SPACESAVER CORPORATION

Décisions


SPACESAVER CORPORATION
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-95-013, AP-95-073 et AP-95-078

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le mardi 26 mars 1996

SPACESAVER CORPORATIONAnita SzlazakLise BergeronLyle M. RussellNovember 30, 1995

Appels nos AP-95-013, AP-95-073 et AP-95-078

EU ÉGARD AUX appels entendus le 30 novembre 1995 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD AUX décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Les appels sont admis.


Anita Szlazak ______ Anita Szlazak Membre présidant

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant exploite une entreprise de conception, d'ingénierie, de fabrication et de commercialisation de systèmes mobiles de stockage dense destinés à diverses applications dans l'industrie, dans les établissements de recherche et dans les bureaux. Les systèmes sont composés d'une superstructure de divers éléments qui sont installés et se déplacent sur un système de rails. Les marchandises en cause sont fabriquées sur commande pour répondre aux besoins particuliers de chaque application. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9403.10.90 à titre d'autres meubles en métal des types utilisés dans les bureaux, lorsqu'elles sont importées sous forme de système complet, dans le numéro tarifaire 9403.20.00 à titre de rayonnage, lorsque seulement des éléments de rangement sont importés, dans le numéro tarifaire 9403.90.10 à titre de parties et dans le numéro tarifaire 8428.90.90 à titre d'«Autres machines et appareils de levage, de chargement, de déchargement ou de manutention [...] Autres machines et appareils [...] Autres», lorsqu'un système est importé sans éléments de rangement, comme l'a établi l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8428.90.90 à titre d'autres machines et appareils de levage, de chargement, de déchargement ou de manutention et dans le numéro tarifaire 8431.39.20 à titre de parties des marchandises du numéro tarifaire 8428.90.90, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : Les appels sont admis. Le Tribunal estime que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8428.90.90 à titre d'autres machines et appareils de levage, de chargement, de déchargement ou de manutention. En ce qui concerne l'importation distincte d'éléments de rangement ou de tout autre élément d'un système complet en lui-même, le Tribunal conclut que ces marchandises doivent être considérées comme des parties des marchandises du numéro tarifaire 8428.90.90 et, par conséquent, classées dans le numéro tarifaire 8431.39.20.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 30 novembre 1995 Date de la décision : Le 26 mars 1996
Membres du Tribunal : Anita Szlazak, membre présidant Lise Bergeron, membre Lyle M. Russell, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Richard A. Wagner, pour l'appelant Josephine A. L. Palumbo, pour l'intimé





Les présents appels sont interjetés aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national.

L'appelant exploite une entreprise de conception, d'ingénierie, de fabrication et de commercialisation de systèmes mobiles de stockage dense destinés à diverses applications dans l'industrie, dans les établissements de recherche et dans les bureaux. L'appelant est installé à Fort Atkinson, Wisconsin, et a une filiale chargée des ventes à Kitchener (Ontario). Les marchandises en cause sont constituE9‚es de plusieurs éléments qui peuvent être achetés séparément ou ensemble sous forme de système complet. Les systèmes sont composés d'une superstructure de plusieurs éléments installée sur un système de rails; ils sont fabriqués sur commande pour répondre aux besoins particuliers de chaque application. Les systèmes comprennent également divers éléments mécaniques permettant de manutentionner et de déplacer les articles.

Les marchandises en cause ont fait l'objet de plusieurs opérations d'importation en 1991 et 1992. L'appelant a déposé des demandes de révision pour un reclassement dans le numéro tarifaire 8428.90.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] . Ces demandes ont été rejetées. L'appelant a par la suite déposé des demandes de réexamen et, dans diverses décisions, l'intimé a maintenu le classement des marchandises en cause.

