant n'a pas officiellement été reçue et enregistrée par Revenu Canada. En outre, un document daté du 8 juin 1992 rédigé par Revenu Canada (Remboursement de la TVF à l'inventaire - «demandes perdues» - pièce A-14) donnerait à penser que la perte de demandes originales de remboursement d'un grand nombre d'inscrits aux fins de la TPS constituait un problème. De l'avis du Tribunal, l'appelant s'est acquitté du fardeau de la preuve.

Compte tenu de ce qui précède, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15.

2. Transcription de l'argumentation, le 23 novembre 1995 à la p. 14.

3. Appel no AP - 93 - 068, le 28 février 1994.

4. Appel no AP - 93 - 345, le 22 septembre 1994.


Publication initiale : le 28 août 1996