ZELLERS INC.

Décisions


ZELLERS INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
v.
GROUPE PROCYCLE INC. ET VICTORIA PRECISION INC.
Appel no AP-94-351

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le jeudi 25 janvier 1996

Appel no AP-94-351

EU ÉGARD À un appel entendu le 30 août 1995 aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 20 janvier 1995 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 58 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

ZELLERS INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

ET

GROUPE PROCYCLE INC. ET VICTORIA PRECISION INC. Intervenants

L'appel est admis.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Anita Szlazak ______ Anita Szlazak Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation à l'égard de réexamens effectués par le sous-ministre du Revenu national selon lesquels des bicyclettes importées par l'appelant sont des marchandises de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal dans l'enquête sur les Bicyclettes et cadres de bicyclettes originaires ou exportés de Taïwan et de la République populaire de Chine et sont, par conséquent, assujetties aux droits antidumping.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que la mesure exacte de «16 pouces (40,64 cm) et plus» utilisée pour désigner les bicyclettes se trouvant dans la partie inférieure de la série de tailles de bicyclettes visées par ses conclusions dans l'enquête sur les Bicyclettes, qui, à première vue, sont claires et sans ambiguïté, doit être interprétée strictement. Le Tribunal estime que l'indication dans les conclusions au dixième de millimètre près de l'équivalent en Système métrique de 16,0 po (40,64 cm) constitue un élément de preuve convaincant selon lequel les diamètres à 0,5 po près de 16,0 po n'étaient pas contemplés. Le Tribunal croit également significatif le fait que l'appelant ait fait la publicité et la vente des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 15,5 po en tant que telles et n'ait pas cherché à les faire passer pour des bicyclettes ayant des roues de 16,0 po. Selon le Tribunal, la façon dont les bicyclettes importées ont été présentées sur le marché indique qu'il ne s'agissait pas en réalité de «marchandises de même description» que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal. Cette position est confirmée par les rapports de laboratoire du ministère du Revenu national dans lesquels les bicyclettes en cause sont comparées avec des bicyclettes ayant des roues de 16,0 po construites par le même fabricant chinois et commercialisées en même temps par l'appelant. Ces rapports font état d'importantes différences entre les deux bicyclettes, notamment le fait que [traduction] «[l]es pneus marqués 15 ½ pouces étaient trop petits et ne pouvaient être installés sur les jantes dont provenaient les pneus marqués 16 pouces ¯ .

Le Tribunal conclut, en outre, que les bicyclettes importées ne sont pas visées par la locution «et des cadres de bicyclettes» utilisée dans ses conclusions dans l'enquête sur les Bicyclettes, étant donné que cette locution vise les importations de cadres, seuls, conçus pour être utilisés comme éléments composants de bicyclettes.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 30 août 1995 Date de la décision : Le 25 janvier 1996
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Lyle M. Russell, membre Anita Szlazak, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Richard S. Gottlieb, pour l'appelant Stéphane Lilkoff, pour l'intimé C.J. Michael Flavell, c.r., et Paul M. Lalonde, pour les intervenants





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI) à l'égard de réexamens effectués par le sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre) selon lesquels des bicyclettes décrites comme ayant des roues d'un diamètre de 15,5 po (39,37 cm) importées par l'appelant sont des marchandises de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal dans l'enquête sur les Bicyclettes et cadres de bicyclettes originaires ou exportés de Taïwan et de la République populaire de Chine [2] et sont, par conséquent, assujetties à des droits antidumping.

L'avocat de l'appelant a, au départ, remis en cause la participation des sociétés Groupe Procycle Inc. et Victoria Precision Inc. à titre d'intervenants dans le présent appel, mais a concédé lors de l'audience que leur participation est envisagée au paragraphe 61(2) de la LMSI. Néanmoins, l'avocat s'en est pris au moment tardif du dépôt de leur acte de comparution et de leur mémoire, et a demandé au Tribunal d'accorder à l'appelant le droit de faire de nouvelles observations écrites sur ce mémoire, au besoin. Le Tribunal a décidé d'accorder à l'appelant une semaine pour présenter des observations écrites en réponse au mémoire et, par la suite, une semaine aux intervenants pour répondre à leur tour à ces observations. Les observations des deux parties ont été reçues les 8 et 15 septembre 1995 et le Tribunal en a tenu compte dans le dossier du présent appel.

C0A l'ouverture de l'audience, le Tribunal a entendu les arguments des avocats sur la question de savoir si la décision du Sous-ministre d'imposer des droits antidumping sur les bicyclettes en cause constituait un réexamen aux termes de l'article 57 de la LMSI et pouvait donc, correctement, faire l'objet d'un appel devant le Tribunal aux termes de l'article 61 de la LMSI.

L'avocat de l'appelant a fait valoir qu'une des conditions préalables à une révision par l'agent désigné dont il est question à l'article 57 de la LMSI est qu'une décision ait antérieurement été rendue. Il a notamment souligné qu'aux termes de l'article 57, l'agent désigné peut réviser une décision rendue en vertu du paragraphe 56(1) de sa propre initiative dans les deux ans suivant la décision. Or, il a fait valoir qu'il n'y avait pas eu de décision au sens du paragraphe 56(1) et que la locution «conformément aux représentations faites lors de la déclaration en détail par l'auteur de celle-ci» figurant au paragraphe 56(2) pouvait seulement désigner les représentations faites par l'importateur au sujet du prix à l'exportation et de la valeur normale, puisque l'importateur ne fait pas de représentations sur la question de savoir si les marchandises sont ou non de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal.