La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les systèmes mobiles de stockage dense importés par l'appelant sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9403.10.90 à titre d'autres meubles en métal des types utilisés dans les bureaux, lorsqu'ils sont importés sous forme de système complet, dans le numéro tarifaire 9403.20.00 à titre de rayonnage, lorsque seulement des éléments de rangement sont importés, dans le numéro tarifaire 9403.90.10 à titre de parties et dans le numéro tarifaire 8428.90.90 à titre d'«Autres machines et appareils de levage, de chargement, de déchargement ou de manutention [...] Autres machines et appareils [...] Autres», lorsqu'un système est importé sans éléments de rangement, comme l'a établi l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8428.90.90 à titre d'autres machines et appareils de levage, de chargement, de déchargement ou de manutention et dans le numéro tarifaire 8431.39.20 à titre de parties des marchandises du numéro tarifaire 8428.90.90, comme l'a soutenu l'appelant.

Les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire à l'annexe I du Tarif des douanes sont les suivantes :

84.28 Autres machines et appareils de levage, de chargement, de déchargement ou de manutention (ascenseurs, escaliers mécaniques, transporteurs, téléphériques, par exemple).

8428.90 -Autres machines et appareils

8428.90.90 ---Autres

84.31 Parties reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinées aux machines ou appareils des n os 84.25 à 84.30.

8431.39 --Autres

8431.39.20 ---Des marchandises [du n o tarifaire][...] 8428.90.90

94.03 Autres meubles et leurs parties.

9403.10 -Meubles en métal des types utilisés dans les bureaux

9403.10.90 ---Autres

9403.20.00 -Autres meubles en métal

9403.90 -Parties

9403.90.10 ---En métal

L'avocat de l'appelant a fait appel à un témoin, M. Richard A. Austin. Ce dernier est contrôleur à la société Spacesaver Corporation, poste qu'il occupe depuis 5 ans. Il travaille pour cette entreprise depuis plus de 15 ans. Ses responsabilités comprennent les questions douanières. M. Austin a décrit les diverses utilisations qui peuvent être faites des marchandises en cause en passant en revue avec le Tribunal une brochure promotionnelle qui présente et explique diverses applications possibles dans toute une gamme de bureaux, d'établissements et d'industries au Canada. M. Austin a ensuite projeté une vidéo utilisée actuellement pour le marketing et qui décrit comment les marchandises en cause sont fabriquées et distribuées.

M. Austin a indiqué que les marchandises en cause comprennent six éléments de base : 1) le système de rails; 2) le système de rampe et de faux plancher; 3) le système de guidage; 4) le système de chariots; 5) le système d'entraînement; 6) les éléments de rangement. Le système de rails est placé sur ou dans le plancher du local où il est installé. Le reste du système repose sur les rails et y coulisse librement. Ainsi, le système de rails est l'assise ou le support du produit complet. Le système de rampe et de faux plancher est constitué d'éléments qui bouchent les espaces libres entre les rails et autour de ceux-ci, et crée ainsi un nouveau plancher uni par-dessus le plancher existant. Ce plancher est installé pour des raisons de sécurité. L'élément suivant est le système de guidage qui permet au restant de l'unité de se déplacer en ligne droite ou perpendiculairement au mur ou aux rails. Le système de chariots est le cadre qui reçoit les éléments de rangement utilisés. En d'autres termes, c'est la structure qui supporte les éléments de rangement. Le système de chariots permet de déplacer les éléments de rangement dans un mouvement de va et vient à l'aide des systèmes de rails et de guidage.

L'élément suivant, le système d'entraînement, transmet la force qui déplace les chariots dans un mouvement de va et vient. M. Austin a expliqué qu'il y a trois types de systèmes d'entraînement : 1) un système manuel, actionné par une poignée installée à l'avant de l'unité qui peut être tirée; 2) un système d'entraînement mécanique, à l'aide duquel un opérateur tourne ou fait tourner une manivelle dotée d'un arbre à moyeux, installée sur le panneau avant qui entraîne, par une chaîne, un arbre de transmission dans le système de chariots ce qui déplace l'unité dans la direction voulue; 3) un système électrique, qui est également installé sur le panneau avant de l'unité. La boîte de commande permet à l'opérateur de faire démarrer un moteur électrique installé à côté d'un passage de roue du système de chariots. M. Austin a déclaré que les principaux critères qui déterminent le choix de tel ou tel système d'entraînement sont le poids des objets à déplacer et le nombre de personnes qui auront à faire fonctionner le système. Les éléments de rangement sont le dernier élément du système. C'est dans ceux-ci que les articles sont rangés. Ils sont normalement posés sur le système de chariots. Parmi les divers types d'éléments de rangement, on retrouve des casiers, des rayons, des tiroirs, des classeurs et des éléments de rangement spécialisés. Une fois que tous ces éléments sont assemblés, on obtient un système mobile de stockage dense grâce auquel il n'est pas nécessaire de réserver de grandes superficies pour les passages dans un local d'entreposage. Les articles sont entreposés sur ou dans les systèmes qui peuvent être mis côte à côte en mode d'entreposage et peuvent être déplacés pour permettre l'accès aux marchandises entreposées.

