ADVANCE-INTERFACE ELECTRONIC INC.

Décisions


ADVANCE-INTERFACE ELECTRONIC INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-071

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le jeudi 30 mai 1996

Appel n o AP-95-071

EU ÉGARD À un appel entendu les 11 janvier et 13 février 1996 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 31 mars 1995 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

ADVANCE-INTERFACE ELECTRONIC INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre présidant

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant est un fabricant ou producteur d'ordinateurs aux termes de la Loi sur la taxe d'accise et, par conséquent, s'il est assujetti à la taxe de vente fédérale fondée sur le prix de vente des ordinateurs.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Les éléments de preuve montrent que l'appelant a préparé des ordinateurs pour la vente en assemblant divers composants selon les besoins. Même si c'est une société distincte qui a, en fait, assemblé les composants, les deux sociétés étaient si étroitement liées et l'appelant exerçait un tel contrôle que le Tribunal a conclu que la société liée agissait au nom de l'appelant. À ce titre, l'appelant était visé par l'alinéa f) de l'expression «fabricant ou producteur» donnée au paragraphe 2(1 ) de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 11 janvier et 13 février 1996 Date de la décision : Le 30 mai 1996
Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant Robert C. Coates, c.r., membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Rick H. Kesler, pour l'appelant Lubomyr Chabursky, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national, pour la période allant du 1er mars 1989 au 31 décembre 1990, relativement à la taxe de vente fédérale (TVF) non versée par l'appelant sur les ventes taxables effectuées à ses clients. Dans l'avis de décision, l'intimé a indiqué que l'appelant fournissait des pièces d'ordinateurs à une société étroitement liée pour qu'elle les assemble en son nom en vue de produire des ordinateurs. Comme l'intimé était d'avis que l'appelant conservait la propriété et les droits de propriété à l'égard des ordinateurs pendant leur assemblage, l'appelant a été jugé être le fabricant des ordinateurs et assujetti à la TVF fondée sur le prix de vente des ordinateurs. L'appelant a fait l'objet d'une cotisation visant la différence entre les taxes qu'il avait versées et les taxes dues sur les ventes taxables des ordinateurs.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant est un fabricant ou producteur d'ordinateurs aux termes de la Loi et, par conséquent, s'il est assujetti à la TVF fondée sur le prix de vente de ces ordinateurs.

Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

50. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente [...] sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a) produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable [...] par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur.

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

«fabricant ou producteur» Y sont assimilés :

b) toute personne, firme ou personne morale qui possède, détient, réclame ou emploie un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou autre droit à des marchandises en cours de fabrication, soit par elle, en son nom, soit pour d'autres ou en son nom par d'autres, que cette personne, firme ou personne morale vende, distribue, consigne ou autrement aliène les marchandises ou non;

f) toute personne qui, y compris par l'intermédiaire d'une autre personne agissant pour le compte de celle - ci, prépare des marchandises pour la vente en les assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant, ou en les enduisant ou les finissant, à l'exclusion d'une personne qui prépare ainsi des marchandises dans un magasin de détail afin de les y vendre exclusivement et directement aux consommateurs.

Le témoin de l'appelant était M. Keith Radford, chef comptable de la société Advance-Interface Electronic Inc. Il a déclaré qu'au cours de la période visée par la cotisation, l'appelant était un grossiste de composants d'ordinateurs installé à Markham (Ontario). Certains des composants étaient achetés dans des pays riverains du Pacifique, notamment la République populaire de Chine, Taïwan et Singapour, tandis que d'autres étaient acquis sur le marché intérieur. Outre les composants comme les cartes principales, les dispositifs d'alimentation électriques et les diverses puces, l'appelant importait des claviers, des souris et des écrans. M. Radford a dit au Tribunal que les composants acquis étaient entièrement fabriqués. À l'importation, la TVF a été payée sur les marchandises.

