TOYOTA CANADA INC.

Décisions


TOYOTA CANADA INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-95-090 et AP-95-166

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le jeudi 15 août 1996

Appels nos AP-95-090 et AP-95-166

EU ÉGARD À des appels entendus les 12 et 13 décembre 1995, aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 27 juin 1995 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

TOYOTA CANADA INC. Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Les appels sont admis.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national, aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes, qui ont eu pour effet de confirmer les résultats du réexamen de la valeur en douane de véhicules importés par l'appelant le 8 septembre 1991 et le 27 septembre 1992. Au moment de l'importation, la valeur en douane était fondée sur le prix facturé. Par la suite, ce prix a été révisé et l'appelant a demandé, aux termes de l'article 60 de la Loi sur les douanes, que la valeur en douane fasse l'objet d'un réexamen qui tienne compte du changement de prix. L'intimé a confirmé la valeur en douane originale dans des décisions rendues le 27 juin 1995. L'intimé a conclu, conformément à l'alinéa 48(5)c) de la Loi sur les douanes, que les réductions du prix négocié final annoncées après l'importation des marchandises en cause ne devaient pas être prises en considération pour déterminer leur valeur en douane. La question en litige dans le présent appel consiste à savoir si la détermination de l'intimé était correcte.

DÉCISION : Les appels sont admis. Aux termes des paragraphes 48(1) et (5) de la Loi sur les douanes, la valeur en douane de marchandises importées est leur valeur transactionnelle ou, plus précisément, le prix payé ou à payer corrigé par l'addition ou la déduction de divers montants et, aux termes de l'alinéa 48(5)c) de la Loi sur les douanes, le prix payé ou à payer «compte non tenu des remises ou réductions [...] effectuées après l'importation des marchandises». Les éléments de preuve démontrent clairement que les parties avaient conclu une entente selon laquelle le prix indiqué sur la facture des douanes canadiennes était un prix provisoire estimatif aux fins du calcul de la valeur en douane et que le prix de vente final des véhicules ne serait connu qu'à la conclusion des négociations entre les parties. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que la note de crédit délivrée par Mitsui & Co., Ltd. à l'appelant ne constitue pas une remise ou une réduction du prix payé ou à payer sur les marchandises en cause au sens de l'alinéa 48(5)c) de la Loi sur les douanes. L'objet de la note de crédit n'était pas d'accorder à l'appelant une remise ou une réduction du prix payé ou à payer pour les véhicules, mais simplement de refléter le prix de vente réel des marchandises en cause.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 12 et 13 décembre 1995 Date de la décision : Le 15 août 1996
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Raynald Guay, membre Lyle M. Russell, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Brenda C. Swick-Martin, Erica Schumacher
et Kenneth H. Sorensen, pour l'appelant Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national, aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, qui ont eu pour effet de confirmer les résultats du réexamen de la valeur en douane des véhicules importés par l'appelant le 8 septembre 1991 et le 27 septembre 1992. Au moment de l'importation, la valeur en douane était fondée sur le prix facturé. Par la suite, ce prix a été révisé et l'appelant a demandé, aux termes de l'article 60 de la Loi, un réexamen de la valeur en douane pour tenir compte de ce changement. L'intimé a confirmé la valeur en douane originale dans des décisions rendues le 27 juin 1995. Il a conclu que, conformément à l'alinéa 48(5)c) de la Loi, les réductions du prix négocié final annoncées après l'importation des marchandises en cause ne devaient pas être prises en considération pour déterminer leur valeur en douane. La question en litige dans le présent appel consiste à savoir si la détermination de l'intimé était correcte.

À l'audience, quatre témoins, tous employés de Toyota Canada Inc., ont comparu pour le compte de l'appelant, à savoir : 1) M. J.H. (Jim) Scherer, directeur national, Division du matériel industriel, 2) M. J. Pierre Millette, avocat général, 3) M. Ken Fairhead, directeur du Service de la logistique, de la planification et de la distribution des véhicules, et 4) M. Cyril A. Dimitris, directeur du Service des opérations comptables, des finances et de la comptabilité.