M. Austin a déclaré que les éléments fabriqués par l'appelant sont spécialement conçus pour les systèmes de ce dernier et sont façonnés pour répondre aux besoins propres de chaque client. Il a indiqué que les facteurs les plus importants dans la vente des marchandises en cause sont l'espace que le client veut économiser ainsi que le poids des objets à entreposer. Il a aussi précisé que les systèmes sont des installations permanentes, en ce sens qu'ils sont ancrés ou encastrés dans le plancher d'un local précis. En outre, même si les systèmes peuvent être déplacés, la tâche ne serait pas facile, car il faudrait transformer le local, c'est-à-dire arracher le plancher et les rails et tout ce qui les recouvre, p. ex. le tapis ou les tuiles.

Examinant la question du marché des marchandises en cause, M. Austin a déclaré que celui-ci comporte deux segments ou secteurs : 1) les bureaux et établissements; 2) les industries. Parmi les exemples d'applications dans ce dernier segment du marché, il a mentionné l'entreposage de pièces d'automobiles, les entrepôts de la Garde aérienne nationale aux États-Unis ainsi que les systèmes d'entreposage de matières premières de l'appelant lui-même. Il a ajouté que les m Aˆmes éléments sont utilisés dans les deux segments du marché et que c'était une des raisons pour lesquelles l'appelant ne tient pas de registre des ventes par segment de marché, mais plutôt selon les différents types d'éléments vendus.

M. Austin a déclaré qu'au moment de leur entrée, les marchandises en cause sont préassemblées et arrivent en sections faciles à transporter. En général, tous les éléments du système sont expédiés en même temps, quoique dans les cas où le système de rails doit être encastré, celui-ci est parfois envoyé avant le reste. Il a indiqué que les marchandises en cause sont normalement installées par des monteurs qualifiés associés au réseau de distribution de l'appelant. Il faut compter de trois à quatre semaines pour une installation typique.

Enfin, M. Austin a affirmé que l'appelant ne se voit pas comme un fabricant de meubles, mais plutôt comme un fabricant d'articles de métal. Il a nommé les principaux concurrents de l'appelant et précisé qu'à sa connaissance, aucune de ces entreprises ne fabrique des meubles.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Austin a reconnu que les systèmes de chariots et les éléments de rangement étaient les parties les plus visibles des marchandises en cause et que la proportion principale du produit que l'on voit sont les éléments de rangement. Il a expliqué par la suite que ce que l'on voit normalement du produit est le bout ou la façade du système qui renferme la commande de contrôle, qu'il s'agisse d'une poignée, d'une poignée à trois rayons pour le système d'entraînement mécanique ou d'une console de commande électrique. M. Austin a reconnu que des clients, dont certains se trouvent au Canada, peuvent acheter et achètent uniquement du rayonnage et que, dans certaines circonstances, ce rayonnage est destiné à être utilisé avec un système existant qui peut ou non déjà comporter des éléments de rangement. En réponse à des questions qui lui étaient posées sur la façon dont les marchandises en cause seraient annoncées dans les Pages jaunes de l'annuaire d'Ottawa-Hull, M. Austin a indiqué que certaines portions des produits annoncés sous la rubrique «Étagères» peuvent être similaires aux marchandises en cause.