Une fois acquis, les composants étaient portés au système d'inventaire de l'appelant. Renvoyant à la pièce A-5, M. Radford a affirmé que les composants vendus à ses clients figuraient à l'inventaire de l'appelant. L'appelant remplissait un bordereau de vente pour ses dossiers et les clients recevaient une facture pour les composants (pièce A-4). Les modalités de paiement variaient entre «net dans 30 jours», «CR» et «chèque sur livraison». Il a ajouté que les clients savaient qu'ils n'achetaient de l'appelant que des composants d'ordinateurs.

Les composants étaient ensuite donnés à Advance-Interface Technologies Inc. (Technologies) pour qu'elle les assemble et produise l'ordinateur commandé par le client. M. Radford a ajouté que, mis à part l'assemblage des ordinateurs, aucune activité n'était exécutée sur les composants particuliers avant leur intégration dans l'ordinateur fini. Technologies délivrait une facture au client pour son service d'assemblage et versait la TVF relativement à cette activité. Environ 60 p. 100 du total des ventes de composants visait des ordinateurs assemblés par Technologies et 40 p. 100 des ventes de composants, en leur état, étaient effectuées à des tiers.

M. Radford a expliqué que l'appelant et Technologies sont des sociétés distinctes. Technologies emploi et rémunère 10 ou 11 employés. Elle a un numéro d'employeur qui lui a été attribué par le ministère du Revenu national (Revenu Canada) auquel elle impute les retenues d'impôt sur le revenu pour ses employés (pièce A-7). En outre, Technologies a un compte en banque distinct et fait ses propres déclarations de revenus à Revenu Canada. Des registres financiers complets sont tenus pour Technologies, notamment des états des résultats et un bilan. Elle mène ses activités dans un endroit distinct situé dans les locaux de l'appelant (pièce B-7). L'appelant a également ses propres employE9‚s, notamment du personnel administratif et des préposés aux ventes.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Radford a dit que les composants appartenaient à l'appelant jusqu'à ce que l'ordinateur soit assemblé. En réponse à la question si l'appelant conservait le titre de propriété des composants jusqu'à ce que les ordinateurs soient livrés et payés par les clients, M. Radford a déclaré : [traduction] «Jusqu'à ce que nous établissions une facture, oui, jusqu'à ce qu'ils soient livrés». À cet égard, l'avocat de l'intimé a attiré l'attention de M. Radford sur une des conditions de vente inscrite sur une facture délivrée par l'appelant à ses clients (pièce A-4) selon laquelle [traduction] «les produits susmentionnés demeurent notre propriété jusqu'à ce que nous ayons reçu le règlement intégral». M. Radford a appuyé la proposition de l'avocat selon laquelle le règlement intégral est reçu après qu'un ordinateur a été livré et qu'une facture a été délivrée. En outre, il était demandé aux clients d'émettre un seul chèque au nom de la société «Advance Interface», couvrant le coût des composants et les services d'assemblage.

M. Radford a expliqué qu'un vendeur de l'appelant remplissait un bon de commande selon les besoins du client. Ensuite, un ordre de travail était établi et transmis à Technologies, accompagné des composants nE9‚cessaires. M. Radford a été d'accord pour dire avec l'avocat de l'intimé que Technologies devait consulter l'appelant et recevoir son autorisation avant de pouvoir substituer un composant spécifié sur un ordre de travail.

En réponse à des questions du Tribunal, M. Radford a expliqué que, lorsque l'appelant recevait un paiement d'un client, il n'émettait pas un chèque distinct au nom de Technologies pour ses services d'assemblage. Il a ajouté que l'appelant [traduction] «ne donnait pas d'argent à Technologies», mais que [traduction] «[l'appelant] tenait des livres et produisait ainsi les états financiers». En fait, Technologies avait un compte en banque vide et ses employés étaient payés avec des fonds tirés sur le compte bancaire de l'appelant.

L'avocat de l'appelant a allégué que l'appelant vendait des composants d'ordinateurs à ses clients. En ce qui concerne la condition de vente inscrite sur la facture de l'appelant (pièce A-4), l'avocat a fait remarquer qu'une condition semblable apparaissait sur les factures de Technologies pour les services que celle-ci rendait. Puisque les deux entreprises affirmaient leur droit de propriété aux marchandises, ces conditions étaient sans importance.

