STEEN HANSEN MOTORCYCLES LTD.

Décisions


STEEN HANSEN MOTORCYCLES LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
v.
MTD PRODUCTS LIMITED, MARUBENI CANADA LTD. ET KUBOTA CANADA LTD.
Appel no AP-95-065

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 12 mai 1997

Appel n o AP-95-065

EU ÉGARD À un appel entendu les 28 et 29 août 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 2 mai 1995 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

STEEN HANSEN MOTORCYCLES LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

ET

MTD PRODUCTS LIMITED, MARUBENI CANADA LTD. ET KUBOTA CANADA LTD. Intervenants

L'appel est rejeté.


Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les marchandises en cause sont divers modèles de tracteurs de pelouse fabriqués par la société The Murray Ohio Manufacturing Co. et importés par l'appelant, qui exploite une entreprise à Edmonton (Alberta). La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8433.11.00 à titre de tondeuses à gazon à moteur, dont le dispositif de coupe tourne dans un plan horizontal, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8701.90.19 à titre d'autres tracteurs, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause ne sont pas conçues essentiellement pour pousser plusieurs types d'accessoires différents, mais pour servir avec un plateau de coupe pour l'herbe. Le Tribunal est également d'avis que les marchandises en cause entrent dans le champ d'application des termes de la position no 84.33 et des Notes de Sections et de Chapitres pertinentes.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 28 et 29 août 1996 Date de la décision : Le 12 mai 1997
Membres du Tribunal : Lyle M. Russell, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffiers : Anne Jamieson et Margaret Fisher
Ont comparu : Douglas J. Bowering, pour l'appelant Josephine A.L. Palumbo, pour l'intimé Michael A. Kelen, pour MTD Products Limited Richard A. Wagner, pour Marubeni Canada Ltd. et Kubota Canada Ltd.





Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 2 mai 1995.

Les marchandises en cause sont divers modèles de tracteurs de pelouse fabriqués par la société The Murray Ohio Manufacturing Co. (Murray) et importés en 1994 par l'appelant, qui exploite une entreprise à Edmonton (Alberta). Les marchandises ont été importées en vertu du numéro tarifaire 8433.11.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre de tondeuses autoportées. L'appelant a par la suite demandé le reclassement des marchandises dans le numéro tarifaire 8701.90.19 à titre de tracteurs. L'intimé a rejeté la demande, et l'appelant a déposé une demande de réexamen. Dans sa décision du 2 mai 1995, l'intimé a maintenu le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8433.11.00 pour les motifs suivants : (i) leur conception ne répond pas aux exigences de la définition de « tracteur » de la Note 2 des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [3] (les Notes explicatives) du Chapitre 87; (ii) elles sont conçues essentiellement pour couper l'herbe; (iii) elles se distinguent des marchandises examinées par le Tribunal dans les affaires Marubeni Canada Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national [4] et Ford New Holland Canada Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national [5] du fait qu'elles ne sont pas des machines à portée frontale.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8433.11.00 à titre de tondeuses à gazon à moteur, dont le dispositif de coupe tourne dans un plan horizontal, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8701.90.19 à titre d'autres tracteurs, comme l'a soutenu l'appelant.

Il y a eu trois intervenants dans la présente affaire. Marubeni Canada Ltd. (Marubeni) et Kubota Canada Ltd. (Kubota) ont comparu en faveur de l'appelant et MTD Products Limited (MTD) a comparu en faveur de l'intimé.

Au début de l'audience, le représentant de l'appelant a précisé que seulement six modèles d'appareils Murray font l'objet de l'appel, à savoir, les modèles nos 38702, 40900, 42814, 42900, 46800 et 46900, tous étant appelés tracteurs de pelouse. Il a également précisé que les modèles désignés par les nos 30550 et 30560, appelés tondeuses à gazon autoportées avec moteur à l'arrière, et le modèle no 46170, appelé tracteur de jardin, ne sont pas en cause. Le représentant a indiqué qu'il ne convoquerait aucun témoin et a déposé des documents d'importation qui, a-t-il soumis, montrent que les marchandises en cause sont importées séparément des accessoires utilisés avec lesdites marchandises.