En réponse à des questions du Tribunal, M. Austin a déclaré que les marchandises en cause sont des machines de manutention, en ce sens qu'elles servent à déplacer des objets d'un endroit à un autre et permettent ainsi de libérer de l'espace ou de supprimer de l'espace improductif. Il a ajouté qu'en déplaçant des objets, on arrivait ainsi à accéder à une zone particulière. Il a convenu qu'en général, la principale différence entre un système de stockage dense et un autre à faible densité est que le premier a des unités mobiles contrairement au deuxième. Plus précisément, un système de stockage à faible densité est statique ou stationnaire et comporterait des passages ouverts entre chacune des rangées d'éléments de rangement statiques.

En réponse à des questions qui étaient soulevées, M. Austin a déclaré que l'appelant fabriquait du rayonnage d'acier, et non des classeurs de types courants. Au cours du réinterrogatoire, il a déclaré que moins de 20 p. 100 des ventes de l'appelant étaient constituées d'éléments de rangement statiques.

L'avocate de l'intimé a fait appel à un témoin, M. Pedro S. Ignacio. Ce dernier est le propriétaire de la société Ignacio & Associates Marketing Inc., qui fait des affaires sous le nom de Supreme Systems. L'entreprise commercialise des systèmes de rangement à haute et à faible densité. Pour ce qui est des systèmes mobiles de stockage dense, M. Ignacio vend des systèmes manuels et d'entraînement mécanique. Il a déclaré que le but premier et essentiel des marchandises en cause était le rangement et l'entreposage, et que le système de chariots est accessoire. Il a aussi affirmé que ce que l'on voit lorsqu'on regarde les marchandises en cause ce sont d'abord les éléments de rangement et la console ou la façade sur laquelle le système de commande est installé. M. Ignacio n'était pas d'accord pour dire que les marchandises en cause étaient des chargeurs mécaniques mais a affirmé, par contre, qu'elles sont des meubles, puisque leur objet est le rangement et l'entreposage et que les classeurs sont des meubles. Il a aussi reconnu que les marchandises en cause avaient les mêmes caractéristiques que celles données aux «[c]lasseurs métalliques» dans le Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [3] (les Avis de classement).

Au cours du contre-interrogatoire, M. Ignacio a dit qu'il entérinait une affirmation faite dans le mémoire de l'intimé selon laquelle les marchandises en cause, bien qu'elles aient certains aspects mécaniques, sont plus que de simples machines [4] . Il a aussi reconnu que les classeurs reposent sur un plancher non pas sur des rails et qu'ils n'ont pas de roues ni ne peuvent être déplacés, tandis que les marchandises en cause ne reposent pas directement sur le plancher mais bien sur des rails.

Dans son argumentation, l'avocat de l'appelant a d'abord passé en revue les numéros tarifaires proposés par les parties et soutenu que la principale question dont le Tribunal est saisi est celle de déterminer si les marchandises en cause doivent Aˆtre classées à titre d'autres machines de manutention ou à titre de meubles. Il a fait valoir que le numéro tarifaire 8428.90.90 englobe toute une série de machines et d'appareils de levage, de chargement, de déchargement ou de manutention de marchandises, puisque des produits comme des échelles mécaniques et des chariots (ou «travellings») de caméras de cinéma sont inclus dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [5] (les Notes explicatives) relatives à la position no 84.28. Par contre, a-t-il soutenu, les marchandises visées à la position no 94.03 sont très peu nombreuses parce que cette position n'englobe que les meubles en métal utilisés dans les bureaux et à aucune autre fin. Cela signifie, à son avis, que tout ce qui est installé dans une usine ou un établissement autre qu'un bureau ne pourrait être classé dans cette position. L'avocat a également soutenu qu'il existe une autre restriction, encore plus importante, limitant la portée de la position no 94.03, c'est-à-dire que les marchandises ne peuvent être que des meubles. À cet égard, l'avocat a soutenu que la définition de «meubles» donnée dans les Notes explicatives du Chapitre 94 comprend deux exigences ou caractéristiques essentielles : 1) que les objets soient posés sur le sol; 2) qu'ils soient mobiles. Selon l'avocat, les éléments de preuve montrent d'abord que les marchandises en cause, c.-à-d. les systèmes complets, ne reposent pas sur le sol mais plutôt sur des rails. Ces mêmes éléments montrent également que chaque installation est destinée à être permanente et n'est pas conçue pour être déplacée facilement. En outre, le déplacement d'un système une fois qu'il est installé est un processus très complexe.