M. Scherer a expliqué que l'appelant est un importateur et le distributeur exclusif de véhicules automobiles et de pièces fabriqués par Toyota Motor Corporation (TMC), du Japon. Les véhicules automobiles sont vendus par TMC à Mitsui & Co., Ltd. (Mitsui), qui les revend à l'appelant et les exporte au Canada. M. Millette a expliqué que l'appelant est une coentreprise. TMC et Mitsui possèdent chacun 50 p. 100 des actions de l'appelant. M. Millette a expliqué que les rapports entre les trois entreprises sont régis par un [traduction] «Accord de distributeur» (l'Accord) conclu le 3 octobre 1990.

M. Scherer a affirmé que, pour respecter des dates précises de disponibilité des marchandises, l'appelant importe les véhicules et les distribue à ses concessionnaires bien avant d'avoir les données qui permettraient aux trois entreprises de déterminer le prix final réel des véhicules. Un prix provisoire est, par conséquent, utilisé par la société Mitsui lorsqu'elle remplit les documents douaniers au moment de l'exportation des véhicules du Japon. M. Scherer a expliqué que Mitsui doit fournir un prix provisoire parce que le ministère du Revenu national (Revenu Canada) exige qu'une valeur en douane soit donnée au moment de l'importation au Canada. Il a affirmé qu'à ce moment-là, les trois entreprises négociaient encore le prix final. Le plus souvent, les négociations sur les prix commencent plusieurs mois avant l'exportation et se terminent après l'importation. L'appelant, TMC et Mitsui conviennent que le prix utilisé au moment de l'exportation, qui figure sur les documents de Douanes Canada ainsi que sur les factures originales établies entre l'appelant et Mitsui, est un prix provisoire, sujet à changement au terme des négociations et lorsque les trois entreprises sont en mesure de déterminer le prix de vente final.

M. Scherer a expliqué que l'appelant ignore comment le prix provisoire est établi. Il a affirmé, néanmoins, qu'il n'y a aucun lien direct entre le prix provisoire et le prix négocié final. Il a aussi expliqué comment les trois entreprises reconnaissent entièrement qu'elles sont liées par contrat à respecter le prix de vente final et qu'elles ne peuvent exiger le prix facturé provisoire l'une de l'autre. Le prix de vente final payé pour les véhicules ne peut être modifié unilatéralement par l'appelant, TMC ou Mitsui. Ce prix est l'aboutissement de négociations incontournables sur l'établissement des prix qui dépendent de plusieurs facteurs, notamment des coûts de production des véhicules et d'autres aspects du marché qui ne peuvent être déterminés qu'après l'exportation et, souvent, qu'après l'importation. M. Scherer a expliqué que le prix final est parfois inférieur, parfois supérieur ou encore identique au prix provisoire. Si le prix final est supérieur au prix provisoire, l'appelant règle la différence à Mitsui; s'il est inférieur, Mitsui délivre à l'appelant une note de crédit qui équivaut au montant de la différence. M. Scherer a affirmé que l'appelant ne cherche jamais à obtenir et n'obtient jamais que le prix final soit diminué sous forme de remise ou de réduction.

M. Millette a déclaré qu'il avait participé à la négociation de l'Accord entre l'appelant, TMC et Mitsui. Il a expliqué que l'expression [traduction] «un contrat de vente réel séparé» inscrit à l'alinéa 16b) de l'Accord renvoie à la documentation qui est censée refléter le prix final des véhicules. Il a aussi expliqué que l'Accord laisse une certaine marge de manœuvre permettant de tenir compte des divers facteurs qui influent sur le prix de vente final des véhicules. L'article 16 de l'Accord stipule qu'une forme de négociation doit avoir lieu pour établir le prix final étant donné que le prix changera. Selon M. Millette, il n'est pas fait mention du prix provisoire dans l'Accord étant donné qu'il s'agit d'un prix artificiel établi uniquement pour permettre aux véhicules d'entrer au pays à temps afin de respecter les dates de disponibilité des marchandises. De plus, le prix provisoire n'a aucune incidence sur le prix négocié final. M. Millette a expliqué qu'aux termes de l'article 16 de l'Accord, aucun changement ne peut être apporté au prix de vente final si ce n'est au moyen d'une entente écrite entre Mitsui et l'appelant. Au cours du contre-interrogatoire, M. Millette a reconnu que l'expression «prix provisoire» n'apparaît nulle part dans le texte de l'Accord.

