BLACK & DECKER CANADA INC.

Décisions


BLACK & DECKER CANADA INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-95-020, AP-95-046 et AP-96-069

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 6 février 1997

Appels n os AP-95-020, AP-95-046 et AP-96-069

EU ÉGARD À des appels entendus le 5 décembre 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 21 avril 1995 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

BLACK & DECKER CANADA INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Les appels sont rejetés.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer le classement correct de thermostats, importés par l'appelant lors de plusieurs transactions, destinés à être utilisés avec des poêles à frire électriques. Les parties conviennent que les marchandises en cause peuvent être classées dans la sous-position no 9032.10 à titre de thermostats, mais divergent d'avis quant au numéro tarifaire correct.

DÉCISION : Les appels sont rejetés. Les appels reposent manifestement sur l'interprétation correcte de l'expression «Des types utilisés avec les marchandises classées dans les nos tarifaires énumérés à l'annexe VI [du Tarif des douanes]», qui se trouve dans le numéro tarifaire 9032.10.10.Il ne fait aucun doute que cette expression, et plus précisément les mots «Des types utilisés», souffre d'une certaine ambiguïté. Les motifs de la décision du Tribunal dans l'affaire Ballarat Corporation Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national apportent quelques éclaircissements, le Tribunal semblant avoir alors mis davantage l'accent sur le type de dispositif plutôt que sur son utilisation pratique. Dans cette affaire, le Tribunal a déclaré que les interrupteurs horaires devaient être susceptibles d'être utilisés avec ces marchandises ou être reconnaissables comme étant destinés à l'être, mais qu'il n'était pas nécessaire qu'ils soient effectivement utilisés avec ces marchandises. Par opposition, il est évident que les thermostats en cause sont conçus et configurés spécifiquement pour être utilisés avec un type particulier de poêle à frire électrique. Aucun élément de preuve n'a été soumis pour convaincre le Tribunal que les marchandises, telles qu'importées, étaient susceptibles d'être utilisées avec toute autre marchandise, et donc, à plus forte raison, avec celles dénommées à l'annexe VI.

Le représentant de l'appelant a effectivement fait valoir que l'expression «Des types» se rapporte aux principes de base élémentaires ou fondamentaux du fonctionnement des thermostats. En effet, il a déclaré que les thermostats dont le fonctionnement s'appuie sur l'écart du coefficient de dilatation de deux métaux différents sont tous du même type. Une telle interprétation dépasse très largement les conclusions du Tribunal dans l'affaire Ballarat, où ce dernier a simplement déclaré que, bien qu'il n'était pas nécessaire qu'elles soient effectivement utilisées, les marchandises devaient être susceptibles d'être utilisées, ou être reconnaissables comme étant destinées à l'être, avec des marchandises dénommées à l'annexe VI. L'appelant a reconnu qu'il n'existe aucun élément de preuve à l'effet que les thermostats en cause sont utilisés à une telle fin, ou sont susceptibles de l'être. L'appelant a donc tenté de justifier le classement des marchandises en cause en s'appuyant sur le fait qu'elles ont le même principe de fonctionnement que les thermostats qui sont effectivement utilisés avec les marchandises dénommées à l'annexe VI, ou qui sont susceptibles de l'être. De l'avis du Tribunal, une telle interprétation n'est pas conforme à l'esprit du libellé qui se trouve dans le Tarif des douanes. Le Tribunal conclut donc que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9032.10.90.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 5 décembre 1996 Date de la décision : Le 6 février 1997
Membre du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Douglas J. Bowering, pour l'appelant Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi. Les appels ont été entendus par un seul membre du Tribunal [2] .

La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer le classement correct de thermostats, importés par l'appelant lors de plusieurs transactions, destinés à être utilisés avec des poêles à frire électriques. Les parties conviennent que les marchandises en cause peuvent être classées dans la sous-position no 9032.10 du Tarif des douanes [3] à titre de thermostats, mais divergent d'avis quant au numéro tarifaire correct.

M. Mark D. Jackson, spécialiste principal en ingénierie de produits chez Black & Decker Canada Inc., a comparu comme témoin et, dans sa déposition, a expliqué la nature et les principes de fonctionnement des thermostats, en général, et des marchandises en cause, en particulier.