L'avocate de l'intimé a convoqué deux témoins. Le premier témoin a été M. Don J. Theroux, gestionnaire de marché chez Murray Canada Inc. (Murray Canada). M. Theroux a déclaré que les marchandises en cause sont fabriquées par Murray et sont identiques ou similaires à d'autres tracteurs de pelouse importés et vendus par Murray Canada. Il a ajouté que les marchandises en cause sont conçues et vendues pour couper l'herbe et non pour tirer ou pousser un véhicule ou un accessoire. Il a indiqué que les tracteurs de pelouse et les tondeuses autoportées avec moteur à l'arrière sont essentiellement semblables, ce qui les distingue étant l'emplacement du moteur et du siège du conducteur. M. Theroux a déclaré que, au mieux de sa connaissance, chaque tracteur de pelouse ou unité motorisée est vendu avec un plateau de coupe. Dans la plupart des cas, le plateau de coupe est monté sur le tracteur de pelouse au moment de son importation.

M. Theroux a déclaré que Murray Canada vend l'unité motorisée à laquelle est fixé un plateau de coupe comme une unité individuelle et que 99 p. 100 des utilisateurs n'enlèvent jamais le plateau. Il a reconnu qu'environ 1 p. 100 des utilisateurs possèdent une lame ou une souffleuse qu'ils utilisent avec l'unité motorisée. À cet égard, il a soumis les données sur les ventes de la période allant de mai 1994 à avril 1996. Les données montrent que Murray Canada a alors vendu plus de 3 500 tracteurs de pelouse, 28 lames et 19 souffleuses.

Lorsqu'il lui a été demandé de comparer les marchandises en cause avec les marchandises qui ont fait l'objet des appels dans les affaires Marubeni et Ford New Holland, M. Theroux a déclaré que les marchandises en cause et les autres marchandises ne se font pas concurrence, puisqu'il s'agit de produits différents, ciblés vers des clients différents. Il a indiqué que, alors que les marchandises en cause sont conçues à l'intention des propriétaires pour servir à tondre leur gazon, les marchandises qui ont fait l'objet des appels précédents sont utilisées dans des applications commerciales, industrielles et d'entretien.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Theroux a expliqué que le plateau de coupe est porté par l'unité motorisée, puisqu'il est boulonné sous cette dernière au moyen de goupilles fendues. Il a déclaré que les souffleuses à neige et les lames sont offertes comme accessoires surtout pour mieux vendre les marchandises en cause.

Le deuxième témoin de l'intimé a été M. Harold J. Schramm, de Downers Grove (Illinois). Il est un directeur non associé d'une entreprise de consultation et il enseigne aux niveaux universitaire et collégial, dans le domaine de la conception et du développement de machines et d'appareils. M. Schramm a pendant longtemps travaillé en conception et en développement de tracteurs et de véhicules de la sorte chez International Harvester Co. Il est membre de plusieurs associations professionnelles, y compris l'American Society of Agricultural Engineers, la Society of Automotive Engineers et l'American Society for Quality Control. Le Tribunal a reconnu à M. Schramm le titre d'expert en conception de tracteurs et de tondeuses à gazon.

De l'avis de M. Schramm, les marchandises en cause sont conçues et fabriquées essentiellement pour couper l'herbe, comme le sont les tondeuses autoportées avec moteur à l'arrière. Il a déclaré que les marchandises en cause sont appelées « tracteurs de pelouse » parce que les consommateurs voulaient une tondeuse autoportée qui avait l'air d'un tracteur. Un tracteur de pelouse a donc été mis au point et il s'agissait essentiellement d'une tondeuse autoportée dont le moteur est monté à l'avant. Il s'est aussi dit d'avis que le plateau de coupe fait partie intégrante du tracteur de pelouse parce que guère autre chose peut être accomplie avec cette machine, si ce n'est des tâches légères avec une souffleuse à neige et une lame.