L'avocat de l'intimé et les avocats des intervenants ont, de leur côté, avancé qu'il fallait examiner le paragraphe 56(2) de la LMSI aux termes duquel si, au moment de la déclaration des marchandises importées, il n'y a pas eu de décision, celle-ci est réputée avoir été rendue le 30e jour suivant la déclaration en détail des marchandises et conformément aux représentations faites lors de la déclaration en détail par l'auteur de celle-ci. À l'appui de leur raisonnement, les avocats ont cité la déclaration suivante du juge Martin de la Cour fédérale du Canada, Section de première instance, dans l'affaire Toshiba International Corp. c. Le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise [3] :

À mon avis, aux fins de la présente demande, il n'existe pas de différence entre une décision prise conformément au paragraphe 56(1) et une autre qui soit prise conformément au paragraphe 56(2) et, aux fins de la présente demande, une décision prise conformément au paragraphe 56(2) est la même chose qu'une décision prise conformément au paragraphe 56(1).

Les avocats ont indiqué qu'il était impossible que le Sous-ministre rende une décision au sujet de chaque importation et que de nombreuses décisions sont rendues aux termes du paragraphe 56(2) de la LMSI.

Le pouvoir du Tribunal d'entendre un appel et de rendre une décision à son sujet aux termes de l'article 61 de la LMSI est délimité par le fait que l'appel doit être présenté par «[q]uiconque s'estime lésé par un réexamen effectué en application de l'article 59». Or, l'article 59 donne au Sous-ministre le pouvoir de «réexaminer les [...] révisions prévues aux articles 55, 56 ou 57 et rendues par un agent désigné». Ainsi, un réexamen effectué aux termes de l'article 59 peut porter sur une révision faite aux termes de toute disposition de l'article 56. Le Tribunal est convaincu que l'article 56 vise à la fois les cas où une décision est rendue au moment de l'importation et de la déclaration en détail des marchandises, et les cas où aucune décision semblable n'a été rendue. Le paragraphe 56(1) couvre les premiers cas et le paragraphe 56(2) les derniers cas. À l'encontre des observations présentées par l'avocat de l'appelant, le Tribunal est d'avis que la locution «conformément aux reprE9‚sentations faites lors de la déclaration en détail par l'auteur de celle-ci» du paragraphe 56(2) ne renvoie pas uniquement aux représentations faites au sujet de la valeur normale et du prix à l'exportation. Le paragraphe 56(2) renvoie aux décisions visées par le paragraphe 56(1), qui comprennent non seulement les décisions sur la valeur normale et le prix à l'exportation mais également celles qui portent sur la question de savoir si les marchandises importées sont de même description que les marchandises auxquelles les conclusions du Tribunal s'appliquent.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le Sous-ministre a eu raison dans son réexamen de décider que les bicyclettes importées décrites par l'appelant comme ayant des roues d'un diamètre de 15,5 po sont des marchandises de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal dans l'enquête sur les Bicyclettes. Dans cette enquête, le Tribunal a rendu la décision suivante :

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping des bicyclettes assemblées ou démontées, avec des roues d'un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus, originaires ou exportées de Taïwan et de la République populaire de Chine [...] a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires, et que le dumping au Canada des cadres de bicyclettes en question, originaires ou exportés des pays susmentionnés, n'a pas causé, ne cause pas, mais est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires [4] .

M. Robert Watt, acheteur principal au rayon des articles de sport de Zellers Inc. depuis 1991, a expliqué que les bicyclettes en cause, de modèle BMX avec des roues d'un diamètre de 15,5 po, étaient conçues pour être de taille plus petite que les bicyclettes de même modèle avec des roues d'un diamètre de 16,0 po. Il a renvoyé au diagramme joint au mémoire confidentiel de l'appelant ainsi qu'à la description matérielle présentée dans le mémoire public de l'appelant qui fournissaient les différentes mesures des cadres des bicyclettes de modèle BMX avec des roues d'un diamètre de 15,5 et de 16,0 po. À la question de savoir pour quelle raison l'appelant avait décidé d'acheter des bicyclettes de modèle BMX avec des roues d'un diamètre de 15,5 po, il a répondu que c'était le vendeur qui lui avait soumis le modèle. Il a confirmé que l'appelant n'avait pas importé, dans le passé de bicyclettes de modèle BMX avec des roues d'un diamètre de 15,5 po et admis qu'il ignorait que les bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 15,5 po étaient vendues au Canada. Cependant, il a déclaré que le vendeur lui avait dit que les bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 15,5 po étaient vendues aux États-Unis et que, compte tenu de la courte période séparant le moment où la commande a été passée et le moment de la livraison, il croyait que le vendeur produisait déjà des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 15,5 po et n'avait pas changé ses moules pour exécuter la commande de l'appelant.