M. Jackson a expliqué que les thermostats en cause sont munis d'une fiche d'alimentation et peuvent être détachés de la poêle à frire de telle sorte qu'on peut plonger cette dernière dans l'eau pour la laver. Les marchandises en cause sont constituées d'un interrupteur à cadran, dont l'usager se sert pour choisir la température voulue, et d'une sonde qui relie la source d'alimentation à l'élément chauffant de la poêle à frire. Le thermostat comme tel est constitué de deux métaux différents, à savoir du nickel et de l'acier inoxydable. Le coefficient de dilatation des deux métaux n'est pas le même et, lorsque la chaleur est appliquée à la poêle à frire par l'élément, la différence de coefficient de dilatation cause l'ouverture du contact de l'interrupteur à la température voulue, interrompant ainsi le courant vers l'élément chauffant. Lorsque la température baisse, le contact de l'interrupteur se ferme de nouveau, rétablissant ainsi l'alimentation en électricité vers l'élément chauffant.

M. Jackson a aussi expliqué le fonctionnement de deux dispositifs qu'il a désignés comme «régulateur de température à thermocontacteur» et «thermostat à rupture brusque». Il a affirmé que ces dispositifs fonctionnent selon le «même concept de base» que les marchandises en cause, dans la mesure où ils appliquent la différence de coefficient de dilatation de métaux différents à l'ouverture et à la fermeture du contact des interrupteurs. M. Jackson a aussi fait référence aux thermostats électroniques, munis de «thermistances», mais n'a pas expliqué davantage leur principe de fonctionnement.

Malgré la quantité considérable d'éléments de preuve produits par le témoin de l'appelant pour éclairer les principes physiques en jeu, ces derniers n'ont suscité aucun litige entre les parties. La question de la nature des marchandises n'a donc pas été débattue. De fait, les parties conviennent que les marchandises en cause sont des thermostats et que ces marchandises sont correctement classées jusqu'au niveau du classement à six chiffres, c'est-à-dire que les marchandises doivent être classées dans la sous-position no 9032.10 à titre de thermostats.

Le litige a porté plus précisément sur le numéro tarifaire. L'appelant a soutenu que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9032.10.10, puisqu'elles sont «[d]es types utilisés avec les marchandises classées dans les nos tarifaires énumérés à l'annexe VI du [Tarif des douanes]». L'intimé a classé les marchandises dans le numéro tarifaire 9032.10.90 à titre d'autres thermostats, ce qui signifie tous ceux qui ne sont pas classés dans le numéro tarifaire 9032.10.10.

Le principe de fonctionnement des thermostats en cause ne prêtant à aucun litige, le Tribunal a invité les parties à limiter leur plaidoirie, au sens qu'il convient de donner à l'expression «Des types utilisés avec les marchandises classées dans les nos tarifaires énumérés à l'annexe VI du [Tarif des douanes]», ce dont elles ont convenu.

Dans sa plaidoirie, le représentant de l'appelant a reconnu, dès au départ, que les marchandises en cause ne sont pas utilisées avec les marchandises classées dans les numéros tarifaires énumérés à l'annexe VI. Il a cependant fait valoir que l'utilisation pratique avec les marchandises dénommées à l'annexe VI n'est pas une condition essentielle et que, utilisés ou non de la sorte, les thermostats en cause sont «[d]es types utilisés avec les marchandises classées dans les nos tarifaires énumérés à l'annexe VI du [Tarif des douanes]».Il a donc soutenu que, dans l'expression en cause, l'accent doit donc être placé sur les mots «[d]es types», alléguant que, si les thermostats en cause sont du type de ceux utilisés avec les marchandises classées dans les numéros tarifaires énumérés à l'annexe VI du Tarif des douanes, ils doivent, par conséquent, être classés comme l'appelant l'a demandé.

À l'appui de sa position, le représentant de l'appelant a invoqué un passage de la décision du Tribunal dans l'affaire Ballarat Corporation Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu nationa l [4] . Cette affaire portait sur des interrupteurs horaires et sur l'interprétation à donner à l'expression «Des types utilisés avec les marchandises classées dans les nos tarifaires énumérés à l'annexe VI du [Tarif des douanes]».Le Tribunal avait alors conclu que les interrupteurs en cause possédaient les «caractéristiques physiques qui les rend[aient] reconnaissables comme étant destinés à une utilisation avec [...] certaines des marchandises classées dans les numéros tarifaires énumérés à l'annexe VI [5] ». Le représentant a souligné que, dans cette affaire, le Tribunal avait conclu qu'il n'était pas nécessaire que les marchandises en cause soient effectivement utilisées avec ces marchandises.

L'avocat de l'intimé a soutenu qu'il faut donner une interprétation différente à l'énoncé susmentionné. Il a souligné que, comme l'appelant l'a reconnu, les marchandises en cause ne sont effectivement utilisées avec aucune des marchandises classées dans les numéros tarifaires énumérés à l'annexe VI. Ce simple fait distingue le présent appel de l'affaire Ballarat. L'avocat a fait valoir que, dans l'affaire Ballarat, il avait été déterminé que les interrupteurs horaires en cause étaient susceptibles d'être utilisés, ou reconnaissables comme étant destinés à l'être, avec plusieurs des marchandises classées dans les numéros tarifaires énumérés à l'annexe VI.