L'avocat de l'appelant a affirmé que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause sont normalement expédiées sous forme de système complet non assemblé et que, dans les autres cas, les pièces expédiées sont destinées à faire partie de l'installation finale d'un système complet. Il a souligné que la Règle 2 a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [6] (les Règles générales) prévoit que, lorsqu'on a affaire à une unité dont les éléments sont démontés au moment de l'entrée, on établit le classement en fonction de l'unité complète.

Quant à savoir si les marchandises en cause sont des machines, l'avocat de l'appelant a souligné que les décisions antérieures du Tribunal et de ses prédécesseurs, ainsi que le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [7] (le Système harmonisé) lui-même, nous indiquent que les «machines» sont des objets dont les pièces sont mobiles. Les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause satisfont à cette définition puisqu'elles ont des pièces qui peuvent être déplacées soit à la main, soit sous l'action d'un moteur électrique. En outre, l'intimé reconnaît dans son mémoire que les marchandises en cause sont des machines lorsqu'il déclare «[that they] are clearly more than simple machines [8] » ([traduction] [qu'elles] sont clairement plus que de simples machines).

L'avocat de l'appelant a fait valoir que les marchandises en cause doivent être considérées comme des «machines de manutention» du fait qu'elles servent à déplacer d'un endroit à un autre des marchandises entreposées dans un système. À cet égard, le concept de «machines de manutention» doit être vu comme incluant les marchandises dont la fonction est de donner accès, comme cela est une nouvelle fois suggéré par l'inclusion des échelles mécaniques dans la position no 84.28. Par ailleurs, l'avocat a présenté au Tribunal la définition suivante de l'expression anglaise «materials handling equipment» (équipement de manutention des matières) :

Any machine, equipment or mechanical device used to transport, lift, move or position or to assist in transporting, lifting, moving or positioning any materials, goods, articles, persons or things, and includes any crane, derrick, loading tower, powered industrial truck, handtruck, conveyor, hoist, earth-moving equipment, rope, chain, sling, dock, ramp, storage rack, container, pallet and skid. [9]

([Traduction] Toute machine, tout équipement ou appareil mécanique utilisé pour transporter, soulever, déplacer ou placer, ou encore pour aider à transporter, soulever, déplacer ou placer des matières, des marchandises, des articles, des personnes ou des objets, comprenant les grues, les derricks, les mâts de charge, les chariots de manutention motorisés, les chariots manuels, les convoyeurs, les palans, le matériel de terrassement, les câbles, les chaînes, les élingues, les plates-formes, les rampes, les casiers de rangement, les conteneurs, les palettes et les traîneaux.)

L'avocat de l'appelant a indiqué que l'inclusion des casiers de rangement dans cette liste signifie que l'entreposage peut être une fonction d'un équipement et d'une machine de manutention des matières. À son avis, la décision rendue par la Commission du tarif dans l'affaire J.H. Ryder Machinery Limited c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [10] appuyait aussi cette position. Il a fait remarquer que l'intimé reconnaît que les marchandises en cause sont des machines de manutention du fait que le numéro tarifaire proposé par l'appelant pour certains éléments des marchandises en cause est utilisé.

L'avocat de l'appelant a renvoyé à une décision du United States Customs Service, déposée avec le mémoire de l'appelant, concernant des marchandises qui, à son avis, sont très similaires aux marchandises en cause. Cette décision classait les marchandises dans le même numéro tarifaire que celui proposé par l'appelant. Enfin, l'avocat estime que le Tribunal ne doit pas accepter la proposition de l'avocate de l'intimé selon laquelle les marchandises en cause doivent être classées en fonction de leur «but premier». Ce principe, à son avis, est étranger au Système harmonisé et le Tribunal doit le rejeter comme il l'a fait, selon lui, dans les décisions qu'il a rendues dans les affaires Ford New Holland Canada Ltée c. Le sous-ministre du Revenu national [11] et Marubeni Canada Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national [12] .