En ce qui a trait particulièrement aux bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 15,5 po, M. Watt a déclaré que le diamètre serait mesuré à partir d'un bord extérieur à l'autre bord extérieur du pneu, une fois celui-ci entièrement gonflé. Il était surpris que l'on puisse penser que les bicyclettes avec roues d'un diamètre de 15,5 po peuvent avoir des roues qui ne mesurent pas 15,5 po et a affirmé qu'il s'attendait à ce que ces roues mesurent exactement 15,5 po. À son avis, compte tenu d'un ensemble représentatif d'essais de qualité, les roues des bicyclettes de modèle BMX mesuraient effectivement 15,5 po. Il a renvoyé aux rapports de la Section recherche et développement de la Direction des travaux scientifiques et de laboratoire au ministère du Revenu national (Revenu Canada) intitulés «Determination of Wheel, Tire and Frame Dimensions and Wheel/Tire Interchangeability of Two Chinese Bicycles» ([traduction] Détermination de la dimension des roues, des pneus et des jantes, et de l'interchangeabilité des roues et des pneus de deux bicyclettes de fabrication chinoise), de juillet 1993 (le rapport de juillet 1993) et «Determination of Wheel and Tire Dimensions and Wheel/Tire Interchangeability of Two Chinese Bicycles» ([traduction] Détermination de la dimension des roues et des pneus et de l'interchangeabilité des roues et des pneus de deux bicyclettes de fabrication chinoise), du 9 août 1994 (le rapport du 9 août 1994). Il a déclaré que ces rapports précisent que les roues de 16,0 po ne conviennent pas à des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 15,5 po, pas plus que les roues de 15,5 po ne conviennent aux bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16,0 po. En outre, l'appelant a un stock de pneus et de chambres à air de 15,5 po.

M. Philip Stanimir, président et chef de la direction de Victoria Precision Inc., et président de la Canadian Bicycle Manufacturers' Association, a comparu pour le compte de l'intimé, accompagné de M. Daniel Pharand, directeur de l'usine de Victoria Precision Inc. M. Stanimir a expliqué que la taille des roues offertes sur le marché canadien est réglementée par le marché mondial. Les roues diffèrent par gradations de 2 po allant de 12 à 14, 16, 18, 20, 24, 26 et 27 po, jusqu'à 700 mm. En règle générale, les roues de 12 po sont destinées aux 2 ½-3 ans, celles de 16 po aux 4 ans, celles de 20 po aux 5-6 ans, celles de 24 po aux 8-14 ans et celles de 26 po aux personnes de plus de 14 ans. Au cours du contre-interrogatoire par l'avocat de l'appelant, M. Stanimir a reconnu que Victoria Precision Inc. commercialisait des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 13,0 po. Il a indiqué que la décision de commercialiser ces bicyclettes était fondée sur le fait que les roues en plastique qu'il voulait utiliser n'existaient que dans des diamètres de 13,0 po. Les bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 13,0 po sont destinées, tout comme les bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 12,0 po, à la clientèle des 2 ½-3 ans. Après avoir examiné les renseignements à caractère commercial provenant de divers fabricants de roues, M. Stanimir a également reconnu qu'ils offrent des roues de 12,5 po pour certaines bicyclettes, à l'exclusion des bicyclettes de modèle BMX.

M. Stanimir a déclaré que, même s'il existe des tailles standard, il existe aussi des écarts nominaux par rapport à ces tailles standard. Pour illustrer son propos, il a montré au Tribunal une roue de bicyclette fabriquée par Victoria Precision Inc. et marquée 16,0 po, mais dont le diamètre, mesuré par M. Stanimir, n'était que de 15,5 po. M. Pharand a expliqué que la mesure d'une roue avec un diamètre de 16,0 po est principalement fondée sur le diamètre de la jante et qu'en fait c'est la largeur du pneu qui varie.

M. Stanimir a reconnu que M. Watt l'avait pressenti pour produire des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 15,5 po. Il a refusé de produire des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 15,5 po pour l'appelant, croyant que l'appelant cherchait à se faire donner un prix qui l'aiderait à contourner les conclusions du Tribunal dans l'enquête sur les Bicyclettes. M. Stanimir n'était pas d'accord avec le témoignage de M. Watt selon lequel une roue de 16,0 po ne conviendrait pas à une jante de 15,5 po et a déclaré que, si Victoria Precision Inc. avait voulu fixer un prix à l'appelant, il lui aurait suffi de changer la marque sur le pneu, c'est-à-dire de remplacer la marque de 16,0 po par celle de 15,5 po.

Citant un passage de l'ouvrage Sutherland's Handbook for Bicycle Mechanics [5] (le Sutherland's Handbook), M. Pharand a déclaré que la norme canadienne, celle utilisée par Victoria Precision Inc., se trouve dans la colonne intitulée «Hooked-edge (Decimal), Schwinn, and Canadian» dans les tableaux de tailles de pneus et de jantes. À sa connaissance, il n'existe pas au monde de fabricant de roues de bicyclettes de 15,5 po de diamètre, si ce n'est par commande sur mesure. Il a fait remarquer que l'on ne trouve aucune mention de bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 15,5 po dans la colonne intitulée «Hooked-edge (Decimal), Schwinn, and Canadian».

M. Pharand a déclaré que, conformément aux normes de l'Organisation technique européenne du pneumatique et de la jante (l'OTEPJ) qui ont été approuvées par l'Organisation internationale de normalisation (l'ISO), la taille d'une roue est déterminée par le diamètre d'accrochage à la jante. Le diamètre d'accrochage à la jante est l'endroit où le pneu repose sur la jante ou s'y accroche et se rapproche beaucoup du diamètre extérieur de la jante. Par conséquent, la largeur ou la hauteur et le degré de gonflement du pneu peuvent entraîner des variations du diamètre extérieur de la roue. M. Pharand a déclaré que, pour ce qui est des pneus et des jantes, Victoria Precision Inc. respecte les normes de l'OTEPJ.