L'avocat de l'appelant a souligné que l'un des éléments essentiels de la conclusion d'un marché, c'est que les parties aient l'intention d'effectuer une vente de marchandises [2] . Pour connaître l'intention des parties, il suffit d'examiner ce qu'elles ont dit et fait, aussi bien de vive voix que par écrit. Il a été soutenu que, selon les éléments de preuve de M. Radford, il était clair que les clients de l'appelant comprenaient qu'ils achetaient des composants de celui-ci et que l'assemblage des composants était effectué par la suite par une société distincte moyennant des frais distincts. En outre, une vente de marchandises peut consister à livrer des marchandises, le paiement pouvant être effectué à une date ultérieure [3] .

En ce qui concerne le sens de «fabricant ou producteurBB¯ que l'on retrouve à l'alinéa b) de la définition de cette expression donnée au paragraphe 2(1) de la Loi, l'avocat de l'appelant a souligné que cette expression vise uniquement les marchandises en cours de fabrication. En d'autres mots, cet alinéa ne s'applique pas à une personne, firme ou personne morale exerçant des activités de production. Les éléments de preuve présentés par M. Radford ont montré que l'appelant achetait des composants entièrement fabriqués sur lesquels il n'effectuait aucune autre activité de fabrication ou de production. En outre, les éléments de preuve qu'il a présentés établissent que l'assemblage d'ordinateurs est une activité semblable à celle consistant à réunir des pièces par une simple pression. L'avocat a soutenu que cette activité ressemblait à celle consistant à placer le mouvement d'une montre dans son boîtier, ce qui est jugé être une production et non pas une fabrication [4] .

L'avocat de l'appelant a fait remarquer que le Tribunal a systématiquement invoqué la définition du terme anglais «manufacture» (fabrication) adoptée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Her Majesty the Queen c. York Marble, Tile and Terrazzo Limited, à savoir :

manufacture is the production of articles for use from raw or prepared material by giving to these materials new forms, qualities and properties or combinations whether by hand or machinery. [5]

([Traduction] la fabrication représente la production à partir de matériaux bruts ou préparés des articles destinés à être utilisés, en donnant aux matériaux de nouvelles formes, qualités et propriétés ou combinaisons soit à la main, soit à la machine.)

L'avocat de l'appelant a allégué qu'une fabrication comporte des matériaux bruts et que les composants d'ordinateurs utilisés par Technologies sont des marchandises entièrement fabriquées. Par conséquent, Technologies est un producteur et non un fabricant d'ordinateurs.

Pour ce qui est de l'alinéa 2(1)f) de la Loi, l'avocat de l'appelant a soutenu qu'il s'applique aux personnes qui préparent des marchandises pour la vente, soit des personnes qui forment une catégorie distincte de celle des fabricants ou des producteurs [6] . Puisque Technologies était un producteur d'ordinateurs, cette disposition ne vise pas ses activités. En outre, puisque la vente des composants d'ordinateurs intervenait avant leur assemblage par Technologies, cet assemblage n'était pas effectué en vue de préparer les marchandises pour la vente.

De plus, l'appelant ne préparait pas les marchandises pour qu'elles soient vendues par lui-même, et Technologies n'agissait pas pour le compte de l'appelant. L'activité commerciale de l'appelant consistait à importer et à vendre des composants d'ordinateurs, tandis que Technologies agissait pour le compte des clients qui achetaient les composants. L'avocat de l'appelant a soutenu qu'il n'existait aucun accord de mandataire entre les deux entreprises, que l'appelant ne supervisait ni n'exécutait le procédé de production, qu'il ne fixait pas les spécifications selon lesquelles les ordinateurs devaient être produits (puisque cela était fait par les clients) [7] , que la facture relative à la production des marchandises était établie par Technologies et que l'appelant ne détenait aucun brevet, aucune licence ni aucun autre droit sur les ordinateurs.