M. Fairhead, le troisième témoin de l'appelant, était chargé de toutes les formalités douanières entourant l'entrée des véhicules au Canada. Il a expliqué le déroulement des événements entourant les deux transactions en question. La première transaction portait sur des véhicules importés au Canada le 8 septembre 1991. L'envoi était composé de modèles 1992, produits au Japon en août 1991. M. Fairhead a expliqué que les discussions concernant les modèles 1992 ont commencé en janvier 1989 et se sont poursuivies en 1990. Au cours de cette période, l'appelant a effectué des analyses de marché en vue de définir les possibilités de vente en sol canadien. Les dernières spécifications concernant les modèles ont été établies à la fin de février 1991 et envoyées à TMC. Ces sélections ont été confirmées par TMC, à l'exception du prix, au début d'avril 1991. À la mi-avril 1991, TMC et l'appelant se sont rencontrés pour discuter du prix. M. Fairhead a indiqué que c'est à ce moment-là que les négociations sur le prix ont commencé.

En mai 1991, l'appelant a passé une commande préliminaire pour la production des nouveaux modèles effectuée en août 1991, encore une fois sans préciser de prix. En juin 1991, une nouvelle réunion sur le prix a eu lieu entre l'appelant et TMC, au cours de laquelle l'appelant a présenté à TMC sa proposition concernant les prix. Le 5 juillet 1991, Mitsui a délivré un contrat de vente à l'appelant pour l'ensemble de la production du mois d'août 1991 à un prix provisoire et non final. À peu près en même temps, l'appelant a passé sa commande finale pour la production d'août 1991. Cette commande a également été passée sans qu'un prix final ait été fixé. Le 12 juillet 1991, l'appelant a fait parvenir à TMC une proposition concernant les prix et cette dernière a fait une contre-proposition le 31 juillet 1991. Le 8 août 1991, une deuxième réunion sur les prix a eu lieu entre l'appelant, TMC et Mitsui. Les envois de véhicules au Canada à partir du Japon dans le cadre de cette transaction ont commencé le 27 août 1991. Mitsui a produit une facture des douanes canadiennes comportant un prix provisoire.

M. Fairhead a déclaré que ce n'est que le 28 août 1991, après l'exportation des véhicules du Japon mais avant leur importation au Canada, que l'appelant a reçu de TMC un prix final. Le 6 septembre 1991, l'appelant a payé le prix provisoire inscrit sur la facture initiale. Le 8 septembre 1991, les véhicules sont arrivés au Canada et ont été transportés jusqu'à des centres de distribution. Le 18 septembre 1991, un prix a été annoncé aux concessionnaires, et les véhicules leur ont par la suite été envoyés. Le 24 septembre 1991, le contrat de vente révisé et final de Mitsui comportant le prix final a été délivré. Le 7 novembre 1991, une note de crédit représentant la différence entre les prix final et provisoire a été délivrée par Mitsui à l'appelant. Une facture des douanes canadiennes révisée a également été fournie à l'appelant par Mitsui. Enfin, un virement bancaire d'un montant égal au crédit a été effectué par Mitsui au compte de l'appelant le 18 novembre 1991. M. Fairhead a déclaré que le prix provisoire qui était stipulé sur la facture délivrée par Mitsui au moment de l'exportation n'avait eu aucune incidence sur les négociations du prix final en cours entre les trois entreprises.

M. Fairhead a également décrit le déroulement des événements entourant la deuxième transaction. Les véhicules faisant l'objet de cette transaction ont été importés au Canada le 27 septembre 1992. L'envoi comprenait des camions T-100, une nouvelle gamme de véhicules Toyota 1993, qui avaient été produits en septembre 1992. M. Fairhead a expliqué que la première commande préliminaire pour la production du mois de septembre 1992 avait été passée par l'appelant en juin 1992. À ce moment-là, l'appelant n'avait aucune information sur les prix. Il a passé sa deuxième commande préliminaire en juillet 1992. Le 30 juillet 1992, l'appelant, TMC et Mitsui se sont rencontrés pour discuter du prix de tous les modèles 1993. En août 1992, l'appelant a passé sa commande finale pour la production du mois de septembre 1992. Des contrats de vente comportant un prix préliminaire pour l'ensemble de la production du mois de septembre ont été délivrés par Mitsui le 5 août 1992. Au cours de ce même mois, une proposition de prix de TMC a été reçue par l'appelant. M. Fairhead a déclaré que cette proposition a marqué le début des négociations officielles sur les prix.