Les avocats des intervenants ont présenté des éléments de preuve par l'entremise de M. Ephrem Busque, vice-président — Opérations, chez Groupe Procycle Inc. M. Busque a déclaré bien connaître les normes de l'industrie de la production de bicyclettes et confirmé que les normes publiées dans le Sutherland's Handbook, qui correspondent aux normes de l'OTEPJ adoptées comme normes internationales en 1988, sont les normes de l'ISO.

On a demandé à M. Busque ce que signifiait l'extrait suivant du Sutherland's Handbook :

Bead and bead seat diameter are much more important dimensions than outside diameter because they determine tire/rim fit. (Unfortunately, most tires are still marked with the nominal outside diameter .)

([Traduction] Le diamètre du talon du pneu et le diamètre d'accrochage à la jante sont des dimensions bien plus importantes que le diamètre extérieur puisqu'ils déterminent les possibilités d'agencement pneu/jante. [Malheureusement, la plupart des pneus portent encore comme indication le diamètre nominal extérieur.])

Dans sa réponse, M. Busque a affirmé qu'il valait mieux mesurer le diamètre de la jante par rapport à l'endroit où le pneu repose sur celle-ci. Ainsi, quand on désire avoir des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16,0 po, on veut en fait des bicyclettes ayant un diamètre d'accrochage à la jante de 305 mm. Il a indiqué, en outre, que la tolérance d'écart entre le pneu et la jante doit être inférieure à 1 mm. Autrement, l'ajustement et la fonction réciproque du pneu et de la jante feront problème. Pour éviter ce problème, tous les fabricants de pneus et de jantes renvoient aux normes de l'ISO pour que le pneu s'ajuste bien à la jante et que les deux fonctionnent correctement.

M. Busque a renvoyé aux mesures données dans le Sutherland's Handbook pour les roues marquées selon les systèmes Schwinn et canadien et dont les mesures d'accrochage au rebord de la jante sont de «16 x 1,75 po¯, et déclaré que le chiffre «16» représente le «diamètre nominal extérieur». Il a également fait remarquer que le diamE8Štre d'accrochage à la jante pour cette roue est de 305 mm et précisé qu'il s'agit de la mesure à partir de l'endroit où le pneu repose sur la jante, en d'autres termes, le diamètre d'accrochage à la jante. Il a expliqué que, dans la catégorie des 305 mm, il existe diverses mesures de diamètre extérieur en fonction de la largeur du pneu. À titre d'illustration, il a parlé des mesures du «rayon extérieur du pneu» qui varient entre 194 et 203 mm. Il a calculé que la mesure en unités de mesure anglo-saxonnes d'un rayon extérieur de pneu de 194 mm équivaut à 15,5 po, tandis qu'un rayon extérieur de pneu de 203 mm est l'équivalent de 16,0 po. Il a affirmé n'avoir jamais entendu parler d'une roue de 15,5 po avant le présent appel.

M. William D. Berry, gestionnaire, Machinerie, Transports et Produits électriques, Division des droits antidumping et compensateurs à Revenu Canada, a également comparu comme témoin à l'audience. Il a cité une note de service au dossier datée du 28 mai 1993 portant sur une discussion qu'il avait eue avec M. Stanimir et une plainte déposée par Les Industries Raleigh du Canada Limitée (Raleigh). L'avocat de l'appelant a signalé à M. Berry que cette note de service fait état de la possibilité que l'appelant ne fasse de la publicité pour la vente de bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16,0 po comme s'il s'agissait de bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 15,5 po. L'avocat a également renvoyé M. Berry à l'extrait suivant de cette note de service :

As bicycles with wheel sizes under 16” are not subject to the finding, the Canadian producers are concerned that the tire marking is being used as a means of circumventing the finding.

([Traduction] Comme les bicyclettes avec des roues d'un diamètre de moins de 16 po ne sont pas visées par les conclusions, les producteurs canadiens se demandent si la façon de marquer les pneus ne constitue pas un moyen de contourner ces conclusions.)

M. Berry a indiqué qu'il avait fait cette déclaration parce qu'à son avis les conclusions visaient les bicyclettes dont les roues ont un diamètre nominal de 16,0 po.

M. Berry a également cité deux rapports sur des études qu'il avait demandées à la Section recherche et développement de la Direction des travaux scientifiques et de laboratoire à Revenu Canada de mener. Le rapport de juillet 1993 présente les résultats d'une analyse de deux bicyclettes fabriquées en République populaire de Chine, à savoir une bicyclette bleue pour garçons avec des roues d'un diamètre de 15,5 po et vendue sous la marque de commerce «Venture», et une bicyclette rose pour filles avec des roues d'un diamètre de 16,0 po et vendue sous la marque de commerce «Venture - Mountain Tour». Selon ce rapport, même si les pneus des roues de 16,0 po ne pouvaient remplacer en toute sécurité des pneus destinés à des roues de 15,5 po, les roues en elles-mêmes, une fois munies des pneus de la bonne dimension, étaient facilement interchangeables. Le rapport du 9 août 1994 a été rédigé à la suite d'une demande présentée par Revenu Canada pour le réexamen des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 15,5 et de 16,0 po, et aussi pour l'examen de trois roues additionnelles : deux roues marquées 16,0 po, provenant de Raleigh, et une autre marquée 15,5 po, provenant de l'appelant. Ce rapport arrive à des conclusions semblables à celles du premier rapport. Ainsi, de l'avis du laboratoire, les pneus de 16,0 po pouvaient être installés sur les jantes de 15,5 po à certaines conditions; par contre, il n'était pas possible d'installer des pneus de 15,5 po sur les jantes de 16,0 po. Enfin, les roues de 15,5 et de 16,0 po, une fois munies des pneus de la bonne dimension, étaient interchangeables.