L'avocate de l'intimé a soutenu que, si les marchandises en cause sont importées sous forme de système complet, alors elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 9403.90.10 à titre d'autres meubles en métal des types utilisés dans les bureaux. Si, par contre, les marchandises en cause sont importées sans éléments de rangement, alors elles doivent être classées comme l'a proposé l'appelant. En ce qui concerne le système complet, l'avocate avance que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause sont des objets mobiles qui ont les caractéristiques d'un meuble et a renvoyé le Tribunal à la dE9‚finition complète du terme «meubles» dans les Notes explicatives. À son avis, les éléments de preuve indiquent également que la commercialisation des marchandises en cause est principalement faite dans le secteur des établissements et des bureaux et que le témoin de l'appelant a convenu que les marchandises en cause pouvaient être considérées comme de l'équipement de bureau. L'avocate a fait valoir que les marchandises en cause sont construites de manière à être placées sur une surface fixe et que, comme le suggère la définition du terme «meubles», le système de rails est boulonné à une surface fixe, après quoi les pièces d'entreposage du système sont placées sur cette partie de l'ensemble du système. En outre, les marchandises en cause sont destinées à équiper des locaux à des fins d'entreposage et de classement, et toute économie d'espace que procure leur utilisation doit être vue comme secondaire par rapport à cet objet premier.

L'avocate de l'intimé a soutenu que la définition de l'expression «[c]lasseurs métalliques» dans les Avis de classement appuie la position de l'intimé selon laquelle les marchandises en cause doivent être classées dans le Chapitre 94. Cette définition est la suivante :

Classeurs métalliques, se posant sur le sol, comportant une série de boutons-poussoirs pour la commande d'un dispositif électromécanique incorporé qui amène à la hauteur voulue le «plateau» choisi contenant les documents à consulter [13] .

Quant à la décision du United States Customs Service, l'avocate de l'intimé a avancé que le Tribunal ne doit lui accorder qu'une faible valeur de persuasion puisque cette décision a été rendue par une administration étrangère.

Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8428.90.90 à titre d'autres machines et appareils de levage, de chargement, de déchargement ou de manutention. Le Tribunal rend cette conclusion parce que ce sont la loi et les principes applicables à l'interprétation de la loi, incluant ceux qui sont énoncés dans les Règles générales, qui doivent régir le classement des marchandises en cause. Le Tribunal tient particulièrement compte de la Règle 1 des Règles générales. Comme il l'a fait remarquer dans l'affaire York Barbell Co. Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [14] , la Règle 1 des Règles générales est de la plus grande importance dans le classement des marchandises selon le Système harmonisé. Or, cette Règle prévoit que le classement est d'abord déterminé d'après les termes des positions tarifaires et des Notes de Sections ou de Chapitres.

Le Tribunal est d'accord avec l'avocat de l'appelant pour dire que la principale question dans les présents appels consiste à déterminer si les marchandises en cause doivent être considérées comme autres machines de manutention ou comme meubles. La définition de «meubles» donnée dans les Notes explicatives comporte trois exigences. Pour qu'un objet soit considéré comme meuble, selon le Tribunal, ces trois exigences doivent être satisfaites.

Premièrement, les marchandises en cause doivent être «mobiles». Le Tribunal est d'avis que le terme «mobile» est pris ici au sens où une chaise est mobile parce qu'elle peut être déplacée d'un endroit à un autre dans une pièce, par opposition à «mobile» désignant la façon dont un objet fonctionne après qu'il a été placé quelque part, c.-à-d., dans le présent cas, la façon dont la superstructure fonctionne après avoir été posée sur le système de rails. Bien que les marchandises en cause puissent être dites «mobiles» du point de vue du fonctionnement de certains éléments d'un système, le Tribunal souligne que les éléments de preuve montrent que, une fois installées, elles sont essentiellement conçues pour être permanentes. Aucun élément de preuve n'a été soumis au Tribunal selon lesquels les marchandises en cause sont conçues pour être mobiles au sens décrit ci-dessus ou que, une fois installées, elles sont en fait «déplacées» par les clients de l'appelant. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas mobiles au sens de la définition du terme «meubles».