Lorsqu'il lui a été demandé de comparer les marchandises en cause avec les marchandises qui ont fait l'objet des appels dans les affaires Marubeni et Ford New Holland, M. Schramm a déclaré que, bien que les autres marchandises soient aussi conçues essentiellement pour couper l'herbe, leur châssis est différent et elles servent à d'autres usages. Ce sont des machines commerciales, et à ce titre, leur puissance et leur durabilité permettent de s'en servir pendant de plus longues périodes de temps que dans le cas d'un tracteur à pelouse. Cette puissance et cette durabilité permettent également de les utiliser à pleine puissance lorsque c'est possible. Il a aussi souligné que les accessoires des autres marchandises se trouvent à l'avant des machines et qu'il est facile de les monter et de les remplacer. Il a aussi déclaré que les autres marchandises sont dotées d'une véritable unité de prise de force qui peut servir à faire fonctionner d'autres pièces de matériel. Il a convenu que le fait de comparer ces deux types de machines revient à comparer des pommes avec des oranges.

Quant à l'opinion de M. Schramm sur ce qui fait qu'une machine est un tracteur, ce dernier a témoigné qu'un tracteur de pelouse n'a pas la puissance de traction nécessaire pour vraiment pousser ou tirer un autre véhicule ou un appareil. Il a déclaré qu'une personne qui s'en servirait à de telles fins endommagerait le tracteur de pelouse.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Schramm a déclaré que, bien que les marchandises examinées par le Tribunal dans les affaires Marubeni et Ford New Holland puissent entrer dans le champ d'application de la définition de « tracteur » du Tarif des douanes et comprendre un certain nombre des éléments nécessaires pour qu'une machine soit un tracteur, à son avis, ces marchandises ne sont pas des tracteurs à cause de l'insuffisance de puissance dispensée par l'unité motorisée et utilisée pour la traction.

L'avocat de MTD a convoqué trois témoins. Le premier témoin a été M. John C. Hohmeier, président de la société MTD Products Limited, où il assume diverses fonctions depuis 1979. M. Hohmeier a expliqué que MTD a été constituée en société en 1963 à l'occasion de l'achat de Sale Engineering de Kitchener (Ontario) par MTD Products Inc. de Cleveland (Ohio). Depuis cette date, MTD fabrique du matériel à ses installations de Kitchener, où travaillent présentement 750 personnes. Au mieux de la connaissance de M. Hohmeier, MTD est le plus grand fabricant de tracteurs de pelouse au Canada et représente environ 50 p. 100 du marché canadien. Il a déclaré que MTD est intervenue dans le présent appel parce que les marchandises en cause sont très semblables aux tracteurs de pelouse que MTD produit. En ce qui a trait aux appels Marubeni et Ford New Holland, M. Hohmeier a déclaré que MTD n'était pas intervenue dans ces affaires parce que la société était d'avis que les marchandises qui faisaient l'objet de ces appels étaient destinées à un marché différent et, par conséquent, ne faisaient pas directement concurrence aux produits de MTD. Il a ajouté qu'il s'agissait de machines destinées à des applications commerciales beaucoup plus grosses et qu'elles étaient environ quatre fois plus lourdes que les machines de MTD.

M. Hohmeier a soumis au Tribunal des données récentes sur les ventes de tracteurs de pelouse et d'accessoires de MTD [6] . Les données regroupées montrent que le nombre de souffleuses et de lames vendues par MTD en 1995 représente 0,8 p. 100 du nombre de tracteurs de pelouse qu'elle a vendues cette année-là. Il a aussi déclaré que les plateaux de coupe sont fixés aux unités motorisées à l'usine de MTD et sont toujours vendus comme partie intégrante de l'unité. Au mieux de sa connaissance, il est très rare qu'un client enlève le plateau de coupe de l'unité motorisée.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Hohmeier a convenu que MTD annonce et offre en options à l'acheteur des accessoires autres que le plateau de coupe. Il a cependant ajouté que, bien que ces autres accessoires soient disponibles en options, il ne s'agit pas d'options très fonctionnelles.