L'avocat de l'appelant a soutenu que la question dont le Tribunal est saisi consiste à déterminer si les bicyclettes importées par l'appelant ont ou non des roues d'un diamètre de 16,0 po ou plus. Il a soutenu que l'intimé a reconnu que les bicyclettes importées ont des roues d'un diamètre de 15,5 po et ne sont pas, par conséquent, des marchandises de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal dans l'enquête sur les Bicyclettes. En outre, l'avocat a indiqué que les pneus de 15,5 po ne peuvent être installés sur des jantes requérant des pneus de 16,0 po et que d'autres caractéristiques des bicyclettes importées, notamment la dimension du cadre et l'empattement, les différencient des bicyclettes auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal.

Selon l'avocat de l'appelant, le Sous-ministre est lié par la description des marchandises fournie dans les conclusions du Tribunal et n'avait pas le pouvoir d'élargir la portée des conclusions du Tribunal. À l'appui de cet argument, l'avocat a invoqué deux décisions de la Cour d'appel fédérale concernant les conclusions du Tribunal antidumping dans l'enquête sur les Moteurs à induction intégrale d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusivement, [...] originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique [6] : Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise c. Trane Company of Canada, Limited [7] et Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise c. Générale électrique du Canada Inc. [8]

L'avocat de l'intimé a soutenu que, pour interpréter l'article 61 de la LMSI, le Tribunal doit adopter la méthode d'interprétation tE9‚léologique des lois. Selon cette méthode, l'interprétation des lois fiscales doit être faite selon les règles ordinaires d'interprétation, et une disposition législative doit être interprétée strictement ou libéralement en fonction de l'objet qui la sous-tend, qui dépend du contexte de la loi, de son but et de l'intention du législateur [9] . En outre, seul un doute raisonnable et non dissipé par les règles ordinaires d'interprétation sera résolu par recours à la présomption en faveur du contribuable. Il a en outre précisé, en s'appuyant sur la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire J.V. Marketing Inc. c. Le Tribunal canadien du commerce extérieur [10] , que les mêmes règles d'interprétation des lois doivent s'appliquer à l'interprétation des conclusions et de l'exposé des motifs du Tribunal [11] .

Appliquant cette méthode à l'interprétation des conclusions du Tribunal dans l'enquête sur les Bicyclettes, l'avocat de l'intimé a soutenu que l'objet des conclusions du Tribunal était de protéger la production au Canada de marchandises destinées à une clientE8Šle déterminée, à savoir les enfants qui achètent des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16 po et plus. À son avis, les roues d'un diamètre de 16 po et celles d'un diamètre de 20 po étaient utilisées parce qu'il s'agit de dimensions reconnues mondialement et que ce sont des points de référence couramment utilisés par l'industrie. Cependant, il a indiqué qu'aux fins de l'exécution des conclusions du Tribunal, si les bicyclettes importées visent la même clientèle sur le marché que celle qui achète des bicyclettes de fabrication canadienne avec des roues d'un diamètre de 16 ou de 20 po, alors les bicyclettes importées sont «de même description» que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal.

L'avocat de l'intimé a, en outre, fait valoir que le sens de la locution «des roues d'un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus» est vague, en ce sens qu'il n'est pas clair s'il s'agit de la dimension de la jante ou de celle des roues, avec ou sans pneus entièrement gonflés, etc. C'est pourquoi l'avocat était d'avis que, pour interpréter les conclusions, le Tribunal devait chercher appui dans l'exposé des motifs. L'avocat a soutenu que l'exposé des motifs précise que la locution «des roues d'un diamètre de 16 pouces» désigne une sorte, un genre, une catégorie de bicyclettes. À l'appui de cette prémisse, l'avocat a renvoyé au fait que, dans l'exposé des motifs, le Tribunal déclare que l'effet de la concurrence à l'importation s'est concentré sur les bicyclettes pour enfants [12] , que les bicyclettes importées sont livrées en catégories junior, adultes et hommes/femmes, et qu'il est possible de les classer, en outre, selon la taille de leurs roues [13] .

En contre-preuve, l'avocat de l'appelant a fait remarquer que dans l'affaire J.V. Marketing, la Cour d'appel fédérale avait déclaré qu'il y avait lieu de pousser la recherche sur le sens des mots d'une conclusion uniquement en cas d'ambiguïté [14] . Il a soutenu que la description des marchandises tirée des conclusions du Tribunal dans l'enquête sur les Bicyclettes n'est entachée d'aucune ambiguïté. À son avis, les marchandises sont décrites de la même façon tant dans les conclusions que dans l'exposé des motifs. L'avocat a nié que l'objet des conclusions était de protéger la production au Canada de marchandises destinées à une clientèle précise, soit celle des enfants qui achètent des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16 po et plus. Les conclusions ont pour effet de protéger plutôt la production de bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16 po et plus. De plus, l'avocat a soutenu que la conjoncture du marché est hors de propos puisque, dans le cas d'un appel interjeté aux termes de l'article 61 de la LMSI, le Tribunal doit déterminer si les marchandises importées sont des marchandises de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal et non pas si les marchandises importées sont des «marchandises similaires».