Dans d'autres arguments, invoquant l'affaire His Majesty the King c. B.C. Brick and Tile Company [8] , l'avocat de l'appelant a indiqué que l'appelant et Technologies ne formaient pas une entité commerciale unique aux fins de l'imposition des taxes [9] . En outre, il était entièrement justifié pour l'appelant d'organiser ses affaires de manière uniquement à réduire le montant de taxes à payer, du moment qu'il n'enfreignait aucune disposition de la Loi concernant l'évitement fiscal ou que la transaction ne constituait pas un trompe l'œil [10] .

L'avocat de l'intimé a allégué de son côté que, dans la présente affaire, l'application des alinéas 2(1)b) et 2(1)f) de la Loi exige qu'il y ait une entente mandant-mandataire entre l'appelant et Technologies. L'avocat a souligné que Technologies travaillait dans des locaux de l'appelant et utilisait les mêmes numéros de téléphone et de télécopieur, que les documents de facturation et les conditions de vente étaient similaires et que les deux sociétés avaient les mêmes président, vice-président et comptable. L'avocat a en outre souligné que l'appelant assemblait des ordinateurs avant que Technologies ne soit créée et que les affaires avaient continué «comme d'habitude» après sa création (pièce B-8); que Technologies avait besoin de l'approbation de l'appelant pour substituer un composant spécifié sur un ordre de travail; qu'il était demandé aux clients d'émettre un seul chèque au nom d'«Advance Interface» couvrant à la fois le coût des composants et celui des services d'assemblage; qu'aucun transfert véritable d'argent ne se produisait entre les deux sociétés; que Technologies avait un compte en banque vide et que ses employés étaient payés par l'appelant; que Technologies effectuait du travail uniquement pour l'appelant.

Selon les documents fournis à titre de pièce A-4, un «bon de commande» était rempli le jour où un client passait une commande. Selon une des conditions de vente figurant sur les factures que l'appelant présentait à ses clients, les marchandises vendues demeurent la propriété de l'appelant jusqu'à la réception du règlement final. L'avocat de l'intimé a conclu que la date de vente n'était pas la date à laquelle une commande était faite, mais plutôt celle à laquelle le paiement intégral des marchandises était reçu par l'appelant. En outre, aucun élément de preuve n'indique que les clients comprenaient qu'ils achetaient des composants d'ordinateurs plutôt qu'un ordinateur assemblé. L'avocat a, par conséquent, affirmé qu'en ce qui concerne l'alinéa 2(1)b) de la Loi, l'appelant détenait un droit de propriété ou de vente à l'égard des marchandises pendant leur assemblage, étant donné qu'il détenait le titre des marchandises à ce moment-là. Pour ce qui est de l'alinéa 2(1)f) de la Loi, l'avocat a allégué que les ordinateurs étaient assemblés avant leur vente.

Selon l'arrêt York Marble, le terme anglais «manufacture» (fabrication) désigne un acte consistant à produire des marchandises à partir de matériaux bruts ou préparés. L'avocat de l'intimé a fait valoir que chacun des composants de l'ordinateur était un matériel préparé et que leur assemblage donnait un ordinateur fonctionnel. En outre, les ordinateurs présentent des formes, des qualités et des propriétés que ne possèdent pas les composants. En distinguant les faits de cet arrêt de ceux dans l'affaire Gruen Watch, dans laquelle la Cour suprême de l'Ontario a conclu qu'une certaine activité constituait une production et non une fabrication, l'avocat a souligné que les mouvements de montre examinés dans cette affaire étaient entièrement fonctionnels avant d'être placés dans les boîtiers de montre. Par contraste, les composants d'ordinateurs ne pouvaient fonctionner avant d'être assemblés de manière à constituer un ordinateur fonctionnel. L'avocat a soutenu que l'acte d'assemblage des ordinateurs constituait donc une fabrication.