Le témoin suivant de MTD a été M. Hartmut Kaesgen, vice-président exécutif de MTD Products Inc. À ce titre, il est responsable de l'ingénierie et du développement des produits. Il fait partie du conseil d'administration de MTD Products Inc. depuis 1985. M. Kaesgen a témoigné que les marchandises en cause sont des machines intégrées dont les deux composants sont inutiles l'un sans l'autre. Pour ce qui est des machines qui ont fait l'objet des appels dans les affaires Marubeni et Ford New Holland, M. Kaesgen a témoigné qu'il s'agissait de machines sensiblement plus lourdes et de plus grande taille que les marchandises en cause et qu'elles étaient destinées à servir de matériel professionnel d'entretien de terrain.

Le dernier témoin de MTD a été M. Hans Hauser, de Columbia Station (Ohio). Le Tribunal a reconnu à M. Hauser la qualité d'expert en conception et en fonctionnement des transmissions des marchandises en cause. Il a déclaré qu'aucune des transmissions dont sont dotées les tracteurs de pelouse, dont la puissance varie de 12 à 18 hp, ne pouvait transmettre plus de 2,5 à 3 hp de façon intermittente. Un effort moteur plus élevé entraînerait le patinage des roues. Par conséquent, la capacité de traction des machines est limitée. M. Hauser a convenu avec M. Schramm que les marchandises en cause sont principalement destinées à couper l'herbe.

En réponse à une question du Tribunal, M. Hauser a déclaré que le plateau de coupe des marchandises en cause est « porté » parce qu'il est accroché au châssis de l'unité motorisée.

Dans sa plaidoirie, le représentant de l'appelant a d'abord soumis que la présence ou non d'un plateau de coupe fixé aux marchandises en cause au moment de leur importation n'avait aucune pertinence. Il a déclaré que la note suivante des Notes explicatives de la position no 84.33 était de première importance :

Relèvent également de la présente position les tondeuses à gazon, dites tondeuses autoportées, constituées par un corps de machine à trois ou quatre roues équipé d'un siège pour le conducteur et ayant un organe de coupe fixe, c'est-à-dire qui n'est destiné à être enlevé qu'à des fins de réparation ou d'entretien. Elles relèvent de cette position, même lorsqu'elles comportent un dispositif d'attelage destiné à tirer ou à pousser des accessoires légers tels qu'une remorque.

Le représentant de l'appelant a soutenu que la note ci-dessus ne contient aucune condition visant la simplicité ou la rapidité de l'enlèvement d'un organe de coupe fixe et n'exige pas que le propriétaire de l'unité motorisée procède à l'enlèvement. Il a fait valoir que les éléments de preuve indiquent que les plateaux de coupe peuvent, en l'espèce, être changés deux fois l'an et que les plateaux de coupe ne sont pas les seuls accessoires utilisés avec les unités motorisées. Ainsi, les marchandises en cause doivent être tenues comme inadmissibles au classement dans la position no 84.33. À l'appui de sa position, il a renvoyé à la décision du Tribunal dans l'affaire Lloydaire, Division of Eljer Manufacturing Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national [7] qui, a-t-il fait valoir, prévoit qu'il n'est pas nécessaire qu'un produit particulier fonctionne bien, mais seulement qu'il présente les caractéristiques nécessaires pour exécuter la fonction qu'il est censé exécuter.

Le représentant de l'appelant a renvoyé le Tribunal à la Note 2 des Notes explicatives du Chapitre 87 qui prévoit ce qui suit :

On entend par tracteurs, au sens du présent Chapitre, les véhicules moteurs essentiellement conçus pour tirer ou pousser d'autres engins, véhicules ou charges, même s'ils comportent certains aménagements accessoires permettant le transport, en corrélation avec leur usage principal, d'outils, de semences, d'engrais, etc.

Le représentant de l'appelant a souligné que les témoins experts ont déclaré que, à leur avis, les tracteurs examinés par le Tribunal dans les affaires Marubeni et Ford New Holland étaient conçus pour couper l'herbe, bien qu'ils puissent servir à d'autres fins. Il a également souligné que, même si les tracteurs susmentionnés étaient plus lourds que les marchandises en cause, les dispositions pertinentes du Tarif des douanes ne font aucune distinction à cet égard.