Les avocats des intervenants ont soutenu qu'en s'appuyant sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) [15] , relativement à un appel interjeté aux termes de l'article 61 de la LMSI, le Tribunal, en qualité d'organisme de réexamen, ne doit pas contester les conclusions de fait rendues par le Sous-ministre, à moins que celles-ci ne soient appuyées par aucun élément de preuve ou qu'il s'agisse de conclusions tirées de façon abusive ou arbitraire, ou qu'elles aient été rendues sans tenir compte du matériel soumis au Sous-ministre. Or, selon les avocats, un grand nombre d'éléments de preuve existent à l'appui des conclusions de fait raisonnables que le Sous-ministre a rendues et selon lesquelles les bicyclettes en cause sont des «marchandises de même description» que les marchandises auxquelles les conclusions du Tribunal s'appliquent dans l'enquête sur les Bicyclettes.

Les avocats des intervenants ont souligné que la description des tailles des roues des bicyclettes renvoie à des tailles standard, nominales et ne constitue pas une mesure précise des tailles réelles des roues et que, du point de vue du consommateur, les bicyclettes en cause et les bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16 po de la même marque et du même modèle sont semblables au point d'être, en réalité, identiques et sont, de fait, des «marchandises de même description». Les avocats ont expliqué, en s'appuyant sur les témoignages de MM. Stanimir, Pharand et Busque et sur les objets déposés à titre de pièces, que la taille réelle d'une roue fluctue souvent d'un pouce ou davantage par rapport à la taille marquée et que le diamètre peut varier en fonction du gonflement du pneu.

De l'avis des avocats des intervenants, lorsque des mesures sont utilisées dans un document légal, des écarts minimaux ou insignifiants par rapport à ces mesures sont acceptables en vertu d'un principe d'interprétation de la loi bien établi, à moins qu'il ne semble y avoir une intention clairement contraire [16] . Appliquant ce principe au présent appel, les avocats ont indiqué que le Tribunal doit, pour interpréter le sens de «16 pouces» dans les conclusions dans l'enquête sur les Bicyclettes, comprendre qu'il faut lire «plus ou moins» ou «approximativement». En outre, les avocats ont soutenu que les tribunaux reconnaissent que l'usage commercial qui autorise des écarts par rapport à une mesure ou à une norme doit être adopté [17] et que, dans le présent appel, conformément aux usages commerciaux reconnus, les bicyclettes en cause doivent être classées comme étant des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16 po.

Les avocats des intervenants ont, en outre, mentionné le fait que les importations des bicyclettes en cause étaient des opérations «trompe-l'œil» et que le Tribunal doit examiner la substance des importations en cause plutôt que leur forme. Ils ont également avancé que, même s'il est soutenu que les règles d'interprétation qui s'appliquent aux lois fiscales ne s'appliquent pas à la LMSI, il convient de donner aux dispositions applicables de la LMSI une interprétation conforme au sens commun et téléologique. En interprétant la LMSI de cette façon, selon les avocats, l'appelant ne doit pas pouvoir éviter des conclusions de préjudice [maintenant désignées conclusions de dommage conformément aux modifications apportées à la LMSI] pour des détails d'ordre technique comme l'indication de la dimension sur le flanc d'un pneu de bicyclette et la fabrication d'une catégorie de pneus de taille jusque-là inconnue dans l'industrie.

Les avocats des intervenants ont maintenu que, pour décider si les bicyclettes importées sont des marchandises de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal dans l'enquête sur les Bicyclettes, le Tribunal doit adopter le point de vue de l'utilisateur final comme il l'a fait en rendant sa décision dans l'affaire Nomad East Distribution Corporation c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [18] . De l'avis des avocats, du point de vue de l'utilisateur final, il n'y a aucune différence entre les bicyclettes importées par l'appelant et les bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16 po fabriquées par les intervenants.

Enfin, les avocats des intervenants ont déclaré que, à tout le moins, puisque la description des marchandises fournie dans les conclusions concernant l'enquête sur les Bicyclettes inclut «des cadres de bicyclettes», même si le Tribunal accepte la position de l'appelant, les cadres de bicyclettes en cause sont visés par les conclusions et sont, par conséquent, assujettis à des droits antidumping.

En interprétant les lois, les tribunaux ont, dans le passé, établi une distinction entre les lois fiscales et les autres lois et appliqué des règles ou principes d'interprétation des lois différents en fonction de la nature de la loi. Il est clair que ce point de vue n'est plus prédominant et que l'interprétation de toutes les lois, y compris les lois fiscales, est assujettie aux règles ordinaires d'interprétation des lois [19] . Ainsi, que l'on considère que la LMSI est, en tout ou en partie, une loi fiscale ou non, elle est assujettie aux règles ordinaires d'interprétation des lois. Or, selon les règles ordinaires d'interprétation des lois, «il faut interpréter les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur [20] ». Le Tribunal fait remarquer qu'aucune indication dans la LMSI n'oblige le Tribunal à considérer l'intention de l'importateur lorsqu'il rend une décision aux termes de l'article 61. En outre, contrairement à la Loi de l'impôt sur le revenu [21] et à la Loi sur la taxe d'accise [22] , la LMSI ne renferme aucune disposition anti-évitement ou anticontournement.