Le 3 septembre 1992, le prix provisoire a été communiqué à l'appelant. Les camions T-100 étant un nouveau modèle, l'appelant avait placé sa commande pour les deux premiers mois de production, à savoir septembre et octobre. Les concessionnaires n'ont commencé à commander ce modèle qu'à partir de la production de novembre sans qu'un prix final ait été établi. Les véhicules produits en septembre ont été expédiés au Canada le 15 septembre 1992. Mitsui a fourni une facture des douanes canadiennes comportant un prix provisoire. Le 25 septembre 1992, l'appelant a payé le prix provisoire, avant que les véhicules ne soient effectivement importés au Canada. Les véhicules sont arrivés au Canada le 27 septembre 1992. Le 5 novembre 1992, le prix final des véhicules a été communiqué à l'appelant par TMC et Mitsui. Le 10 novembre 1992, le prix final a été annoncé aux concessionnaires et, le 12 novembre 1992, les véhicules leur ont été expédiés. M. Fairhead a expliqué que l'appelant n'envoie pas les véhicules aux concessionnaires avant que le prix final ne soit établi. En décembre 1992, Mitsui a délivré un contrat de vente révisé pour la production de septembre comportant un prix final. Mitsui a fourni une facture des douanes canadiennes révisée pour que la valeur en douane corresponde au montant réel payé aux termes du contrat. Le 22 février 1993, l'appelant a reçu une note de crédit de Mitsui.

M. Fairhead a réitéré que l'appelant ne participe d'aucune manière à l'établissement du prix provisoire utilisé sur la facture des douanes canadiennes. L'appelant paye ce montant sachant que des corrections à la hausse ou à la baisse seront effectuées lorsque le prix final aura été établi. M. Fairhead a également donné comme exemple une situation où le prix final, qui n'avait été établi qu'après l'importation des véhicules, était supérieur au prix provisoire. Dans ce cas, Mitsui a délivré une note de débit à l'appelant ainsi qu'une facture des douanes canadiennes révisée à Revenu Canada, note qui reflétait le changement de prix et l'acceptation du paiement de droits supplémentaires. Au cours du contre-interrogatoire, M. Fairhead a expliqué qu'un prix provisoire est utilisé pour les premiers envois ou les premiers mois de production de nouveaux modèles de véhicules. Une fois le prix final connu, ce montant est inscrit dans les contrats de vente de Mitsui à l'appelant. M. Fairhead a affirmé que les entreprises concernées savent qu'il s'agit d'un prix provisoire plutôt que final, bien que rien dans le contrat ne le précise.