La deuxième exigence de la définition du terme «meubles» est que les objets soient essentiellement conçus pour être posés sur le sol ou, en tenant compte du paragraphe B) de la définition, dans certains cas, suspendus ou fixés au mur. Les éléments de preuve établissent clairement que, pris dans leur intégralité, les systèmes mobiles de stockage dense ne sont pas «posés» sur le sol. Le système de rails est plutôt rattaché au plancher ou il y est encastré de manière à ce que le reste du système repose sur les rails. Ainsi, dans une certaine mesure, il peut être dit que les marchandises en cause sont conçues pour être posées sur le sol.

La troisième exigence de la définition est que les marchandises en cause aient un but principalement utilitaire. Plus précisément, au niveau de la sous-position proposée par l'intimé, le but en l'occurrence est le fait d'équiper des bureaux. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve montrent que, même si les marchandises en cause sont utilisées dans des bureaux, leur utilisation est tellement répandue dans des établissements et des industries qu'on ne peut pas dire qu'il s'agit d'objets des types utilisés dans les bureaux. Il s'agit plutôt d'objets des types utilisés à la fois dans les bureaux et dans les établissements et les industries. Les marchandises en cause sont clairement plus que des «[c]lasseurs métalliques».

Puisque les marchandises en cause ne satisfont pas à deux des trois exigences de la définition de «meubles», le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne peuvent pas être classées dans la position no 94.03.

Examinant maintenant la position no 84.28, le Tribunal souligne que l'intimé reconnaît que les marchandises en cause, lorsqu'elles sont importées sans éléments de rangement, doivent être classées dans cette position et plus précisément dans le numéro tarifaire 8428.90.90. Le Tribunal est d'avis que les importations de systèmes complets doivent également être classées dans ce numéro tarifaire. Le Tribunal a antérieurement défini une machine comme étant un objet formé d'une combinaison plus ou moins complexe de pièces mobiles et fixes, qui fonctionne par la production, la transformation ou la transmission d'une force ou d'un mouvement [15] . De même, The Concise Oxford Dictionary of Current English définit le terme anglais «machine» (machine) comme étant «[an] apparatus for applying mechanical power, having several parts, each with [a] definite function [16] » ([traduction] un appareil permettant d'appliquer une force mécanique, ayant plusieurs parties, dont chacune a une fonction propre). Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause satisfont à ces définitions. Il reconnaît également que les marchandises en cause sont des «machines de manutention» puisque ce sont des machines utilisées pour déplacer ou placer des marchandises entreposées sur elles ou à l'intérieur d'elles. En outre, la définition d'«équipement de manutention des matières» mentionnée ci-dessus renforce cette conclusion pour ce qui est des marchandises en cause, puisque l'entreposage est explicitement inclus dans la liste des fonctions que ces marchandises remplissent. En outre, le Tribunal fait remarquer que la Règle 2 a) des Règles générales prévoit que des marchandises comme les marchandises en cause, c'est-à-dire une unité dont les éléments sont démontés au moment de l'entrée, doivent être classées en fonction de l'unité complète.

Pour ce qui est de l'importation distincte des éléments de rangement ou de tout autre élément d'un système complet en lui-même, le Tribunal conclut que ces marchandises doivent être considérées comme étant des parties des marchandises du numéro tarifaire 8428.90.90 et, par conséquent, classées dans le numéro tarifaire 8431.39.20.

Par conséquent, les appels sont admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

3. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1987 à la p. 44F.

4. Mémoire de l'intimé, paragraphe 24.

5. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1986 .

6. Supra note 2, annexe I.

7. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1987.

8. Supra note 4.

9. The Dictionary of Canadian Law , 2 e éd., Scarborough, Thomson Professional Publishing, 1995 à la p. 724.

10. (1975), 6 R.C.T. 278.

11. Appel n o AP - 93 - 388, le 3 février 1995.

12. Appel n o AP - 93 - 311, le 14 décembre 1994.

13. Supra note 3.

14. Appel n o AP - 91 - 131, le 16 mars 1992.

15. Canper Industrial Products Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national , appel n o AP - 94 - 034, le 24 janvier 1995.

16. Septième éd., Oxford, Clarendon Press, 1982 à la p. 606.


Publication initiale : le 22 octobre 1996