Aux termes de l'article 61 de la LMSI, le Tribunal doit entendre les appels interjetés à l'égard de réexamens effectués par le Sous-ministre aux termes de l'article 59 de la LMSI et doit rendre les ordonnances ou conclusions indiquées en l'espèce, notamment déclarer soit quels droits sont payables, soit qu'aucun droit n'est payable sur les marchandises importées. Aux fins du présent appel, les réexamens en cause renvoient à des révisions effectuées aux termes du paragraphe 56(2) de la LMSI selon lesquelles les bicyclettes importées sont des marchandises de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal dans l'enquête sur les Bicyclettes. En qualité d'organisme qui entend l'appel interjeté à l'égard de ces réexamens, le Tribunal est, par conséquent, tenu de rendre une décision sur la question de savoir si les bicyclettes en cause sont des marchandises de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions dans l'enquête sur les Bicyclettes, c'est-à-dire si les bicyclettes importées sont des marchandises de même description que «des bicyclettes assemblées ou démontées, avec des roues d'un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus». De l'avis du Tribunal, la question en litige dans la prise de cette décision consiste à déterminer s'il y a lieu de tenir compte du diamètre réel de la roue ou du diamètre «nominal» qui peut correspondre à un diamètre de plus ou moins 16 po.

Dans les conclusions rendues par le Tribunal dans l'enquête sur les Bicyclettes, il est fait mention de l'expression «bicyclettes assemblées ou démontées, avec des roues d'un diamètre de 16 pouces (40,64 cm) et plus» pour définir les bicyclettes aux échelons inférieurs de la série de tailles. Les échelons supérieurs de cette série ne sont pas définis. Cependant, une série de tailles est clairement visée, à savoir toutes les bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16 po et plus. Lorsqu'une mesure précise comme «16 pouces (40,64 cm)» est utilisée pour définir les échelons inférieurs d'une série de tailles de marchandises visées par des conclusions, comme c'est le cas dans l'enquête sur les Bicyclettes, le Tribunal est d'avis que cette mesure doit être interprétée littéralement. Toute autre attitude serait une invitation à la confusion et à l'incertitude dans l'application des conclusions et, comme l'a souligné l'avocat de l'appelant, aurait pour résultat de donner pratiquement au Sous-ministre le pouvoir discrétionnaire de faire varier la portée des conclusions. Le Tribunal interprète la jurisprudence relative à l'usage commercial dans le sens où il est possible de s'y fier pour donner une signification claire à des clauses autrement ambiguës dans les lois ou règlements douaniers. Le fait de s'y fier dans la présente affaire, selon le Tribunal, rendrait au contraire ambigu un texte qui, à première vue, est clair.

Le Tribunal ne peut accepter que le fait que les bicyclettes avec des roues d'un diamètre supérieur ou inférieur à 16,0 po soient couramment présentées et vendues comme des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16,0 po exige d'interpréter les conclusions dans l'enquête sur les Bicyclettes comme si elles s'appliquaient aux bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16,0 po «plus ou moins», selon le raisonnement des avocats des intervenants. Selon le Tribunal, étant donné que l'équivalent en unités du Système métrique de 16,0 po (soit 40,64 cm) a été indiqué dans les conclusions au dixième de millimètre près, cela constitue un élément de preuve convaincant selon lequel les diamètres à 0,5 po près de 16,0 po n'étaient pas visés.

Le Tribunal croit également qu'il n'est pas sans importance que l'appelant ait fait la publicité et la vente des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 15,5 po comme telles et n'ait pas essayé de les faire passer pour des bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16,0 po. Le fait que des clients auraient pu acheter ces bicyclettes au lieu de bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16,0 po est, de l'avis du Tribunal, hors de propos. La façon dont elles ont été présentées sur le marché indique qu'il ne s'agissait pas, en réalité, de «marchandises de même description». Les rapports de laboratoire de Revenu Canada qui comparent les bicyclettes en cause avec des bicyclettes munies de roues d'un diamètre de 16,0 po construites par le même fabricant chinois et commercialisées en même temps par l'appelant ont relevé d'importantes différences entre les deux types de bicyclettes, entre autres le fait que [traduction] «[l]es pneus marqués 15 ½ pouces étaient trop petits et ne pouvaient être installés sur les jantes dont provenaient les pneus marqués 16 pouces [23] ». De l'avis du Tribunal, il faut donner à ces rapports beaucoup plus de poids que les comparaisons faites, lors de l'audience, par les témoins des intervenants, entre les bicyclettes en cause et un modèle plus récent d'une bicyclette avec des roues d'un diamètre de 16,0 po de la Thaïlande.

Les deux parties plaignantes dans l'enquête no NQ-92-002 concernant les importations de bicyclettes et les fonctionnaires de Revenu Canada qui ont rédigé les décisions provisoire et définitive de dumping auraient pu, de l'avis du Tribunal, prévoir un mouvement vers des dimensions «non standard» si des conclusions de préjudice avaient été rendues et des droits antidumping imposés sur les importations de bicyclettes avec des roues d'un diamètre de 16 po. Si cela avait été une préoccupation, les fonctionnaires de Revenu Canada auraient pu présenter dans les décisions provisoire et définitive une description des marchandises qui aurait visé toutes les bicyclettes avec des diamètres de roue plus grands que ceux de la dimension «standard» inférieure suivante à ce moment-là, c.-à-d. toutes les bicyclettes avec des roues ayant un diamètre de plus de 14 po, ou les parties plaignantes auraient pu soulever la question au cours des délibérations devant le Tribunal avant que celui-ci ne rende ses conclusions. Ne l'ayant pas fait, elles ne peuvent maintenant essayer d'élargir la portée des conclusions du Tribunal pour redéfinir le diamètre de «16 po».

