MARR'S LEISURE PRODUCTS INC.

Décisions


MARR'S LEISURE PRODUCTS INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
v.
CANADIAN BICYCLE MANUFACTURERS' ASSOCIATION, VICTORIA PRECISION INC. ET GROUPE PROCYCLE INC.
Appel no AP-95-084

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 8 novembre 1996

Appel n o AP-95-084

EU ÉGARD À un appel entendu le 4 juillet 1996 aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 9 juin 1995 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 58 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

MARR'S LEISURE PRODUCTS INC. Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

ET

CANADIAN BICYCLE MANUFACTURERS' ASSOCIATION, VICTORIA PRECISION INC. ET GROUPE PROCYCLE INC. Intervenants

L'appel est rejeté.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Susanne Grimes ______ Susanne Grimes Secrétaire intérimaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation à l'égard d'un réexamen effectué par le sous-ministre du Revenu national qui a eu pour effet de confirmer le montant des droits antidumping imposés sur certains envois de composants de bicyclette importés au Canada par l'appelant.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont des marchandises de même description que celles visées par les conclusions qu'il a rendues dans le cadre de l'enquête noNQ-92-002 concernant certaines bicyclettes. Même si les nombreuses pièces détachées comprises dans les envois de l'appelant peuvent être décrites comme des pièces de 600 bicyclettes, de l'avis du Tribunal, aux fins du présent appel, elles peuvent aussi être décrites comme 600 bicyclettes non assemblées. Afin d'en arriver à cette conclusion, le Tribunal a tenu compte notamment de ce qu'il considère être le sens courant de l'expression «bicyclettes démontées». Le Tribunal n'est pas persuadé que le sens courant de cette expression se limite, dans le présent contexte, aux bicyclettes semi-montées.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 4 juillet 1996 Date de la décision : Le 8 novembre 1996
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Raynald Guay, membre Lyle M. Russell, membre
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Anne Jamieson
Parties : Anthony Gurniak, pour l'appelant Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé C.J. Michael Flavell, c.r., et Paul M. Lalonde,
pour les intervenants





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI) à l'égard d'un réexamen effectué par le sous-ministre du Revenu national qui a eu pour effet de confirmer le montant des droits antidumping imposés sur certains envois de composants de bicyclette importés au Canada par l'appelant.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont des «marchandises [...] de même description» que celles visées par les conclusions rendues par le Tribunal dans le cadre de l'enquête no NQ-92-002 [2] . Dans cette enquête, les conclusions du Tribunal font état de «bicyclettes assemblées ou démontées [*]» [soulignement ajouté]. Les marchandises en cause sont décrites comme étant des «frames and all other components necessary for 600 complete bicycles, all shipped together in an unassembled state» ([traduction] cadres et tous les autres composants nécessaires pour monter 600 bicyclettes, tous expédiés ensemble sans être montés).

S'il est déterminé que les marchandises en cause sont des «marchandises [...] de même description» que celles visées par les conclusions du Tribunal, des droits antidumping seront imposés sur ces marchandises aux termes de l'article 3 de la LMSI.

Le présent appel a été entendu sur la foi d'exposés écrits aux termes de l'article 25 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [3] , à partir du dossier du Tribunal, incluant un exposé conjoint des faits et les mémoires présentés par les parties.

L'exposé conjoint des faits précise que les marchandises en cause ont été expédiées par le même exportateur et que les factures délivrées à l'appelant indiquaient un tarif déterminé par bicyclette. Les marchandises en cause ont été décrites sur la facture des douanes canadiennes ainsi que sur la facture commerciale comme étant «600 complete bicycles» ([traduction] 600 bicyclettes complètes). Les marchandises en cause ont par la suite été expédiées à Mariah Cycles Inc., qui les a assemblées pour en faire des bicyclettes «semi-montées». Les bicyclettes ont ensuite été emballées individuellement dans des cartons et expédiées à des détaillants qui ont fini l'assemblage en installant le guidon, la selle, la roue avant et les pédales inclus dans chaque carton. Mariah Cycles Inc. a facturé à l'appelant un tarif par bicyclette pour son travail.