Le représentant de l'appelant a soutenu que, puisque les plateaux de coupe doivent être classés séparément des unités motorisées, il est essentiel que le classement des unités motorisées se fonde sur l'évaluation ces dernières prises isolément. À l'appui de sa position, il a renvoyé à la décision du Tribunal dans l'affaire Teledyne Canada Mining Products c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [8] . Enfin, le représentant a soumis que, à titre de solution de rechange, les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8479.89.99, qu'il a décrit comme un numéro tarifaire à portée générale pour les machines et appareils.

L'avocat de Kubota et de Marubeni a d'abord apporté son appui aux exposés du représentant de l'appelant. Il a renvoyé aux éléments de preuve des témoins experts à qui la définition du terme « tracteur » énoncée à la Note 2 des Notes explicatives du Chapitre 87 pose un certain problème et a soumis que la cause du problème est que lorsqu'ils songent à un tracteur, c'est un tracteur agricole qui leur vient à l'esprit. Cependant, la portée de la définition de tracteur énoncée dans le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [9] (le Système harmonisé) est plus vaste. Il a convenu avec le représentant que les Notes explicatives des Chapitres 84 et 87 ont pour effet que ne peut être classée dans le Chapitre 84 quelque chose qui convient au Chapitre 87. Plus précisément, les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le Chapitre 84 parce que les plateaux de coupe ne sont pas fixés de façon permanente ou, autrement dit, pleinement intégrés. Enfin, il a soutenu que le Tribunal doit adopter le même raisonnement qu'il a adopté pour rendre ses conclusions dans les affaires Marubeni et Ford New Holland.

L'avocate de l'intimé a d'abord soumis que le retrait par l'appelant de certains des modèles visés par l'appel, qui signifie que l'appelant est d'accord qu'il s'agit de marchandises correctement classées à titre de tondeuses autoportées, revêt une importance particulière puisque les modèles qui restent sont extrêmement semblables aux modèles qui ne sont plus en litige.

Lors de son examen des éléments de preuve concernant les marchandises qui demeurent en cause, l'avocate de l'intimé a fait valoir que les éléments de preuve montrent que, dans la vaste majorité de cas, les plateaux de coupe ne sont enlevés qu'à des fins de réparation ou d'entretien. De plus, les éléments de preuve qu'ont présentés MM. Theroux et Schramm indiquent que les gens achètent les marchandises en cause essentiellement pour tondre le gazon, ce qu'ils ont déclaré être le cas de 99 p. 100 des acheteurs. Les éléments de preuve montrent également que les plateaux de coupe ne sont pas « poussés » par les unités motorisées, mais qu'ils sont plutôt portés. L'avocate a soumis que le témoignage de divers témoins indique qu'il est compliqué d'enlever les plateaux de coupe et que cette opération peut exiger l'aide d'un expert compétent. De plus, cette éventualité ne s'applique qu'à la proportion de moins de 1 p. 100 des acheteurs qui se procurent des accessoires autres que le plateau de coupe. L'avocate a soutenu que tous les témoins ont déclaré que les marchandises en cause ne font pas concurrence aux marchandises examinées par le Tribunal dans les affaires Marubeni et Ford New Holland et que le fait de comparer ces marchandises entre elles revient à comparer des pommes avec des oranges. Ces autres machines sont des machines commerciales plus lourdes, d'une autre catégorie ou visant un autre segment du marché.

Renvoyant aux Notes explicatives pertinentes, l'avocate de l'intimé a fait valoir que ces dernières reflètent la portée voulue à laquelle elles se rapportent, portée qui doit être examinée afin de déterminer le classement de marchandises dans une position spécifique. Elle a également soumis que le Tribunal a déjà déclaré que les marchandises doivent être classées en fonction de leur description et de leur utilisation principales [10] . Dans la présente affaire, les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause n'ont pas une puissance suffisante pour avoir la capacité de pousser et de tirer que requiert le classement des marchandises en cause à titre de tracteurs. Plutôt, les éléments de preuve montrent qu'elles ne sont pas conçues ni fabriquées à cette fin, mais qu'elles ont été principalement conçues pour couper l'herbe.