Le quatrième témoin de l'appelant, M. Dimitris, a expliqué comment l'achat de véhicules par l'appelant est enregistré dans ses registres comptables. Il a déclaré que la première écriture dans les registres de l'appelant est faite au moment où les véhicules quittent le port japonais et que Mitsui envoie à l'appelant une facture pour ces véhicules à un prix provisoire. M. Dimitris a souligné que la propriété est cédée à l'appelant au moment où les véhicules sont chargés sur le navire au Japon pour expédition. À ce moment-là, l'appelant a des biens en inventaire et un compte à payer à l'égard de Mitsui. La deuxième écriture est le paiement par l'appelant à Mitsui du montant inscrit sur la facture. M. Dimitris a expliqué que, à cette étape, l'appelant a un inventaire qu'il a entièrement payé, sous réserve des révisions à venir. À un moment donné entre la date d'achat des véhicules et leur expédition aux concessionnaires, l'appelant est informé du prix final. La troisième écriture faite dans les registres de l'appelant est le prix de gros réel et le coût d'expédition des véhicules aux concessionnaires. Cette opération est inscrite au prix final. La quatrième et dernière écriture est la réception d'une note de crédit de Mitsui correspondant à la différence entre les prix provisoire et final. M. Dimitris a expliqué que le résultat net est que l'appelant a inscrit un coût de vente égal au prix réel payé pour les véhicules. Il a déclaré que l'inscription du coût de vente des véhicules selon le prix final est une méthode comptable conforme aux principes comptables généralement reconnus. Au cours du contre-interrogatoire, M. Dimitris a déclaré que les montants figurant sur les factures initiales sont toujours payés avant l'importation des véhicules. Il a également déclaré qu'il y a normalement très peu de différence entre le prix provisoire et le prix final.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que le prix final est le «prix payé ou à payer» pour les véhicules et que, par conséquent, ce prix devrait servir à établir la valeur en douane. Selon les avocats, les éléments de preuve démontrent qu'aucune remise n'a été accordée à l'appelant, mais que les trois entreprises étaient engagées dans des négociations sur les prix, négociations qui, parfois, ne se terminaient qu'après l'importation des véhicules. Les éléments de preuve démontrent également que l'expression [traduction] «contrat de vente réel séparé», telle qu'elle est utilisée dans l'Accord, renvoie au contrat de vente final conclu entre Mitsui et l'appelant, ce qui fournit le prix réel que l'appelant doit payer en contrepartie des véhicules importés. Les avocats ont soutenu que la réalité commerciale et le caractère concret des opérations de l'appelant exigent clairement que le prix adéquat payé ou à payer pour ces véhicules soit le prix négocié final. À l'appui de leur argument, les avocats ont renvoyé à la définition de l'expression «prix payé ou à payer» au paragraphe 45(1) de la Loi. Il a également invoqué le Code de la valeur en douane et soutenu que l'expression «prix payé ou à payer» doit être lue en tenant compte des dispositions de ce code. Plus précisément, les avocats ont soutenu que le prix payé ou à payer est le prix véritable, réel ou «la somme de tous les versements effectués ou à effectuer» et non pas une valeur arbitraire ou fictive quelconque. Enfin, les avocats ont soutenu que les décisions rendues par le Tribunal dans les affaires Quadra Chimie Ltée c. Le sous - ministre du Revenu nationa l [2] et Nordic Laboratories Inc. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [3] ne s'appliquent pas à la présente affaire parce que, dans les deux cas, il y avait eu des réductions réelles.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les éléments de preuve démontraient qu'un contrat de vente réel est conclu au sens de l'Accord au moment où TMC accepte une commande de Mitsui au nom de l'appelant, en d'autres termes, au moment de l'établissement du contrat ou de la facture initiale de vente. L'avocat a soutenu que le «prix payé ou à payer» est le prix payé pour les véhicules au moment de l'exportation, c'est-à-dire le prix fixé dans le contrat de vente initial conformément à l'Accord, qui ne peut être modifié que par entente écrite des parties. Selon l'avocat, les véhicules sont vendus pour exportation au Canada au plus tard à la date de conclusion du contrat de vente initial. Il ressort clairement des éléments de preuve que les véhicules sont vendus à l'appelant avant leur importation au Canada. L'avocat a, par conséquent, soutenu que la valeur transactionnelle est le prix stipulé dans le contrat de vente initial et que, conformément à l'alinéa 48(5)c) de la Loi, il faut faire abstraction de toute réduction du prix effectuée après l'importation des véhicules. De l'avis de l'avocat, les éléments de preuve montrent que le prix provisoire est, en fait, très proche du prix final. L'avocat a soutenu que les éléments de preuve démontrent que le prix provisoire est un prix qui est fermement établi avant l'importation des véhicules au Canada. Ainsi, conformément à l'alinéa 48(5)c) de la Loi, il faut faire abstraction de toute réduction de ce prix. Quoi qu'il en soit, l'avocat a soutenu que les éléments de preuve démontrent qu'en réalité il n'y a pas de prix provisoire. L'avocat a soutenu que les faits dans les affaires Quadra Chimie et Nordic Laboratories étaient très semblables à ceux de la présente affaire et que les décisions rendues dans ces cas devraient, par conséquent, être prises en compte par le Tribunal. L'avocat a soutenu que le Tribunal ne doit pas interpréter le Code de la valeur en douane ni aucune autre disposition de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce [4] de façon à contrevenir aux dispositions explicites de la Loi.

Les parties de la Loi qui s'appliquent au présent appel sont les suivantes :

45. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et aux articles 46 à 55.

«valeur transactionnelle» Valeur des marchandises déterminée conformément au paragraphe 48(4).

[48.](4) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer, ajusté conformément au paragraphe (5).

(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

c) compte non tenu des remises ou réductions du prix payé ou à payer effectuées après l'importation des marchandises.

Aux termes des paragraphes 48(1) et (5) de la Loi, la valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle ou, plus précisément, le prix payé ou à payer corrigé par l'addition ou la soustraction de différents montants et, aux termes de l'alinéa 48(5)c) de la Loi, le prix payé ou à payer «compte non tenu des remises ou réductions [...] effectuées après l'importation des marchandises».