L'appelant allègue que l'«assemblage» des bicyclettes au Canada pour le commerce de gros est un «processus intensif» qui comprend de nombreuses étapes et requiert une grande compétence technique. Par exemple, les composants des roues sont importés sous forme de jantes, de rayons, de moyeux, de pneus, de chambres à air et de protecteurs de jante, qui sont par la suite «assemblés» par un monteur canadien pour constituer une roue complète. D'autres étapes consistent à «installer» la chaîne et les dérailleurs avant et arrière, ainsi qu'à «monter» les guidons, les leviers de freins et de vitesse et les poignées.

L'appelant soutient que le Tribunal n'a pas donné de définition des termes «assemblées» ou «démontées» dans ses conclusions et, en outre, qu'à sa connaissance il n'existe pas de lignes directrices publiées sur cette terminologie. De l'avis de l'appelant, en précisant dans ses conclusions que les bicyclettes étaient «démontées», le Tribunal voulait empêcher que des bicyclettes semi-montées entrent au Canada et évitent ainsi d'être frappées de droits antidumping, mais ne visait pas les conteneurs de pièces importées destinées à être montées par un fabricant national de bicyclettes.

L'intimé soutient qu'il appartient à l'appelant de démontrer que la décision de l'intimé est incorrecte et que, si l'appelant ne s'acquitte pas du fardeau de la preuve, l'appel doit être rejeté. L'intimé soutient en outre que les conclusions rendues par le Tribunal visent certaines bicyclettes assemblées ou démontées et qu'elles ne font aucune distinction concernant l'état d'avancement ou la difficulté de l'assemblage. À cette fin, les conclusions du Tribunal incluent clairement toute la gamme de bicyclettes, de complètement non assemblées à complètement assemblées.

L'intimé soutient que, dans la présente affaire, les pièces n'ont pas été importées séparément de diverses sources et tenues à part en stock, mais plutôt que les composants, tels qu'ils ont été envoyés, pouvaient être et ont été assemblés pour constituer 600 bicyclettes complètes. En outre, les marchandises en cause ont été décrites à la fois sur la facture des douanes et sur la facture commerciale comme étant 600 bicyclettes complètes; elles ont été expédiées par un seul exportateur qui a facturé un prix fondé sur un tarif par bicyclette, tout comme le monteur l'a fait pour son travail. L'intimé allègue que, même sans une définition précise de l'expression «bicyclettes démontées», les facteurs énumérés ci-dessus indiquent que les marchandises en cause étaient des bicyclettes non assemblées. L'intimé fait valoir en outre que cette position est conforme à l'objet de la LMSI, qui est d'empêcher ou de réduire le dommage sensible causé aux producteurs nationaux et que, si le Tribunal adoptait une autre position, il en résulterait un dommage sensible pour les producteurs nationaux de bicyclettes.

La Canadian Bicycle Manufacturers' Association et deux fabricants de bicyclettes, à savoir Victoria Precision Inc. et Groupe Procycle Inc., ont été des intervenants dans la présente affaire et se sont opposés à la position de l'appelant. Dans leur mémoire conjoint, les intervenants renvoient à la décision rendue par le Tribunal dans l'affaire Nova Aqua Sea Limited c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [4] , dans laquelle le Tribunal a jugé que certaines marchandises importées en pièces détachées et requérant un important travail d'assemblage pour être complètes, étaient «conçues, usinées, fabriquées, emballées et vendues comme [...] unité[s] complète[s]» et a donc conclu qu'elles avaient été correctement classées. Les intervenants affirment que, bien que cette affaire-là ait porté sur le classement tarifaire, les mêmes principes d'interprétation s'appliquent dans la présente affaire et que les marchandises en cause non assemblées dans la présente instance sont, de façon similaire, «conçues, usinées, fabriquées, emballées et vendues comme [...] unité[s] complète[s]».

Les intervenants renvoient à la Règle 2 a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [5] (les Règles générales), qui peut aider à comprendre le sens de l'expression «démontées». La Règle 2 a) prévoit que toute référence à un article dans une position déterminée du Tarif des douanes [6] couvre cet article même incomplet ou non fini à la condition qu'il présente, en l'état, les «caractéristiques essentielles» de l'article complet ou fini. Cette disposition précise également que la référence couvre l'article complet ou fini lorsqu'il est présenté à l'état non monté ou démonté. Les intervenants soutiennent que les marchandises en cause, qui sont non montées ont les «caractéristiques essentielles» de bicyclettes complètes ou finies.