L'avocat de l'intimé a soutenu que l'application de l'alinéa 2(1)f) de la Loi n'exige pas qu'il y ait fabrication au sens défini dans l'arrêt York Marble ou production au sens défini dans l'affaire Gruen Watch. Dans la présente affaire, il suffit que l'appelant ait des activités d'assemblage. Selon Revenu Canada, le terme anglais «assemble» (assembler) désigne :

[t]he act of assembling; [t]he act of fitting together the parts of a machine or the like; [t]o collect (things) into one place; [t]o fit or join together[;] [t]o join in any way. [11]

([Traduction] l'acte d'assembler; l'acte de réunir des pièces d'une machine ou d'autres du même genre; réunir (des choses) en un endroit; emboîter ou joindre; joindre de quelque façon.)

En outre, en examinant le sens du terme anglais «assembles [12] » (assemblant) tel qu'il est utilisé à l'alinéa 2(1)f) de la Loi, la Cour fédérale du Canada a, dans l'affaire Fiat Auto Canada Limited c. La Reine, fourni la traduction suivante des termes anglais «assemble» (assembler) et «assembly» (assemblage) :

[assembler] réunir [...] mettre ensemble diverses pièces de sorte qu'elles forment un tout

[assemblage] l'action de construire un ensemble complet (comme un véhicule automobile) au moyen de parties préfabriquées [...] un ensemble de pièces assemblées pour former une machine complète, une structure ou un élément d'une machine [13] .

L'avocat de l'intimé a expliqué que Technologies prenait divers composants d'ordinateurs et les réunissait de manière à former un ordinateur fonctionnel. Ainsi, les clients achetaient des ordinateurs complets et pas seulement un ensemble de pièces. L'avocat a allégué que ce travail constituait l'action d'«assembler», action qui est exprimée par le participe présent «assemblant» à l'alinéa 2(1)f) de la Loi.

En cherchant à déterminer ce que l'appelant vendait, que ce soit des composants d'ordinateurs comme l'a soutenu l'avocat de l'appelant ou des ordinateurs comme l'a soutenu l'avocat de l'intimé, le Tribunal doit établir à quel moment la vente s'est produite. À cette fin, le Tribunal doit établir à quel moment la propriété des marchandises a été transférée de l'appelant à ses clients [14] . Le Tribunal estime que la propriété des marchandises était transférée aux clients au moment où les parties au contrat avaient l'intention de les transférer [15] . En s'appuyant sur les éléments de preuve, le Tribunal est d'avis que les parties avaient l'intention de transférer la propriété des marchandises au moment du paiement du prix d'achat, ce qui se produisait après la délivrance d'une facture et la livraison d'un ordinateur. À ce titre, l'appelant vendait des ordinateurs qui étaient préparés par Technologies pour être vendus.

Ce qui a convaincu le Tribunal et l'a amené à conclure que l'appelant vendait des ordinateurs, c'est la condition de vente figurant sur les factures établies par l'appelant pour ses clients, nommément que [traduction] «les produits susmentionnés demeurent notre propriété jusqu'à ce que nous ayons reçu le règlement intégral». Le témoignage de M. Radford appuyait également la conclusion selon laquelle l'appelant avait l'intention de transférer la propriété des ordinateurs après la livraison. Comme l'a soutenu l'avocat de l'intimé, aucun élément de preuve n'établit directement que les clients de l'appelant avaient une intention contraire. Le Tribunal estime que l'existence d'une condition similaire sur les factures de Technologies n'a pas pour effet d'invalider cette condition de vente. Les échantillons de ces factures présentées au Tribunal n'énumèrent aucun produit; plutôt, elles font simplement état de «services d'assemblage». En outre, les éléments de preuve montrent que Technologies n'a jamais pu affirmer de droits de propriété à l'égard des marchandises. À ce titre, le Tribunal peut uniquement conclure que cette condition est sans importance sur les factures de Technologies ou que l'allusion à «notre propriété» a un sens collectif qui inclut l'appelant.