L'avocat de l'intimé a invoqué un autre passage de la décision dans l'affaire Ballarat, où il a été dit que «le Tribunal interprète cette condition d'utilisation comme signifiant que les marchandises doivent être susceptibles d'être utilisées avec ces marchandises ou être reconnaissables comme étant destinées à l'être [6] ». Il a de plus fait observer que l'appelant avait alors identifié plusieurs de ces marchandises et que le Tribunal avait exprimé son accord en déclarant : «Le Tribunal ne doute nullement que les interrupteurs horaires en cause possèdent les caractéristiques physiques qui les rendent reconnaissables comme étant destinés à une utilisation avec ces marchandises [7] ».

L'avocat de l'intimé, dans les présents appels, a de plus invoqué que, dans l'affaire Ballarat, l'intimé avait fait valoir que, pour que les marchandises puissent être considérées «Des types utilisés», il doit y avoir quelque chose d'inhérent à leur conception, à leur construction ou à leur composition qui les rende reconnaissables comme étant destinés exclusivement ou principalement à une utilisation ou à une application particulière. Bien que le Tribunal ait alors rejeté un tel argument, l'avocat a soutenu que, dans les présents appels, les marchandises ne peuvent même pas être utilisées dans leur construction présente avec les marchandises classées dans les numéros tarifaires énumérés à l'annexe VI. L'avocat a donc soutenu que l'appelant ne peut invoquer l'affaire Ballarat, où les interrupteurs horaires, bien que non conçus comme étant destinés exclusivement ou principalement à être utilisés avec des marchandises énumérées à l'annexe VI, étaient cependant susceptibles de l'être.

Les présents appels reposent manifestement sur l'interprétation correcte de l'expression «Des types utilisés avec les marchandises classées dans les nos tarifaires énumérés à l'annexe VI [du Tarif des douanes]».Il ne fait aucun doute que cette expression, et plus précisément l'expression «Des types utilisés», souffre d'une certaine ambiguïté. Les motifs de la décision du Tribunal dans l'affaire Ballarat apportent quelques éclaircissements, le Tribunal semblant avoir alors mis davantage l'accent sur le type de dispositif plutôt que sur son utilisation pratique. Dans cette affaire, le Tribunal a déclaré que les interrupteurs horaires devaient être susceptibles d'être utilisés avec ces marchandises ou être reconnaissables comme étant destinés à l'être, mais qu'il n'était pas nécessaire qu'ils soient effectivement utilisés avec ces marchandises. Par opposition, il est évident que les thermostats en cause sont conçus et configurés spécifiquement pour être utilisés avec un type particulier de poêle à frire électrique. Aucun élément de preuve n'a été soumis pour convaincre le Tribunal que les marchandises, telles qu'importées, étaient susceptibles d'être utilisées avec toute autre marchandise, et donc, à plus forte raison, avec celles dénommées à l'annexe VI.

Le représentant de l'appelant a effectivement fait valoir que l'expression «Des types» se rapporte aux principes de base élémentaires ou fondamentaux du fonctionnement des thermostats. En effet, il a déclaré que les thermostats dont le fonctionnement s'appuie sur l'écart du coefficient de dilatation de deux métaux différents sont tous du même type. Une telle interprétation dépasse très largement les conclusions du Tribunal dans l'affaire Ballarat, où ce dernier a simplement déclaré que, bien qu'il n'était pas nécessaire qu'elles soient effectivement utilisées, les marchandises devaient être susceptibles d'être utilisées, ou être reconnaissables comme étant destinées à l'être, avec des marchandises dénommées à l'annexe VI. L'appelant a reconnu qu'il n'existe aucun élément de preuve à l'effet que les thermostats en cause sont utilisés à une telle fin, ou sont susceptibles de l'être. L'appelant a donc tenté de justifier le classement des marchandises en cause en s'appuyant sur le fait qu'elles ont le même principe de fonctionnement que les thermostats qui sont effectivement utilisés avec les marchandises dénommées à l'annexe VI ou qui sont susceptibles de l'être. De l'avis du Tribunal, une telle interprétation n'est pas conforme à l'esprit du libellé qui se trouve dans le Tarif des douanes. Le Tribunal conclut donc que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9032.10.90.

Par conséquent, les appels sont rejetés.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L'article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur , ajouté par DORS/95-27 , le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d'en découler, décider qu'un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Appel no AP-93-359, le 19 décembre 1995.

5. Ibid. à la p. 4.

6. Ibid.

7. Ibid.


Publication initiale : le 14 mars 1997