Les intervenants soutiennent en outre que, puisque la description des marchandises dans les conclusions du Tribunal mentionne explicitement les bicyclettes «démontées», cela donne encore plus de poids à l'idée selon laquelle les marchandises non montées sont effectivement visées par les conclusions.

Dans un appel interjeté aux termes de l'article 61 de la LMSI, le Tribunal doit déterminer si des droits antidumping sont payables sur certaines marchandises importées. Que des droits antidumping soient ou non payables dépend de la question de savoir si les marchandises importées sont des marchandises de même description que celles visées par une ordonnance ou des conclusions du Tribunal. Les conclusions rendues par le Tribunal dans la présente affaire concernent des «bicyclettes, assemblées ou démontées, et des cadres de bicyclettes, avec des roues d'un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus, originaires ou exportés de Taïwan et de la République populaire de Chine». [Soulignement ajouté]

De l'avis du Tribunal, l'allusion aux «bicyclettes démontées» dans ses conclusions s'applique de toute évidence aux marchandises en cause. Selon The Concise Oxford Dictionary of Current English [7] le verbe «assemble» (monter), utilisé dans un contexte mécanique, signifie «fit together the parts of [a machine] [8] » ([traduction] réunir les pièces d'[une machine]). Même si les nombreuses pièces distinctes faisant partie des envois de l'appelant peuvent être décrites comme des pièces de 600 bicyclettes, de l'avis du Tribunal, aux fins du présent appel, elles peuvent également être décrites comme 600 bicyclettes non assemblées.

Le Tribunal souligne que les pièces détachées ou composants constituant les marchandises en cause ont été expédiés en deux envois par un fournisseur unique et en nombre précis permettant de monter un nombre déterminé de bicyclettes. De plus, le monteur canadien a exigé des frais fondés sur un tarif par bicyclette pour son travail d'assemblage.

Alors que l'appelant semble vouloir restreindre le sens du terme «démontées» de manière à ce qu'il n'englobe pas les composants en un état d'assemblage moins avancé que les «six éléments de base» auxquels le Tribunal a fait référence dans son Exposé des motifs dans le cadre de l'enquête no NQ-92-002 pour décrire une bicyclette [9] , il n'a avancé aucune justification qui appuie ce point de vue, et le Tribunal n'est pas persuadé qu'il y a lieu d'imposer une telle limite arbitraire au sens du terme «démontées».

Pour en arriver à la conclusion que les marchandises en cause sont englobées dans le renvoi à des «bicyclettes démontées» dans les conclusions qu'il a rendues, le Tribunal a également tenu compte du sens qu'il juge être le sens courant de l'expression «bicyclettes démontées». De l'avis du Tribunal, cela inclurait tous les composants nécessaires pour produire une bicyclette complète et qui n'ont pas encore été assemblés. Le Tribunal n'est pas persuadé que le sens courant de l'expression en limiterait la portée, dans le présent contexte, aux bicyclettes semi-montées.

Par conséquent, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont des marchandises de même description que celles visées par les conclusions qu'il a rendues dans le cadre de l'enquête no NQ-92-002 concernant certaines bicyclettes.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Bicyclettes et cadres de bicyclettes originaires ou exportés de Taïwan et de la République populaire de Chine, Conclusions, le 11 décembre 1992, Exposé des motifs, le 29 décembre 1992.

* [Note du réviseur] Dans l’enquête no NQ-92-002, le terme anglais «unassembled» a été traduit par «démontées» alors qu’on aurait dû utiliser «non montées» ou encore mieux «non assemblées».

3. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912.

4. Appel no 3027, le 26 juillet 1990.

5. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.), annexe I.

6. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

7. Septième éd., Oxford, Clarendon Press, 1982.

8. Ibid. à la p. 51.

9. La description du produit dans l'Exposé des motifs du Tribunal dans le cadre de l'enquête no NQ-92-002 comporte, en partie, ce qui suit : Les bicyclettes en question se composent de six éléments de base : le cadre, la transmission, les roues, la selle, le guidon et les freins, dont chacun est formé de plusieurs pièces de type à enclenchement. Le cadre se compose de trois tubes soudés ensemble pour former la structure triangulaire de la bicyclette, à laquelle est fixé le triangle arrière formé de la fourche arrière et de la fourche du pédalier, qui retiennent la roue arrière, ainsi que de la fourche qui relie la roue avant au cadre. [Soulignement ajouté]


Publication initiale : le 12 février 1997