En ce qui a trait à l'autre argument des avocats des intervenants selon lequel les bicyclettes importées sont visées par la locution «et des cadres de bicyclettes» dans les conclusions dans l'enquête sur les Bicyclettes, le Tribunal est d'avis que cette locution comprend les importations de cadres, seuls, conçus pour être utilisés comme éléments composants de bicyclettes. Comme les marchandises en cause sont des bicyclettes, le Tribunal estime qu'elles ne sont pas visées par la locution «et des cadres de bicyclettes».

Les avocats des intervenants ont soutenu que le Tribunal doit considérer que les importations des bicyclettes en cause par l'appelant sont des opérations «trompe-l'œil». L'expression «sham transaction» ([traduction] opération trompe-l'œil) a été définie par Lord Diplock dans l'affaire Snook v. London and West Riding Investments Ltd. [24] de la manière suivante :

[A] “sham,” ... means acts done or documents executed by the parties to the “sham” which are intended by them to give to third parties or to the court the appearance of creating between the parties legal rights and obligations different from the actual legal rights and obligations (if any) which the parties intend to create. But one thing, I think, is clear in legal principle, morality and the authorities ... that for acts or documents to be a “sham,” with whatever legal consequences follow from this, all the parties thereto must have a common intention that the acts or documents are not to create the legal rights and obligations which they give the appearance of creating [25] .

([Traduction] [U]n «trompe-l'oeil» [...] désigne les actes faits ou les documents signés par les parties dans l'intention de faire croire aux tiers et au tribunal qu'ils créent des droits et des obligations différents de ceux (s'il en est) que les parties entendent vraiment créer. Je crois qu'il y a cependant une chose qui est claire sur le plan des principes juridiques, de la moralité et des précédents [...] : pour qu'un acte ou un document constitue un «trompe-l'œil» — avec les conséquences juridiques qui peuvent en découler — toutes les parties à cet acte ou à ce document doivent avoir l'intention commune de ne pas créer les droits et les obligations qu'ils font croire qu'ils créent.)

Dans le présent appel, le Tribunal conclut à l'absence d'éléments de preuve indiquant que l'appelant avait l'intention de tromper les fonctionnaires de Revenu Canada en important les bicyclettes en cause ou que l'appelant cherchait à créer des droits et des obligations découlant des importations différents des droits et obligations qui découleraient réellement de ces importations. Au contraire, l'appelant a ouvertement importé des bicyclettes présentées comme ayant des roues d'un diamètre de 15,5 po et a fait l'objet de réexamens par les fonctionnaires de Revenu Canada concernant les droits et obligations qui découleraient des importations et, en particulier, du montant des droits qui seraient payables. Selon le Tribunal, ces faits ne suffisent pas à établir que les importations en cause sont des opérations «trompe-l'œil».

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. S - 15.

2. Enquête no NQ - 92 - 002, Conclusions, le 11 décembre 1992, Exposé des motifs, le 29 décembre 1992.

3. Non publié, no du greffe T - 2864-90, le 1er février 1991.

4. Supra, note 2.

5. Cinquième éd., Emeryville, Sutherland Publications, 1990.

6. Enquête no ADT - 8R - 78, Conclusions et Exposé des motifs, le 15 avril 1983. Ces conclusions ont été prorogées par le Tribunal le 10 octobre 1990 dans le cadre du réexamen no RR - 89 - 013.

7. [1982] 2 C.F. 194.

8. Non publié, no du greffe A - 388 - 93, le 1er juin 1994.

9. Voir Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre - Dame de Bon - Secours, [1994] 3 R.C.S. 3 à la p. 20; et Elizabeth C. Symes c. Sa Majesté la Reine, [1993] 4 R.C.S. 695.

10. Non publié, no du greffe A - 1349 - 92, le 29 novembre 1994.

11. Ibid. à la p. 6.

12. Supra, note 2, Exposé des motifs à la p. 14.

13. Ibid. à la p. 3.

14. Supra, note 10 à la p. 4.

15. [1989] 1 R.C.S. 1722.

16. Shipton, Anderson & Co. v. Weil Brothers & Co., [1912] 1 K.B. 574; et Arcos, Limited v. E. A. Ronaasen and Son, [1933] A.C. 470 à la p. 479 (H.L.).

17. Montague L. Meyer, Ltd. v. Vigers Bros., Ltd., [1939] 63 L.L.L.R 10; et Arcos, ibid.

18. Appel no AP - 92 - 180, le 22 décembre 1993 à la p. 4.

19. Voir Stubart Investments Limited c. Sa Majesté la Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; et Québec (Communauté urbaine), supra, note 9.

20. Québec (Communauté urbaine), supra, note 9 à la p. 17.

21. L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), art. 245.

22. L.R.C. (1985), ch. E - 15, art. 274, modifiée par L.C. 1990, ch. 45, art. 12.

23. Rapport de Revenu Canada daté de juillet 1993 à la p. 1.

24. [1967] 2 Q.B. 786.

25. Ibid. à la p. 802 et, en partie, Stubart, supra, note 19 à la p. 572.


Publication initiale : le 28 août 1996