Le Tribunal estime également que Technologies agissait pour le compte de l'appelant lorsqu'elle préparait les ordinateurs pour la vente. Les éléments de preuve résumés par l'avocat de l'intimé révèlent l'existence d'une relation au sein de laquelle Technologies ne jouissait pas d'une indépendance suffisante à l'égard de l'appelant pour être en mesure de dire qu'elle agissait en son nom propre. Ce qui a particulièrement convaincu le Tribunal que Technologies agissait pour l'appelant, c'est que Technologies devait obtenir le consentement de l'appelant pour substituer un composant spécifié dans un ordre de travail qui lui était remis par l'appelant.

En outre, le Tribunal croit que, par l'intermédiaire de Technologies, l'appelant faisait préparer des ordinateurs pour la vente en «assemblant» divers composants. Les éléments de preuve montrent que Technologies réunit divers composants d'ordinateurs, ou joint par simple pression des composants entièrement fabriqués comme l'a soutenu l'avocat de l'appelant, en vue de produire un ordinateur fonctionnel. Compte tenu des définitions présentées par l'avocat de l'intimé, le Tribunal croit que ces activités constituent l'action d'«assembler» d'où l'utilisation du sens grammatical et courant de son participe présent «assemblant» à l'alinéa f) de la Loi.

Enfin, l'avocat de l'appelant n'a pas laissé entendre et les éléments de preuve n'indiquent pas que l'appelant préparait les ordinateurs dans un magasin de vente au détail pour les y vendre exclusivement et directement aux clients. L'appelant a donc rempli toutes les conditions prévues à l'alinéa 2(1)f) de la Loi et n'en est pas exclu. Le Tribunal conclut, par conséquent, que l'appelant était un fabricant ou producteur au sens de l'alinéa 2(1)f) de la Loi et était assujetti à la TVF fondée sur le prix de vente des ordinateurs qu'il fabriquait ou produisait et vendait à ses clients.

Puisque le Tribunal a conclu que l'appelant était visé par le sens du terme fabricant ou producteur mentionné à l'alinéa 2(1)f) de la Loi, il estime qu'il ne lui est pas nécessaire de déterminer si l'appelant serait également admissible à titre de fabricant ou producteur au sens de l'alinéa 2(1)b) de la Loi.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L'avocat de l'appelant a renvoyé à l'ouvrage de G.H.L. Fridman, Sale of Goods in Canada , 4e éd., Scarborough, Thomson Canada, 1995.

3. Ibid .

4. Gruen Watch Company of Canada Ltd. c. Attorney General of Canada , [1950] O.R. 429 (H.C.).

5. [1968] R.C.S. 140 à la p. 145.

6. À l'appui de cette proposition, l'avocat de l'appelant a renvoyé à l'affaire MCA (Canada) Ltd. c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-90-123, le 11 août 1992.

7. Voir Ford du Canada Limitée c. Le ministre du Revenu national , non publié, Section de première instance de la Cour fédérale du Canada, no du greffe T-3700-82, le 26 octobre 1994.

8. [1935] C.T.C. 110 (C. de l'É.).

9. Voir, également, His Majesty the King c. Leon L. Plotkins, [1938-1939] C.T.C. 138 (C. de l'É.).

10. Stubart Investments Limited c. Sa Majesté La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536.

11. Note de service à tous les directeurs régionaux, 9270-15, ET/PS 231, concernant la fabrication marginale (alinéa 2(1) f ) de la Loi), en date du 9 mars 1981.

12. En 1985, l'alinéa 2(1) f ) de la Loi a été modifié, le mot « assembles » de la version anglaise ayant été remplacé par le mot « assembling », S.C. 1985, ch. 3, art. 1. [Note du réviseur] Il est à noter que cette modification n'a aucune incidence sur la version française de cet alinéa, les deux termes anglais étant rendus en français par le terme «assemblant».

13. [1984] 1 C.F. 203 à la p. 209.

14. Loi sur la vente d'objets , L.R.O. (1980), ch. 462, par. 2(3). [Note du réviseur] Seul le texte anglais de cette loi a été adopté par l'Assemblée législative, la version française étant une traduction officielle.

15. Ibid ., par. 18(1).


Publication initiale : le 28 octobre 1996