L'avocat de MTD a soutenu que les éléments de preuve montrent que les marchandises sont habituellement vendues en tant que machines intégrées. Il a déclaré qu'il en est ainsi en raison d'une partie de phrase dans les Notes explicatives de la position no 84.33, à savoir, que les tondeuses à gazon classées dans cette position ont un « organe de coupe fixe, c'est-à-dire qui n'est destiné à être enlevé qu'à des fins de réparation ou d'entretien ». Le libellé même de la Note prévoit que l'organe de coupe peut être enlevé à des fins de réparation ou d'entretien, mais qu'il s'agit d'un organe en général fixe. L'avocat a fait observer que les éléments de preuve montrent que, selon les données regroupées sur les ventes de souffleuses à neige et de lames de MTD, ces accessoires sont vendus avec moins de 1 p. 100 des tracteurs de pelouse. Les éléments de preuve montrent qu'au moment de la vente de ces marchandises, le plateau de coupe est, effectivement, fixé en permanence et que, dans 99 p. 100 des cas, il n'est pas enlevé par l'acheteur, même à des fins de réparation ou d'entretien.

En ce qui a trait à la Note 2 des Notes explicatives du Chapitre 87, l'avocat de MTD a fait valoir que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause ne sont pas essentiellement conçues pour tirer ou pousser d'autres véhicules ou charges, mais qu'elles sont plutôt conçues essentiellement pour couper l'herbe. En ce qui a trait aux affaires Marubeni et Ford New Holland, l'avocat a rappelé au Tribunal les éléments de preuve soumis par MTD selon lesquels la société n'est pas intervenue dans ces autres affaires parce que les marchandises qui en faisaient l'objet étaient tout à fait différentes des marchandises dans la présente affaire. Il a ensuite revu le raisonnement du Tribunal dans les affaires susmentionnées et a souligné beaucoup de différences entre les éléments probants factuels qui, a-t-il fait valoir, distinguaient les affaires antérieures de la présente affaire. Plus précisément, il a fait observer que, dans l'affaire Marubeni, les éléments de preuve ont indiqué que 56 p. 100 des acheteurs se procuraient plus d'un accessoire, alors que, dans la présente affaire, cette proportion n'atteint pas 1 p. 100. Il a également souligné que, dans l'affaire Marubeni, le Tribunal a été convaincu que les marchandises étaient conçues essentiellement pour pousser différents types d'accessoires, et non seulement les plateaux de coupe. Dans le présent appel, les éléments de preuve indiquent le contraire.

En réponse, le représentant de l'appelant a soumis que ce dernier n'avait rien admis à l'occasion du retrait de certaines marchandises de la portée de l'appel. Il a aussi soumis que l'utilisation qui est faite des marchandises n'est pas une exigence dans le classement des marchandises aux termes du Tarif des douanes, et qu'il doit être plutôt tenu compte de la nature ou du caractère essentiel des marchandises en cause.

Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8433.11.00 à titre de tondeuses à gazon à moteur, dont le dispositif de coupe tourne dans un plan horizontal. Le Tribunal arrive à cette conclusion en tenant compte que c'est la loi et les principes applicables à l'interprétation de la loi, incluant ceux qui sont énoncés dans les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [11] (les Règles générales), qui doivent régir le classement des marchandises en cause. Le Tribunal tient particulièrement compte de la Règle 1 des Règles générales. Comme le Tribunal l'a souligné dans l'affaire York Barbell Co. Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [12] , la Règle 1 est d'une importance cruciale dans le classement des marchandises aux termes du Système harmonisé. La Règle 1 prévoit que le classement est d'abord déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres. Le Tribunal est d'accord avec les parties que, dans la présente affaire, la Règle 1 prévoit que le Tribunal doit examiner la Note 2 des Notes explicatives du Chapitre 87, ainsi que les Notes explicatives du Chapitre 84.