Les éléments de preuve démontrent clairement que, même si les négociations entre l'appelant, TMC et Mitsui en vue d'établir un prix de vente final ne sont normalement pas encore terminées, le marché exige que les véhicules soient importés au Canada. Au moment de leur exportation et, dans certains cas, plus de deux mois après l'importation, le prix de vente final à l'appelant n'a pas encore été convenu. De ce fait, un prix de vente estimatif ou un prix provisoire est utilisé au moment de l'exportation pour établir la valeur en douane.

S'appuyant sur les éléments de preuve, le Tribunal est d'avis que le «prix payé ou à payer» pour les véhicules lorsqu'ils sont vendus pour exportation vers le Canada est le prix de vente final. Le prix qui figure sur la facture des douanes canadiennes n'est pas nécessairement le prix réel payé pour les véhicules. Les éléments de preuve démontrent que ce prix est souvent supérieur ou inférieur au prix provisoire, selon l'issue des négociations entre les parties. Il n'est clairement pas dans l'intention des parties que le prix figurant sur la facture soit le prix final de vente payé ou à payer pour les véhicules.

À l'appui de sa plaidoirie, l'avocat de l'intimé a invoqué, en partie, la décision rendue dans l'affaire Quadra Chimie relativement à la proposition selon laquelle les réductions du prix payé pour les véhicules survenues après l'importation ne devraient pas être prises en compte pour déterminer la valeur en douane. L'avocat a également invoqué la décision rendue dans l'affaire Nordic Laboratories qui a fait l'objet d'un appel devant la Cour fédérale du Canada - Section de première instance [5] . La Cour fédérale du Canada a rendu sa décision le 26 février 1996 après la date d'audience des présents appels. L'appel a été admis. Les décisions rendues par le Tribunal et l'intimé ont été annulées. La Cour fédérale du Canada a renvoyé à la décision rendue dans l'affaire Quadra Chimie et était d'avis que le Tribunal avait tiré la bonne conclusion des faits qui lui avaient été présentés. L'analyse suivante de la décision de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Quadra Chimie est pertinente pour le présent arrêt et appuie la décision du Tribunal :

Dans l'affaire Quadra, l'appelante importait du sulfate de nickel au Canada. Entre le 6 juillet et le 3 octobre 1990, elle avait passé quatre commandes auprès de son fournisseur pour l'envoi de quatre conteneurs de sulfate de nickel en sacs. Ces commandes avaient été passées par télex. Le télex concernant la deuxième commande, transmis le 26 juillet 1990, indiquait que les prix applicables «seraient fixés en fonction de la Bourse des métaux de Londres à la fin de juillet 1990». Les télex concernant les trois autres commandes indiquaient uniquement que les prix seraient fixés à la fin de juillet 1990 ou à une date ultérieure, non précisée.

Au moment de l'importation, l'appelante estimait la valeur en douane des marchandises à un certain prix en dollars américains le kilogramme. Après l'importation, l'appelante avait cherché à obtenir un remboursement des droits payés ou avait offert de payer des droits supplémentaires «selon que le prix corrigé était inférieur ou supérieur au prix estimatif en fonction duquel les droits de douane avaient été payés». En ce qui avait trait à deux des quatre commandes, l'appelante avait obtenu un remboursement car les prix avaient été rajustés à la baisse.

Toutefois, pour les quatre commandes, le fournisseur avait accordé d'autres réductions de prix parce que, selon l'appelante, les marchandises n'étaient pas concurrentielles au Canada. L'appelante a alors cherché à obtenir un autre remboursement de droits de douane fondé sur cette réduction de prix. Le sous-ministre du Revenu national a refusé les remboursements pour «le motif que les réductions de prix ont été négociées après l'importation des marchandises».

À l'audience, le Tribunal a demandé au sous-ministre d'expliquer pourquoi l'appelante avait obtenu un remboursement de droits à l'égard de deux commandes pour lesquelles la demande de remboursement était fondée sur la commande précisant que les prix applicables «seraient fixés en fonction de la Bourse des métaux de Londres à la fin de juillet 1990». Un agent des douanes ayant participé au processus administratif de révision a expliqué au Tribunal que les remboursements de droits avaient été accordés «parce que l'appelant[e] a été en mesure de démontrer que certains ajustements de prix ont été faits avant l'importation».