Le Tribunal adopte les définitions des termes « tirer » et « engin » énoncées dans l'affaire Marubeni [13] . Quant à l'expression « essentiellement conçus pour », le Tribunal est convaincu que, en l'espèce, contrairement aux affaires Marubeni et Ford New Holland, les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause ne sont pas conçues essentiellement pour pousser différents types d'accessoires, mais pour être utilisées avec un plateau de coupe pour couper l'herbe et sont réputées être inefficaces dans d'autres utilisations. Bien qu'il soit possible d'utiliser des souffleuses à neige et des lames avec les marchandises en cause, leur utilisation, à un degré notable, n'est pas démontrée. Plutôt, les éléments de preuve indiquent que moins de 0,5 p. 100 des acheteurs achètent l'un ou l'autre des deux accessoires susmentionnés. Il s'agit là d'une situation qui contraste tout à fait avec les éléments de preuve examinés par le Tribunal dans les affaires Marubeni et Ford New Holland. Par exemple, dans l'affaire Marubeni, les éléments de preuve ont révélé que 56 p. 100 des marchandises en cause ont été vendues soit avec des accessoires autres que des plateaux de coupe, soit avec des plateaux de coupe et d'autres accessoires. Ces éléments de preuve ont été corroborés par ceux qu'a soumis un distributeur de Kubota dont les registres ont indiqué que 71 p. 100 des clients qui faisaient partie de l'échantillon ont acheté des souffleuses à neige et des cabines.

De plus, le Tribunal est convaincu que ses décisions antérieures se distinguent également du fait que les marchandises en cause sont dotées de caractéristiques différentes, comme le poids, la puissance et la manière dont les accessoires sont montés et enlevés, qui font que les marchandises visées par les décisions susmentionnées appartiennent manifestement à des types différents de machines vendues à des segments différents du marché. Les éléments de preuve indiquent également que les marchandises en cause sont des « tracteurs à pelouse » et qu'elles sont ainsi désignées dans une large mesure au sein de l'industrie. Bien que le Tribunal soit d'accord avec le représentant de l'appelant que la façon dont les membres d'une industrie désignent un produit peut être utile aux fins du classement, il fait observer qu'il a aussi déclaré à plusieurs reprises que de telles désignations ne peuvent déterminer le classement [14] . Pour tous les motifs qui précèdent, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause n'entrent pas dans le champ d'application de la définition du terme « tracteur » énoncé à la Note 2 des Notes explicatives du Chapitre 87.

Il reste à examiner la question de savoir si les Notes explicatives pertinentes contiennent une disposition qui empêcherait le classement des marchandises en cause dans la position no 84.33. Comme il a été indiqué, les Notes explicatives de cette position prévoient que les marchandises classées dans cette position ont un « organe de coupe fixe, c'est-à-dire qui n'est destiné à être enlevé qu'à des fins de réparation ou d'entretien ». Les éléments de preuve dans la présente affaire montrent que 99 p. 100 des acheteurs se servent des marchandises en cause pour couper l'herbe et n'enlèvent pas le plateau de coupe, sauf à des fins de réparation ou d'entretien, et que, même alors, le cas est très rare. Les éléments de preuve montrent de façon écrasante que les marchandises en cause sont, en fait, des tondeuses autoportées. Le Tribunal est donc d'avis que les marchandises en cause entrent dans le champ d'application des termes de la position no 84.33 et des Notes explicatives pertinentes.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

4. Appel no AP-93-311, le 14 décembre 1994.

5. Appel no AP-93-388, le 3 février 1995.

6. Pièce C-1 (protégée).

7. Appel no AP-95-096, le 15 août 1996.

8. Appel no AP-93-019, le 12 avril 1994.

9. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

10. Citant Reckitt & Colman Canada Inc. (autrefois connu sous le nom de Boyle-Midway Ltd.) c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, appel no AP-92-350, le 7 juillet 1994.

11. Supra note 2, annexe I.

12. Appel no AP-91-131, le 16 mars 1992.

13. Supra note 4 aux pp. 9-10.

14. Par exemple, voir les observations du Tribunal dans l'affaire Marubeni, ibid. à la p. 10, souscrivant aux observations de la Commission du tarif dans l'appel no 795, selon lesquelles le fait de classer un produit en fonction de la façon dont il est désigné, sans tenir compte de la loi, peut constituer une violation de la loi.


Publication initiale : le 5 août 1997