En concluant ses motifs, le Tribunal a dit :

Le Tribunal est d'accord avec l'avocat de l'intimé. Le présent appel repose principalement sur le fait que les marchandises importées n'étaient pas concurrentielles en raison de leur prix. C'est de toute évidence pour cette raison que le fournisseur de l'appelant a consenti des réductions de prix à ce dernier après l'importation des marchandises au Canada. Un télex daté du 18 février 1991, envoyé à l'appelant par M. Christian Godart de MHO, annonce des réductions de prix pour les quatre commandes en cause et mentionne que MHO lui démontre ainsi son appui. Le Tribunal est d'avis que ces concessions accordées à l'appelant par son fournisseur sont des questions d'affaires privées. L'alinéa 48(5)c) de la Loi stipule clairement que de telles transactions n'ont aucune incidence sur la détermination de la valeur en douane aux termes de la Loi. Bien qu'un accord contractuel voulant que le prix final soit fixé en fonction du prix du marché des marchandises à une date déterminée ne constitue pas une remise comme l'entend l'alinéa 48(5)c) de la Loi, les réductions de prix accordées à l'appelant dans la présente cause n'apparaissaient pas sur les bons de commande et ont été consenties après l'importation. Par conséquent, il ne faut pas tenir compte des réductions de prix pour déterminer la valeur en douane des marchandises à l'aide de la valeur transactionnelle.

Dans ses motifs, le Tribunal a traité des premières et deuxièmes réductions de prix. À l'égard des deuxièmes réductions, c'est-à-dire celles clairement accordées après les dates d'importation en vue de rendre les marchandises concurrentielles, je souscris entièrement à la façon dont le Tribunal a tranché la question qui, en fait, était la seule qui lui était soumise. Il ressort clairement des faits de l'espèce qu'après l'importation des marchandises au Canada, l'appelante a demandé à son fournisseur de lui accorder des réductions de prix pour que les marchandises soient concurrentielles. La remise, l'escompte ou la réduction accordé à l'appelante avait manifestement été effectué après la date d'importation. À mon avis, la conclusion du Tribunal est irréfutable.

Le Tribunal a ensuite formulé un commentaire incident sur les remboursements de droits accordés à l'appelante à l'égard des réductions liées au rajustement fondé sur le prix à la Bourse des métaux de Londres. De l'avis du Tribunal, ces ententes ne constituaient pas une remise ni une réduction qui tombait sous le coup de l'alinéa 48(5)c) de la Loi. Les mots employés par le Tribunal pour en arriver à cette conclusion sont on ne peut plus clairs :

... [Un] accord contractuel voulant que le prix final soit fixé en fonction du prix du marché des marchandises à une date déterminée ne constitue pas une remise comme l'entend l'alinéa 48(5)c) de la Loi [6] , ...

L'Accord conclu entre l'appelant et son fournisseur dans l'affaire Quadra Chimie, selon lequel le prix applicable serait déterminé en fonction de la Bourse des métaux de Londres constitue, de l'avis du Tribunal, un arrangement semblable à celui qui existe entre l'appelant, TMC et Mitsui. En d'autres termes, les éléments de preuve démontrent clairement qu'il existait entre les parties une entente selon laquelle le prix stipulé sur la facture des douanes canadiennes était un prix provisoire estimatif aux fins du calcul de la valeur en douane et que le prix de vente final des véhicules ne serait connu qu'au terme des négociations entre les parties. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que la note de crédit donnée par Mitsui à l'appelant ne constitue ni une remise, ni une réduction du prix payé ou à payer pour les marchandises en cause au sens de l'alinéa 48(5)c) de la Loi. Elle reflète tout simplement le prix de vente réel des marchandises en cause.

Compte tenu des motifs qui précèdent, les appels sont admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. Appel no AP-93-260, le 26 juillet 1994.

3. Appel no AP-91-189, le 20 juillet 1992.

4. Genève, mars 1969, GATT IBDD, vol. IV.

5. Nordic Laboratories c. Le sous-ministre du Revenu national , non publié, no du greffe T-1050-93, le 26 février 1996.

6. Ibid. aux p. 17-19.


Publication initiale : le 16 décembre 1996